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MAJORITE ET OPPOSITION : Méditez la leçon magistrale du président Lamine Guèye
A l’occasion de la célébration du 42e anniversaire du rappel à Dieu du président Lamine Guèye, ce 10 juin 2010, nous ne pouvons manquer de revisiter l’histoire politique de notre cher pays pour nous glorifier, entre autres qualités et vertus, du patriotisme ardent de cet Homme à l’allure majestueuse qui affirmait avec passion, sincérité et conviction : « J’aime mon pays d’un amour qui arrache les larmes ».
La personnalité d’El hadji Lamine étant multidimensionnelle, peut-on réellement se souvenir d’une telle figure emblématique sans magnifier son éducation islamique, son érudition coranique, sa vaste culture, son élégance raffinée, son franc-parler naturel, sa vision éclairée, sa grande stature d’homme d’Etat, sa générosité débordante pour avoir permis à de nombreux fils de ce pays d’être formés dans les grandes Ecoles et Universités d’Europe ?
En retraçant le parcours politique exemplaire de cet illustre Sénégalais qui, dans un remarquable esprit de dépassement, a su conjuguer ses ambitions, réussites et échecs avec ceux du poète-président, Léopold Sédar Senghor, pour sceller une entente cordiale et jeter les bases du nouvel Etat-Nation, fraîchement affranchi du joug colonial, on ne peut que lui vouer une considération inestimable et un respect éternel.
Dans une mise en garde d’une brûlante actualité, il interpella, avec une clairvoyance rarissime et une sagesse légendaire, les différentes composantes de la classe politique en ces termes chargés de prémonition : « On peut différer d’avis sur l’étendue des droits conférés aux citoyens d’un pays, de contrôler l’action de ses élus et de son Gouvernement, manifester leur accord ou leur désaccord, proposer d’autres méthodes ou orientations dans la conduite des affaires publiques, etc.
L’essentiel est que, dans l’Opposition, le souci de l’objectivité l’emporte sur le parti pris et le dénigrement systématique. S’il en est autrement, la masse des citoyens, au lieu d’obtenir les éclaircissements qui lui sont dus sur la conduite des affaires publiques, risque finalement d’être déroutée à force d’entendre dire et répéter que les tenants du pouvoir ne songent qu’à s’y accrocher par tous les moyens pour les profits personnels et les honneurs qui en découlent.
Du coté de la Majorité, on n’est pas plus fondé à considérer que l’opposition ne se recrute que parmi les aigris et les agitateurs professionnels sans aucune audience dans le pays et que ses intérêts les laissent totalement indifférents.
Raisonner ainsi, c’est tourner le dos à la vérité, perdre de vue qu’en toutes choses l’excès est nuisible, que plus on croit avoir raison, plus on a le devoir de s’exprimer en termes mesurés.
Nos responsabilités exigent plus impérieusement que jamais le contact et le dialogue avec tous ceux qui, par leur expérience, leurs conseils et même leurs critiques formulées de bonne foi, peuvent apporter une contribution utile à la solution de nos divers problèmes.
Une collectivité humaine, c’est tout à la fois ceux qui voient clair et en donnent la preuve par leur comportement et ceux qu’il faut convaincre sans les humilier ou les pousser à des positions extrêmes par des intempérances de langage.
Si, compte tenu de tous ces impératifs, nous savons nous prendre tels que nous sommes, avec nos qualités et nos défauts, en ayant constamment à l’esprit que le patriotisme et la loyauté ne sont le monopole d’aucun individu, d’aucune fraction du peuple, nous n’en serons que mieux outillés pour l’édification de notre nation et l’unité africaine ».
Cette leçon magistrale de Maître Lamine, tirée de son bel ouvrage : « itinéraire africain », doit être profondément méditée pour permettre de jeter les bases d’une nouvelle orientation de la classe politique, toutes obédiences confondues, et poser les jalons d’une coexistence pacifique, adaptée à nos valeurs propres de civilisation.
