l’état de santé du président Abdoulaye Wade
Lettre au président du Conseil constitutionnel : Dérogations au secret médical concernant l’état de santé du président Abdoulaye Wade
Monsieur le Président
L’objet de ma lettre vous paraîtra peut-être surprenant de prime abord, mais au fil des explications que j’entends vous fournir, vous comprendrez alors pourquoi, au bout du compte, j’ai été contrainte de vous adresser cette lettre. Pour une plus grande clarté de cette correspondance, je vais la subdiviser en différents chapitres.
1 - Mes relations avec le président Abdoulaye Wade
Tout d’abord, je me dois de vous éclairer sur les liens très anciens qui nous unissent le Président Abdoulaye Wade et moi-même. En effet, j’ai fait la connaissance de Abdoulaye Wade en 1988 lorsque Ousmane Ngom, qui était alors un frère et ami, m’a présentée à lui lors de mon adhésion au Parti démocratique sénégalais (Pds). Alors qu’à l’époque la quasi-totalité des cadres du Pds militaient au parti dans la clandestinité de la ‘Section Bleue’, j’ai été la première femme cadre, médecin ophtalmologiste exerçant à titre privé, à accepter de militer ouvertement au Pds, au su et au vu de tous et avec tous les risques socioprofessionnels qu’une telle décision pouvaient entraîner. Mon attitude d’alors n’était dictée par aucun esprit de bravade, mais simplement par le fait que j’ai toujours su assumer mes choix et que je n’ai jamais fui devant mes responsabilités aussi lourdes soient-elles de par leur fait ou leurs conséquences.
Mon long combat politique depuis mai 68 contre le pouvoir socialiste en place et certaines exactions dont j’ai été victime étaient bien connues des Sénégalais. Il n’était donc nullement question pour moi de cacher mes penchants politiques de l’époque.
C’est peut-être cet acte de courage qui me rendit sympathique aux yeux de Abdoulaye Wade. Toujours est-il que mon adhésion au Pds fit grand bruit à l’époque et que Abdoulaye Wade s’attacha sincèrement à ma personne et me voua une profonde affection que je lui rendais bien d’ailleurs. Il ne cessait de répéter à mon endroit : ‘Mame Marie, ce n’est pas simplement ma militante, c’est avant tout ma fille’. De mon côté, Abdoulaye Wade n’était pas simplement Maître Abdoulaye Wade, il était avant tout comme un père. Ceci était tellement vrai qu’une certaine étiquette a fini par nous coller, pour toujours, à la peau à tous les deux.
En effet, pour la majorité des Sénégalais, je suis la fille spirituelle de Abdoulaye Wade et ce dernier est mon père spirituel. De sorte que les gens ont pris l’habitude de me dire ‘Ton père’ en me parlant de Abdoulaye Wade et de lui dire ‘Ta fille’ en lui parlant de moi. Même ma propre mère, de son vivant, disait toujours ‘Ton père’ ou ‘Le père de Mame Marie’ pour parler de Abdoulaye Wade et toute ma famille en fait de même jusqu’à présent avec la force de l’habitude. Abdoulaye Wade a eu plusieurs fils spirituels, c’est sûr, mais il n’a jamais eu qu’une seule fille spirituelle et c’est Mame Marie Faye.
Nous étions très proches et très attachés l’un à l’autre à l’époque et les joies et les peines de l’un étaient les joies et les peines de l’autre. Nous avons aussi beaucoup travaillé ensemble, échangeant sans cesse des idées sur comment construire un nouveau Sénégal, le jour où il accéderait au pouvoir. Et même si nos relations se sont distendues au fil des ans et ne sont plus les mêmes qu’alors, les étiquettes ‘Le père de Mame Marie Faye’ et ‘La fille de Abdoulaye Wade’ nous resteront collées à jamais, à tous les deux.
Monsieur le Président, si vous voyez que je tiens à vous expliciter tout ceci, c’est pour que vous puissiez bien saisir le pourquoi de l’importante décision que j’ai été amenée à prendre en fin de compte. Et cette décision est loin d’être une décision prise comme cela à la légère. D’ailleurs, mon état de médecin ne me le permettrait même pas. La décision que j’ai été amenée à prendre, l’a été après des années de mûre réflexion, dans la solitude et la discrétion des plus totales et le sens des responsabilités le plus profond.
