Plus dure sera la chute
Plus dure sera la chute
Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle ont constitué un véritable coup de massue pour le candidat par effraction, Abdoulaye Wade. Lui qui bombait volontiers le torse, déclarant urbi et orbi, avec la modestie (sic) qu’on lui connaît : ‘Je n’ai pas d’adversaires à ma taille en face de moi…Je vais gagner haut la main dès le premier tour.’ Cette fanfaronnade trahissait en réalité un manque criant de lucidité. La suite l’a amplement prouvé. Aussi, lors de sa conférence de presse postélectorale du 27 février avait-il choisi de faire, pour une fois, profil bas. En effet, il n’y avait pas de quoi pavoiser. Les maigres 34 % qu’il a péniblement récoltés sonnent comme la chronique d’une défaite annoncée.
Cependant, durant toute la campagne du second tour et jusqu’à la proclamation définitive des résultats, il faudra être d’une vigilance permanente pour parer à toutes les éventualités. Car Abdoulaye Wade, toute sa carrière l’atteste, ne connaît que le langage du rapport de force. Dès que vous lui cédez un pouce de terrain, il se croit autorisé à vous marcher sur la tête. Les Sénégalais en ont fait l’amère expérience tout au long de ces douze dernières années. C’est grâce à leur sursaut salutaire du 23 juin qu’ils ont secoué le joug que Wade leur imposait. A partir de cette date, la donne avait changé. En quelque sorte, le peuple avait repris l’initiative dont il n’aurait jamais dû être dépossédé.
A cet égard, une défaite nette et sans bavure du président sortant serait la juste récompense d’une mobilisation exemplaire. Même si divers indices concordants rendent impossible une victoire de Wade, il faut avoir présent à l’esprit que l’homme ne reculera devant rien pour s’octroyer ‘trois années supplémentaires afin de terminer (ses fameux) chantiers (sic)’, comme il le clame à tous vents. Des propos qui sont une vraie insulte à l’intelligence des Sénégalais. Il faut donc se préparer à lui faire entendre raison par tous les moyens sans exception, s’il s’avisait de triturer les résultats électoraux.
D’ailleurs, chassez le naturel il revient au galop, le voilà qui entonne à nouveau le refrain triomphaliste de sa réélection. Au fond, c’est bon signe, la preuve qu’il n’est pas guéri de sa cécité politique. Laissons-le à ses chimères. Il fera bientôt jour.
Pourtant, certains membres - et pas des moindres - de son dernier cercle se sont employés, ces derniers temps, en désespoir de cause, à frapper discrètement à différentes portes (même les plus inattendues) pour trouver une issue honorable à une aventure vouée à être sans lendemain. Mais, il est désormais trop tard. Une page est en voie d’être tournée qui va donner un second souffle à la démocratie sénégalaise.
Dans cette perspective, aucune voix des partis de l’opposition qui se reconnaissent dans les conclusions des Assises nationales, ne doit manquer à Macky Sall le 26 mars. Je ne connais pas l’homme, et ma préférence allait à Moustapha Niasse. Mais il faut respecter le suffrage universel. En tout état de cause, ce n’est pas le moment des états d’âme. Foin des coquetteries d’intellectuels tourmentés, des mesquineries politiciennes et des élucubrations de salon. Il faut aller droit au but. Le seul mot d‘ordre du moment doit être : ‘Sortir le sortant.’ Tout le reste n’est que billevesée. D’autant que le candidat de Bennoo Bok Yaakaar ne bénéficie pas d’un chèque en blanc comme ce fut le cas de Wade en 2000. Avec les conséquences funestes qui en résultèrent. Il est vrai que le contexte est différent. Aujourd’hui, après la mutualisation des moyens et des compétences pendant la campagne du second tour, en cas de victoire, on devrait assister logiquement à un partenariat politique d’un genre nouveau. En somme, une gestion concertée du pouvoir.
L’accent étant davantage mis sur le programme à exécuter pour satisfaire les besoins des populations, que sur les postes à se répartir. Macky Sall, s’il accède au pouvoir, sera jugé sur pièces Mais, d’ores et déjà, il faut ériger des garde-fous contre toute tentation éventuelle d’un exercice solitaire du pouvoir A ce stade, toute accusation de cette nature contre le potentiel président, relèverait du pur procès d’intention. Ce dernier qui a bénéficié du soutien sans faille de tous les candidats malheureux du second tour, serait bien inspiré de se montrer à la hauteur de cette confiance unanime et des enjeux. Toute autre attitude susciterait une immense déception. Il est interdit de désespérer une seconde fois le peuple sénégalais.
