Pour une reforme en profondeur
Pour une reforme en profondeur du système éducatif
A l’entame de mes propos, je voudrais souligner que je n’ai pas la prétention de remettre en cause l’ensemble du système éducatif du Sénégal et de vouloir proposer une alternative. Comme toute œuvre humaine, notre système a ses aspects positifs mais contient également des points négatifs. D’immenses efforts financiers et matériels ont été mis en œuvre pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement. C’est ainsi que 40% de notre budget national est consacré à l’éducation. Malgré tous ces efforts, notre système est gangrené par des échecs dont la plupart sont causés par des problèmes tels que les effectifs pléthoriques, la mauvaise gestion du personnel et surtout par la lourdeur des programmes scolaires. Il urge, à mon avis de corriger ces disfonctionnements si nous voulons atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement, tout au moins en ce qui concerne l’éducation. Mon ambition est d’attirer l’attention des acteurs de l’éducation sur un certain nombre de points qui semblent plomber les efforts immenses de tout un chacun pour la bonne marche de notre école. A cet égard, je vais axer cette contribution autour de trois points : l’administrative, les programmes et le personnel
I - RESTRUCTURATION ADMINISTRATIVE DU SYSTEME SCOLAIRE
Nul n’ignore que le système administratif des écoles est à parfaire. Nous avons hérité de la colonisation un système centralisé avec un ministère de l’Education qui gère tout le système en amont comme en aval. Il est certes bon de définir une politique éducationnelle basée sur la démocratie en vue d’atteindre le maximum d’apprenants possibles, mais il me semble indispensable de déléguer une partie de la gestion de ces écoles aux collectivités locales. Cette gestion à la base semble moins lourde et plus opérationnelle. L’éducation est certes une compétence transférée, mais l’essentiel de ce qui se fait au niveau administratif échappe aux collectivités locales. En effet, si les collectivités locales sont impliquées dans la construction et l’équipement des écoles elles mêmes, le matériel didactique, le recrutement et la gestion du personnel subalterne, Les maîtres et professeurs ainsi que le personnel de contrôle et d’administration sont directement recrutés, gérés et payés par le ministère.
Les collectivités locales n’exercent aucun contrôle sur les agents de l’Etat. Tout au moins, ces collectivités locales ne peuvent décider ni du recrutement, ni de l’affectation encore moins de l’évaluation d’un enseignant. Ce personnel dépend directement de l’Inspecteur d’Académie qui n’a aucun compte à rendre aux collectivités locales. Ces dernières ne sont impliquées que quand il s’agit de réceptionner des salles de classes ou d’inaugurer une nouvelle structure scolaire, ou de distribuer du matériel didactique. Elles ne sont mêlées ni de près ni de loin à la gestion des établissements scolaires qui sont dans leurs localités, sauf lorsqu’il s’agit de siéger dans des comités de gestion fantômes dominés par les chefs d’établissements et leurs intendants dont la plupart n’ont pas été formés en gestion de deniers publics. Pire les chefs d’établissements qui sont les ordonnateurs de dépense ignorent eux aussi tout de la gestion du fait que certains viennent directement des classes pour gérer un personnel et un budget. Le résultat se résume à des conflits entre enseignants et chefs d’établissement, des détournements et des fautes de gestion avec comme conséquences des chefs d’établissement relevés de leur fonction en pleine année scolaire, des intendants mis en prison, des enseignants redéployés en pleine année scolaire. Pourtant si la décentralisation était plus effective, ces situations pourraient être évitées. A l’exemple de ce qui se fait dans certains pays, le Sénégal pourrait s’appuyer sur les collectivités locales pour mieux structurer son système éducatif.
A cet égard, en vue de renforcer le pouvoir des collectivités locales et leur permettre d’exercer cette compétence transférée, le schéma suivant peut être exploré :
Les collectivités locales peuvent gérer directement les écoles qui sont dans leur localité. Une Commission chargée de la gestion des écoles sera élue au sein du Conseil Municipal. Cette Commission rendra compte directement aux parents d’élève qui l’a élue en même temps que le maire ou les présidents des conseils ruraux ou régionaux. La commission se chargera de recruter, sur appel d’offre, l’Inspecteur d’Académie qui se chargera de recruter les principaux et autres chefs d’établissement. Cet Inspecteur d’Académie sera comptable devant la Commission Ecole élue par les parents. Il sera chargé de recruter et de contrôler les principaux et autres chefs d’établissement. Ces derniers seront alors comptables devant l’Inspecteur d’Académie. Chaque chef d’établissement choisira ses enseignants sur des bases de recrutement clairement définies par l’Inspecteur et selon des normes établies par les structures pédagogiques gérées par l’Etat. Le rôle de l’Etat sera de superviser la formation, le recrutement et l’encadrement des enseignants. A cet égard, même les salaires des enseignants et des chefs d’établissement seront pris en charge par les collectivités locales dans le budget de l’Etat. Quels sont alors les avantages d’un tel système ?
