Wade III : Trois fois Non !
Wade III : Trois fois Non !
Qu’Abdoulaye Wade ait été contraint, dans le scandale Segura, de reconnaître son ‘erreur’, comme un garnement pris la main dans la poche, sous la pression d´un simple fonctionnaire international, en la personne de Dominique Strauss-Kahn, directeur du Fonds monétaire international (Fmi), constitue une bévue suffisamment grave pour le disqualifier de toute prétention à se faire appeler président de quelque pays honorable. Il peut, cependant, se consoler de ce qu'en agissant, comme il l'a fait, il a acquis de haute lutte, si l'on ose dire, les galons qu'il faut pour aspirer à la présidence de la pire des républiques bananières. Mais comme pour exorciser la dernière parmi de nombreuses casseroles qu'il traîne, il adopte une posture bizarre. Comme un diable sorti de sa boîte, il s'est lance dans une nouvelle fuite en avant, son sport favori, en jetant son chapeau dans l'arène politique. Avec le fol espoir de garder les rênes de notre pays. Son secret souci serait-il dès lors de confirmer que le Sénégal n'est plus rien d'autre qu'une république bananière... A moins qu'il ne veuille faire de sa candidature à la magistrature suprême un ultime pied de nez à un peuple qui ne serait composé que de couards et gueulards, sans ‘cojones’ ?
Par son stoïcisme, il semble en même temps dire à ses contempteurs que rien de grave ne s'est passé. Il est vrai que tant de scandales ont été associés à sa personne, sous des angles pas seulement publics, qu'il pourrait être tenté de se croire imprenable. Le point final qu'il met dans ce que, pour ma part, j'appelle la SeguraWade, ne saurait donc surprendre que les dupes. Sa volonté de ranger ce scandale dans la panoplie de l'univers sénégalais qu'il a bana-banaïsé depuis des années maintenant est d'autant plus facile à assumer qu'il n'en est pas à une première. Sa désinvolture dans ce cas de figure relève de la chutzpah. Tout audacieuse qu'elle soit, elle ne fera toutefois pas disparaître ce qui est une corruption par un régime, qui aime décidément les méthodes propres aux bandits de grands chemins, de Alex Segura, ancien représentant totalement discrédité au Sénégal du Fmi. L'affaire est d'une telle gravité que les auteurs impliqués de part et d'autre de cette sordide saga devraient en tirer toutes les conséquences. C’est-à-dire, de préférence, en disparaissant du circuit public...
Mais voilà que, rebelote, la vie reprend de plus belle. D’un côté, le Fmi délivre ses surannés conseils-oukases pour mieux passer à la lessive son opération de blanchiment du scandale. De l’autre, Wade, lui, se pourlèche les babines, fier qu'il est d'avoir administré la preuve que le discours moralisateur peut être soluble dans les actes posés par ceux qui prétendent définir les nouvelles normes macro-prudentielles de bonne gouvernance pour le monde entier.
Insulte à l'intelligence des Sénégalais
Il ne faut cependant pas se laisser divertir par un Fmi qui a fort à faire pour rétablir son honneur perdu dans ce scandale qui le vitrifie. Concentrons-nous plutôt sur le Sénégal. Ses citoyens sont interpellés : peuvent-ils encore plus longtemps laisser la pantalonnade incarnée par Wade se poursuivre ? Ne pas l'interrompre, sans tarder, si besoin au moyen d´un électrochoc, c'est s'en rendre complice. Le défi n'est rien moins que de l'amener à cesser de fonder sa motivation, outre la complaisance et la complicité de certains partenaires extérieurs du pays, sur cette cohue d’opportunistes, énergumènes de tout acabit, mus uniquement par leurs intérêts privés, qui lui servent de... haies d'honneur pendant qu'égocentrique en diable, il poursuit son entreprise insensée. Ne pas agir pour le contrarier alors qu'il tente de passer par-dessus le corps inerte de la Constitution, comme le Nigérien Mamadou Tandja, pour se représenter devant les électeurs, c'est accepter cette insulte, une énième insulte, à l’intelligence des Sénégalais. C’est le laisser installer la démocanarchie sur fond de manœuvres anti-démocratiques...
