ne développe pas le Sénégal
Pourquoi la croissance ne développe pas le Sénégal ?
La CNUCED vient de publier un rapport intitulé <>. L’étude constate que malgré une croissance régulière, certains pays continuent leur stagnation ; parmi ceux-ci le Sénégal. Notre pays a connu un cycle sinusoïdale avec une croissance de 2,6% entre (1981-1994), 4,3%(1994-2000), 4,6%(2000-2005), 5,9%(2003-2005) ; et une moyenne de 2,9% entre (2005-2010).
Il faut déjà signaler que même si cette moyenne générale était portée à 5%, il faudrait qu’elle soit constante pendant 30 ans pour doubler notre PIB par habitant et le porter à 1400$ en 2035 et ceci situerait encore le Sénégal parmi les PMA ; car le critère de sortie est de 1500$ par habitant. Alors faut-il désespérer de notre politique économique ?
Le Sénégal malgré ses différentes stratégies de croissance accélérée n’a jamais affiché une ambition pour un taux de croissance qui peut se situer autour de 8% pouvant ainsi nous sortir de l’ornière en 10 ans. Les taux de croissance positifs affichés pendant plus de 30 ans n’ont pas empêché le Sénégal de voir son économie sombrer.
La pauvreté n’a jamais reculé, le système de santé s’est dégradé, le niveau de l’enseignement a baissé, les taux de chômage ont atteint des niveaux records, le déficit énergétique est devenu abyssal et la corruption récurrente. Il faut signaler que tous les fondamentaux de notre tableau de bord sont passés au rouge : déficit de la balance de paiement, explosion de la dette, tassement du PIB, augmentation des déficits budgétaires, une quasi inexistence de l’épargne et j’en passe …le rapport de la CNUCED qualifie de << non durable>> et de << non équitable>> le mode de croissance qu’ont connu les pma et j’y ajoute << non développante>>.
Mais comment se fait-il que la croissance n’a pas apporté le développement aux pays pauvres comme le Sénégal ?
Utilisé aujourd’hui à tout bout de champ par les politiques pour apaiser les craintes de leurs électeurs ou pour donner la preuve de leurs performances économiques, la croissance est un sésame.
La notion de croissance est celle qui exprime aujourd’hui le mieux le triomphalisme de l’économie libérale dominante. Cette position éminente, la croissance l’a acquise dans les premières années de l’après guerre avec le fameux modèle DOMAR(1945). Cette formulation très utilisée par les hommes politiques, est souvent confondue avec deux autres notions : cycle et développement. La première exprime l’idée de retour au stade initial, le second l’idée de dépassement. Leur utilisation, pourtant très technique, vient du fait que l’intérêt général se porte sur le progrès économique et sa mesure.
Le terme de développement échappe aux évaluations globales par ce qu’il n’y a que des mesures partielles (revenu par habitant, PNB …) la classe politique est arrivée à faire croire au citoyen lambda que la croissance signifie le développement .Ainsi, la première notion a pris le pas sur le second .Il faut aussi signaler la diversité des types de croissance .
Tant dans leur nature que dans leur forme. L’expansion qui n’est qu’une phase ascendante du cycle économique est souvent confondue avec la croissance ; or c’est par un faisceau de phénomènes exogènes et plus souvent endogènes que le cycle atteint la crête entrainant une expansion. Ce phénomène par des retournements de conjoncture peuvent refaire tomber le cycle dans le creux entrainant une récession subite non attendue. Il faut faire la différence entre << la croissance idéalisée>> dont on parle toujours et <> qui est une dynamique de déséquilibres sociaux et économiques et qui est le vécu quotidien des individus. Nous remarquons dans nos pays depuis un certain temps un effet expansionniste toujours qualifié de croissance. Mais cette <> est due à la conjonction de plusieurs facteurs.
