Monument de la Renaissance et minarets en Sui
Monument de la Renaissance et minarets en Suisse ou le paradoxe d’une démarche présidentielle.
On ne peut pas aller jusqu’en Suisse mener une croisade contre une votation de citoyens interdisant l’élévation de minarets dans leur pays et en même temps construire et sublimer des statues chez soi, en ce qu’on ne peut pas vouloir une chose et son contraire à la fois. On ne peut pas aller jusqu’en Suisse mener une croisade contre une votation de citoyens interdisant l’élévation de minarets dans leur pays et en même temps construire et sublimer des statues chez soi, en ce qu’on ne peut pas vouloir une chose et son contraire à la fois. A partir du moment où la statue constitue le prototype même de la négation des symboles de l’Islam, déclarer la guerre aux réfractaires de minarets veut dire, aussi, déclarer la guerre aux concepteurs de statues. Réaliser des statues et annoncer une croisade contre ceux qui s’opposent à l’élévation de minarets dans leur pays, revient à développer un manichéisme religieux digne des temps modernes. La statue est historiquement l’antithèse des symboles de l’Islam à travers les minarets. Avant l’avènement de l’Islam, les statues étaient vénérées comme un dieu et l’Islam vint combattre cette forme d’adoration des objets qui explique tout le lien chargé qui existe et existera toujours entre l’Islam et l’idolâtrie ou entre unicité de Dieu et polythéisme. Certaines parties de l’Afrique récemment islamisées, si l’on considère le temps relatif écoulé depuis le IXe siècle, date à laquelle la pratique de la religion avait cours dans ce continent, connaissent des survivances ou formes de cohabitation entre paganisme et Islam au point que certains penseurs on été amenés à parler d’Islam noir ou de syncrétisme religieux ; toutefois, il faut se rendre compte qu’une contradiction fondamentale principielle existe entre Islam et vénération d’objets et de toute autre forme de représentation. Ne devrait-on pas commencer par balayer devant sa porte avant d’aller jusqu’en Suisse pour une croisade contre l’interdiction d’élever des minarets, encore que la Suisse est un peuple de croyants avec 4,26% de musulmans, 42% de catholiques et 33% pour l’Eglise chrétienne réformée alors que le Sénégal compte pour plus de 95% de musulmans.
Le Président Abdoulaye Wade n’a certainement pas mesuré l’ampleur des clameurs et réprobations quasi unanimes sur le projet et la réalisation du surprenant monument ou statue dite de la Renaissance africaine, sans que par ailleurs cette statue ne reflète une quelconque africanité, ni n’ai subi aucune procédure d’appel à concurrence dans la conception et la réalisation dudit projet. Le mémorial Gorée-Almadies, objet d’un concours international aurait suffi pour se souvenir du plus grand événement à travers les siècles qui a marqué de façon indélébile la vie africaine constituée par la traite négrière, étant entendu que jusqu’à nos jours, le continent noir est loin encore de renaître de ses cendres, attesté par le fossé qui s’agrandit de jour en jour entre le vieux continent et le reste du monde. Si un référendum, à l’instar des Suisses, était organisé au Sénégal, 99% seraient contre le projet.
Non seulement, aucune spécificité de la culture négro-africaine n’apparaît, mais, il se trouve surtout que le site choisi sur les hauteurs des collines des mamelles de Ouakam pour édifier le monument occasionne la destruction d’un pan entier de cette œuvre architecturale de Dieu dont la beauté et la créativité à l’image de la femme africaine justifiant l’appellation de mamelles sont sans commune mesure. Tout ce qui est naturel est d’une beauté et d’une spiritualité incommensurables et tout ce qui est représentation humaine n’est que reproduction propagandiste. Le Président Senghor, fort opportunément, avait eu à déclarer les mamelles de Ouakam inaliénables en raison de la beauté et de la spiritualité des lieux en interdisant l’exploitation de carrières au pied des monts pour la production de basalte ou de toute autre forme d’altération du relief aux alentours formalisés zones non aedificandi.
