III - Les axes de la réorganisation de la rec
L’enseignement supérieur au Sénégal : III - Les axes de la réorganisation de la recherche
Les universités doivent aussi explorer la contribution financière de la société. Un des moyens d’établir le pont entre l’université et la société est la Fondation d’université. A cet effet, le gouvernement, en rapport avec certains partenaires, devra mettre en place un cadre légal et réglementaire spécifique aux fondations d’université. Pour commencer, chaque fondation pourra mettre en place un plan de travail articulé autour de quatre axes : la contribution des diplômés ou amis, la contractualisation avec les entreprises et des segments de la société, les campagnes ciblées de financement et le Fonds de dépôts à terme. Les universités qui en ont la capacité peuvent faire gérer leurs licences ou/et brevets par la fondation. La gouvernance du conseil de fondation par la société met cette dernière au cœur du système. Ainsi, une meilleure synergie est créée entre l’université et sa société. Ici aussi, la place et le rôle des diplômés de l’université sont importants.
Outre l’appui à la recherche, à la pédagogie, au management et au social, les Fondations d’université doivent, pour garantir l’équité dans le système, disposer d’un fonds de garantie pour l’accès aux crédits des étudiants. Ainsi, les étudiants qui n’ont pas de ressources (allocation du gouvernement ou soutien de la famille) pourront solliciter un crédit au niveau des banques pour financer leurs études. Ce système, un peu plus équitable, est en cours dans nombre de pays. Ce dispositif a la vertu de mettre en situation les apprenants. Au bout d’un temps, plusieurs acteurs vont concourir au financement du système et le cercle vertueux est obtenu.
L’enseignement supérieur requiert, pour son efficacité, des moyens conséquents, disions-nous. La bonne gestion exige que les ressources mobilisées, leur utilisation ainsi que les résultats obtenus soient connus de tous. Ainsi, toutes les universités doivent, après avoir adopté leurs programmes d’activités, les mettre sur leur site web afin que nul n’en ignore. Elles doivent se donner les moyens de leur large vulgarisation. Avec ces comptes-rendus à la société, les membres de la communauté sont mieux informés sur leur université et plus enclins à collaborer avec elle.
L’enseignement supérieur est le sous-système de l’éducation qui se développe grâce à la recherche parce que cette dernière irrigue toutes ses autres composantes : les formations, les services, etc. Tout est adossé à la recherche, aussi bien les enseignements que les services et l’innovation. Dans l’enseignement supérieur, les programmes se renouvellent en permanence grâce aux résultats de la recherche. Dans ce sous-système, rien n’est acquis définitivement, tout est remis en cause en permanence. L’économie mondiale est soutenue par les résultats de la recherche. La quête permanente de la vérité fonde l’enseignement supérieur. D’ailleurs, elle a été à l’origine de sa création depuis l’academos platonicien qui est son ancêtre. Les classements des institutions d’enseignement supérieur sont établis à partir principalement de critères fondés sur la recherche.
L’Ucad, suite au départ massif des Français en 1970, n’a commencé à réorganiser son dispositif de recherche qu’en 2003. Loin d’affirmer qu’il n’y avait pas de recherche entre les deux dates, bien au contraire. Il y avait bien une recherche, féconde même par endroits. Toutefois, force est de reconnaître qu’il n’y avait pas un programme institutionnel de recherche. La communauté mondiale a beaucoup traité de la recherche, de la résolution des problèmes complexes, de la trans comme de l’interdisciplinarité. Pour mieux asseoir son efficience, l’Ucad a réorganisé son dispositif de recherche à partir de quatre paramètres : la transdisciplinarité, l’amélioration de l’environnement de recherche, le financement de la recherche, les droits de propriétés intellectuelles et la valorisation.
