Un pas de géant
peril-pulaar : thèses et foutaises
Un mauvais vent souffle sur le Sénégal. Faire ce constat n’a rien d’alarmiste, au regard de certaines déclarations d’hommes et de femmes politiques, après les résultats du premier tour qui ont vu Macky Sall contraindre le président Wade à un second tour. Après que l’ancien Premier ministre eut battu son ex-mentor à Pikine, la responsable libérale de cette localité et néanmoins ministre de la République, avec tout le fiel qu’elle était capable de sécréter, a expliqué la défaite de la coalition Fal 2012 par un «vote ethnique» en faveur de Macky Sall. Elle faisait ainsi écho au chef de l’Etat qui lui-même, au cours de la campagne, face à la démonstration de force de son ancien collaborateur, a commis une embardée verbale qui fait froid dans le dos : «Si j’avais demandé aux Wolofs de voter pour moi, uniquement pour moi et que les Diolas en fassent de même, où est-ce que cela nous mènerait ? C’est irresponsable. Ce genre de discours ethniciste ne doit pas passer car pour gagner une présidentielle, il faut avoir un programme».
Qu’un président de la République, censé incarner l’unité de la nation, puisse soutenir de telles calembredaines, en toute impunité, renseigne sur la régression mentale qui s’est emparée de certains de nos dirigeants. Une parole de haine, longtemps enfouie, s’est subitement libérée, et on assiste à une sorte de compétition de la part d’apprentis sorciers : c’est à qui sortira la petite phrase la plus nauséabonde sur la communauté Hal pulaar. Par désir de ne pas répondre à une provocation malsaine et refusant le piège des «identités meurtrières», pour reprendre Amine Maalouf, les intellectuels issus de cette communauté ont jusque-là évité de polémiquer avec des idéologues de sous-préfecture. Mais l’on aurait tort de prendre leur silence assourdissant pour de la faiblesse. Au nom de quoi se permet-on de stigmatiser toute une ethnie, là où l’on rampe à plat ventre devant d’autres communautés ? Quand Idrissa Seck gagne à Thiès, Abdoulaye Wade à Kébémer et Moustapha Niasse à Kaolack, c’est «normal». Mais il suffit que Macky Sall gagne au Fouta, même en perdant symboliquement à Nguidjilone, d’où est originaire sa mère, pour qu’on entende des cris d’orfraie et qu’on agite l’épouvantail du «péril peul» avec une fixation malsaine et incompréhensible sur cette ethnie. Que l’on nous comprenne bien : prétendant à la magistrature suprême, Macky Sall s’expose naturellement, de la part de ses compatriotes, à des critiques légitimes, y compris sur sa capacité à prendre en charge les destinées du Sénégal. C’est un exercice salutaire pour la démocratie. Mais les suspicions et les sommations interpellatives sur son appartenance communautaire sont inacceptables. Au nom de quoi un Joola, un Hal pulaar, un Soninké ou un Badiaranké, devraient-ils donner des gages pour occuper le palais de Roume ? Comme si le fait d’appartenir à ces communautés était un vice rédhibitoire incompatible avec les charges de la République ! A notre humble avis, qu’un «allochtone» comme le candidat Sall puisse faire ses plus gros scores chez ses cousins à plaisanterie Sérères devrait réjouir et rassurer tous les Républicains de ce pays. Comme c’était l’honneur du Sénégal de voir le musulman Foutanké Seydou Nourou Tall, l’un des marabouts les plus influents de son époque, choisir le camp du catholique Sérère Senghor contre le «Toucouleur» Mamadou Dia pendant les évènements de 1962. Passe encore que des politiciens irresponsables entrent dans ce genre de considérations honteuses et franchement rétrogrades. Mais qu’un intellectuel de haute facture comme Babacar Justin Ndiaye, dans une émission télévisée, puisse évoquer les dangers d’une «république toucouleur» (sic), puisse ratiociner, au moyen d’une prospective fantaisiste, sur un soutien automatique aux Flam mauritaniens, en cas de victoire de Macky Sall, est profondément déplorable. Curieusement, on n’a pas souvenance d’avoir entendu notre ami Justin évoquer une «république Wolof» dans un pays où le président de la République, le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale, le président du Conseil économique et social, le médiateur de la République, le chef d’Etat-major général des armées, sont tous issus de cette communauté. Par peur de réveiller les vieux démons, personne ne s’est offusqué de ce déséquilibre pourtant patent à la tête de la quasi-totalité des institutions du Sénégal. Pis, l’éminent politologue, ne craignant pas des raccourcis non seulement erronés mais dangereux, a longuement insisté sur le cas de la Guinée. Pays où effectivement, pour barrer la route au candidat Cellou Dalein Diallo arrivé premier au premier tour de la présidentielle, les partisans d’Alpha Condé avaient agité la menace du «péril peul» avec une trouvaille qui fait frémir : l’«ethno-stratégie», autrement dit l’instrumentalisation de l’ethnie à des fins politiciennes. Dans son admirable pièce «La Résistible Ascension d’Arturo Ui», tirant les leçons du cauchemar nazi, Bertolt Brecht, avertisseur d’incendie incomparable, avait lancé la mise en garde suivante: «Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde». Nos politiciens devraient se garder d’ouvrir une boîte de Pandore aux conséquences incalculables.
