Une fiction en extinction
ABDOULAYE WADE :
Une fiction en extinction
Il y a quelques semaines, en visite à Matam, Abdoulaye Wade s’est livré à un édifiant exercice de style. Fidèle à une tactique bien éprouvée, il s’est défaussé sur ses prédécesseurs, a porté de fausses accusations et a fait dans l’invective, sans parler de l’épouvantail de la mort du Parti socialiste agité depuis bientôt dix années par un Président qui, oublieux des devoirs de sa charge, est aujourd’hui le seul à faire à tout bout de champ de la politique politicienne. Il aurait pu tenter de rester dans le caractère républicain de cette visite et gommer le ton provocateur dont il est coutumier, mais, comme toujours avec lui, il suffit d’une foule et de quelques micros pour que le naturel revienne au galop.
Désigner des boucs-émissaires est une technique usée qui a déjà atteint ses limites mais si on y ajoute la mauvaise foi, alors vous relevez un état d’esprit coupable des dérives maladroitement passées sous silence. Le discours d’Abdoulaye Wade à Matam est allé au-delà de la simple mise en scène. Mais il ne doit pas faire illusion. Car la réalité des faits indexe sa gouvernance toxique. Les méfaits multiples de cette gouvernance explosent sous nos yeux avec ses impasses : une économie nationale en pleine dépression, une agriculture moribonde, victime des politiques erratiques, une industrie démantelée par un affairisme d’Etat, des entreprises asphyxiées par la dette intérieure, un pouvoir d’achat en chute constante, une crise structurelle des secteurs de l’éducation et de la santé.
Au lieu de satisfaire la revendication permanente des Sénégalais pour une vie décente, il n’a d’autres ressources que de s’attaquer aux Présidents Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf. Or tout le distingue de ses illustres prédécesseurs. Ce qui les distingue surtout, c’est la relation névrotique qu’Abdoulaye Wade entretient avec la chose publique. Il y a, pour ainsi dire, chez lui une absence de pudeur et d’éthique dans la gestion de l’Etat, illustrée par une gestion patrimoniale et par la personnalisation outrancière du pouvoir et des institutions. Tout le contraire des Présidents Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf qui nourrissaient, l’un et l’autre, un détachement pour le pouvoir et un mépris pour l’argent. Il tente d’entacher la probité et la rigueur morale de ses prédécesseurs alors qu’il y a peu, l’affaire Segura, qui a couvert notre pays de honte, le désignait comme celui qui a tenté d’acheter la conscience et le silence de l’ancien Représentant-résident du Fonds Monétaire International à Dakar.
En vérité, Abdoulaye Wade nourrit un gros complexe vis-à-vis des Présidents Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, qui ont fait l’histoire de notre jeune Nation et sont restés dans la postérité comme des hommes d’Etat exceptionnels. Léopold Sédar Senghor a été l’un des plus grands penseurs de notre temps et un pionnier d’une grande lucidité, dont l’œuvre et l’action resteront à jamais une féconde source pour la Nation. Le Président Abdou Diouf a contribué à consolider l’équilibre de la Nation et a été le principal artisan de la construction démocratique dans notre pays.
Tous les deux, le premier à partir de sa notoriété personnelle et le second par son expérience et sa sagesse, ont donné à la voix de notre pays une résonnance planétaire et l’ont élevée dans le concert des Nations au moyen d’une diplomatie dynamique, professionnelle et respectée. On imagine le drame d’Abdoulaye Wade et sa frustration dans les endroits où il faut paraître pour être vu et apprécié puisqu’aujourd’hui, sa diplomatie frénétique et compulsive est désormais snobée et mise à l’écart dans les grandes rencontres internationales.
C’est cela que l’Histoire retiendra de ces précurseurs alors que Abdoulaye Wade restera dans la chronique des faits divers.