Avec plus de 1 100 enseignants, environ 1 000 doctorants, l’Ucad n’a mis en place que sept écoles doctorales. Chacune des écoles doctorales renferme des formations doctorales (cf. www.ucad.sn). Il est heureux de constater que l’essentiel de la communauté scientifique au Sénégal a adhéré aux écoles doctorales : des collègues des autres Universités, de l’Ird, de Pasteur et de l’Isra. Cette communauté sera élargie, lors des regroupements des écoles doctorales, aux collègues d’Europe, d’Amérique, d’Asie et, si nous arrivons à mobiliser les financements, aux collègues de la sous-région, voire du continent. L’objectif, outre la tension scientifique souhaitée sur le campus, est de créer en Afrique une communauté scientifique. En faisant côtoyer diverses disciplines, l’Ucad nourrit l’espoir, grâce à la transdisciplinarité, à l’interdisciplinarité, d’arriver à des résultats plus innovants. Il est, par ailleurs, recommandé à toutes les formations doctorales d’inclure dans leurs formations la pédagogie universitaire au même titre que l’anglais et l’informatique.
Renforcement de l’environnement de la recherche
Le renforcement de l’environnement de recherche constitue le deuxième axe de la réorganisation de la recherche. Il est vrai que certains laboratoires, soutenus par des financements étrangers, disposaient de quelques atouts. Mais, ils n’étaient pas nombreux. L’Ucad, en plus de la bibliothèque, de la maison de l’université, est dotée d’un centre de conférence pour favoriser les rencontres et améliorer la tension scientifique. Le réseau informatique a été amélioré et la fibre prolongée dans tous les bureaux, particulièrement ceux des enseignants chercheurs et des chercheurs. La bande passante a été élargie de deux à douze mégabits/s. Le programme Un enseignant un ordinateur a permis de distribuer 370 ordinateurs portables. Une seconde phase est envisagée avec des coûts revus à la baisse. L’Ucad est en train de se doter d’un centre de mesure avec au rez-de-chaussée des équipements physico-chimiques lourds, au premier étage des laboratoires orientés marché et au second les incubateurs d’entreprise. Cette plate-forme est le premier palier vers le parc scientifique et technologique. Il devra servir non seulement la recherche, mais aussi l’environnement de l’entreprise.
L’Ucad, tenant compte des atouts de la Fmpos, a l’ambition de bâtir une polyclinique sur son campus. Le centre médico-social qui en est la base, est en cours de construction grâce à la coopération turque. Il s’agit, ici aussi, de permettre aux collègues de médecine, pharmacie et odontostomatologie, par un environnement adéquat, d’exprimer pleinement la quintessence de leurs talents.
L’Ucad a aussi amélioré son dispositif de financement de la recherche. Il est basé sur trois axes : les fonds publics, les ressources de l’université et de la société et les fonds compétitifs. Outre les fonds destinés aux voyages d’études et aux primes de recherche, une enveloppe est mobilisée pour accompagner les écoles doctorales. L’Ucad met 40 % des ressources de la fonction de service revenant au rectorat à la disposition des écoles doctorales. Elle prend en charge les regroupements, ainsi que l’hébergement de certains participants. En plus, 50 % des fonds mobilisés par la Fondation Ucad seront dédiés à la recherche. Une attention particulière est réservée aux fonds compétitifs. A cet effet, outre le dispositif de veille, les chercheurs sont formés pour la rédaction de requêtes de financement. Un bureau de Grant writing sera bientôt mis en place. Toutes les dispositions sont prises pour rendre compte de l’utilisation des fonds mis à notre disposition par la coopération internationale. Un guichet unique a été ouvert au niveau de la Direction de la coopération. L’expérience est menée à la satisfaction des collègues et des partenaires.
L’université, principal soutien au développement de l’entreprise Le quatrième paramètre est relatif aux droits de propriétés intellectuelles et de la valorisation. Outre leur vulgarisation, des dispositions sont prises pour la création d’entreprise, le renforcement du partenariat public-privé.