2 - Etat de santé actuel du président Abdoulaye Wade
Ma proximité de l’époque avec Abdoulaye Wade, nos relations au quotidien et mon état de médecin m’avaient permis progressivement de me rendre compte, bien involontairement, de l’état de santé de ce dernier. Si, au début, je n’attachais guère d’importance à certains signes cliniques d’apparence anodine, plus préoccupée que j’étais alors par mon combat politique, il n’en demeure pas moins que ces signes cliniques finirent par m’intriguer quelque peu, même si je n’en ai jamais fait cas. Puis, les années passèrent avec leurs lots de surprises et de désillusions, mais je ne pouvais m’empêcher de suivre ne serait-ce qu’indirectement et de loin l’évolution de l’état de santé de cet homme qui m’avait été si proche à un moment donné.
De 1997 à 2005, j’ai eu à vivre aux Etats-Unis. Et ce n’est que le 9 juin 2004 à Washington, lors du sommet du G8 auquel Abdoulaye Wade était invité, que j’ai eu à découvrir de visu, avec stupeur et consternation, l’état de dégradation de la santé du président Abdoulaye Wade. C’est alors là seulement que je réalisais la gravité de la situation. Depuis lors, et bien que complètement coupée de Abdoulaye Wade, du fait de son entourage immédiat qui me refuse tout accès à lui - et ils savent parfaitement pourquoi d’ailleurs - je ne cesse de suivre indirectement et de loin l’état de santé du président Abdoulaye Wade. Etat de santé qui n’a plus beaucoup de secrets pour moi maintenant, ainsi que pour bon nombre de mes collègues médecins, surtout ceux de ma génération qui ont eu à suivre le parcours de Abdoulaye Wade.
Monsieur le Président, je puis vous affirmer aujourd’hui, sans risque majeur de me tromper, que le président Abdoulaye Wade est atteint à ce jour de deux maladies visibles et évidentes que je qualifierai de maladies A et B, d’une troisième maladie que je qualifierai de maladie C, qui fait l’objet de très fortes présomptions, mais que le comportement au quotidien du président de la République ne fait que confirmer aux yeux des personnes averties, mais aussi des profanes. Enfin une maladie D, elle aussi objet de certaines présomptions et dont les conséquences pourraient très bien être parties intégrantes de l’état de dégradation avancée de la santé du président de la République. Et c’est ainsi que le temps faisant son œuvre, ces maladies prises séparément ou associées ont fini par faire du président Abdoulaye Wade, non seulement un homme gravement malade, mais surtout, un homme qui n’est même plus en mesure d’assumer correctement la charge de président de la République du Sénégal.
Je sais que mes propos doivent vous sembler lourds de sens, mais sachez qu’en tant que médecin habituée à la lourdeur du secret professionnel, au respect et à la compassion envers les malades, ayant de longues années de carrière médicale et un sens aigu de la responsabilité médicale, il ne me viendrait même jamais à l’idée de parler à la légère de certaines questions relevant du domaine courant, à plus forte raison maintenant lorsque ces questions relèvent du domaine de l’Etat et ont trait, de surcroît, au chef de l’Etat lui-même.
Vous remarquerez Monsieur le Président que lorsque je fais allusion aux différentes maladies affectant l’état de santé du président de la République, j’emploie les termes de maladie A, B, C et D. Ceci est dû au fait que même si je ne suis pas son médecin traitant, donc directement concernée, le fait d’être médecin me fait d’une certaine manière obligation au secret professionnel, sauf pour les cas prévus par la loi. Ceci figure dans le Code pénal sénégalais, à l’alinéa 1er de l’article 363 sur lequel je reviendrai plus loin, car il existe des dérogations à cet article 363.
3 - Evolution au fil des ans de l’état de santé du président Abdoulaye Wade
Monsieur le Président, pour que vous puissiez vraiment saisir le sens profond de ma décision actuelle, il faudrait que je vous fasse un rapide survol chronologique et médical de l’évolution de l’état de santé du président Abdoulaye Wade, du moins telle que j’ai pu m’en rendre compte.
