Benno Siggil Senegaal à la croisée des chemin
Benno Siggil Senegaal à la croisée des chemins !
‘Le véritable homme d'Etat est celui qui s'institue arbitre impartial entre ses ambitions et l'intérêt général’ (Firmin van den Bosch)
La prochaine élection présidentielle 2012 constituera, sans aucun doute, un moment décisif dans la vie politique et sociale de la Nation. Elle fera l’objet d’une âpre bataille politique, et par les bouleversements qu’elle va impliquer, contribuera nécessairement à une redistribution des cartes sur l’échiquier politique national. Toutefois, en raison de la bipolarisation qui structure actuellement le champ politique national, il serait étonnant que cette bataille ne soit pas réduite à une confrontation entre le candidat de la coalition autour du Pds (baptisé récemment Pds-L, même si aucun congrès n’a consacré ce baptême) et celui qui sera porté par la coalition Benno Siggil Senegaal. Par choix tactique empreint d’une certaine dose de ruse ou par une conviction affirmée aux vertus de son Maître, le Pds-L a déjà annoncé la couleur : Abdoulaye Wade portera ses couleurs à la prochaine élection présidentielle de 2012. Quid de son vis-à-vis, Benno Siggil Senegaal ?
Il se dégage, au sein de cette coalition, des positions différentes, voire divergentes sur la question de la candidature : candidature unique ou candidature plurielle. Chaque parti membre de la coalition a déposé ses conclusions sur la question, avec des arguments rationnels sur l’option retenue. Ces conclusions inspirent le respect dû à tout argumentaire politique, dans un système démocratique qui, par définition, existe et se fortifie à travers la diversité des opinions portées et défendues. Cette diversité est une force positive de la coalition Benno Siggil Senegaal qui aurait pu être destructrice, si les Assises nationales n’avaient pas abouti à un projet commun et si, au sein de la coalition, il n’existait pas de leaders charismatiques et de partis politiques socle du Benno (Pit, Ld, Rnd, Jef Jel, Yoonu Askan Wi, Tekki,…), qui jouissent d’un coefficient politique multiplicateur et d’une forte crédibilité de leurs leaders, qui leur confèrent la capacité de fédérer autour de l’essentiel, des forces politiques et sociales parfois concurrentes dans leurs ambitions. Par leur attitude, ils ont pu montrer, à chaque échéance politique importante pour l’avenir de la Nation, que seul l’intérêt national prime dans le combat politique qu’ils mènent depuis plusieurs décennies.
Mais force est de constater que la solution au problème de la candidature unique ou l’issue de la candidature au sein de Benno Siggil Senegaal, dépendra certainement de la volonté de trois de ses partis membres que sont l’Alliance des forces de progrès (Afp), l’Alliance pour la République (Apr/Yakkaar), et le Parti socialiste (Ps), dirigés respectivement par Moustapha Niasse, Macky Sall et Ousmane Tanor Dieng. Cela est dû à leurs options idéologiques, à leur histoire, à leur maillage politique et aux relais dont ils disposent au niveau national et international. C’est pourquoi, qu’il soit avoué publiquement ou en privé, ces trois personnalités ont une lourde responsabilité dans le déblocage du processus des évènements qui structurent actuellement la coalition Benno Siggil Senegaal vers l’option qui sera retenue pour la candidature à l’élection présidentielle de 2012. En réalité, de la victoire ou de la défaite du candidat issu de Benno Siggil Senegaal en 2012, dépendra leur consécration conjointe ou la condamnation de ‘ceux d’entre eux qui seraient à l’origine de la cassure du Benno’, par le peuple sénégalais qui aspire manifestement au changement, face à un régime qui a tourné le dos à ses préoccupations majeures (sécurité, énergie, santé, éducation, monde rural, cherté de la vie, inondations) et qui fait de la ruse, du tripatouillage constitutionnel et de la propagande ses armes politiques. Il apparaît donc clairement que le sort de ces trois leaders est, quelque part, lié et que leurs postures auront des conséquences sur l’avenir de la Nation.
C’est pourquoi, la position affirmée le dimanche 7 mars 2010, lors de l’émission Tribune sur Canal Info/Océan Fm, par Moustapha Niasse, secrétaire général de l’Afp, ‘de se ranger derrière le candidat qui sera investi par consensus par Benno Siggil Senegaal’, est historique, salutaire et sera, sans doute, un point d’inflexion pour la suite des évènements politiques au sein de la coalition Benno Siggil Senegaal. Cette position partagée et soutenue par son parti l’Afp, qui privilégie l’intérêt national, en mettant en arrière plan les intérêts partisans et les plans de carrière individuels, est une vraie leçon d’humilité et de respect des alliés Benno, qui montre que, quelles que soient son expérience et ses ambitions, un leader politique et homme d’Etat doit être prêt au sacrifice, fût-il suprême, lorsque l’intérêt de la Nation est en jeu. C’est aussi une leçon de modestie à faire méditer à tous les séides des partis membres de Benno Siggil Senegaal qui, les louanges de leurs leaders en bandoulière, les considérant comme des candidats naturels nés pour être président de la République, proclament urbi et orbi qu’ils devront se présenter contre vents et marées, en oubliant que la période des messies politiques est terminée et que si un parti membre de Benno pouvait gagner seul l’élection présidentielle, il y a longtemps que cela se saurait.