Lorsqu’Abdoulaye Wade annonce la mort du Parti socialiste, on perçoit tout de suite un sentiment trouble. En effet, la violence avec laquelle il s’attaque au Parti socialiste ne doit pas faire oublier la fascination que ce parti exerce sur lui. Le Parti socialiste fascine Abdoulaye Wade, au point qu’il ait toujours cherché à s’emparer, de manière illégitime, de l’héritage du Président Léopold Sédar Senghor et à s’en inspirer, même s’il le fait maladroitement. Abdoulaye Wade doit se faire définitivement une raison. Il ne réussira jamais à faire du PDS, un parti comme le Parti socialiste où cohabitent plusieurs générations de militants. Le Parti socialiste, c’est l’illustration d’un lien intergénérationnel très solide et la succession des générations depuis 1948 avec des alternances régulières et sereines à sa tête.
A la fascination se mêle la crainte. Abdoulaye Wade a une peur bleue du Parti socialiste, une peur qu’il cherche à exorciser en annonçant régulièrement la mort du Parti socialiste. Naturellement, il se trompe. Malgré les assauts inédits dont il a fait l’objet depuis l’alternance de 2000, le Parti socialiste est resté debout, droit dans ses bottes parce que notre parti a une idéologie et des valeurs portées par des militants convaincus. Il a réussi à se redresser, à remobiliser ses militants et à s’ouvrir à tous les segments de la société sénégalaise. Il n’est pas évident que le PDS aurait pu résister aux attaques auxquelles le Parti socialiste a fait face depuis dix années et qu’il survivrait à son fondateur.
Aujourd’hui le Parti socialiste est véritablement en ordre de bataille pour conquérir le pouvoir avec ses partenaires de Benno Siggil Senegaal. C’est cela qui fait peur à Abdoulaye Wade, lui dont le Parti ressemble à une armée mexicaine, et pour qui, chaque jour, correspond à un nouvel épisode de la chronique d’une mort annoncée en attendant le jour, plus très lointain, où le peuple sénégalais prononcera son oraison funèbre.
Au final, la visite de Matam semble surtout avoir servi de prétexte à un déplacement électoral. Et il faut se désoler qu’avec Abdoulaye Wade, les vrais débats soient toujours occultés au profit de la rhétorique politicienne et que la mauvaise foi soit le seul argument d’une campagne électorale prématurée. Or, les Sénégalais ont le droit, aujourd’hui autant qu’hier, de réclamer l’amélioration de leurs conditions de vie, sans qu’au plus haut niveau de l’Etat leur soit en permanence adressé le même refrain.
• Ousmane Tanor DIENG
• Secrétaire Général du Parti Socialiste
Ce présent texte peut également être lu à partir du site/blog de Ousmane Tanor DIENG (tanor-dieng.com)
Monument de la renaissance africaine : Au-delà de la polémique politicienne et du débat profane
Les hommes et les nations ainsi que leurs œuvres sont inexorablement soumis à la loi de la caducité. A l’image des feuilles vieilles et fanées qui tombent inéluctablement de l’arbre pour laisser place aux feuilles jeunes et étincelantes de vie verdoyante et prometteuse, nous sommes tous condamnés à céder la terre et la patrie à des générations nouvelles. Mais les vieilles feuilles que le processus de régénération naturelle de l’arbre semble expulser de l’organisme vivant, retournent, par la mort, à la vie de ce même organisme : elles fertilisent le sol à partir duquel l’arbre puise la sève qui le nourrit. Personne n’échappe à cette tragique loi de l’histoire des hommes et des nations qu’est la caducité : la seule façon de s’y dérober de façon indirecte c’est, à l’image du développement organique de la plante, de produire des œuvres immortelles. Ces œuvres prennent des formes et contours variés : les décisions et réalisations politiques exceptionnelles (comme la révolution française), les œuvres philosophiques et scientifiques de qualité (la Critique de la raison pure de Kant ou théorie de la relativité de Einstein) les œuvres artistiques (les chefs d’œuvres littéraires, les monuments architecturaux), etc.
Les pères des Indépendances et les héros de la décolonisation ont posé des actes politiques mémorables, les artistes africains ont irrigué le monde de leur génie, des savants comme Cheikh Anta Diop et d’autres ont contribué à faire reculer les limites de la connaissance humaine. Il y a donc des monuments africains dans les domaines de la science, de la politique et de l’art. Mais quid des monuments faisant office de patrimoine national et symbolisant les aspirations d’un peuple ? Où sont les édifices qui symbolisent à la fois notre enracinement dans un passé dont nous sommes fiers et notre ouverture dans un avenir que nous affrontons avec sérénité, confiance et courage ?