Barka BA
Directeur de l’information de la TFM
silatigi@yahoo.fr
Entre-deux tours : Wade contre le Pds
Tel l’ogre du conte ‘Le petit poucet’, Wade se nourrit politiquement de ses petits, qu’il avale tous au moment où ils caressent le rêve de lui succéder. De 2000 à 2012, il lui a fallu six premiers ministres, une moyenne de un tous les deux ans, ce qui, pour sûr, est digne d’intégrer le livre des Guinness comme record de niaiseries de régimes moribonds. Mais, à l’instar de notre conte choisi ou de l’histoire de Pharaon et Moïse, l’ogre ou le tyran, tout puissant qu’il soit, trouve toujours sur son chemin un faible et tout petit qui ne se laisse pas avaler comme les autres. Et pour Wade, l’histoire retiendra qu’il fut terrassé par ‘Macky - petit poucet’, à la date du 25 mars 2012.
Pour arriver à cette fin, Macky avait besoin d’un contexte qui lui soit favorable et aujourd’hui il l’a. Depuis 2007, tous les signes dans la nature montrent que le pouvoir Wade-Pds, avance inéluctablement et à grande vitesse vers sa masse critique, limite au-delà de laquelle il se désintègre tout comme l’eau devient de la vapeur à 100°. Le pouvoir aussi chauffe avec le temps, celui de Wade a atteint en ce moment la température de rupture, d’où la perte de ses moindres qualités.
Pape Diop et Souleymane Ndéné Ndiaye, les derniers ténors du Pds à faire encore partie du directoire du Fal 2012 (pustule du Pds), sont détrônés dans l’entre-deux tours et ne laissent autour de Wade que des transhumants : ces éboueurs pestiférés de notre espace politique. Comment Wade a-t-il pu se laisser piéger dans son propre jeu, pour ne se retrouver, à l’approche de sa fin, qu’entouré d’une meute de charognards ? C’est ce que les Ouoloffs appellent : ku agnaané sa ndono sa dèèwin niaaw (lorsqu’on a peu d’égard envers sa progéniture, on court le risque d’une fin tragique).
Wade a ainsi posé, en procédant à ce remaniement de son directoire, un acte qui participe d’un sabordage en règle de son parti, avant de tirer sa révérence. D’ailleurs, si vous le suivez bien, vous constaterez qu’il n’utilise plus aucun argument fondé sur son parti ou un bastion de ce dernier. Aujourd’hui, ses arguments sont d’un autre registre et font appel à d’autres acteurs que ses alliés naturels des années de combat et de gloire.
Les arguments d’entre-deux tours de Wade :
L’argument du mandat de trois ans à la place de sept :
Cet argument dissuade plutôt le citoyen, qui est de coutume dans l’expectative vis-à-vis d’un candidat, à voter pour lui plus qu’il ne le convainc. Il y a, dans cet argument, une sorte de logique abusive qui fait qu’il démontre autre chose que ce pour quoi il est avancé. Quel intérêt pour le peuple en effet, à prendre en charge l’immense coût de changer tout l’agenda de la République, juste pour aider un vieux de 90 ans à gagner des élections, que sa participation, de surcroît, a entaché d’anti constitutionnalité ? Le peuple attend autre chose d’un candidat à un prochain mandat et ne se laissera pas duper.