D’abord la dévaluation du franc CFA qui a entrainé l’augmentation d’une grande partie des exportations dans la production intérieure brut ; ensuite une attraction de capitaux provenant des institutions financières et bancaires sous forme de prêts de remises de dette, sans oublier les nouvelles formes d’outils financiers qui permettent au Sénégal d’avoir accès aux marchés financiers ( bot, emprunt obligataire) etc. Ces capitaux qui n’étaient pas d’origine privé ou local ont une importance relative. Ils permettent à nos pays de <>, et de s’équilibrer financièrement, mais ils ne contribuent pas à une transformation radicale à notre système de production avec tout ce que cela comporte comme conséquences : manque de compétitivité, chômage endémique, vétusté des infrastructures, etc.
D’où le danger pour cet <> qui gonfle les chiffres sans faire bouger le niveau de vie des populations, et qui ne créent qu’une <>. La vraie croissance économique est définie comme une augmentation soutenue pendant une période prolongée de la quantité de biens et de services matériels que produit une économie. Pendant la période ou il est possible de faire des observations quantitatives, la croissance de qualité absolue des biens et services produits doit être associées à l’augmentation du bien être matériel moyen.
L’économiste Simon Kuzents l’a défini comme <> . Le fait de calculer la croissance, en comparant la production totale d’une économie à différentes époques, pose d’énormes problèmes méthodologiques : la mesure la plus connue du produit réel de l’économie est le PNB, qui mesure la quantité totale de biens et services produits dans une économie pendant une période comptable, celle de l’année. On peut le faire aussi par le calcul du taux de variation moyen du PNB réel. Le PNB est certainement l’une des mesures les plus contestées en matière économique, car la quantité du produit mesurée et sa croissance changent avec la base retenue pour évaluer les différents produits. Laissant de côté la dimension sociale et le bien être des hommes, le PNB est n’est ainsi qu’une construction utile, et fort contestable.
Des économistes américains ont essayé de le remplacer par le PQIL (Physical Quality Index of Life ) qui intègre une plus grande réalité sociale ( bien être des hommes, logement , soins médicaux, éducation etc ). Il faut signaler que la mesure de la croissance actuelle laisse de côté en partie la question fondamentale de la production non marchande et qui échappe au secteur étatique dans nos pays et qui est essentielle. On peut citer les biens et services produits au sein de la famille, l’économie sociale etc. Cette mesure de la croissance laisse aussi de côté l’amélioration des conditions de travail, l’augmentation du temps de loisir, les services de santé…
Cette insuffisance méthodologique dans les modes de calcul n’a fait qu’augmenter la confusion. Certes, on ne peut nier que la croissance et le développement sont indispensablement liés. Mais on oublie presque toujours la finalité des deux notions. Il faut cependant que l’on passe de la notion de croissance à celle de développement intégral qui serait autant économique, social que culturel. Il est certain que le développement économique d’un pays ne peut se faire que sous des mécanismes de croissance économique.
Mais pour qu’il y ait développement économique, il faut qu’il y ait croissance prolongée. Une expansion courte et éphémère ne doit pas être confondue avec une croissance. La durée d’un programme ou d’un plan de quatre ou cinq ans peut laisser apparaître une prospérité qui, si elle est mal répartie, ne peut résorber le sous développement et peut même entrainer des déséquilibres.
Une croissance valorisante doit s’accompagner d’une diversification des activités économiques et suppose la création d’infrastructures (routes, barrages, grands projets agricoles) pour viabiliser les investissements directement productifs (les usines ; les exploitations agricoles, les centres commerciaux etc), mais aussi d’une lutte contre la corruption facteur de tous les disfonctionnements et d’un partage équitable des ressources. Ce qui suppose de longs délais de croissance soutenus. Si la croissance à économique se poursuit au rythme de 7 à 8% par an pendant quinze ans dans un pays doté d’un espace économique de grande ou moyenne dimension, elle s’accompagne alors nécessairement d’effets de développement économique.
Des pays comme la Botswana,le cap vert, l’ile Maurice, la Tunisie, le Maroc, la Chine sont des exemples probants. L’obtention d’une croissance durable maîtrisée afin d’éviter une désagrégation sociale est nécessaire. La plupart des pays sous-développés ont des croissances appauvrissantes néo-malthusienne avec des limites écologiques à la croissance économique, ainsi que des distorsions financières.
