II - La société au cœur de la gouvernance des
L’enseignement supérieur au Sénégal : II - La société au cœur de la gouvernance des universités
Les universités devront trouver les voies et moyens d’avoir à leurs côtés toutes les composantes de la société, particulièrement les entreprises et les diplômés. Le système d’enseignement supérieur, dans son propre intérêt, doit contracter avec tous les segments, notamment productifs, de la société. La société, en général, devra prendre part et dire son mot sur les formations, la recherche, la stabilité et le financement de l’université. C’est tout le sens qu’il faut donner à la volonté des autorités de mettre en place des Conseils d’administration dans les nouvelles universités. En faisant présider ces conseils par des non universitaires, la volonté du législateur est de mettre la société au cœur de la gouvernance des universités. Pour avoir un environnement similaire, l’Ucad a aidé à la création de la Fondation Ucad et quinze des dix-sept membres du conseil de fondation sont des non académiques. La présidente du conseil de fondation est choisie parmi les membres non académiques. Les universités, grâce à la contractualisation, verront tous les segments de la société participer à leur promotion et auront ainsi plus de moyens pour renforcer leur efficience.
Les diplômés de l’enseignement supérieur ont une responsabilité extraordinaire dans la construction des ponts entre l’enseignement supérieur et les autres segments de la société. Ils devront s’engager dans la gouvernance des universités et y défendre les intérêts de la société. Les diplômés doivent, par le respect qu’ils vouent à la connaissance, promouvoir l’amour du savoir dans la communauté. Une société qui n’a pas d’égards pour le savoir est une société inévitablement en décadence. Les diplômés doivent avoir des comportements éthiques et solidaires. En puisant dans les valeurs d’une solidarité dépourvue de parasitisme, ce qui est du reste conforme à nos valeurs de société, les diplômés ont le devoir de renvoyer l’ascenseur à l’université qui leur a permis d’occuper les meilleures positions dans la société. Les établissements d’enseignement supérieur doivent les impliquer dans leur structuration, en leur donnant les positions des plus prestigieuses. Avec l’image qu’elle offre aux étudiants, l’université devra tendre vers plus de progrès. L’université, grâce notamment à des dispositifs de reconnaissance idoine, rendra durable son partenariat avec les différents segments de la société, particulièrement ses diplômés et ses généreux donateurs. Le système devra inventer des mécanismes par lesquels les diplômés reviennent collectivement à l’université.
Les enseignants-chercheurs et les chercheurs sont la clé de voûte du système. Tous les collègues ont-ils conscience de leurs responsabilités vis-à-vis du système et de la société ? L’Unesco, dans sa recommandation pour le personnel enseignant de l’enseignement supérieur, tout en précisant les droits, définit les devoirs. Entre autres, il est demandé aux universitaires d’être les dépositaires de l’éthique, mais aussi de se requalifier en permanence par la recherche et, si c’est possible, par la documentation dans leurs disciplines respectives, car dans ce secteur, il n’est pas possible de se maintenir sans la recherche. Par cette dernière, on est soit au fait de sa discipline, soit lâché.
Les enseignants de l’enseignement supérieur font de sérieux efforts pour respecter les standards. Ils sont chargés de la défense de l’éthique dans leur société et de la promotion du progrès de tous, particulièrement des minorités et des femmes. Les comportements de certains collègues sont tout simplement inacceptables ! Nous devons les dénoncer et trouver les voies et moyens d’y remédier rapidement. Nous devons veiller à la sacralité de notre fonction.
Nous devons mener des recherches de qualité, réactualiser en permanence nos enseignements, rester disponibles pour les étudiants et la société. Avec pareil agenda, il est certain qu’aucun enseignant du supérieur ne devrait avoir le temps de se disperser, particulièrement dans les autres systèmes d’enseignement, pour ne pas parler du privé. L’expertise est une donnée permanente de l’enseignement supérieur. Dès lors que l’enseignant de l’enseignement supérieur doit consacrer la totalité de son temps à l’université, cette dernière doit améliorer au plus vite le système de vente d’expertise pour préserver ses intérêts, en particulier sa mission.