L’argument de la miséricorde :
Wade demande un mandat de trois ans pour une raison avancée : des emprunts qu’il aurait contractés, en s’engageant personnellement à réaliser quelques infrastructures pour le Sénégal et lesquelles lui donnent du souci. Cette argumentation, provenant d’un vieux de quatre-vingt-dix ans, est chargée d’une poignante sollicitation de notre compassion. Là où, nous n’avons besoin que de notre raison pour juger de qui doit gouverner notre Etat, Wade voudrait que notre sentiment de pitié nous domine et le privilégie dans notre choix. Autrement dit, il n’a rien d’autre à offrir pour le mandat qu’il demande, si ce n’est le fait de lui permettre de terminer quelques infrastructures, oubliant que c’était le thème de sa campagne de 2007. Nous prendrait-il pas pour des tarés ? Les jeunes en chômage, les étudiants devant une menace d’année blanche, le monde rural en proie à une grave famine, les citadins qui pataugent dans de l’eau et manquent de tout, tous les autres, noyés indubitablement dans une angoisse mortelle, à l’endroit de tous ceux-là Wade n’a qu’un message électoral : ‘Par pitié, troquez vos espérances contre mon désir de rester au pouvoir.’ C’est, pour dire le moins, pitoyable, venant d’un président hier plébiscité, d’en arriver ainsi à nous démontrer le peu de considération, voire le mépris qu’il a pour nous, ses concitoyens.
L’argument de l’empoisonnement du puits :
L’empoisonnement du puits, c’est l’argument qui consiste à salir son adversaire en distillant de fausses rumeurs, faisant dans le déballage et l’insinuation vile, écœurante et indigne. La sortie ou show, programmé de Ahmed Khalifa Niasse sur Canal infos, à l’effet d’insister pour que Macky vienne en personne, lui confirmer s’il est oui ou non homosexuel, en salissant au passage tous les collaborateurs de Senghor et de Diouf, entre dans le registre de ce type d’argument. Macky n’a même pas besoin d’y répondre et j’espère qu’il l’ignorera tout simplement. La particularité de ce type d’argument, c’est son impertinence, il n’apporte rien à l’essentiel du débat, cultive la rancœur et laisse des cicatrices profondes dans la communauté. User d’un tel argument quand on sait qu’on a tout perdu, c’est courir le risque d’hypothéquer sérieusement les chances de réconciliation de la nation, après la période des joutes.
L’argument de la violence :
Ce type d’argument est connu comme le dernier moyen de persuasion, après que l’on a épuisé la totalité des ressources dont on dispose. La violence est prise en considération pour qualifier un argument, quand bien même elle ne se réalise pas physiquement, la menace suffit. Wade, au vu de ses alliés confrériques du second tour et de leur communication menaçante passée en boucle à une chaîne de télévision républicaine, se retrouve dans le cas pathétique et déplorable d’une instrumentalisation dangereuse d’une congrégation, à des fins électorales. Le peuple s’est vu menacer par des dizaines de gens armés de gourdins faisant dans l’apologie de la violence, prétextant une mission de sécurisation des votes et de la campagne, qui lui profiterait et dont il serait le commanditaire.
Hélas pour lui, tous ces arguments ne peuvent prospérer, parce que fallacieux. Ils relèvent d’une tromperie tactique. Le Pds, c’est déjà du passé. Wade qui en est le père fondateur, s’emploie lui même et discrètement à l’enterrer avant de tirer sa révérence le 25 mars prochain. Et il ne faut pas compter sur les Thiantacounes pour qu’il y ait de la violence : ces gens-là sont aussi de la société sénégalaise ; ce sont nos frères et nos sœurs, ils ne viennent pas d’une autre planète pour nous asséner des gourdins. L’instrumentalisation de chefs religieux, dans le but de diviser la société sénégalaise en communautés confrériques belligérantes ne marchera pas cette fois-ci. Vivement une autre ère, l’ère Macky, et que nous nous employions à restituer les valeurs qui unissent la Nation sénégalaise.
Macky mo fi seuss : votons tranquillement pour lui le 25 mars. Des optimistes dans le camp de Wade se confortent dans la conviction que rien n’est perdu, puisque leur leader est encore en pleine forme, en train de se battre ; qui plus est, les calculs intégrant les 40 % d’abstention leur donnent encore des chances. Qu’ils questionnent l’histoire des votes, ici comme ailleurs, et ils comprendront que c’est bien fini à moins d’une fraude malavisée. Gagner un deuxième tour c’est plus une histoire d’alliance entre candidats du premier qu’autre chose. Le ‘tous contre Wade’ qui leur avait fait craindre le second tour s’est réalisé, il n’y a plus rien à espérer pour un lucide.