Le mot monument, du latin monumentum qui, lui-même, dérive de meneo, c’est-à-dire se remémorer, désigne une statue, ou toute forme d’œuvre architecturale destinée à rappeler un événement ou une personne dont la portée et le sens ont un caractère exceptionnel. Depuis la nuit des temps, l’oubli a été toujours considéré par les peuples et les nations comme une deuxième mort, un avilissement. Les pyramides égyptiennes sont le fruit de tant de sacrifices et d’ingéniosité qu’on est toujours pris d’émoi et de sentiment de respect infini pour les peuples qui ont réalisé de telles merveilles lorsqu’on les contemple. Que saurions-nous aujourd’hui des civilisations égyptienne, grecque, romaine, orientale, si des temples et des monuments érigés par les anciens n’avaient pas été des vestiges qui ont su résister avec succès à l’érosion du temps ?
Qu’est-ce qu’un peuple qui ne chante pas sa gloire et qui n’affirme pas son optimisme pour l’avenir ? Une petite archéologie des sept merveilles du monde montrerait tout de suite qu’un peuple n’est jamais prêt à construire des édifices de ce genre : ils nécessitent des sacrifices et des efforts humains que ne sont jamais prêts à dépenser ceux qui n’ont d’intérêt que pour les réalisations à rendement immédiat. Aucun contexte n’est en réalité opportun à la réalisation des grandes œuvres de l’humanité, sinon l’héroïsme et le génie n’auraient plus de sens. Le mérite d’un peuple et d’une génération, c’est de savoir titrer de ses difficultés des motifs de fierté rédemptrice et des raisons d’espérance dynamique.
En dehors des humeurs toujours vagabondes et versatiles de la politique, il convient de juger la portée du Monument de la renaissance avec la lucidité, l’abnégation et la rigueur intellectuelle dont sont si jaloux les intellectuels. Les monuments font partie de l’histoire vivante des hommes et des nations bien que symbolisant ou remémorant la plupart du temps des évènements ou personnages du passé. C’est pourquoi, les monuments ont une valeur à la fois culturelle et historique : ils suggèrent le passé, expriment une certaine fierté et témoignent de la créativité des contemporains. Dans toutes les grandes villes du monde, il y a des panneaux et des plans cadastraux qui orientent l’étranger et donnent une idée au nouveau venu sur les mutations de la ville.
Il faut, dans le même rapport, considérer l’histoire comme une gigantesque métropole et les monuments comme des repères qui permettent aux visiteurs et aux nouvelles générations de s’orienter dans le tumulte que représente l’histoire de l’humanité. Elle est tellement tumultueuse cette histoire que ceux qui ne savant pas en avoir une lecture correcte et lucide se perdent ou immergent dans ses flots labyrinthiques. Nous autres Africains avons tellement souffert de l’oubli et du mépris que nous n’avons pas le droit de laisser notre patrie vierge de symboles de notre opiniâtreté malgré l’adversité, de notre vivacité malgré les assauts répétés d’un monde injuste et impitoyable, de notre créativité malgré la modicité de nos moyens et malgré notre dénuement.
Il importe, sous ce rapport de dénoncer la critique de l’opportunité politique et économique du monument de la renaissance africaine : ce n’est (pas) parce que nous sommes pauvres que nous devons nous morfondre dans le misérabilisme et dans une résignation qui ne fera que nous damner davantage dans les tréfonds des poubelles de l’histoire. Il ne faut jamais se délecter du misérabilisme, car il tue tout espoir, asphyxie toute innovation et inhibe toute volonté de résurrection. Une telle critique n’est pas seulement dangereuse et inhibitrice ; elle est fondamentalement fausse, car l’histoire de l’humanité est remplie d’exemples qui montrent que dans l’angoisse et le désespoir l’homme reste lucide et créateur de merveille. ‘De la boue’, des artistes ‘ont pétri de l’or’ et Nietzsche a raison de penser qu’il faut avoir en soi le chaos pour accoucher d’une étoile qui danse.
