Calque et décalques
Sunugal
Amadou Gueye NGOM Lundi 11 Jan 2010
Quelques semaines de vacances au pays auront suffi à me convaincre du délabrement de notre corps social atteint de plusieurs maladies débilitantes dont les plus sévères sont la mauvaise foi, la résignation et le délabrement des consciences Oui, avec le recul, j’ai le sentiment pénible d’avoir séjourné en zone endémique.
Comment ce beau et si fragile pays qui est le mien en est-il arrivé là ?
Tout semble être parti d’un grand dépit amoureux; désillusion qui transforme le disciple en mécréant un patriote en anarchiste, le nationaliste en renégat.
Le second diagnostic révèle, que par une sorte strabisme cérébral tout ce qui se percevait, naguère comme valeur sociale, apparaît comme de la pacotille négociable à l’ aune de l’opportunisme le plus abject.
La devise nationale, “Un Peuple, un But, Une Foi” , levain idéologique pour l’action, semble avoir été inspirée par une nation autre que la mienne, tant elle sonne vide de substance.
Un peuple, certes,…
un but, lequel ?
Une foi ? Plusieurs, à vrai dire, dans ce paysage indéfinissable de massifs religieux et d’enchevêtrements laïcs.
Le peuple livré à lui-même s’accroche à ses moyens de survie que lui assure le laxisme cynique des pouvoirs publics. Des municipalités devenues d’affaires monnayent des bouts de trottoirs servant d’étals, d’ateliers en tous genres, de restaurants furtifs. Chacun essaye de tenir bon, aussi longtemps que l’Etat ne lui met pas les bâtons dans les roues de ses mécanismes de survie. Chacun poursuit son but au détriment de celui des autres. Bref, On vit comme on peut.
De cet énorme désordre, organisé par l’instinct de conservation, tout paraît contribuer à convaincre de ne plus espérer grand-chose du navire Sunugal si sévèrement fissuré qu’il prend eau de toutes parts. Le plus inquiétant est que tout porte à croire que non seulement la vérité ne vient plus de là où on l’attend mais que le comportement des leaders civils comme religieux incite au doute voire au reniement. Le mercenariat ne se recrute plus dans le maquis mais dans les salons et casinos.
Signe des temps, une nouvelle expression fleurit sur presque toutes les lèvres: “Sénégalais gëmëltul dara”-le Sénégalais ne croit plus en rien. Dire et se dédire ne sont plus le fait des gredins ou des scélérats mais des leaders que le peuple a la mauvaise fortune de subir. Finalement ,tout le monde est désabusé et attend on ne sait quelle délivrance, fut-elle morbide. On cherche même à anticiper cette délivrance. Ironie du sort, le nombre des lieux de semble être directement proportionnel à l’état de pourrissement des vertus.
Un animateur religieux rapportait, l’autre jour, l’anecdote de l’affamé aux trois dates et qui, après en avoir jeté deux contenant des vers, avala la troisième, sans chercher à savoir ce qu‘elle contenait.
L’ancien gibier électoral sur lequel les politiciens cartonnaient à coups de promesses ne se laisse plus abattre à moins d’une bonne décharge de céréales pour les moins exigeants et d’un ou plusieurs billets à la Mecque, d‘un terrain à usage d‘ habitation. Les grosses cylindrées font désormais partie des échanges de bons procédés. Le fauteuil inamovible de PCA constitue également une pièce importante de l’arsenal.
La religion endimanchée dans des attributs folkloriques puis inscrite aux droits d’auteurs est devenue une affaire de gros malins et de super dupes.
Amadou Gueye Ngom
Critique social
PS
Le jour du Jugement dernier des cris se feront entendre là où l’on s’ attendra le moins -Oustaz Sérère-