La remise en cause, une exigence permanente
Les enseignants de l’enseignement supérieur, par leurs recherches, leurs enseignements, leurs engagements pour la société, sont les dépositaires du sceau de chaque établissement. Sous d’autres cieux, chaque établissement vise à s’attacher les services des meilleurs à des niveaux de prix souvent astronomiques. Les enseignants, en plus de leurs recherches et de leurs enseignements, doivent marquer leur présence sur le campus de façon singulière. Il serait illusoire de vouloir développer une institution d’enseignement supérieur sans une présence permanente. Il est clair que, sous nos cieux, nous n’avons pas les moyens financiers pour compenser les efforts soutenus des enseignants du supérieur. Toutefois, les efforts récents du gouvernement sénégalais sont à saluer.
Tous les enseignants du système satisfont-ils les exigences du système ? Le parrain de l’Ucad a raison : nous devons, sans cesse, combattre nos paresses et bousculer notre confort intellectuel. La remise en cause est une exigence permanente pour l’enseignant du supérieur. Sa générosité doit être sans limite afin de partager son savoir, savoir-faire et surtout savoir-être.
L’évaluation des enseignements devrait permettre des pratiques plus éthiques. Il y va de l’intérêt de l’enseignement supérieur et des leurs. Mais, reconnaissons ici, pour le déplorer, le barrage exercé par les enseignants sur cette question. De toute façon, la communauté internationale mettra en place des organes d’accréditation et les universités qui n’instaureront pas un système d’évaluation des enseignements, auront du mal à satisfaire les standards requis. Aucun système ne peut être performant sans évaluation. Les résistances sur la question de l’évaluation des enseignements cachent mal les maux du système. Les enseignants devraient maintenant réfléchir davantage sur ce qu’ils peuvent, individuellement et collectivement, apporter et non sur ce qu’ils tirent du système. Etre enseignant du supérieur est la plus grande noblesse que la société peut donner. Vous êtes, que dis-je, nous sommes chargés de former, modeler ceux qui transformeront notre société. Les enseignants du supérieur sont les premiers responsables de la stabilité et des avancées dans le secteur. Chacun devra, chaque année, se demander ce qu’il a apporté, si possible par le biais d’un rapport.
Les agents administratifs, techniques et de services sont les auxiliaires sans lesquels aucun système d’enseignement supérieur ne peut être performant. Ils sont responsables de la gestion au quotidien du système. Leur qualification est une exigence de l’efficacité. Ils doivent avoir conscience qu’ils côtoient chaque jour ceux qui seront les personnalités les plus importantes de demain. Ils doivent, malgré les difficultés, se mettre à leur disposition. Ils gèrent, entre autres, les ressources financières de l’université et doivent les utiliser de façon optimale et en rendre compte. Si naturellement, les maîtres d’œuvre, les responsables en dernier ressort sont les enseignants, il va de soi que sans l’avis des agents administratifs et techniques, leurs engagements, leurs compétences, aucune performance n’est envisageable. Sans leurs contributions, aucun campus ne sera vert et attractif. Les campus sont des lieux de vie et nous devons, en permanence, veiller à la qualité de l’environnement. S’ils ont conscience de la place de l’institution qu’ils servent dans la société, ils seront fiers et motivés pour la servir davantage. C’est un honneur d’être à côté de ce que la nation a de plus précieux et de contribuer à son éclosion.
Corrélation entre le temps de travail et les succès aux évaluations Les étudiants sont l’autre composante essentielle du système. L’université a une fonction et est un espace de transition. L’adolescent ou l’adolescente y entre et, au bout de trois, cinq ou huit années, en sort transformé(e) et capable de prendre en charge des responsabilités considérables. De plus en plus, de jeunes diplômés se lancent, après leurs études, dans la création d’entreprise pour mieux valoriser leurs talents que l’université a révélés, voire consolidés. Premiers bénéficiaires du système, les étudiants doivent aussi comprendre que l’on entre à l’université comme on entre dans un dahra, comme l’avait préconisé notre regretté juge Kéba Mbaye. Le taux de fréquentation de la bibliothèque universitaire est réconfortant.