Mais avant, il faut gagner le second tour. La dynamique crée par le rassemblement sans réticence autour du candidat de l’opposition le mieux placé est sans doute de nature à galvaniser l’électorat. De même, les électeurs blasés, persuadés que les dés étaient pipés, et qui s’étaient réfugiés dans l’abstention, ont à présent toutes les raisons de se faire entendre. Pour sanctionner une gouvernance désastreuse, et le projet en filigrane d’une dévolution monarchique du pouvoir. Bref, il faut donner un caractère résolument référendaire au scrutin et gagner le vote des abstentionnistes, pour arracher une victoire qui ne souffre d’aucune contestation.
A voir la panique qui souffle sur le camp d’en face et la débandade qui s’amorce, on peut être enclin à un optimisme raisonnable. En effet, dans le camp des Fal 2012, on ne sait plus où donner de la tête. L’argent du contribuable, abondamment distribué pour acheter les consciences, devient l’ultime recours. Mais, il y a longtemps que de tels procédés crapuleux ont montré leur limite. Reste aussi l’arme des attaques personnelles, distillées par des personnages corrompus jusqu’à la moelle, donc totalement disqualifiés pour donner une quelconque leçon à qui que ce soit.
Assurément, l’étau se resserre autour des ‘alternoceurs’. Le régime de Wade apparaît de plus en plus comme une citadelle assiégée. Il est grand temps qu’elle s’écroule pour libérer les énergies et les initiatives.
Ibrahima SIGNATE
Il n’est pas interdit de rêver*
Avant le premier tour des présidentielles du 26 Février 2012, Maître Abdoulaye Wade et son camp n’avaient de cesse d’affirmer qu’il allait l’emporter dès le premier tour. Maintenant qu’il est avéré qu’ils étaient dans l’illusion, dans un rêve profond, les braves ‘Falistes’, dans un combat héroïque contre le découragement, se sont encore remis à rêver, affirmant sur la base d’interprétations hasardeuses du taux d’abstention particulièrement élevé, qu’il ne fait aucun doute que le candidat Wade sortira victorieux à l’issue du second tour, que les électeurs lui ont imposé, à défaut de l’avoir éliminé une bonne fois dès le premier tour.
Tout comme il n’était pas interdit de rêver avant les résultats du premier tour, il ne l’est pas non plus avant les résultats attendus dimanche prochain. Mais, si autour du candidat Wade il y a des personnes qui continuent de rêver de plus belle, il y en a certaines autres, plus réalistes, qui, comme lui, savent, dans leur intime conviction, ce que sera la messe attendue pour le 25 mars 2012, sauf extraordinaire.
Vraisemblablement ce serait parce que le candidat Wade évite de faire tomber en syncope beaucoup de ses partisans, surtout ceux de ses supporters de la vingt-cinquième heure, qui n’auraient pas suffisamment de temps pour accaparer assez de richesses, qu’il leur cache ce qu’il sait en âme et conscience sur la chute vertigineuse de sa popularité de l’an 2000. Et sachant qu’une popularité fort érodée ne se rétablit pas par décret, il a entrepris pendant un an, plusieurs tentatives espérant qu’elles pourraient lui permettre de se succéder à lui-même, malgré tout.
Passons en revue ces tentatives malheureuses, aussi antidémocratiques les unes que les autres. Ne voulant pas risquer les aléas d’un second tour qu’il savait inévitable, il avait lancé un ballon de sonde pour tester le degré de souplesse de l’échine de son ‘opposition poltronne’, qui n’est qu’une ‘opposition de salon’. S’étant rendu compte que celle-ci ne se laisserait pas faire et que les régimes démocratiques, à travers le monde, très admiratifs de l’exemple sénégalais en matière d’édification d’un régime démocratique en Afrique, déploreraient le grave recul démocratique qu’il aurait fait subir à notre pays, il se ravisa et tourna son regard ailleurs pour scruter d’autres moyens.
Sa cogitation ne l’aida à trouver mieux que d’ouvrir les portes qui mènent vers les fraudes pour rendre sans risques un deuxième tour inévitable. Il se souvint du rôle anti-fraude efficace qu’avaient joué les radios privées libres lors des présidentielles de 2000. Ces organes de presse, on s’en souvient, publiaient aussitôt les résultats des bureaux de vote au fur et à mesure qu’ils étaient affichés aux termes des dépouillements. Ainsi, les fraudeurs éventuels et leurs complices au sommet ne pouvaient plus publier d’autres résultats, qui ne pourraient être que des faux, favorables au candidat sortant de l’époque. Les opposants, son challenger Abdoulaye Wade le premier, avaient applaudi la presse pour le rôle combien déterminant qu’elle avait joué, sans lequel il n’est pas évident qu’Abdou Diouf n’aurait pas rempilé, en dépit du fait qu’en matière d’impopularité, il en était au niveau où Wade est actuellement.