Ce qui est le cas actuellement du Sénégal ou le gouvernement de l’alternance par son <> dépense de l’argent qu’il n’a pas (dépenses extrabudgétaires, emprunt, don etc..). Elle repose sur le simple fait qu’une amélioration de la capacité de certains produits déjà exportés tend à faire baisser les prix sur les marchés ou qu’une embellie mondiale cache la réalité à un tel point que la croissance devienne factice et dommageable. Ce schéma s’est vérifié dans le cas de plusieurs matières premières. Et l’on a souvent parlé de détérioration des termes de l’échange. Il ne faut pas oublier que nos pays sont fortement dépendants du commerce extérieur avec une demande étrangère pour les biens d’exportation presque inélastique.
Les états sous-développés suivent de manière quasi-absolue les préceptes des avantages comparatifs et favorisent ainsi la croissance appauvrissante. Il faut de ce point de vue une restriction des importations de biens industriels fabriqués sur place pour protéger nos industries et combattre les barrières douanières dressées par les pays développés pour empêcher l’entrée de nos produits dans leur territoire ; et ceci en utilisant les flexibilités prévues par les règle du commerce international .
Les indicateurs de croissance peuvent souvent être de faux indices de bien être et de prospérité issus d’un raisonnement dialectique européen. Calculée dans nos pays à l’aide des statistiques, peu fiables et ne tenant pas compte des réalités sociologiques internes, la notion de croissance a des limites. En outre il faut éviter de leur coller une étiquette politique car les redistributions des produits de la croissance ne sont jamais immédiates. Et les méthodes occultes, utilisées pour doper les chiffres, cachent souvent le poids des sacrifices liées à toute croissance imparfaite, l’endettement, l’inflation, l’urbanisation, les inégalités sociales.
Le gouvernement du Sénégal se doit de réorienter sa politique économique pour inverser la tendance et développer ses capacités productives grâce à une augmentation de l’investissement et de l’innovation, une réforme économique globale et symétrique est une nécessité. Il est quasi indispensable au niveau des institutions internationales d’élaborer une nouvelle génération de mécanismes financiers internationaux et spéciaux adapter à nos urgents besoins ceci pour changer la donne et favoriser une croissance appropriée.
Dans un cadre mondialisé, l’Afrique doit fédérer ses ressources et ses compétences pour faire de notre expansion une croissance durable et équilibrée, seul source de vrai développement.
Ibrahima Sall
Economiste-Président du MODEL
FESMAN III : Diversion programmée
Par le discours qu’ils tiennent, certains intellectuels, y compris ceux à qui il est revenu le choix de la thématique générale du troisième Festival Mondial des Arts Nègres, voudraient faire de ce grand rendez-vous celui de nègres vindicatifs, en constante marche arrière, passéïtes, et qui fantasment sans arrêt sur l’intellectualité des prodromes brandis comme des preuves étendards du plain-pied de l’Homme noir dans l’Histoire. Ces intellectuels invitent plutôt à une posture victimaire à partir de laquelle la complainte et l’auto-flagellation structureraient les propos du FESMAN.
Le ton est donné par la Télévision nationale sénégalaise (Rts1). Depuis quelque temps, ce média d’Etat diffuse le film «Roots» de Alex Haley qui est à la fois d’une violence physique, psychologique et morale insupportable. La diffusion de ce film est inopportune et potentiellement dangereuse dans la mesure où il est suivi par des millions de jeunes qui n’ont aucune clé de compréhension du lien avec la problématique du FESMAN III dans un esprit de projection, de quête et de conquête du futur. Elle est contre-productive parce qu’elle vivifie le traumatisme historique dont les Noirs ont été les victimes ; elle est une incitation à la haine et à la violence. Ce n’est pas comme cela qu’on se donne les moyens d’accomplir du mieux possible son identité. Il faut clairement comprendre que le temps de la responsabilité dans lequel nous sommes est aussi et nécessairement un temps de réflexion qui exclut de son champ les oppositions haineuses.