Face au spectacle de l’absurde, de l’horreur et du tragique qu’est l’histoire humaine, Nietzsche estime que l’homme est capable d’une créativité et d’une lucidité qui expriment justement sa liberté et sa joie à l’intérieur même d’une vie qui l’écrase et l’anéantit. La fierté n’a pas de prix et c’est faux de ranger le monument de la renaissance dans le registre du gigantisme mégalomane et des dépenses de prestige. Ce monument doit être considéré comme l’habile pétrification des larves de misère, de domination et de mépris, violemment mais ingénieusement extirpées des entrailles du volcan qu’est l’histoire tragique de l’Afrique et des Africains.
Baudelaire a dit avec beaucoup de pertinence qu’’il est beaucoup plus commode de déclarer que tout est absolument laid dans l’habit d’une époque, que de s’appliquer à en extraire la beauté mystérieuse qui y peut être contenue si minime ou si légère qu’elle soit’. Tous ceux qui prétextent de la morosité économique actuelle pour contester l’opportunité de cet imposant édifice qu’est le monument de la renaissance devraient méditer ce propos de Baudelaire. Cette entreprise n’est pas une sorte de misère dorée, il s’agit plutôt d’une transfiguration de la misère, d’une sublimation dynamique et positive de celle-ci en énergie créatrice. La tour Eiffel a enregistré 6.893 millions de visiteurs en 2007 : combien d’emplois créés ? Combien de millions d’euros en termes de retombées directes et indirectes ces visites ont-elles permis ? New York a son Liberty Enlightening the World, (la liberté éclairant le monde) plus connu sous le nom de statue de la Liberté (Statue of Liberty) : combien de millions de dollars cet édifice génère-t-il par année ? De toute façon on ne peut et on ne doit juger la valeur et l’opportunité d’un tel édifice culturel et artistique en fonction de son coût ou de ses rendements financiers : ce qu’il symbolise, le message qu’il transmet, l’appel qu’il lance sont au-dessus de toute valeur marchande ! En ce qui concerne l’argument selon lequel l’habillement des personnages représentés par le monument heurte la conscience religieuse des Sénégalais et est contre les valeurs traditionnelles, il faut remarquer qu’il n’y a rein de plus saugrenu et de plus farfelu. Les tenants d’un tel argument sont d’ailleurs d’une éclatante mauvaise foi : juger une œuvre artistique en fonction du référentiel islamique dans un pays dont la constitution et les institutions sont laïques, c’est faire preuvede démagogie manifeste ! Il serait plus conséquent de la part de ceux qui défendent une telle idée de commencer d’abord par inviter leurs compatriotes à l’institution d’un Etat islamique où, comme on le sait, le socle culturel ne permettrait peut-être pas le port de tels vêtements.
Comment peut-on vivre et s’épanouir dans un Etat ou la liberté est un principe fondamental et dénoncer une œuvre artistique sous prétexte qu’elle met en scène des personnages mal vêtus au regard de l’éthique et des valeurs musulmanes ? Comment peut-on déprécier une statue pour un tel prétexte alors qu’au même moment on vit dans un pays où les gens observent des mœurs vestimentaires totalement libres pour ne pas dire libertaires ? De quelle Afrique et de quel Sénégal cette statue incarne-t-elle la renaissance ? Pourquoi, au lieu de remettre en cause le caractère laïc de notre société, ces gens se délectent-ils de procès superficiels et de débats périphériques ?
Il faut, dans ce pays, qu’on apprenne à faire une dichotomie nette entre le débat politicien et le débat technique : il y a des gens qui parlent de l’art alors qu’ils ne sont en rien autorisés à le faire. Il faut faire la dichotomie nette entre, d’une part le Wade chef d’Etat et chef de parti que les uns adulent et que les autres critiquent et le Wade artiste auteur de l’idée de ce monument et, d’autre part, Wade en tant que personne humaine (avec sa nature humaine bien courbe pour parodier Kant) et la valeur intrinsèque de son idée ou de son œuvre elle-même. Il ne faut pas que l’amour ou la haine, l’adversité ou l’amitié qu’on éprouve pour l’homme politique soient les bases sur lesquelles nous formons nos jugements sur l’œuvre de l’artiste. Il faut surtout éviter de faire une sorte de transfert, pour utiliser une expression freudienne, de la politique à l’art !