Et voilà que celui-ci qui en avait profité, a eu à manifester son intention d’interdire à la presse d’accomplir la même mission à l’occasion des élections actuelles. C’est évident que son calcul est d’éviter qu’il subsiste un moyen anti-fraude prompt à prévenir la possibilité d’empêcher la falsification des procès-verbaux électoraux dressés et affichés par les bureaux de vote.
Transparaît ainsi un caractère nauséabond de l’arène politique, où certains acteurs ne se gênent nullement de changer d’attitude du jour au lendemain, selon qu’ils sont au pouvoir ou à l’opposition. N’allez surtout pas leur parler d’éthique ou de parole donnée. Ils n’en ont que faire.
Encore en mémoire le fameux projet de réforme constitutionnelle, en vertu duquel, n’eût été les violentes ripostes populaires d’un inoubliable 23 juin 2011, le président Wade et son Parlement, qu’il tient en laisse, auraient gommé de la Constitution l’obligation faite au candidat arrivé en tête au scrutin présidentiel, de ne pouvoir être déclaré élu dès le premier tour s’il n’a pas obtenu au moins 51 % des suffrages valablement exprimés. Cette barre universelle, si je ne me trompe, ramenée au Sénégal à 25 %, aurait permis au candidat sortant Wade, désespérément en lutte pour sa réélection sous l’empire de la disposition constitutionnelle qu’il voulait gommer. Le M23 nous a sauvés du risque de laisser notre pays gouverner par un chef d’Etat qui ne serait choisi qu’à peine par 25 % des suffrages valablement exprimés, étant rappelé que la population du Sénégal est d’environ 12 millions et que le nombre des électeurs inscrits tournerait autour de quelques millions.
Il avait aussi lancé un ballon de sonde dans le but d’instaurer l’élection du président de la République au suffrage universel à un seul tour. Cet autre moyen pourrait lui permettre d’éviter les aléas d’un second tour, car il lui aurait permis d’être élu avec les 34 % qu’il a eus récemment le 26 février. Malheureusement, il nous aurait ôté la chance qui est à notre portée aujourd’hui, de le faire remplacer par le candidat qui l’avait talonné au premier tour et qui bénéficie au second tour de l’appui de tous les autres candidats malheureux, et de ceux qui leur avaient fait confiance en votant pour eux.
En comparant la situation relative à l’élection présidentielle, qui avait prévalu en 2000 à celle qui nous préoccupe actuellement entre les deux tours des élections présidentielles, on tire la conclusion que le candidat Wade avait moins de chance que Macky Sall de battre le candidat sortant. Diverses analyses pertinentes vont dans le même sens.
En résumé, qu’on soit pour ou contre le président Wade, on se rend à l’évidence que toutes ses tentatives successives de retoucher la Constitution à l’approche de l’échéance électorale du 26 février 2012 dénotent son incertitude d’être majoritaire.
Maître Wagane FAYE, Avocat à la Cour
*Le titre est de la rédaction
Taux de participation : 51,58 % !!!
Ainsi donc, selon des résultats définitifs du scrutin du premier tour publiés par la Cour d’appel de Dakar, sur 12555 bureaux de vote répartis au Sénégal et à l’étranger, il y a eu 2.735.135 votants sur 5.302.349 inscrits, soit un taux de participation égal à 51,58 %.
En première lecture, ce taux semble faible et ne correspond pas à la sortie massive des citoyens, observée ce dimanche 26 février 2012.
Une analyse plus fine fait ressortir, pour la région de Dakar, un taux de 48,39%, or, dans toutes les élections présidentielles précédentes, dont celle controversée et savamment préparée de 2007, le taux de Dakar (72 %) dépasse toujours de 2 points le taux national (70 %). Et si l’on tient compte des locales de 2009 où le taux national était de 44,89 %, et non de 56% comme annoncé, tandis que celui de Dakar était de 31%, on se rend compte qu’un certain déséquilibre a été induit avec le recensement provoqué par la refonte totale du fichier avec de nouvelles cartes d’identité et d’électeur censées être numérisées et sécurisées.
En réalité, le fichier a été artificiellement gonflé d’électeurs fictifs à hauteur de 25 à 30 %. Comment pouvait-il en être autrement lorsqu’on sait que des demandeurs ont été enrôlés dans la base puis rejetés pour défaillance sur l’extrait de naissance ou autre, sans qu’on ne puisse affirmer qu’ils ont été effacés du fichier ? C’est ainsi que lors de l’audit de l’Ue, de soi-disant rebuts ont été effacés parce que ne comportant que des chiffres sur leurs noms, ce qui est une aberration en informatique.