J’ai eu à vous dire que ma proximité de l’époque avec Abdoulaye Wade et mon état de médecin m’avaient permis, même involontairement, d’avoir mon attention quelque peu attirée par certains signes cliniques anodins ayant trait à son état de santé. A ma connaissance, c’est de cette époque que datent les premiers signes visibles de sa maladie que j’ai surnommée maladie A. Cette maladie A est une maladie qui affecte presque tout l’organisme et même si le patient peut vivre très longtemps avec, lorsqu’il est bien traité, il n’en demeure pas moins qu’elle finit par entraîner à la longue certaines complications secondaires parmi lesquelles des troubles psychiques dont l’évolution progressive peut atteindre un degré de gravité pouvant aboutir à l’incapacité intellectuelle et mentale de l’individu.
Le traitement de cette maladie A est évidemment un traitement à vie, mais c’est avant tout un traitement assez lourd avec apparition progressive de nombreux effets secondaires sur l’état du patient. Et parmi ces effets secondaires, l’apparition de troubles psychiques sur le long terme est reconnue en médecine. C’est d’ailleurs tout cet ensemble d’effets secondaires du traitement de la maladie A que je surnommerai ici maladie B pour la simplicité du texte, bien qu’il s’agisse de tout un ensemble de syndromes.
Donc chez le président de la République, la maladie A est apparue en premier, suivie bien des années après par la maladie B qui est la conséquence du traitement à plus ou moins long terme de la maladie A. Ces maladies A et B étant chacune porteuse, à des degrés divers, de son lot de troubles psychiques.
La maladie C, elle, est une maladie plutôt liée à l’âge, mais elle peut aussi être une des complications de la maladie A. Toujours est-il que sa principale caractéristique est l’apparition de troubles psychiques d’évolution variable et aboutissant inexorablement à la perte totale de toutes les capacités intellectuelles et mentales de l’individu. En fait, les troubles psychiques liés à la maladie C sont beaucoup plus graves que ceux liés aux maladies A et B. La maladie D, quant à elle, fait l’objet de très sérieuses présomptions. Mais son existence possible de même que son traitement extrêmement lourd ne seraient absolument pas étrangers à l’état de dégradation avancée de la santé du président de la République.
Et comme j’ai eu à vous le dire plus haut, ces différentes maladies ou affections prises séparément ou associées ont fini par faire du président Abdoulaye Wade un homme dont la santé est sérieusement atteinte au point de le rendre incapable de continuer à assumer correctement la charge de président de la République.
Si, au tout début des années 90, je n’ai guère attaché d’importance à l’état de santé de Abdoulaye Wade, malgré certains signes cliniques anodins, c’est exactement le 27 Juin 2001 à New York que je faisais alors vraiment attention à son état de santé qui déjà commençait à décliner. En effet, ce jour-là, j’étais allée lui rendre visite à son hôtel, le Waldorf Astoria sur Park Avenue, lors d’un de ses nombreux passages aux Usa et je fus assez surprise par son état de santé. Il avait l’air très fatigué, sa démarche était lourde, voire pesante, mais c’est surtout son visage légèrement œdématié de même que ses mains qui attirèrent le plus mon attention.
Mais ce n’est que le 9 juin 2004 à Washington, lors du sommet du G8, que j’ai pu alors réaliser de visu l’état de dégradation de la santé du président Abdoulaye Wade. Ce jour-là, il était tellement épuisé que les deux membres de sa garde rapprochée ont dû le soutenir discrètement, chacun d’un côté, pour lui permettre de pouvoir atteindre l’ascenseur. C’est là alors que je compris que l’état de santé du président Abdoulaye Wade était en train de se dégrader, même s’il faisait tout pour ne pas le laisser paraître.
A mon retour définitif au Sénégal en 2005, il me fut encore plus loisible de suivre même indirectement et de loin l’évolution de l’état physique et de l’état mental du président Abdoulaye Wade qui déclinaient de jour en jour.