Alassane K. KITANE Professeur au Lycée Ahmadou Ndack Seck de Thiès
Objection, M. Thiam, la transhumance, malgré ses relents parfois immoraux, reste un phénomène politique naturel … !
Dans une intéressante tribune publiée dans Walf Quotidien du 09 février 2010, intitulée : ‘Invention de la violence au Sénégal : ‘Archéologie’ d’un phénomène social menaçant la démocratie sénégalaise’, notre compatriote Abdou Rahmane Thiam Docteur en Sciences politiques basé à Montpellier, en France fait dans le corps de son texte, un violent réquisitoire à la transhumance politique. Phénomène qu’il semble imputé au Parti démocratique sénégalais. Loin de toute polémique, nous voudrions seulement apporter notre modeste contribution dans ce débat qui est loin d’être épuisé.
En effet, le phénomène de décomposition/ recomposition est consubstantiel à la politique et c’est pourquoi le phénomène de la transhumance, malgré ses relents parfois immoraux, reste un phénomène politique naturel, normal. L’actualité en France et aux Usa a d’ailleurs contraint beaucoup d’analystes politiques sénégalais à revoir la façon dont ils pensaient le phénomène de la transhumance politique : ce n’est ni une invention sénégalaise, ni le monopole d’un parti.
Aucune histoire politique ne pourra donc s’écrire ni se comprendre sans une prise ne charge lucide et objective de ce phénomène devenu une des clés de toute tentative d’exégèse de la démocratie sénégalaise. Et dans cette entreprise, il n’y a, compte tenu de sa propre histoire et de sa position actuelle dans l’échiquier politique, aucun autre parti plus intéressant, du point épistémologique, que le Pds. Ce parti s’est forgé dans la résistance face à la transhumance et se fortifie aujourd’hui par une gestion, quelquefois cahoteuse, mais malgré tout originale de ce phénomène. L’histoire du Pds et celle de la transhumance politique sont donc intimement liées, car c’est un parti qui, malgré ses précautions, en a souffert, mais qui, paradoxalement, en tire profit aujourd’hui.
La question que doit se poser une analyse politique doit donc, provisoirement, écarter le point de vue moral pour une approche plus scientifique du phénomène au Sénégal. C’est pourquoi, quand M. Thiam qui convoque le contexte politique de 2000 dit : ’Malgré sa victoire au second tour, tout laisse à penser que le nouveau parti au pouvoir (Pds) n’était pas rassuré par la représentativité de son capital militant. Pour reconfigurer son assise politique locale et nationale, il a fallu débaucher des responsables d’autres partis, et plus particulièrement de grands responsables du Ps’, qu’il nous permette de marquer notre étonnement. Il importe sous ce rapport, de revisiter l’histoire politique du Pds par les textes et par les faits pour mieux cerner les contours de la transhumance politique au Sénégal.
1- L’histoire de la transhumance politique au Sénégal :
Selon Confucius, ‘l’expérience est une lanterne que l’on porte sur le dos. Elle n’éclaire que la route déjà parcourue. Devant, demeure toujours l’obscurité’. Toutefois même si ces propos sont vrais dans la mesure où ils signifient qu’on ne peut faire le présent avec les yeux et la mémoire du passé, il est également vrai que le présent ne peut se faire en amputant totalement le passé : celui-ci permet quand même d’éclairer parfois le présent.
C’est sans doute ce que le parti de Wade a compris et a réellement appliqué dans le contexte de sa gestation et d’une culture de la phagocytose nettement ambiante à l’époque des derniers soubresauts de la dynamique de parti unique. La première Conférence nationale du Pds a permis à ce parti de voir comment il compte participer aux joutes politiques sans être pris dans les mailles du filet que le Ps utilisait pour fragiliser ou neutraliser toute force d’opposition.