Pour des raisons évidentes de cohérence et d’efficacité politique, surtout dans la surveillance du processus électoral, cette position magnifie surtout l’unité indispensable de la coalition Benno Siggil Senegaal, qui doit se structurer autour ‘du projet Benno’ qui incarnera une vision pour le Sénégal, des valeurs pour la République, d’un mode de gouvernance rénové (institutionnelle, citoyenne, politique, économique et sociale), et d’une équipe qui va gérer l’Etat à travers ses pouvoirs exécutifs et législatifs (la Présidence, le Gouvernement avec des pouvoirs renforcés et le Parlement). Les contours d’un tel ‘projet Benno’ sont déjà consignés dans la charte de gouvernance démocratique des Assises nationales, paraphée et signée par tous les partis et acteurs membres. Enfin, cette posture de Moustapha Niasse fera taire tous les Cassandres qui, misant sur la supposée hypertrophie d’égo de ses leaders, prédisaient la fin du Benno et sa mutation en Tassaro et fait sauter des verrous que certains ont voulu entretenir, soit pour préserver des intérêts partisans, soit pour cacher leurs jeux aux sénégalais.
Pourtant, cette posture pour tout leader de parti membre, de s’engager publiquement à se conformer au choix consensuel qui serait retenu par Benno Siggil Senegaal, devait être naturelle et partagée, dans une coalition construite, en principe, sur la base d’une confiance mutuelle entre ses membres autour d’un projet commun et de la défense de l’intérêt national.
Cette posture de Moustapha Niasse qui n’est sûrement pas une fin en soi, simplifiera profondément le processus en cours au sein de la coalition. En effet, en privilégiant le ‘projet Benno’ à la place des ambitions individuelles et partisanes, cette démarche, partagée par tous les patriotes, fait ressortir naturellement les profils des différents postes pour les tâches urgentes de reconstruction d’un Etat affaissé, dont celui du chef de l’Etat dans un régime parlementaire équilibré. En conséquence, pour chacun des postes identifiés, il suffira, dans une démarche consensuelle qui privilégie les compétences des candidats, de puiser dans l’immense réserve de ressources humaines des organisations parties prenantes des Assises nationales et même au-delà, réglant ainsi le problème de la candidature.
Par ailleurs, il ne faudrait pas succomber à la tentation de penser qu’en cas de candidature plurielle, les attaques entre les candidats issus de Benno Siggil Senegaal seront moins intenses, moins féroces et moins destructrices que celles destinées au candidat du Pds-L. Dans un tel contexte, il serait illusoire de penser que ceux qui porteront la campagne électorale sur le terrain se soucieront d’un ‘code de bonne conduite Benno’, qui les pousserait à ménager les candidats concurrents issus du Benno. L’expérience de la coalition dans la gestion difficile de l’après locales 2009, est suffisamment édifiante. C’est pourquoi, outre le risque de ressembler pour l’opinion à un ‘combine beeure’ ou à un ‘bara yeggo’, schéma qui pourrait désorienter l’électorat et le pousser à préférer la continuité avec Wade plutôt que l’alternative, la candidature plurielle risque d’aboutir à une guerre de Troie entre candidats issus du Benno, où il va falloir démontrer laborieusement à l’électorat, les différences entre des ‘candidats pré/post alliés’ ayant conçu ensemble un même projet politique (la charte de gouvernance démocratique), gérant collectivement les principales collectivités locales du pays dont la capitale, se retrouvent toutes les semaines en réunion de coordination !
D’ailleurs, en cas de candidature plurielle, les militants des partis membres de Benno présents dans les exécutifs locaux, risquent de vivre un vrai supplice de Sisyphe : quelles seraient leurs attitudes respectives auprès de leur électorat commun, lorsque chacun défendra son candidat ? Dans ces conditions, leur crédibilité et leur solidarité indispensables pour la bonne gouvernance locale, ne risquent-elles pas d’être fortement entamées, s’ils se soumettent à la rigueur d’une bataille politique pour une élection présidentielle ? Quid des électeurs qui ne sont pas militants, mais qui s’identifient à Benno ?
En revanche, si la candidature plurielle réussit, ce serait une vraie innovation politique que le Sénégal ne manquera pas à exporter vers d’autres démocraties avancées qui, pour la plupart, lors des compétitions présidentielles, adoptent le triptyque de ‘la structure politique, du projet et du candidat’. Certains seraient tentés d’affirmer que c’est une candidature plurielle qui a eu raison d’Abdou Diouf en 2000. A l’évidence, le contexte d’alors était différent (absence à l’époque de projet structuré et partagé, d’une gestion collégiale locale, d’une dérive monarchique et d’une attente populaire pour la coalition). Par conséquent, même si en démocratie, chacun peut se prévaloir de son propre agenda personnel, ceux qui, au sein de Benno Siggil Senegaal, hésiteraient à assumer publiquement une telle posture de renoncement annoncée par le secrétaire général de l’Afp, pourrait faire penser aux Sénégalais que leur projet politique contiendrait des vices cachés et que seules comptent leurs ambitions personnelles, s’éloignant du coup, du mot fort républicain de Firmin Van Den Bosch : ’Le véritable homme d'Etat est celui qui s'institue arbitre impartial entre ses ambitions et l'intérêt général’. Sans doute, les Sénégalais qui ne sont pas amnésiques s’en souviendront longtemps, surtout si par malheur, la coalition Benno Siggil Senegaal venait à perdre l’élection présidentielle de 2012.
Alioune SARR Coordonnateur de l’Ancp aliounesarr99@gmail.com