Certains étudiants, ils ne sont pas nombreux heureusement, n’ont aucun respect pour leurs enseignants et pour la connaissance. Ils pensent que l’université est un endroit de non droit. D’ailleurs, ceux qui ont ce comportement n’y réussissent pas. Dans le système d’enseignement supérieur, ce qui fait la différence, c’est le travail personnel, la persistance dans l’effort, la capacité à maîtriser soi-même son temps. Il y a une corrélation très nette entre le temps de travail et les succès aux évaluations. Les étudiants, dans leurs propres intérêts, doivent éviter les arrêts de travail. Chaque composante devra respecter ses devoirs vis-à-vis de l’université et la stabilité pourra être envisagée. Certains ne savent pas que dans le système anglo-saxon, notamment aux Etats-Unis, les étudiants ne vont jamais en grève. Certains diront qu’ils payent. Savent-ils que les meilleurs bénéficient de bourses ? Nous devons être clairs sur les droits, mais aussi les devoirs des étudiants. Dans la compétition actuelle, les étudiants formés dans nos établissements ne doivent pas être lésés. Nombre de Sénégalais sont formés à l’étranger et seront en compétition avec les diplômés de nos universités.
Un des éléments du triangle de l’enseignement supérieur est son financement. Trois axes sont explorés : les ressources de l’Etat, les ressources du système lui-même par le biais des apprenants, des infrastructures, de la formation payante, de l’expertise des enseignants chercheurs, de la coopération internationale et les ressources de la société. Il appartient au système d’enseignement supérieur, par des rapports annuels, de convaincre l’Etat à améliorer en permanence sa contribution. Naturellement, le système a besoin, à cet effet, de plusieurs partenaires. Le rôle de plaidoyer doit être permanent et les résultats obtenus doivent, en permanence, être valorisés. Les ressources mobilisées par l’Etat, fondées sur une autre approche, peuvent avoir des résultats plus équitables et un impact plus conséquent. Les moyens mobilisés corrélés à l’environnement bancaire devraient permettre de générer plus de ressources pour l’enseignement supérieur. Le Sénégal doit créer un Fonds d’impulsion de l’enseignement supérieur qui servira à bâtir des infrastructures de qualité dans les établissements d’enseignement supérieur existants et de créer d’autres établissements d’enseignement supérieur dans les régions. Les infrastructures concernent aussi bien les bâtiments pédagogiques, sociaux que les équipements scientifiques et informatiques. Une attention particulière doit être accordée aux équipements scientifiques lourds. Les mécanismes d’alimentation et de gestion de ce fonds sont déjà définis.
L’université est capable de générer des ressources importantes par son patrimoine immobilier, ses apprenants, la formation continue payante, l’expertise des enseignants-chercheurs et la coopération internationale. En effet, il est possible de mettre en place des droits d’inscription pédagogique afin d’améliorer la contribution des apprenants. Cette contribution ne doit être utilisée qu’à des fins strictement pédagogiques. Ces ressources doivent rester dans les établissements. Ces droits sont déjà créés dans nombre de facultés et d’institutions. Il s’agit de pouvoir s’entendre sur les taux et les mécanismes de gouvernance du fonds. Les taux ne doivent pas être prohibitifs. Ils doivent être à la portée des étudiants. Les enseignants, les étudiants et le personnel administratif doivent être représentés dans les instances de gouvernance du fonds. La commission de gestion sera placée sous la responsabilité du chef d’établissement. Sur la base des demandes des départements et après consensus au sein de la commission, il exécute le programme et rend compte annuellement à l’assemblée de l’établissement, avant de le faire devant l’assemblée de l’Université.
Rien n’exclut d’explorer efficacement l’environnement bancaire. Ainsi, des investissements pédagogiques de qualité pourront être réalisés. L’éducation tout au long de la vie permet aux structures d’enseignement supérieur d’organiser des formations payantes. Cette opportunité ne doit pas créer des compétitions avec la formation initiale. Avec la réforme, nous avons tendance à ne mettre les formations attrayantes que dans la formation payante. Nous devons être attentifs à notre mission de service public. Les moyens générés par la formation payante contribuent de façon substantielle à l’accroissement des ressources financières de l’université. Bien gérés, ils doivent servir à l’amélioration de l’environnement de travail de la formation initiale.
L’université, rendant compte des droits de propriétés intellectuelles, doit réglementer rapidement le système de la vente d’expertise. La complexité de la question et les spécificités des différentes composantes nécessitent une approche prudente, mobilisatrice et basée sur le consensus. L’université tire des moyens importants de la coopération internationale, elle devra mieux s’organiser pour en tirer le maximum d’avantages. Les partenaires doivent être informés des résultats obtenus. (A suivre)
Prof. Abdou Salam SALL Recteur de l’Ucad
* Le titre et les intertitres sont de la rédaction.