De plus, suite à la refonte ayant pris fin en septembre 2006, près de 650 000 citoyens n’avaient pas retiré leurs cartes, ce qui est surprenant puisque s’il est bien possible de ne pas retirer sa carte d’électeur à cause d’un quelconque désintérêt, il en est tout autrement pour la carte d’identité, document d’une grande importance pour tout citoyen (qui existe). Avant le 26 février 2012, ce nombre était d’environ 490 000, selon le ministre en charge des élections. Aux dernières nouvelles, on en serait à 310 943, selon la Cena.
Sur cette même lancée, les observateurs de l’Ue ont courageusement révélé, après ce premier tour, qu’il y aurait environ 130 000 décédés dans le fichier ! Comment ont-ils fait pour s’en apercevoir soudainement ? Sachant que le fichier d’état-civil n’est pas à jour et qu’il n’y a aucune corrélation entre celui-ci et le fichier électoral, nous ne voyons vraiment pas comment ils ont pu arriver à un chiffre aussi précis. Auraient-ils été pris d’un subit remords après avoir affirmé, suite à leur audit bidon, que 98 % des électeurs avaient été formellement identifiés alors que l’enquête n’avait porté que sur 1050 personnes réparties dans 42 communautés urbaines et rurales de l’intérieur du pays, à raison de 25 par communauté ? Ce dont, nous avions dit, en son temps, que c’était un gros mensonge.
En tout état de cause, au risque de nous répéter, relevons que la fiabilité d’un fichier ne se décrète pas. En l’occurrence, notre fichier électoral est très loin des canons d’une quelconque crédibilité et aucune incantation, magie ou phraséologie mielleuse n’y changera grand-chose. Néanmoins, il peut toujours servir de base à une élection, sous certaines réserves, ce qui est risqué, mais comme personne n’a voulu d’une remise en question globale, côté pouvoir comme côté opposition, et que nous nous acheminons doucettement vers un second tour libéral, il faudra satisfaire aux mêmes conditions de sécurisation que pour le premier tour en veillant, au moment du dépouillement, à ce qu’il soit procédé, dans tous les centres, au comptage des signatures dans les registres et du nombre de bulletins dans les urnes et vérifier la concordance parfaite des deux résultats.
Au plan politique, faut-il le reconnaître, le vote du 26 février a relevé un rejet du peuple de Gauche au profit du libéralisme en plaçant deux de ses représentants au second tour et, quoiqu’on puisse penser, le score du président sortant (34,82 %) est tout à fait honorable en ce sens que, dans une démocratie normale, comme en France, il est très rare de voir un candidat, fût-il le président sortant, engranger plus de 25% au premier tour. Malheureusement, le syndrome de 2007 et les prétentions démesurées et infantilisantes d’avant le premier tour, sont passés par là et les résultats ont pu faire croire que le président a été désavoué. Il n’en est rien. Et pour tous ceux qui pensent qu’il a fait son plein de voix, nous leur demandons de revisiter l’élection présidentielle de 2007, à laquelle un bon nombre d’entre nous ont finalement adhéré, faute d’une réflexion approfondie, et où il a eu près de 1 950 000 voix. Or, ce 26 février, il en a eu 942 327. Il lui reste donc théoriquement près d’un million de voix. De plus, comparaison pour comparaison, si 70 % votent au second tour, on aura 3 710 000 votants et le million est dans la poche ! Signalons aussi que, dès le lendemain du premier tour, la Cena avait annoncé un taux de participation de 60 %. Comment peut-on se tromper de 8 à 9 points dans un domaine aussi pointu que les statistiques ?
D’un autre côté, en réalité, ce vote du second tour ne concerne plus le peuple de Gauche, malgré les ralliements précipités. Nous avons été bernés par ce M23 dont la tâche, nous l’avons déjà dit, était finie et accomplie au soir du 23 juin. Dans quel pays a-t-on vu une classe politique être à la remorque d’une certaine société civile qui cherche, en temps normal, à la contrôler ? Comment peut-on déclarer ne pas participer à une élection avec un ‘candidat anticonstitutionnel’ alors que celui-ci se retrouve en tête au premier tour ? N’est-ce pas là un cinglant désaveu du peuple ?
En tout état de cause, nous sommes là, dans, comme qui dirait, un vulgaire Vaudeville qui s’écrit chaque jour sous nos yeux, sans que nous puissions inverser le cours des choses et tout cela finira en eau de boudin pour le peuple de Gauche, quelle que puisse être l’issue de ce second tour. Et nous devons, ici et maintenant, nous de la Gauche plurielle, taire nos rancœurs, enterrer nos sourdes querelles afin de nous réunir dans un seul et grand parti, nous disons bien parti, et nous préparer aux législatives prochaines.
Mais cela est une autre histoire…
Iba GUEYE, Membre du Bp de la Ld