Pour l’Afrique, plus que n’importe quel autre continent, la Renaissance s’impose comme un nécessaire sursaut d’une conscience collective qui refuse de plier et qui doit résolument aller à la conquête des possibles par des raisonnements, des conceptions scientifiques et philosophiques claires, relevant de méthodes et d'études critiques. Mais aussi par une symbolique et des référentiels de représentations porteuses. De façon bien plus essentielle qu’un simple rappel historique des «pêchés» commis par l’Occident et les colonisateurs, ce sont des choix d’avenir qu’il faut proposer.
«Renaissance» implique l'idée de régénération, de recommencement. Dans le principe, le FESMAN III voudrait nous entraîner dans un mouvement de Renouveau devant toucher l'ensemble des activités humaines et de la pensée, pour atteindre une nouvelle perfection et l'épanouissement plein et entier de l'Homme Africain. Cet exercice disqualifie ceux qui, comme c’est le cas, font dans le raccourci de la réflexion.
Il est aujourd’hui attendu que les intellectuels posent les vrais problèmes du retard de l’Afrique et de son incapacité à se tenir correctement debout. Qu’ils s’adressent à la jeunesse et qu’ils lui fassent comprendre qu’un effondrement de la responsabilité n’est pas heureux de sa part; qu’elle est handicapante du progrès et obstruante de l’avenir.
La Renaissance est d’abord une césure, une rupture avec la dictature, une rupture avec l’oppression des peuples, une rupture avec la mégalomanie, une rupture avec la barbarie. Elle est contradictoire avec l’accaparement du pouvoir et la violation de la Loi Fondamentale. Elle n’intègre pas le complexe de certains dirigeants qui ont plutôt la pensée pour la libération et l’action pour l’aliénation. L’idée même de Renaissance est exactement à l’opposé de tous les éléments qui, aujourd’hui, participent de la construction de la psychologie de nos leaders, politiques notamment. Le débat ne doit pas être déplacé dans un esprit de diversion.
Il faut éviter de marquer le pas, de tomber dans le piège de la réplication et du plagiat historique, car Senghor voulait donner aux Africains les armes miraculeuses pour habiter confortablement l’avenir. Son FESMAN à lui était une boîte à outils d’une extraordinaire contemporanéité, une entreprise prospective.
Renaissance ! l’Afrique en a effectivement soif pour regarder fièrement vers des horizons où les privilèges de position, de puissance financière, de naissance et d’extraction sociale, de titres, de nom, de condition, seraient des critères disqualifiés et bannis. Autrement on aura, du 10 au 31 décembre, dansé comme de bons nègres. Sans plus.
Félix NZALE, Journaliste
Coordonnateur Magazine «Dakar Life»
nzalef@yahoo.fr
Lettre au président du conseil constitutionnel
III- Dérogations au secret médical et levée du secret médical
La Constitution du Sénégal reconnaît à tout citoyen la liberté de pensée, la liberté de conscience et la liberté d’expression. Le Code de déontologie médicale du Sénégal du 10 février 1967 stipule en son article 7 : ’Tout médecin est astreint au secret professionnel, il peut en être délié par la loi’. Cet article est l’équivalent de l’article 4 du Code de déontologie médicale français dont s’est inspiré le Code de déontologie médicale sénégalais.
L’article 363 du Code pénal sénégalais dispose en son alinéa 1er : ’Les médecins, chirurgiens, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession ou par fonctions temporaires ou permanentes, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d’un emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 50 000 à 300 000 francs’. Cet article 363 du Code pénal sénégalais est le pendant de l’article 378 de l’ancien Code pénal français. Dans le nouveau Code pénal français en vigueur depuis le 1er mars 1994, l’article 378 est remplacé par les articles 226-13 qui traitent du secret médical et des sanctions y afférent et 226-14 qui traite des cas où l’article 226-13 n’est pas applicable. Et même la loi Kouchner de mars 2002, dans sa partie traitant du secret médical, tient rigoureusement compte des cas de dérogation expressément prévus par la loi. L’article 49 du Code pénal sénégalais traite, quant à lui, de la non assistance à personne en danger.