Que Wade soit en super forme cela n’a rien d’étonnant, il n’y a qu’à se souvenir de Moubarak d’Egypte ; de l’avant et l’après son départ du pouvoir, pour ne pas être abusé de cette forme. C’est un phénomène psychologique engendré par son angoisse de la perte du pouvoir, laquelle lui occasionne un afflux d’adrénaline, qui le rend alerte, extrêmement concentré et dopé d’énergie face au danger. Dans quelques mois, après qu’il aura quitté le pouvoir, nous le reverrons et nombre d’entre ceux qui le soutiennent encore, regretteront d’avoir osé proposer à la tête de notre pays, un homme dans de pareilles conditions de vieillesse.
Wade dégagé, ‘citoyens de toutes confréries et chapelles, assumons dans la concorde et l’harmonie les changements de notre société, réconcilions-nous avec nos valeurs et marchons vers le progrès, guidés par notre foi’. Elisons Macky et retournons au travail. Diam né nioy.
Ibe NIANG Ardo Pdt du Mouvement Citoyen Jog Ci Email: ibeniang@gmail.com
Démarrage campagne électorale du 2e tour : état des forces, des rapports de forces et perspectives (Suite)
C’est cette nouvelle perception de la candidature de Macky au second tour, qui lui a valu le soutien unanime du M23, et lui a permis de mettre en place une nouvelle coalition, Bennoo Bok Yakaar, autour des conclusions des Assises nationales. De cette manière, les craintes émises çà et là par des forces de gauche, et /ou de la société civile par rapport au respect des engagements auxquels il vient de souscrire, ne se justifient plus. En effet, en la matière, le problème est moins l’attitude de Macky après la victoire, que celui de ses partenaires de Bennoo Bok Yakaar, comme l’expérience nous y a édifiés avec Wade en 2000.
Nous savions que Wade était soutenu par des forces réactionnaires de la droite française, dont Alain Madelin de façon publique. Nous savions aussi qu’il est Franc-maçon, avec à la clef de fortes présomptions de ‘sang dans ses mains’. Mais cela ne nous avait pas empêché de lui proposer, en temps que Pôle de Gauche, un programme de restauration de la Démocratie et de l’Etat de Droit dans le cadre de la Ca 2000, au premier tour des élections. Ce programme fut réaménagé avec l’insertion du programme du Code 2000 de Niasse, au second tour, pour le porter au pouvoir dans le cadre d’une coalition plus large, le Fal 2000.
Mais, dès l’accès au pouvoir de Wade, la plupart de ses partenaires dans la coalition se sont plutôt souciés des postes qu’ils voulaient occuper au sein du nouveau pouvoir, que de veiller au respect des engagements auxquels il avait souscrits.
C’est ce comportement, devant l’attitude de collaboration du Ps et non d’opposition au sein du Parlement où il détenait une majorité qualifiée, qui a permis à Wade de ne pas tenir ses engagements, et d’édifier peu à peu un régime despotique, dont il est question aujourd’hui de se débarrasser.
Donc, si les partenaires de la coalition Bennoo Bok Yakaar, qui sont pratiquement les mêmes qu’en 2000 avec Wade, reprennent ce même comportement, les engagements de Macky ne seront pas respectés à cause de la nature du pouvoir présidentiel qu’il a hérité, même avec l’institutionnalisation de la Direction des Assises nationales en organe de veille de suivi et de leur application.
Donc le problème n’est pas Macky, mais bien la capacité de ses partenaires de la coalition à surmonter leurs intérêts personnels et/ou partisans, pour mettre en avant les intérêts supérieurs de la Nation codifiés dans les conclusions des Assises nationales.
Ainsi la dynamique de synergie des forces opposées à un 3e mandat de Wade ne devrait rencontrer aucun obstacle pour se renforcer, en maintenant intacte sa capacité à mobiliser l’électorat pour aller voter massivement, à empêcher la fraude le jour du scrutin, et à sécuriser le vote.
I) Quelle évolution de ces rapports de forces durant la campagne ?
