Le véritable chantier de la reconstruction na
Dire ou écrire que la situation actuelle du Sénégal n’est pas reluisante est une lapalissade. Ce constat générique et général n’est pas une vue de l’esprit. C’est une dure réalité vécue par les populations prises entre inondation, coupure d’électricité, inflation galopante, baisse du pouvoir d’achat, chômage endémique, précarité, etc. Mais, le plus dur n’est pas le constat de l’échec des presque dix ans de régime Sopi. La difficulté majeure est dans l’absence de perspectives claires à court, moyen et long terme. Une situation d’angoisse quasi-généralisée habite les cœurs de l’essentiel de Sénégalais. Cette situation désarmante, nous la lisons tous les jours dans le regard des personnes que nous croisons au boulot, dans les quartiers, dans les marchés, dans la rue. Les gens majoritairement ne sont pas heureux. Ils sont révoltés face à la quasi-démission d’un Etat qui montre au grand jour son incapacité à faire face à des problèmes basiques de fourniture d’électricité et d’évacuation d’eaux de pluie souvent stagnantes depuis cinq ans. Ce n’est plus une question de volonté. S’il est proche de la notion d’incapacité, c’est plus grave encore.
Les Sénégalais ne demandent ni le luxe d’un grand théâtre ni la contemplation de la statue de la renaissance africaine. Ces deux projets culturels, quoique grandioses, paraissent décalés dans un pays en crise de survie. Le peuple réclame d’abord la satisfaction des besoins primaires que sont : Manger, dormir en paix, se vêtir, se soigner, étudier, travailler. Loin de nous l’intention de reléguer au second plan les autres besoins humains qu’un Etat responsable ne saurait occulter. Seulement, le bon sens recommande, dans le choix de résolution des problèmes, que le vital passe avant tout. Aucune logique économique ne dira le contraire. Il est inadmissible qu’une priorité absolue ne soit pas accordée aux questions de survie dans cette République ! Face à la crise, les populations ont l’impression que l’Etat semble être en déconnexion stratégique parce que préoccupé par des priorités de simple prestige et de garde d’un pouvoir par un élargissement de sa base institutionnelle. La base populaire qui faisait la force de l’alternance en 2000, s’étant dérobée au fil des mois sous ses pieds du fait de choix désastreux en déphasage avec les préoccupations réelles des populations.
En vérité, les populations qui pataugent dans les ruelles de Ganaw Rail, n’auraient certainement pas voté oui à l’institution d’un Conseil économique et social et d’un Sénat dans le contexte actuel. Elles n’auraient pas voulu coûte que coûte que soit décrété un Fesman 3 dont l’improvisation se mesure à l’aune des reports qui, sans doute, pourraient continuer de plus belle. Elles n’auraient pas privilégié (ces populations) la construction d’un grand théâtre à un jet de pierre de la gare et du port, alors que Sorano a du mal à faire le plein, alors encore que le marchand ambulant joue tous les jours à cache-cache avec la police, faute d’espace pour simplement vendre les 10 000 F de marchandises qui sont sur ses frêles épaules. Elles n’auraient (ces populations) pas voulu tout de suite d’une statue de la renaissance africaine dont la rentabilité économique future n’est pas si convaincante et mécanique que cela s’est dit récemment. Elles n’auraient pas (ces populations sans salaires) choisi de creuser un peu plus la faille qui crée la ligne de démarcation entre une élite habituée des fromages et les populations vivant le seul luxe des ‘trois normaux’ en attendant d’emprunter les pirogues dangereuses vers les côtes espagnoles.
En vérité, l’Etat a fait beaucoup de mauvais choix ‘genre charrue avant les bœufs’ parce qu’il n’a pas tenu compte du bon sens basique qui fait que le plus grand médecin au monde ne peut pas soigner un malade, s’il ne tient pas compte de l’endroit au niveau duquel le malade prétend avoir mal. Les populations semblent être considérées comme de simples électeurs qui, à travers le vote, donnent un blanc-seing aux hommes politiques qui pensent avoir la liberté de décréter l’endroit à soigner sans l’avis du malade. Cette forme de paternalisme très éloignée des normes de progrès, puise ses racines dans une forme de suffisance intellectuelle ou intellectualiste qui oublie que la plus saine des intelligences est celle qui écoute pour ‘plagier positivement’ à partir des intelligences collectives semées en tout individu. L’élite politique actuellement au pouvoir ne semble pas avoir cette humilité et cet amour assez vaste et nécessaire à l’écoute sincère des populations. Elle ne semble pas (cette élite au pouvoir) avoir la liberté nécessaire pour une influence positive des décisions d’un chef qui, après tout, est un collègue en construction de la République investi d’un pouvoir d’exception temporel dans le sens non éternel du terme.
Il n’est pas bien pour une république de voir, en chaque esprit libre, un ennemi sans lire la fonction d’alerte dans l’avis de ces dignes fils de la nation qui préfèrent le peuple aux sinécures. Entendre dire que le pays va mal et démonter les abus de toutes sortes est une démarche salutaire pour tout décideur sincère habité par la volonté de bâtir une nation sans calcul électoraliste. Un chef d’Etat peut être à la fois la personne la plus et la moins renseignée d’un pays. Tout dépend du type de renseignement et des filtres installés par ceux-là mêmes prompts à dire qu’il fait beau temps dans la tempête. Il ne fait pas beau temps dans les cœurs au Sénégal et les Sénégalais souffrent et souffrent vraiment.
Le problème du Sénégal d’aujourd’hui va au-delà de la souffrance qui est un état présent. Le pire dans ce pays est qu’il n’y a pas de réponse présente à la question de savoir comment trouver une solution aux difficultés, comment redonner un espoir capable de remobiliser les énergies, comment restaurer la confiance des populations en l’élite dirigeante. Voilà le véritable chapelet de questions du vaste chantier de la reconstruction nationale. Nous avons besoin de mobiliser les énergies dans la confiance pour développer ce pays. Mais peut-on mobiliser un peuple vers le développement si la confiance quasi-collective aux dirigeants est en désertion ? C’est la question focale. Je crois sincèrement que personne dans l’attelage actuel du Sopi ne pourra fédérer les énergies sénégalaises vers le développement. Ils ont fini et bien fini de casser le contrat de confiance entre eux d’abord et avec les populations sénégalaises ensuite.Le savent-ils. Le sait-il ?
Mamadou NDIONE Mandione15@gmail.com