L’université doit être le principal soutien au développement de l’entreprise et de la culture d’entreprise. Il est paradoxal de constater que des segments entiers de notre société sont entre les mains de personnes non diplômées de l’enseignement supérieur. L’université a intérêt à se rapprocher de ces entrepreneurs pour un échange mutuellement bénéfique. La culture d’entreprise doit être au cœur de la stratégie des universités. Aucun secteur ne doit être négligé. Nous devons, sans délai, installer des incubateurs et autres parcs scientifiques et technologiques au sein ou à la périphérie des universités.
Il ne s’agit pas seulement de former pour insérer les diplômés dans le marché, mais aussi et en permanence d’ouvrir ce dernier par, entre autres, les connaissances disponibles et, si possible, celles nouvelles. A cet effet, une réorganisation complète du dispositif de recherche est nécessaire avec un environnement de travail approprié. En dotant les universités d’équipements scientifiques lourds, on soutient aussi bien la recherche que l’environnement de l’entreprise. Les entreprises n’auront pas à faire des investissements lourds sur des équipements et contracteront avec les universités pour avoir les mesures souhaitées avec toute la rigueur que requiert l’enseignement supérieur. L’Ucad, après avoir créé sa première Sarl et en plus des projets qu’elle est en train d’incuber, lancera ‘Sénégal Innovation’ qui est une plate-forme de rencontres entre les chercheurs, les doctorants et des entrepreneurs tant locaux qu’internationaux.
En tenant compte des enjeux, des dispositions doivent être prises pour favoriser l’accès de tous ceux qui le souhaitent et qui en remplissent les conditions, à l’enseignement supérieur. Actuellement, plusieurs générations se croisent dans les systèmes d’enseignement supérieur pour faire ou parfaire leur formation. L’éducation tout au long de la vie est un des nouveaux paradigmes de l’enseignement supérieur. L’Unesco recommande que les effectifs estudiantins soient à un niveau égal à 2 % de la population pour qu’il y ait un réel impact de l’enseignement supérieur sur le développement.
Naturellement, une attention singulière doit être accordée à la génération majoritaire en formation initiale. L’accès à l’enseignement supérieur est un droit consacré par la constitution des Etats-Unis d’Amérique.
Il est paradoxal de constater que dans l’enseignement supérieur public, les places ne soient pas saturées au moment où des jeunes bacheliers ne sont pas admis. Il ne s’agit point de reproduire le modèle de l’Ucad mais, tout de même, les structures publiques doivent saturer leurs capacités d’accueil. La responsabilité incombe aussi bien aux dirigeants des universités, aux enseignants, au gouvernement qu’à la société. Des infrastructures de qualité doivent être érigées dans les universités nouvellement créées. Les universités de Kaolack, Diourbel, Tambacounda et la deuxième université de Dakar doivent être construites et ouvertes dans les meilleurs délais. Un Fonds d’impulsion de l’enseignement supérieur peut prendre en charge cette ambition. La coopération internationale pourrait aussi apporter sa contribution avec, à la clé, une co-diplomation avec les universités des pays partenaires. Il ne s’agit pas de philanthropie, mais de partenariat stratégique pour le déploiement de l’entreprise et du commerce à partir de standards définis.
Il est clair que la position particulière du Sénégal, sa stabilité politique et son potentiel technologique autorisent plus de partenariat avec des universités étrangères. Nous avons relevé cette opportunité au début de notre propos. Avec les résultats obtenus grâce à l’université de Ziguinchor, toutes les régions souhaitent la création et le développement de leur université. La création de nouvelles universités n’est pas antinomique avec la concentration de plus moyens dans certaines d’entre elles pour le respect des standards. D’ailleurs, en Afrique en général et au Sénégal en particulier, ce diptyque doit être exploré à fond. La mobilité et le réseau informatique d’enseignement et de recherche permettront une meilleure synergie dans le sous-secteur.(A suivre)
Prof. Abdou Salam SALL Recteur de l’Ucad