Dans un tel système tout est géré de la base vers le sommet. C’est un système purement décentralisé qui fait appel à une meilleure implication des parents d’élèves qui seront au début et la fin de la chaîne de gestion. Il convient de préciser que toutes les collectivités vont dérouler un programme national et feront un examen national. Un autre avantage sera une meilleure gestion des enseignements, des enseignants et des élèves. Chaque collectivité aura l’obligation de faire enseigner un crédit horaire fixé par l’Etat. Les grèves et autres perturbations seront beaucoup moins fréquentes et les élèves seront exposés à davantage d’heures d’enseignement. A la fin de chaque année scolaire une évaluation de toutes les composantes sera effectuée. Les élèves subiront une évaluation de la part des enseignants qui seront à leur tour évalués par les élèves et l’administration. L’administration sera également évaluée par les enseignants et les parents par le biais des commissions écoles. Les administrateurs et enseignants qui ne sont pas à la hauteur de leurs tâches seront purement et simplement remerciés et remplacés. Ainsi, chacun sera comptable de la tâche qui lui sera assignée et les élèves ne seront plus les perdants d’un système en perte de vitesse.
La défaillance administrative ne constitue pas le seul problème de notre système scolaire. Nos programmes ne sont plus adaptés. Il convient donc de souligner certains problèmes liés aux programmes et de proposer une solution à ces problèmes.
II POUR UNE REDEFINTION DES PROGRAMMES SCOLAIRES
Les élèves croulent sous le poids de matières inutiles ou inadaptées. Ils croulent également sous le poids des matières dites importantes. Comme le dit si bien le proverbe " qui trop embrasse, mal étreint" . Nous demandons à nos élèves de tout chaîne de tout. Les matières sont pléthoriques, démentielles et traitent souvent de chose dont les élèves n’auront jamais besoin dans leur vie professionnelle ou dans la vie tout court. On assiste à une terrible inadéquation formation- emploi. Même entre deux niveaux d’enseignement, il arrive que la rupture soit très brutale. A titre d’exemple, le contenu de certaines matières qui sont enseignés au niveau secondaire n’a aucun rapport avec ce que les élèves étudient dans les premières années du supérieur. A titre d’exemple, l’enseignement de l’Anglais dans les lycées s’appuie sur la méthode communicative alors que les deux premières années des universités mettent l’accès sur la traduction. N’est-ce pas là une rupture ! En plus de cette désarticulation des matières, le volume et l’étendue de ces matières constituent un autre problème. Dans d’autres disciplines telles que l’histoire et la géographie ou la philosophie, les programmes sont si vastes que les professeurs éprouvent énormément de difficultés à les terminer. Certains font recourt à des polycopies pour se faire bonne conscience. Les élèves en classe d’examen sont obligés de choisir les chapitres à étudier. Ils ne peuvent pas tout assimiler. Pourtant dans certains pays développés comme les Etats-Unis, on se concentre sur l’essentiel. L’élève américain chaîne très peu de l’Afrique et du reste du monde, ce qui ne l’empêche pas d’être un citoyen plein qui participe activement au développement économique et politique de son pays. A cet égard, il convient de redéfinir et redimensionner les matières.
Je n’ai pas une fois de plus la prétention de hiérarchiser les matières enseignées dans nos écoles. Mais il existe bel et bien des matières essentielles à côté des matières dites secondaires. La hiérarchisation prendra compte des besoins du pays en matière de développement économique, politique et social. Les matières scientifiques et techniques y trouveront certainement leurs places. Il faudra prendre en compte les exigences professionnelles et permettre à nos élèves de s’insérer dans le circuit économique s’ils n’ont pas la possibilité de poursuivre des études universitaires. Il faudra également penser aux TIC Une fois cette hiérarchisation définie par qui de droit, les élèves apprennent quatre matières fondamentales durant tout le cycle, avec la possibilité, selon leurs aptitudes, de choisir en cours de route d’autres matières pour élargir leur champ de connaissance. L’étendue des ces matières fondamentales sera également restreinte pour permettre à nos apprenants de mieux les assimiler. Une fois cette hiérarchisation et ce redimensionement faits, il faudra alors se pencher sur les horaires.