Malgré la lourdeur du secret médical et la vétusté du Code de déontologie médicale sénégalais qui date de février 1967, en dépit de toutes les avancées faites en médecine, il existe des dérogations au secret médical. Ces dérogations peuvent être obligatoires ou facultatives. Et parmi les dérogations obligatoires au secret médical, celles qui nous intéressent, ont trait à la personne en état d’invalidité ou la personne qualifiée d’incapable majeur, à la personne en danger du fait de son entourage et la personne qui peut représenter un danger pour les autres. Dans ces cas précis, le médecin est autorisé à lever le secret médical et à saisir les autorités compétentes.
Le cas dont nous devons traiter ici, est un cas très particulier et d’une extrême importance puisqu’il s’agit du cas du président de la République en personne, donc du premier Sénégalais de ce pays. Or dans quelle situation médico-sociale se trouve cet homme-là ? Nous voici en face d’un homme de 84 ans (âge officiel) atteint de plusieurs maladies plus ou moins graves qui ont fini à la longue par affecter très sérieusement non seulement ses capacités physiques et intellectuelles, mais surtout ses facultés mentales au point de rendre le comportement de l’homme très souvent incompréhensible pour le commun des mortels. Mais aussi comportement dangereux pour toute une nation, au vu des pouvoirs très étendus dont l’homme dispose. De plus, cet homme se trouve être pris en otage, surtout du fait de son âge, de la maladie et de son incapacité à réellement se défendre, par un entourage mu par ses seuls intérêts et dont l’attitude est à même de mettre en danger la vie même de cet homme qui n’est autre que le président de la République.
Monsieur le Président, j’aimerais bien que l’on me dise ce que pèserait le secret médical devant tant de périls aussi bien pour l’homme que pour la pérennité de la République.
Conduite à tenir à partir de maintenant concernant le président Abdoulaye Wade
Vu l’état de santé du président Abdoulaye Wade, deux problèmes se posent actuellement sur le plan médical. D’abord, le problème de sa candidature pour un troisième mandat en 2012, ensuite le problème de sa capacité à terminer le mandat en cours.
1/ Candidature de Abdoulaye Wade pour un troisième mandat en 2012
A exclure totalement, parce que tout simplement inimaginable sur le plan médical. Avec tout ce que le peuple sénégalais a déjà constaté ces derniers temps concernant l’état de santé du président de la République, surtout son état de santé mentale, et tout ce que je me suis évertuée à expliquer depuis le début de ma correspondance, sans pour autant lever le secret médical, il est tout à fait hors de question de laisser le président Abdoulaye Wade solliciter un autre mandat auprès du peuple sénégalais. Je dirais même que s’il s’agissait d’un tout premier mandat, vu son âge et son état de santé, il serait hors de question de le déclarer apte à se présenter, à plus forte raison maintenant lorsqu’il s’agit du troisième mandat d’un octogénaire devenu complètement inapte.
Je réaffirme encore solennellement ici qu’en 2012, le président Abdoulaye Wade sera alors médicalement dans l’incapacité totale à assumer la charge de président de la République. Pour le corps médical auquel j’appartiens, nous sommes complètement époustouflés de voir, je ne dirais même pas des analphabètes, mais des intellectuels dont certains supposés être d’un ’très haut niveau’, oser se pointer tranquillement devant le peuple sénégalais ou voyager à travers le monde pour parler de la candidature et de la réélection de Wade en 2012. On se croirait vraiment en plein délire schizophrénique. Je crois qu’il est temps que les gens deviennent sérieux et réalistes, mais surtout qu’ils comprennent que, dans le cas d’espèce, il ne s’agit pas d’un jeu, mais qu’il est question d’un être humain capable de sentiments, d’un vieil homme malade avec plus de faiblesses que de force et qui a plus besoin de compassion et de protection que de discours menteurs et d’applaudissements inutiles.
Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, sachez dès à présent qu’en ce qui concerne le corps médical, aucun médecin digne de ce nom n’acceptera de se prononcer en faveur de la candidature de Abdoulaye Wade pour 2012, parce que comme on dit : ‘Nous savons tout, mais nous ne disons rien’. Cependant au rythme où vont les choses, bientôt nous risquons de tout dire.