Certes, le Sénégal a toujours connu un bouillonnement politique sulfureux et une effervescence électorale faite d’invectives et de menaces verbales de toutes sortes, mais les différents adversaires ont toujours sauvegardé l’essentiel : le sens de la responsabilité et de la mesure, sous-tendu par l’amour de la Patrie.
En effet, au plus fort de leurs adversités et de leurs querelles légitimes, rien que pour diriger ce pays, Lamine et Senghor n’ont jamais osé franchir le Rubicon, en violant les règles du jeu politique. Les nombreuses concessions qu’ils se sont faites leur ont permis d’aboutir, dans une cohabitation digne d’éloges, à un compromis dynamique et au partage équitable des responsabilités nationales, ce qui leur a donné la possibilité de jouer leurs si belles partitions.
Leur emboîtant le pas, les présidents Diouf et Wade nous ont donné, eux aussi, une belle leçon de comportement patriotique qui nous a valu l’alternance historique de l’an 2000, chantée et magnifiée partout en Afrique et dans le Monde.
De nos jours, l’atmosphère politique que nous connaissons est très viciée, délétère même. Il ne faut pas se voiler la face !
Pourtant le Sénégal n’a pas besoin de la politique de la terre brûlée. La surenchère verbale ne fait que rendre exécrables des relations naguère bâties sur le respect mutuel et la considération réciproque. Il ne faut pas perdre de vue que nous appartenons à une civilisation de l’oralité. La parole étant au début et à la fin de tout dialogue, il faut savoir se parler avec respect car la blessure verbale est plus difficile à guérir que celle du corps.
Un homme politique doit se départir de la passion, de la jalousie, de la calomnie et de la haine qui rendent sourd et aveugle. Il faut donc arrêter de développer la diabolisation du régime en place et la victimisation du peuple qu’on invite régulièrement à descendre dans la rue et à mettre le feu partout. Mais en vain. Trêve d’inepties et d’incitations à la révolte !
Il faut cesser de demander le départ d’un président élu démocratiquement. Il faut s’abstenir de dire des choses inacceptables, incongrues et renversantes.
Ceux de l’opposition qui prédisent, chaque jour que Dieu fait, des lendemains de catastrophe, doivent définitivement déchanter. Peuvent-ils enfin comprendre que le Sénégal, le seul pays de la région à être épargné par le Syndrome des coups d’Etat, bénéficie depuis l’aube des temps de la protection divine ?
Un système démocratique ne vaut que par ce que valent ses acteurs politiques. Aussi la Majorité et l’opposition, au lieu de se regarder en chiens de faïence, doivent-elles accepter de se parler très franchement en renouant le fil du Dialogue, dans une coexistence pacifique, empreinte de respect mutuel et de considération réciproque.
L’introspection s’offre toujours comme un levier qui grandit l’Etre humain et le rend meilleur. C’est pourquoi l’homme politique a l’obligation de se regarder chaque jour dans le miroir de sa conscience, pour mieux veiller à soigner davantage son image d’homme responsable. En effet, c’est dans leur façon de penser, de parler, d’agir et de vivre que les élites politiques se distinguent netNos diversités ethniques, linguistiques, politiques culturelles et religieuses sont des sources de différences qui peuvent certes nous amener à nous opposer circonstanciellement, mais au lieu de nous diviser, elles nous condamnent éternellement à nous aimer, nous respecter, nous entraider et nous soutenir, mutuellement, quand les événements et les circonstances l’imposent.
On ne peut pas se targuer d’être démocrate et utiliser l’arme de la vilipende et de la calomnie.
Taisons donc nos querelles politiciennes et évitons de fixer le débat au niveau des hommes. Cessons aussi de nous diaboliser mutuellement, de nous caricaturer méchamment, de nous dénigrer honteusement. Essayons de nous retrouver autour de l’essentiel dans la richesse de notre diversité et, comme dit le poète dans un commun vouloir de vie commune, pour permettre à notre cher pays de consolider sa belle place, tant enviée dans le concert des nations. A y regarder de très près, nous n’avons plus le droit de disperser nos énergies dans les querelles de clocher, ni de nous éterniser sur des formalismes de mauvais aloi. Cela ne fait que retarder la marche de notre pays vers le progrès et le développement, en d’autres termes, la conduite des affaires de ce pays exige la mobilisation de toutes les compétences, la synergie des idées, des intelligences, des efforts et des actions, tant dans le camp de la majorité que celui de l’opposition - d’où la nécessité pour les deux entités d’asseoir un dialogue politique serein et permanent. Cependant, il faut être deux pour se parler.