Les premiers discours des candidats, dès le démarrage de la campagne électorale au second tour, donnent déjà des indications d’évolution.En effet, le camp de Wade continue à chercher désespérément des consignes de vote chez les plus grands dignitaires des confréries musulmanes, dans le but évident de couvrir un recours ultime à sa machine de fraude non encore mise hors d’état de nuire. Ainsi, le manque de fiabilité du fichier, attesté par la découverte de la Mission d’observation de l’Union européenne, de plus de 130 000 morts dans le fichier électoral, et par la présence de plusieurs doublons dûment constatés lors du scrutin du 26 février, na pas été réglé avant d’aller au second tour. Le recours à des nervis pour créer la terreur pour permettre le transfert massif d’électeurs ne se limite plus aux ‘écuries de lutte’, mais il est directement pris en charge, de façon publique, par des éléments marginaux, réputés violents, issus des milieux du Mouridisme autour de leur guide.Les tentatives d’achat des consciences et de rétention des cartes ont repris de plus belle.
Cependant, Wade aura du mal à freiner les départs de son camp, et à remobiliser ses troupes à cause des ‘transhumants’ en charge de sa campagne, et de la persistance de la défiance, dans les rangs du Pds, envers son projet de transmission dynastique du pouvoir.
Cette défiance est accentuée par ses propositions d’écourter son mandat à trois ans, que des responsables du Pds jugent largement suffisants, pour donner le parti à son fils, et pour écarter, par des mesures judiciaires arbitraires, tous ceux qui, au Pds ou dans l’opposition, sont soupçonnés de pouvoir constituer une gêne pour le succès de ce projet.
Ces propositions sont aussi faites pour déstabiliser le camp du refus, en faisant miroiter une possibilité de nouvelles élections présidentielles dans trois ans, sans la participation de Wade, alors qu’avec Macky, l’espoir d’une nouvelle compétition est dans cinq ans !
En faisant cette proposition en direction du camp du refus, Wade semble oublier qu’en 2000, il avait promis d’écourter le mandat de sept ans à cinq, et une fois au pouvoir, il s’est dédit pour faire un mandat de sept ans. D’ailleurs n’est-ce pas lui qui dit que ses promesses n’engagent que ceux qui y croient ?
L’engouement général des candidats du refus autour de Macky, malgré cette promesse, démontre à suffisance le peu de crédit qu’ils ont réservé à cette offre.Ce camp est en train de s’ancrer dans les organisations professionnelles qui ont participé aux Assises nationales, et qui sont, pour cela, objet d’ostracisme de la part du pouvoir.
C’est ainsi que l’Unacois a rencontré le candidat Macky Sall, qui devrait aussi entreprendre des initiatives envers le Cncr et les Centrales syndicales (Cnts, Csa, Unsas, Cgts, Udts) qui se reconnaissent dans les conclusions des Assises nationales, pour les mobiliser dans les rangs de la nouvelle coalition Bennoo Bok Yakaar.
La neutralité électorale légendaire de ces organisations devrait céder le pas à leur devoir de défendre les conclusions des Assises nationales qu’elles ont contribué à élaborer, et à leur droit légitime de participation à l’organe de veille sur leur mise en œuvre.
Le mécontentement populaire, les frustrations des principaux entrepreneurs sénégalais qui sont l’objet de discrimination et d’ostracisme du pouvoir, l’abandon du monde rural, par le pouvoir, aux affres de la famine qui menace, la perte de tout crédit des promesses de Wade, qui le disqualifie comme interlocuteur fiable, face aux attentes des Sénégalais, le peu d’attrait de ses discours sur ses réalisations et sur son souhait d’avoir du temps pour terminer ses chantiers, constituent un champ favorable au renforcement de la nouvelle coalition autour des conclusions des Assises nationales, pour porter au pouvoir, notre candidat commun Macky Sall, le 25 mars.
Par contre, le discrédit et la déstabilisation semblent être la perspective la plus probable qui se dessine pour le camp de Wade. Et cela risque d’être accompagné de violence inouïe sur les populations, voire de tentatives graves d’agression contre le candidat de Bennoo Bok Yakaar et ses principaux partenaires.
En ces circonstances historiques que vit notre peuple, les traditions républicaines de nos forces Armées et de sécurité, et leur professionnalisme, tant sollicités en Afrique et dans le monde, sont mis rudement à l’épreuve. Ainsi, leur comportement durant la campagne électorale pour assurer la sécurité des citoyens et de notre candidat, pour protéger le vote, et défendre le suffrage du peuple, sera l’objet d’une grande observation africaine et internationale. A la fin de la campagne électorale, l’opinion pourra mieux être édifiée sur ce que sera le jour du scrutin. (FIN)
Ibrahima SENE, membre de la coalition Bennoo Bok Yakaar
Quand la peur conduit à la terreur…
Je suis frappé par leur manque de retenue. La peur, chez eux, prend les allures de la terreur. Désormais, ils sont prêts à tout. A tout, y compris les contrevérités. Y comprises les méthodes fascistes. Y compris la plongée dans les égouts pour chercher l’argument fourre-tout.