2/ Capacité de Abdoulaye Wade à terminer le mandat en cours
Pour les membres du corps médical, la candidature de Wade pour 2012 est un problème dépassé dont nous ne voulons même plus entendre parler. Pour nous, le vrai problème qui nous intéresse, et qui à la limite même soulève de sérieuses inquiétudes, est de savoir si le président de la République est à même de pouvoir terminer le mandat en cours jusqu’en 2012, au vu de son état de santé physique, mais surtout mentale qui se dégrade de jour en jour.
Monsieur le Président, ceci est une des raisons principales qui m’ont fait vous adresser cette lettre. Habituée à être en contact avec des personnes présentant les mêmes maladies que le président de la République, l’évolution de ces maladies n’a plus beaucoup de secrets pour moi aujourd’hui. Et comme j’ai déjà eu à le dire, voilà des années que je suis indirectement et de loin l’évolution de l’état de santé du président Wade. Or ce que j’ai observé ces derniers temps concernant l’évolution de son état de santé commence à soulever chez moi de sérieuses inquiétudes quant à la poursuite de cette évolution qui semble présenter les signes d’un début de décompensation. Et si le président de la République commence à présenter des signes de décompensation, surtout sur le plan mental, il est alors certain qu’il lui sera extrêmement difficile, voire même impossible, de terminer normalement son mandat en cours au vu des lourdes responsabilités inhérentes à sa charge.
Dans la situation de crise, à tous les niveaux, qui est sienne, le Sénégal ne peut se permettre le luxe d’avoir à sa tête un homme qui n’est plus en possession de toutes ses capacités physiques, à plus forte raison mentales. Les plus grands reproches que l’on pourrait faire au peuple sénégalais sont d’aimer les solutions de facilité, de toujours prendre les choses à la légère et de ne jamais savoir anticiper sur les événements. Or dans le cas présent, le problème de l’état de santé du président de la République est un problème beaucoup trop sérieux pour être mis sous le coude ou évacué à la légère, parce qu’il engage non seulement la vie de 14 millions de Sénégalais, mais aussi l’avenir des générations futures auquel nous nous devons de penser.
Il appartient donc maintenant à chacun d’entre nous de savoir prendre ses responsabilités envers le peuple, mais surtout envers l’Histoire.
Refus de toute forme d’utilisation politique de ce problème médical
Monsieur le Président, les médecins sénégalais, comme tous les médecins de par le monde, sont très souvent confrontés à des situations pareilles à celle du président Abdoulaye Wade, ici même au Sénégal. Mais dans ces cas-là, il ne s’agit pas du chef de l’Etat, mais de simples individus comme on en voit tous les jours. Et pour ces gens-là, après diagnostic et avis médical, la résolution du cas ne pose pas souvent de problème, surtout dans nos familles africaines où tout se règle à l’amiable, le plus souvent en conseil de famille. C’est ce conseil de famille qui décide ainsi de la mise sous tutelle de l’intéressé et de la personne qui est alors chargée d’assurer cette tutelle. Il est assez rare même que des tiraillements familiaux amènent certains membres de la famille à saisir la justice pour la résolution définitive du problème.
S’il s’agissait ici du cas Abdoulaye Wade, simple individu, son cas aurait pu être tranquillement réglé au Point E par les membres de sa famille, dans la discrétion la plus totale, parce que seuls les membres de sa famille auraient été concernés. Mais malheureusement pour lui, Abdoulaye Wade n’est pas n’importe qui. Il est le président de la République du Sénégal, chef de l’Etat, gardien de la Constitution, premier magistrat du pays, chef suprême des forces armées et première institution de ce pays. Donc tout ce qui a trait à lui et particulièrement son état de santé et son avenir politique concerne au plus haut point la nation toute entière.
Cependant, malgré toutes les prérogatives qui sont les siennes, le président de la République n’est ni un dieu, ni un prophète, ni même un saint, il est un simple être humain fait de chair et de sang et soumis aux aléas de la maladie comme tout un chacun. Et c’est là où le médecin se doit d’intervenir en prenant toutes ses responsabilités et en jouant pleinement son rôle comme le Code de déontologie médicale et la loi l’y autorisent.