L’alternative se jouait entre être dissout ou être phagocyté : une troisième possibilité n’était pas pensable, pas plus que l’effectivité du principe du tiers exclu n’est guère pensable en logique pure. Un bref rappel du remue-ménage politique des années qui ont précédé la naissance du Pds suffira pour confirmer ce qui est dit plus haut : le Parti de la solidarité sénégalaise (Pss) a rallié l’Ups en 1960, le Bloc des masses sénégalaises lui a emboîté le pas en 1963, le Pra-Rénovation, fraction dissidente du Pra-Sénégal en 1964, le Pra lui-même en 1966 ! Qu’y a-t-il, dans la perspective d’élucidation des mœurs politiques sénégalaises, de plus instructif que ces différentes formes de décomposition/recomposition du paysage politique sénégalais ?
Pour l’autre possibilité de l’alternative, est-il besoin de rappeler que l’irréductible Parti africain de l’indépendance (Pai) fut dissout en 1960 et que le Front national sénégalais de Cheikh Anta Diop fut dissout à son tour en 1964 ? Comment, dans ces conditions, peut-on penser l’effectivité d’un tiers exclu, c’est-à-dire, imaginer qu’il soit possible qu’un parti d’opposition ne rallie pas l’Ups et qu’il ne soit pas dissout ? ‘Peu de choses sont impossibles à qui est assidu et compétent... Les grandes œuvres jaillissent non de la force mais de la persévérance‘, a dit l’écrivain anglais Samuel Johnson.
Dans le cadre de l’ascension politique de la formation politique de Me Wade, ce propos de Samuel Johnson est doublement pertinent : le génie de Wade ne fait l’ombre d’aucun doute, malgré la faiblesse originelle de sa formation politique ; et sa persévérance également n’a jamais fait défaut dans son combat politique.L’adresse avec laquelle le Pds a pris en charge les aléas politiques de l’époque nous renseigne aujourd’hui sur ses capacités infinies à faire face à l’adversité, quelles que soient sa nature et son ampleur. *(A Suivre)
Pape Sadio THIAM Journaliste thiampapesadio@yahoo.fr 76 587 01 63
Les facéties du Professeur Iba Der Thiam sur les prix du loyer à usage d’habitation
Après un mutisme de longue durée sur les questions vitales de survie du peuple sénégalais dans un environnement marqué par une inflation de scandales en matière de gestion des ressources publiques, le Professeur Iba Der Thiam voudrait se rappeler au bon souvenir des Sénégalais sur des considérations subsidiaires relatives aux prix du loyer à usage d’habitation.
Le stratagème de celui qui se faisait appeler «député du peuple» en habituant les Sénégalais de montagnes de questions orales à l’Hémicycle, consiste à éviter les questions urgentes essentielles et, en même temps, rompre son mutisme légendaire pour se focaliser sur des questions très éloignées des préoccupations actuelles des populations. Le but de ce tintamarre est d’apparaître à la fois comme le défenseur des intérêts du peuple et comme le défendeur attitré du régime libéral acculé dans ses retranchements. Il est évident que ce dédoublement fonctionnel le place devant un immobilisme explicatif du mutisme affiché antérieurement, à partir du moment où on ne peut pas être le protecteur d’un régime libéral dont les actes affectent négativement la vie des masses tout en se réclamant le porte étendard de la vox populi. Si bien qu’au risque d’être accusé aussi bien par le régime libéral que par le peuple de garder un silence entretenu sur des questions brûlantes de l’actualité, contrairement à son habitude, le Professeur amuse la galerie en claironnant pour que la voix du «député du peuple» retentisse sur des questions secondaires relatives notamment à la problématique du coût des loyers.