A côté des matières pléthoriques et le volume démesuré de ces matières, nous avons remarqué que la plupart des enseignements se déroulent sur une durée de deux heures. Les spécialistes de la psychologie de l’enfant sont d’accord sur le constat que l’attention des enfants et même celle de l’adulte ne reste active que pendant une trente ou quarante minutes pour une heure de cours. Ajouté aux heures perdues par fait de grève, les retards et absences justifiées ou non, le crédit horaire normal ne sera jamais effectué. Au bout du compte, les programmes se sont jamais terminés et les élèves traînent un défit énorme qui se révèle fatal au bout du cycle. Pourquoi ne pas essayer des cours de 45 à 60 mn pour mieux maximiser les enseignements ?
L’administration, les programmes et les horaires ne constituent pas les seuls problèmes de notre système scolaire. Les effectifs pléthoriques et le manque criard de matériel didactique de pointe constituent le tendon d’Achille du système scolaire.
Il suffit de faire le tour des établissements scolaires de Dakar pour se rendre compte des conditions qui prévalent dans les classes. Dans certains établissements, les effectifs sont si pléthoriques et les salles de classe si exigues que les enseignants peuvent difficilement atteindre tous les élèves. Ces derniers sont assis à trois par table dans une promiscuité qui défie toutes les normes pédagogiques et sanitaires.
Concernant le matériel didactique, il est inconcevable à l’heure du numérique de constater que la plupart des salles de classes de la capitale Dakar n’ont pas de prise de courant pour alimenter un ordinateur ou un vidéo projecteur. Pire, dans les écoles où il y a des ordinateurs, le nombre est insignifiant par rapport au nombre d’élèves qui doivent apprendre avec. Cependant, certains cours s’adaptent parfaitement à une présentation Powerpoint ou à une session interactive avec le professeur. Ces même cours peuvent être envoyés dans les adresses électroniques des élèves. Ce qui éviterait que les élèves passent la moitié du temps à recopier des leçons écrites au tableau. Certes les livres constituent des supports pédagogiques non négligeables, mais il importe de préparer nos apprenants à la vie du 21e siècle, une vie essentiellement basée sur le numérique. Nous évoluons dans une économie globale qui nécessite la connaissance des outils modernes de développement. Le salut des nos enfants se trouve dans la maitrise des outils d’apprentissage du troisième millénaire. Nous avons déjà connu trop de retards dans ce domaine.
Mais le meilleur système d’administration et les meilleurs programmes au monde ne peuvent donner de bons résultats si les enseignants ne sont pas bien formés. La clé de voûte de tout système éducatif c’est l’enseignant.
III.POUR UN NOUVEAU TYPE D’ENSEIGNANT
Comme je l’ai dit, l’enseignant constitue la clé de voûte de tout système scolaire. A cet égard, l’enseignant doit non seulement être très bien formé, mais il doit être mis dans d’excellentes conditions de travail. Ces conditions peuvent être d’ordre matériel psychologique ou environnemental.
S’agissant de la formation, il faut reconnaître que beaucoup d’enseignants qui opèrent dans les classes ne sont pas formés comme il se doit. Certains ne sont même pas du tout formés, s’ils ne sont tout simplement formatés et versés dans les classes. La formation d’un enseignant ne se fait pas en un mois, ou en une semaine. Le résultat est visible dans toutes les écoles, avec des hésitations et des errements qui impactent sur les résultats scolaires. L’enseignement étant à la fois un art et une science, il faut être à la fois artiste et scientifique pour faire un bon enseignant. Combien d’enseignants de la vielle garde restent-ils dans les classes ou jouent un rôle d’encadrement dans des structures dites de formation continuée ?
Ceux qui ont eu la chance d’avoir été formé de manière adéquate passent leur temps à s’occuper de leurs jeunes collègues plus qu’ils ne s’occupent de leurs propres élèves. La situation est préoccupante. Des enseignants nouvellement recrutés sont directement affectés dans les classes. Malgré leurs efforts et leur bonne volonté, les premières années dans les classes sont extrêmement difficiles à tout point de vue. L’encadrement fait souvent défaut et ces jeunes collègues sont laissés à eux-mêmes. Les structures de formation continuée qui devraient jouer ce rôle d’encadrement ne jouent pas leur rôle pour des raisons évidentes connues de tous. Des réformes sont nécessaires dans ce domaine.
Nos écoles souffrent d’un manque d’enseignants bien formés. Dans l’élémentaire par exemple, certains enseignants passent la plupart du temps à parler Wolof dans les classes. Les élèves arrivent au secondaire avec des lacunes criardes qu’ils vont trainer jusqu’à l’université. Dans le secondaire, c’est le même constant en ce qui concerne les professeurs de langues qui sont supposés enseigner dans ces langues. A la place, ils enseignent les autres langues en Français. Les élèves éprouvent énormément de difficultés à s’exprimer correctement dans ces langues.
Pour permettre à notre système d’être compétitif dans un système économique global, il faudra revoir la formation de nos enseignants. A cet égard, il faut revenir aux écoles normales et aux internats Les écoles normales ont fait leur preuve dans la formation des enseignants d’élite. Dans les années 70, il y’avait cinq écoles normales qui versaient chaque année dans le système plus de cents instituteurs d’élite. Ces instituteurs recevaient une formation générale doublée d’une solide formation pédagogique. Ce qui leur permettaient de former et de bien former. On assiste maintenant un formatage à tous les niveaux d’enseignements. Ce qui contribue grandement aux échecs scolaires que nous vivons actuellement.
Tout compte fait, malgré les 40% du budget national consacré à l’éducation, on assiste à des échecs à tous les niveaux. Ces échecs ont des causes diverses : un administration inefficiente, des enseignants mal formés, des programmes démesurés et inadaptés, des horaires qui ne favorisent pas un apprentissage adéquat, des classes pléthoriques et un manque criard de matériel de pointe. Le débat est ouvert. Les parents, les enseignants et les gouvernants sont interpellés. Il est temps de penser à l’avenir de ce pays et de celui de ses fils.
El hadji Mor SARR
Professeur d’Anglais
email : elhadjisarr@gmail.com
Indépendance, 50 ans sous les ténèbres !
De 1960 à 2010 : 50 ans d’Indépendance ; une occasion de rendre hommage à nos valeureux hommes qui ont su mener le combat pour l’honneur et la dignité du peuple noir. Mais, c’est aussi 50 ans d’échecs, de tâtonnements, de cafouillages, d’instabilité, de souffrances, de répressions, de malversations, de corruption, de dictatures, de soumission, d’une économie sous perfusion à croissance exponentielle, d’inaction, d’immobilisme, de mensonge, d’insuffisance/de suffisance... de honte in fine!
Et 2010 ? Est-ce l’occasion d’une nécessité de remise en question ? D’affranchissement ? D’espoir et d’espérance ? De changement de comportements et de nouvelles visions ? D’affirmation de notre engagement pour sortir l’Afrique et sa diaspora des ténèbres ? Est-ce les prémices d’une future radieuse bercée par le soleil du développement ?
Autant d’interrogations, pas exhaustives certes, mais qui prédisent que l’Afrique a du chemin à parcourir. Et de ce chemin, semblent se démarquer les gouvernements et les politiciens africains dans leur globalité, au prix d’intérêts crypto personnels. Et dire aujourd’hui, après 50 ans de souveraineté, que l’Afrique a mal de ses dirigeants demeure tautologique. Et pourtant, logés, nourris, blanchis, soignés par le peuple, n’empêche, ils se moquent bien du peuple, ces «mal élus»! Ils oublient même qu’ils ne sont ni d’acier ni de pierre, mais de chair, de chair pourrissante. Prise en otage par ces derniers, l’Afrique a trop souffert ! L’Afrique a trop subi!
Et pourtant, c’est moins de 50 ans qui a suffi au Japon et à l’Europe pour se reconstruire suite aux désastres de la seconde Guerre mondiale. Or, nous n’avons rien à les envier d’autant plus que de Dakar à Djibouti, du Cap au Caire, l’Afrique est immensément riche. Son sous-sol, ses mers et océans, ses montagnes et ses vallées renferment des trésors inépuisables. Mais hélas ! Ils sont là, ces dinosaures ! Putains ! Ils sont toujours là à s’agripper au pouvoir pour des intérêts crypto-personnels, maintenant de manière structurelle l’économie africaine sous perfusion.
Hé oui ! Bien sûr, ceux qui se battent pour la conquête et le maintien du pouvoir ont lamentablement échoué ; et ils sont tous coupables et complices !
Ils ont pillé, affamé, opprimé, détourné, volé, et même tué durant des décennies et des décennies!!!
Alors, me semble-t-il, qu’il est temps pour nous Africains de prendre nos responsabilités et de nous dire que le développement de notre terre mère Afrique ne viendra jamais d’ailleurs. Les bases d’un développement de l’Afrique sont en Afrique. Nous avons la matière première (abondante et diversifiée), nous avons la main-d’œuvre (jeune et dynamique surtout), nous avons les sources d’énergie (solaire, éolienne, hydroélectrique...); alors espérons que l’Afrique ne passera pas encore un demi-siècle sous les ténèbres ! Car, en effet, il est temps que cette belle jeunesse africaine, cette jeunesse qui n’a jamais connu de domination, s’extirpe des mains souillées de ses dirigeants pour enfin restituer à l’Afrique sa grandeur, son honneur, sa dignité, ses valeurs, sa splendeur.
Mais aussi qu’on sache que s’approche l’horizon où cette jeunesse retrouvera ses forces pour extirper l’Afrique des entrailles de la souffrance, pour faire triompher la volonté et les aspirations du peuple meurtri d’Afrique mère.
baobi4@yahoo.fr