Si la Majorité tend la main à la Minorité et l’invite au dialogue, cette dernière doit éviter la politique de la chaise vide, car sans une opposition responsable pour dire haut et fort, mais dans le respect strict des règles du jeu, ce qui ne va pas et apporter une tonalité vivifiante, il n’y aura point de progrès.
Mais, pour arriver à cette fin, il leur faut tous avoir un esprit de dépassement permanent, doublé d’une volonté rompue à toute épreuve.
Cependant, la réussite d’une telle mission requiert forcément à tous les niveaux de responsabilité une reconversion des mentalités et un réel changement de comportement.
Enfin, pour terminer, on doit à la vérité de dire que Monsieur le Président de la République n’a jamais fermé la porte du dialogue à l’opposition.
La critique est trop facile. Si le chef de l’Etat n’a cessé d’inviter l’opposition à prendre part à la Gouvernance de ce pays, c’est parce que lui-même, en tant qu’opposant et homme fidèle à ses convictions, avait bien donné le ton. N’avait-il pas fait montre d’un patriotisme sans égal, en acceptant de gaîté de cœur d’entrer dans le Gouvernement de Diouf à deux reprises, rien que pour servir son pays avec compétence et abnégation ?
Son esprit associatif étant la marque des Grands Hommes d’Etat, il a très tôt compris que la force et la vitalité d’une Nation ont toujours reposé sur la concertation et le dialogue permanent, et non sur le chantage, la calomnie et l’adversité aveugle.
Les nombreux appels qu’il n’a cessé de lancer, depuis plusieurs années, à la classe politique et même aux Sénégalais de tous bords, participent de sa volonté farouche et constante d’associer ses compatriotes à l’œuvre grandiose de construction nationale, pour gagner le pari du développement durable.
Fort de tout cela, nous pouvons affirmer sans ambages que les générations présentes et futures ne manquent pas de références, encore moins de modèles, car à l’heure de la parité, ce pays qui n’a jamais capitulé, a toujours produit des fils et filles pétris de qualités et dignes d’admiration. Des Sénégalais émérites, qui ont vaillamment aidé à son émancipation, participé à sa construction et contribué à en faire un Etat indivisible, une République forte, une patrie digne, une nation unie, un peuple exemplaire, un pays respecté.
Dans le même sillage donc, les leaders politiques actuels qui ont hérité de ce sacerdoce ont l’obligation de se retrouver sans arrière-pensées, ni préjugés, pour réaliser l’Union sacrée et asseoir, dans une diversité naturelle et dans un climat apaisé, une véritable fraternité. Une fraternité agissante et positive, sous-tendue par le respect de soi-même et de l’autre, le don de soi, l’esprit de sacrifice et le désintéressement total.
A voir les Sénégalais, toutes tendances confondues, se retrouver main dans la main dans des événements douloureux, on se rend visiblement compte que ce qui les unit est plus fort que ce qui les divise.
Nous vivons une époque faite d’incertitudes et de crises multiformes. C’est pourquoi, au-delà de la classe politique, il est plus que jamais urgent que tous les Sénégalais méditent profondément les sages paroles du président Lamine, se surpassent, s’imprègnent des enjeux et défis qui les interpellent sur la voie du développement et se donnent la main pour travailler à l’avènement d’un Sénégal émergent, d’une Afrique unie et solidaire.
BOUBACAR NGUIRA THIOUNE
Secrétaire général de l’Union pour le développement et la paix
« Jamm ak xeewël »
email :bouba2800@yahoo.fr