Dénoncer avec force sa folle sarabande est une nécessité urgentissime. Car il y a péril en la demeure : à près de 90 ans sonnés, la place de Wade est ailleurs qu’au Palais de la République. Sur un hamac ou... à l'ombre ? La décision viendra en temps opportun, mais dans l'immédiat le simple fait de nourrir ne serait-ce que l’idée de l'imaginer au pouvoir même quelques mois supplémentaires devrait affoler marchés et investisseurs, s'ils ont encore un quelconque sens de la décence. A coup sûr, cela achèverait le peu qui reste d’un tissu social passe à la moulinette sous le régime de Wade. La question revient à se demander si l'éthique n'oblige pas les Sénégalais, dans un sursaut d'honneur, à empêcher les mascarades qu’il continuera d'engendrer si rien n'est fait.
Faire le décompte de ses perles serait fastidieux. Quiconque s'évertue à en énumérer quelques-unes se lasserait rapidement, mais il est bon, pour avoir une idée de l'ampleur des dégâts, de passer en revue ce qui vient en tête, sans chercher trop loin. Ni vouloir être exhaustif. Les faits se passent de commentaires : c'est, par exemple, sous le régime de Wade que l'on a vu tel ministre de la République faire semblant de démissionner de son poste quand il a été découvert qu'il avait eu maille à partir avec la justice dans le passé. Dans une mise en scène aussi médiocre que malhonnête, on le retrouvera peu après ‘blanchi’ et replace dans un statut central de la République, une fois que son casier judiciaire a été proprement nettoyé par une justice aux ordres, sous les hourras d'une partie de la presse, pourtant généralement mieux inspirée, qui s'est laissée rouler dans la farine.
Tel autre ancien ponte de la République qui fut envoyé pour vrais crimes en prison en est ressorti sous le faux prétexte d'une maladie de... Patoche, le tout dans un spectacle confinant à la farce parce qu'il a fallu lui faire porter une prothèse farfelue au cou. Comment oublier cet ancien Premier ministre qui a été accusé publiquement, preuves à l'appui, par son ‘père’, de détournements de milliards de nos francs, mais qui continue de faire le tour du monde en psalmodiant des versets de Coran pendant que, crédules comme pas possible, ses affidés dodelinent de la tête en complices. Ou cet autre qui se pose en sainte nitouche avec l'assentiment d'une foule qui se refuse à poser la question qui devrait brûler toutes les lèvres du pays - d'où lui vient cet enrichissement spontané alors qu'il y a encore quelques années il ne voyait même pas la queue du diable ? Combien d'autres criminels économiques ont été absous par un régime véritablement généreux envers les prédateurs de la République ?
L'unique condition pour leur salut est connue: comment ne pas y voir un lien au renouvellement de leur dévouement, comme dans les fratries souterraines, auprès du Grand Maître... maçonnique ? Ne parlons pas des stratagèmes en tout genre pour falsifier les marches publics ou des vaines tentatives pour donner quelque relief à un faux Prince sans charisme ni talent et qui n'était encore que le Chambellan de son père, lorsque ce dernier était un ‘gorgorlou’.
Saoulés par les lambris de la République, l'un et l'autre se croient maintenant dans une monarchie. Ceux qui savent n'oublient pas que dans un passé récent le fils n'osait guère se montrer dans les réunions que son pater tenait avec ses interlocuteurs. Désormais, le voici qui est imposé au cœur d'une République violentée, domptée et placée sur une orbite de monarchisation. Le silence du peuple sénégalais est condamnable face à des actes qui engagent son avenir comme les conditions non transparentes d'achats d'avions pour une valeur de 300 milliards de francs Cfa, les incendies lugubres - organisés ? - comme pour faire disparaître des documents compromettants, les mises en scène et stratagèmes pour se partager le pays ou encore les divisions entre amis, familles, confréries, et j'en passe... Presque tous les pans de la société, civils et militaires, sont complices.
Coupables de se laisser tenir en joue par un pouvoir qui fait de la menace sur les citoyens la base de sa force. Campagne d'intimidation, insultes, manipulation de services de l'Etat, comme la tristement célèbre Division des investigations criminelles (Dic) transformée en Stasi-Kgb pour faire plier les mal-pensants. Sans chance de succès car les méthodes d'un autre âge ne sauraient prospérer ici au même titre qu'elles ont été démythifiées ailleurs dans le monde.*(A Suivre)
Adama GAYE Journaliste
email: adamagaye@hotmail.com