Le problème du président Abdoulaye Wade est avant tout un problème médical, c’est la raison pour laquelle nous ne saurions en aucun cas accepter qu’une quelconque utilisation politique soit faite de son état de santé. Et nous entendons nous opposer avec la dernière énergie à toute forme d’utilisation qui pourrait en être faite dans ce sens, et par qui que ce soit d’ailleurs. Dans le cas présent, force restera à la médecine et à la loi. Il n’y a aucune raison à ce que des médecins puissent régler des problèmes de ce genre à longueur d’années, et qu’aujourd’hui, pour des raisons de politique politicienne ou d’intérêts personnels malsains, ces mêmes médecins puissent être soumis à des pressions extérieures qui auraient pour but de chercher à peser sur leur conscience ou à entraver la marche de leur travail. S’il advenait que de tels actes se produisent, nous n’hésiterons pas un seul instant à dénoncer ouvertement les auteurs de pareilles forfaitures et à porter leurs noms à la connaissance du peuple sénégalais.
Les seuls problèmes qui nous intéressent ici sont l’état de santé du président de la République et la pérennité de la République.
Conclusion
Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, avec l’état de santé du président de la République, le Sénégal se trouve aujourd’hui confronté à une situation inédite de toute son histoire, mais il n’existe pas de problème sans solution. Le tout réside dans le degré d’intelligence et de bonne volonté dont nous saurons faire preuve. Pour cela, il faudra que chacun d’entre nous accepte d’accomplir avec une totale honnêteté et une absolue abnégation la mission qui lui revient. Ceci suppose savoir taire nos intérêts personnels égoïstes au profit de l’intérêt supérieur de la nation et des générations à venir. Il appartiendra au peuple sénégalais de savoir faire face à l’adversité avec hauteur, dans le calme et la dignité, comme nous avons toujours su le faire par ailleurs, en sachant que le monde entier aura les yeux fixés sur nous.
En ce qui me concerne, après des années de silence, j’ai décidé aujourd’hui d’assumer mes responsabilités pleines et entières comme le Code de déontologie médicale et la loi m’y autorisent. A travers une correspondance que j’ai voulue détaillée, sans pour autant lever le secret médical, je pense vous avoir fait saisir la gravité de la situation à laquelle nous sommes confrontés, mais aussi l’urgence qui nous est faite d’y apporter une solution dans un délai des plus courts. J’entends d’ailleurs porter cette correspondance à la connaissance de tout le peuple sénégalais parce qu’il est le premier concerné.
Monsieur le Président, j’aimerais que vous compreniez que cette lettre ne vous est pas adressée par une personne qui pourrait avoir une quelconque motivation politique ou personnelle. Cette lettre vous est adressée par une citoyenne, un médecin qui a été longtemps très proche du président de la République, qui a eu à suivre, même si c’est de loin et indirectement, l’évolution de l’état de santé de ce dernier et qui juge aujourd’hui, en âme et conscience, que cet état de santé a atteint un point tel qu’il urge maintenant que chacun prenne les responsabilités qui lui sont assignées et par Dieu et par ses fonctions.
J’aimerais aussi que vous sachiez qu’au-delà d’un certain délai (un mois au maximum), sans aucune réponse de votre part à ma correspondance, je me verrai alors dans l’obligation de lever le secret médical couvrant cette affaire et d’expliciter de la façon la plus exhaustive les différentes maladies décrites plus haut sous les signes A, B, C et D.
Il me serait d’ailleurs impossible d’agir autrement parce qu’il s’agit ici d’une affaire d’une extrême gravité ayant trait à une personne âgée, à la santé précaire, qui se trouve prise en otage par un entourage sans aucun scrupule et dont l’attitude même pourrait mettre en danger la vie de l’intéressé. Ne pas agir ne pourrait être qualifié autrement que de non assistance à personne en danger, surtout lorsqu’il s’agit du président de la République, donc la première institution du pays. Sans oublier maintenant l’avenir de toute une nation.
Dans l’espoir d’avoir sous peu des nouvelles favorables, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’expression de toute ma considération. (Fin)
Dakar, le jeudi 28 octobre 2010 Docteur Mame Marie FAYE Médecin Ophtalmologiste Imble. N° 30 Scat Urbam Dakar. Rep. du Sénégal