Le coût élevé du loyer reste, certes, une préoccupation des Sénégalais ; toutefois, il constitue une variable aléatoire dépendante des coûts de facteurs principaux à la base du niveau général des prix dont ceux plus fondamentaux de l’électricité, de l’éau, de la nourriture et de la fiscalité, lesquels coûts sont assujettis aux politiques des pouvoirs publics dans les domaines économique et social. Bien entendu, pour baisser le coût du loyer et d’une manière générale le niveau général des prix, point de secret ; il y a lieu d’intervenir sur le coût des facteurs techniques de production et de la fiscalité intérieure et de porte, extrêmement lourds dans notre pays. La racine du mal consiste donc à mettre en place des politiques économiques de réduction de la fiscalité et par conséquent du train de vie de l’Etat, en plus de la réduction du coût des facteurs techniques tel que les prix sur l’énergie, l’eau, le téléphone pour arriver à une baisse du prix du loyer et du niveau général des prix. Le Sénégal fait partie des pays les plus chers au monde avec, à fortiori, un niveau faible de revenu des ménages et incidemment, avec l’un des pouvoirs d’achat les plus faibles au monde. Le Professeur Iba Der Thiam, pour être conséquent, aurait mieux fait de soulever les questions fondamentales à la base des politiques sociales actuelles de la seule responsabilité de l’Etat, lesquelles politiques impactent négativement les coûts comparatifs et la compétitivité des entreprises sénégalaises, y compris les sociétés immobilières.
Il s’y ajoute que le coût du loyer dépend aussi du jeu des mécanismes du marché libre entre l’offre et la demande de logement, du coût des matériaux de construction qui dépend du niveau général des prix et du niveau de revenu des ménages au point qu’il est inutile de constituer en la matière une commission d’enquête parlementaire, à moins de vouloir faire de la théâtralisation pour divertir les Sénégalais sur des enquêtes dérisoires. Si commission d’enquête parlementaire devrait avoir lieu, la représentation nationale aurait fait œuvre utile, en vertu de son rôle de contrôle de l’action publique, de veille et de garde, d’utiliser son pouvoir pour commettre une enquête sur le plan «Jaaxay» ou sur les multiples autres utilisations des ressources publiques dans des conditions de non-transparence par les collectivités locales, les administrations, les agences et sociétés nationales et, en l’espèce, il y a à boire et à manger. Que dire des dépenses extrabudgétaires, de la patrimonialisation du foncier qui conditionne aussi le coût du logement, du financement du monument de la Renaissance africaine ou de l’aéroport de Ndiass, des fonds utilisés et dépensés par l’Anoci ou la Senelec dans des conditions opaques, si l’on sait qu’à elles seules, ces dites structures capitalisent plus de 1 000 milliards de francs Cfa de ressources manipulées etc.
C’est dire au Professeur Iba Der Thiam qu’il devrait plutôt, sur cette question de baisse du coût du loyer dont il voudrait en être le champion, demander au gouvernement d’agir sur les trois leviers principaux suivants de la seule responsabilité de l’Etat :
- l’accroissement substantiel de l’offre de logement afin de permettre à un maximum de Sénégalais de bénéficier d’un toit au moyen d’une politique volontariste de mise en œuvre de programmes de logements sociaux comme le faisait le gouvernement socialiste (Sicap, Hlm, Parcelles assainies, Zac etc.).
- la baisse du coût des matériaux de construction en réduisant le coût des facteurs techniques et la fiscalité.
- l’augmentation sensible du niveau faible de revenu des Sénégalais afin de leur permettre d’avoir un pouvoir d’achat compatible avec le niveau général des prix et de constituer une épargne pour investir dans le logement.
Le Professeur Iba Der Thiam, à défaut d’être un véritable député du peuple, devrait, dans le contexte actuel marqué par des crises de tous genres et de scandales financiers, prolonger son mutisme légendaire afin d’éviter une levée générale de boucliers. Avons-nous entendu la voix du «député du peuple» tonner sur la catastrophique campagne de commercialisation agricole, sur la mévente du riz local ou le pourrissement de tomates de la vallée du fleuve Sénégal, sur la croissance économique presque nulle en 2009, sur la perte du leadership du Sénégal en Afrique et dans le monde, sur la crise endémique de l’école et de la santé, sur l’absence de notre Equipe nationale de football dans les compétitions africaines et mondiales et, que sais-je encore !
L’absence de lois de règlement et d’homologation des exercices budgétaires depuis 2000, montre à quel point, s’il en était encore besoin, que notre représentation nationale n’exerce pas véritablement son rôle de contrôle de l’activité publique pour n’être qu’une caisse de résonnance spécialisée dans le vote de lois incongrues par des députés aux antipodes des préoccupations du peuple.
Kadialy GASSAMA - conomiste / Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque