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UN SENAT EST-CE UTILE POUR LE SENEGAL ?Le Journal des Internautes | samedi 19 mai 2007 | 97 lectures
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Au Sénégal on assiste à une privatisation de l’Etat à des fins personnelles. Le Sénat serait-il un instrument, parmi d’autres, de cette privatisation ? Les luttes sur des privilèges et des postes indiquent qu’il en est ainsi tant elles s’inscrivent loin des préoccupations des citoyens.
Historiquement, il apparaît que les Sénats appelés secondes chambre sont toujours créées lors des périodes historiques de transition, dans le but de réfréner des élans démocratiques trop forts et dans un contexte où le consensus national est réprimé ou fait défaut. Cette fois-ci, il semble que la création du Sénat par la Constitution de WADE vise à refuser le transfert d’une souveraineté appartenant depuis longtemps à l’assemblée Nationale. Elle ne semble avoir aucun rapport à la démocratie. Selon mon observatoire, la création d’un Sénat qui regrouperait des sages doit permettre de tempérer les changements sociaux et politiques brusques. Le Sénat serait dans son esprit le moyen de rendre la transition plus lente et donc plus aisée. En effet, une seconde chambre rassure, ou ménage les élites politiques déchues aux yeux de la population, et qui, à défaut d’une élection au suffrage du peuple se voient ainsi « désignées » ou directement élues pour continuer à bénéficier de leurs privilèges. Cependant, le principe de vouloir préparer sa succession au sommet de l’état, ainsi que les luttes actuelles pour la succession finiront par entacher le Sénat d’un vice incontestable au regard de la démocratie.
L’histoire institutionnelle de la France qui est notre référence confirme, en tout cas, cette logique. Lors du passage de l’absolutisme monarchique à l’Etat républicain les secondes chambres avaient de la sorte contribué à la transition pour rendre plus acceptable le déclin politique de l’aristocratie, car plus progressif. La Troisième République qui fut un compromis entre monarchistes et républicains ne doit son existence, indéniablement, qu’à l’accord approuvé sur le Sénat. C’est ainsi que l’évolution vers un Etat plus démocratique est passée, plus tard et de façon transitoire, par l’affaiblissement des secondes chambres.
La seconde chambre vise donc à modérer des élans démocratiques qui, à tort ou à raison, font peur à une élite sans racines populaires. Les élites, bousculées par le risque de perdre la majorité à l’assemblée Nationale, subordonnent leur adhésion à l’existence de ce contrepoids institutionnel. Les militants évacuées lors d’élection se voient ainsi siéger dans un Sénat pour dire la loi « au nom du peuple ». Mais l’histoire enseigne, également, que la deuxième chambre ne peut résister longtemps à la poussée inexorable de la démocratie. Les institutions historiquement conçues pour réfréner les « excès » démocratiques du peuple, c’est-à-dire les secondes chambres contemporaines, présentent des caractères peu démocratiques. Elles peuvent être difficilement tolérées dans une époque où la démocratie et la liberté sont les idéaux de la population.
Dans notre cas, la majorité des membres du Sénat, nommé, se qualifient comme appartenant à la majorité présidentielle et se croient détenteurs d’une légitimité exclusive qui s’apparente à celle d’une monarchie. Au Sénégal, le Sénat qui n’a pas d’ancrage social mais plutôt politique est dépourvu d’une vision démocratique et d’un programme autre que celui de s’assurer un monopole clanique sur des privilèges personnels. Le Sénat dans sa conception n’aura que deux solutions devant lui, conduisant toutes deux à son décès à plus ou moins brève échéance : l’opposition sans concession au présidentialisme qui a l’avantage de garder l’équilibre du système ou la mue en un autre organe d’assimilation à l’Assemblée Nationale. Sera-t-il tenté par la première alternative ? Va-t-il négocier âprement son statut ? Ses membres vont-ils s’unir pour sauver leur « institution » ou, enfin, chaque « sénateur » négociera tout seul son mandat. Les luttes ont commencé.
Créer le Sénat c’est surtout, protéger le régime contre la démocratie. Il ne faudra pas s’étonner donc d’entendre demain que le Président de la république se trouve dans l’incapacité à exercer son mandat par conséquent, il est remplacé par le Président du Sénat. Ils sont souvent critiquées pour déficit démocratique et peuvent servir de refuge aux politiques sur le déclin et que le suffrage direct ne permettraient pas ou plus de distinguer. Créer cette institution peut sembler n’être qu’un facteur de complexité institutionnelle et impliquerait, en outre, des contraintes budgétaires très lourdes pour un Etat comme le Sénégal.
A défaut, l’émergence du Conseil constitutionnel dont la tache est de contrôler les lois règle une partie du problème. Le Conseil constitutionnel exerce à la demande du président de la République, ou celle de l’assemblée nationale, un ultime contrôle sur la loi, que ce soit a priori ou après promulgation. Certes, il ne s’agit théoriquement que d’un contrôle juridique de conformité avec les normes supérieures. Le Conseil constitutionnel n’a pas de vocation « partisane » en principe, il est fréquent qu’il censure au moins partiellement une loi, qui avait passé l’obstacle de l’assemblée nationale. Mais depuis la prestation de serment du Président, il pèse sur le Conseil constitutionnel des soupçons de partialité ce qui pose, à l’évidence, d’autres questions.
Prénom et nom : Idrissa Ben SENE
Adresse e-mail : idrissa.sene@yahoo.fr