La nouvelle indépendance du Sénégal
FERMETURE DES BASES FRANÇAISES : La nouvelle indépendance du Sénégal
En décrétant, dans son discours du 3 avril 2010, la fermeture immédiate des bases militaires françaises, le président Abdoulaye Wade a non seulement posé un vrai acte de souveraineté, mais il a, de facto, parachevé l’indépendance politique du Sénégal qui pouvait paraître incomplète tant que le pays accueillerait sur son sol un important contingent d’une armée étrangère. Comme si celle-ci servait de bouclier en dernier ressort contre toute menace extérieure.
Certes la France a opté, après mûre réflexion, de réinventer son dispositif militaire à l’étranger, pour l’adapter au nouvel environnement géostratégique mondial et mieux se coordonner avec ses partenaires de l’Union européenne. Maintenir des forces en grand nombre sur le sol africain était devenu plus un symbole d’un néo-colonialisme débridé qu’une exigence dictée par la situation sur le continent. Et, en cinquante ans, la présence des bases françaises a été jugée, parfois à juste raison, comme une protection accordée, de manière implicite, au régime en place qui pouvait servir les intérêts français mais pas toujours du peuple souverain.
Les rumeurs de coups d’Etat montés, un peu partout en Afrique, avec l’encadrement des « conseillers » militaires français, font ainsi légion, tout comme les coups de force avortés du fait de l’intervention de l’Armée française, y compris à travers le renseignement facilité par la présence des agents français dans tous les corps d’armée.
Occupant de larges surfaces de terrain et donnant du travail à un grand nombre d’employés locaux, les bases militaires se sont en outre révélées comme un quasi-Etat dans l’Etat, étant gérées en toute autonomie par la puissance française.
Cinquante ans après l’indépendance acquise en 1960, cette situation était devenue clairement intenable. Et, même si la France avait préféré poursuivre le déploiement de ses bases, il revenait aux Etats africains de lui suggérer une refonte de leurs relations militaires avec l’ancienne puissance coloniale. Ceci d’autant plus que l’Union africaine et les ensembles sous-régionaux (comme la Cedeao) ont fermement pris en main la gestion de la sécurité sur le continent. Toute force étrangère au continent ne devrait ainsi intervenir qu’en appoint et sur demande expresse des autorités régionales et continentales.
Ce réarrangement du dispositif sécuritaire en Afrique n’est en rien incompatible avec la présence, à certains endroits et pour une période déterminée, de forces légères étrangères, s’il s’avère qu’une menace réelle pèse à court et moyen termes sur leurs intérêts dans la sous-région concernée.
Les Etats Unis, en lutte avec le terrorisme international, devraient ainsi pouvoir déployer, pour quelques années et selon des termes discutés clairement avec les pays et les Communautés régionales concernées, des unités militaires dans quelques zones du continent, tout comme la France envisage de le faire dans le cadre de la sauvegarde de ses lourds investissements économiques en Afrique.
En définitive, la démarche du président Wade mérite d’être soutenue, de manière à forger une vraie majorité d’idées au sein de la classe politique sénégalaise sur le caractère irréversible de la décision de fermeture des bases françaises au Sénégal.
Moubarack LO
Ancien élève de l’Ecole nationale d’administration de France et de l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’institut Emergence
Email : moubaracklo@gmail.com