En 2006, je savais le président de la République assez malade, mais comme je me disais qu’il allait perdre les élections de février 2007, pour moi le problème serait résolu puisqu’il allait quitter la présidence et pouvoir enfin aller se reposer. Malheureusement pour le peuple sénégalais, mais surtout pour lui, il fut hélas réélu. C’est à partir de ce moment que commença alors la véritable descente aux enfers du peuple sénégalais, mais aussi du président de la République lui-même dont les courbes de santé physique et mentale avaient amorcé une descente lente, mais inexorable, dont tout le peuple sénégalais est conscient actuellement et particulièrement son entourage.
En effet, non seulement l’état de santé physique du président de la République s’est sérieusement dégradé ces dernières années, mais c’est surtout son état de santé mentale qui s’est encore plus dégradé, le conduisant à adopter, au fil du temps, des comportements de plus en plus étranges, illogiques et hors normes, parfois même à la limite du fantasque, mais malheureusement de plus en plus asociaux, choquants, répréhensibles et à la limite même dangereux. Ceci parce que l’intéressé lui-même perd, chaque jour que Dieu fait, de plus en plus conscience de la réalité du monde et des choses qui l’entourent, s’enfonçant progressivement, mais inexorablement dans l’obscurité de son propre monde à lui.
Lorsqu’on y réfléchit bien maintenant, on se rend même compte que le président de la République a présenté, dès le début de son magistère, les premiers signes mineurs de comportements étranges, mais que les gens mettaient plutôt sur le compte d’un caractère assez fantaisiste (prestation de serment au stade Lss, Hymne de l’Afrique à la place de l’hymne national…). Personne ne pouvait alors imaginer qu’il s’agissait des prémices de réels troubles du comportement, troubles qui devaient aller crescendo au fil des ans avec leurs lots de déclarations, de faits et de gestes de plus en plus ahurissants (machines ‘Yakalma’, Tgv, centrale nucléaire, innombrables remaniements et réaménagements ministériels à vous donner le vertige, Palais présidentiel transformé en marché Sandaga, affaire Segura, Monument de la Renaissance…), jusqu’aux récentes bourdes diplomatiques inimaginables qui auraient pu être lourdes de conséquences pour le Sénégal, sans oublier maintenant l’injure suprême faite aux magistrats assimilés à des esclaves.
En fait, plus l’état de santé mentale du président Abdoulaye Wade décline et plus nous assistons, chez lui, à ce que nous appelons en médecine une ‘Levée des inhibitions’, c’est-à-dire une levée progressive et insidieuse du blocage mental et moral, existant chez un individu normal, face à la notion du mal et de l’interdit. C’est ainsi que plus on va et plus la personne fait de moins en moins de différence entre le bien et le mal. Et nous n’avons encore rien vu, car ceci n’est qu’un début. L’évolution est appelée à aller de mal en pis, d’où la nécessité de prendre, dès à présent, les mesures qui s’imposent et sur lesquelles je reviendrai plus loin.
C’est la raison pour laquelle, en tant que médecin consciente de l’état de santé du président Abdoulaye Wade, j’ai chaque jour de plus en plus mal lorsque j’assiste à son lynchage sans pitié à travers les médias ou les populations. Parce que je me dis que si les gens étaient au courant de la réalité des choses, ils ne parleraient pas ainsi.
Cependant, malgré le bien pénible constat fait sur l’état de santé du président de la République, son entourage tient absolument à le maintenir au pouvoir en proposant sa candidature pour 2012, rien que pour satisfaire un instinct de survie monstrueusement égoïste et des intérêts bassement matériels. En tant qu’être humain et médecin de surcroît, je considère cette attitude de l’entourage présidentiel hautement condamnable, parce que ne tenant absolument pas compte de l’état de santé de l’intéressé, de sa résistance physique et de ses capacités mentales.
J’affirme ici qu’en 2010, du fait de la maladie, le président Abdoulaye Wade est déjà dans l’incapacité de continuer à assumer correctement la charge de Président de la République. Et en 2012, le président Abdoulaye Wade sera alors médicalement dans l’incapacité totale à assumer la charge de président de la République. (A suivre)
Docteur Mame Marie FAYE Médecin Ophtalmologiste