Au-delà même des considérations sémantiques sur l’interprétation des textes de Livres saints, le seul fait que des représentations humaines, dans presque leur nudité, surplombent à des hauteurs inouïes (on se vante même que la statue soit la plus élevée du monde) tous les minarets et dômes du Sénégal est constitutif d’une agression contre tous les croyants du Sénégal plus gravissime que la votation de citoyens helvétiques sur l’interdiction d’érection de minarets dans leur pays. La seule symbolique de la supériorité dimensionnelle du monument par rapport aux minarets de notre capitale, en particuliers à celui de la grande mosquée de Dakar qui, jusque-là, traduisait visuellement la formalisation de la croyance d’un peuple, supprime les signes distinctifs de l’Islam à l’entrée de notre pays. Les monts et collines ou toute élévation naturelle de la terre vers les cieux ont toujours constitué pour toutes les religions révélées des symboles de la divinité et de l’ascension vers notre créateur de sorte que leur sacralisation et conservation dans leur état naturel pur participe à la protection du patrimoine commun matériel et immatériel de l’humanité. Cette attitude d’aliénation des montagnes et collines est assimilable à la destruction même de vestiges historiques.
Ce qui est d’autant plus révoltant, c’est l’empressement par lequel le Président en exercice de l’Oci, suivi de quelques religieux certainement manipulés, entonnent les trompettes pour faire tintamarre contre la votation des helvétiques afin d’apparaître comme des défenseurs de l’Islam, en dépit de cette autre agression plus grave dont eux-mêmes sont les auteurs s’agissant de l’érection d’un monument dit de la Renaissance africaine dans un pays à majorité musulmane. L’activisme débordant et assez singulier de quelques religieux sénégalais pour la défense de l’Islam dans le monde pourrait ne pas souffrir de sincérité, si, outre mesure, la même posture était affichée sur le même registre de protection des valeurs de l’Islam, ne serait-ce que sur le plan du parallélisme des formes.
La Suisse, bien qu’étant influente dans le monde de par son stock de détention d’une partie importante du capital privé international dans ses banques et assurances (1/3 des parts du marché) justifiant son non alignement politique, militaire et/ou religieux, constitue une petite confédération (cinq fois moins grande que le Sénégal) de quelque 7,5 millions d’habitants où le pouvoir est totalement décentralisé et fonctionne suivant le principe de la collégialité avec l’un des niveaux et espérance de vie les plus élevés au monde. Devant certaines menaces, il peut paraître compréhensible, dans un tel pays, d’observer l’existence d’une volonté politique pour toujours permettre de capter le capital financier international, sans que celle-ci n’épouse les contours d’un repli identitaire ou d’un quelconque fondamentalisme. Les obstacles de tous genres, politiques ou religieux sont combattus dans le but de garder la place privilégiée de la Suisse dans l’accumulation internationale du capital. Si bien qu’un phénomène qui s’apparente à un neutralisme religieux à la suite d’un neutralisme politique et militaire est de plus en plus affiché dans la confédération, au vu de la forte concurrence des places financières du Wall Street et de la Place de Londres. C’est ce qui explique, à notre sens, le neutralisme affiché des Suisses devant un certain prosélytisme religieux pour la sauvegarde de privilèges financiers qui ne saurait être confondue avec un quelconque fondamentalisme anti-islamique. Bien entendu, cette préoccupation purement matérialiste bafoue incidemment les symboles de l’Islam, dès lors qu’ils sont considérés comme des obstacles à l’entrée.
L’activisme de certains religieux sénégalais contre la votation sur les minarets qui devrait être d’abord l’affaire des musulmans helvétiques ressemble plus à un tintamarre pour absoudre l’hérésie du monument dit de la Renaissance africaine surplombant tous les minarets du Sénégal sur des sites naturels protégés.
Kadialy GASSAMA - Economiste - Rue Faidherbe X Pierre Verger Rufisque