Attention, ils sont devenus dangereux.
Au départ, ils ont sorti de leur imagination déficitaire l’étonnante et inacceptable accusation d’ethnicisme. Les résultats du premier tour ont attesté de la capacité des Sénégalais à discerner le vrai du faux. Dakar, Kaolack, Nioro, Tamba, Mbour, Fatick, Thiès, entre autres, par les résultats qui y ont été enregistrés, donnent la preuve tangible de leur fourvoiement.
Alors, ils glissèrent de terrain.
Ce furent, ensuite, la désinformation et l’intoxication. Ils mirent dans la bouche d’un candidat, honteusement, des propos que ce dernier n’a jamais tenus sur les marabouts. Là aussi, ils n’ont pas eu de scrupule à recourir aux contrevérités. Les Sénégalais rejettent ces procédés ignobles. Leur quête pathétique de Ndiguël est vaine.
Alors, ils changèrent de fusil d’épaule. Ils pensèrent que la contrevérité grossie à souhait pouvait prospérer. Dans les esprits étroits des piètres stratèges de la défaite, fleurit l’inconscient de l’homosexualité ! L’opinion sait parfaitement que ces ‘communicants’ incompétents n’ont prouvé que l’ampleur de leur carence et l’extrême pauvreté de leur pensée. Car ils savent au moins, d’un savoir éprouvé, que le candidat qu’ils visent porte la lucidité de la manière la plus authentique.
Mais j’ai bien peur que les porteurs de la parole sans contenu sont des gens qui passent. Pas hélas des ‘animaux de luxe’ qui pensent.
Voilà donc les inconsolables wado-sceptiques réduits à chercher, dans la friperie argumentaire, les oripeaux de leurs espérances en lambeaux.
Rage ! Désespoir !
Où sont-ils, les héros des aubes difficiles ?
Où sont-ils, les clandestins des années 70 ?
Où sont-ils, les insurgés pacifiques du 19 mars 2000 ?
Où sont-ils, les manifestants inventifs du Sopi des années de braise ?
Ils sont devenus les Invisibles de leur propre histoire car de pseudo-intellectuels prébendiers les ont liquidés auprès du MAITRE.
Ils sont devenus les pestiférés du Parti démocratique car des politiciens insensibles à la constance les ont ‘clashés’ auprès du GRAND MAITRE.
Où sont-ils, les gardiens du rêve de la première alternance ?
Ils sont devenus les ombres d’eux-mêmes, déçus et désenchantés car des briseurs de songe, jadis, sont à présent les champions des batailles qu’ils n’ont jamais menées.
Rideaux !
La nouvelle alternance politique est en mouvement. Force et puissance. Bennoo Bokk Yakaar signe la présence de ce qui nous anime comme inspiration et aspiration : le souci du pays. Un illustre aîné me l’a régulièrement répété : ‘De nécessiteux, soyons nécessaires’ !
Enfin !
El Hadj Hamidou KASSE, Pôle Communication Bennoo Bokk Yaakaar
La personnalité étatique
Honorables lecteurs, qu’il vous plaise que votre plumiste commence son divertissement, tous azimuts, par ces phrases de Jacques Attali, ce génie littéraire, ce polémiste inégalé, en somme ce doué dont les neurones ne tarissent jamais de lumière. Cet intellectuel angélique qui séduit ses semblables.
Il s’interrogeait, dans le Nous, comme parle Dieu quand Il parle dans le Coran en disant Nous au lieu de Je ; ce moi haïssable.
Peut-être qu’à travers son hublot de bureau, Attali reçoit l’inspiration divine pour s’interroger de la veille du troisième millénaire sur le nouvel ordre politique qui a enjambé au dessus de la marche longue du temps.
«Quel développement ?» dit-il. «Quel rapport de pouvoir entre les Nations ? Quels styles de vie ? Quelles tendances artistiques ? En pénétrant dans une période radicalement neuve, poursuit Attali, l’histoire s’accélère, les blocs se dissolvent, la démocratie occupe le terrain, acteurs et enjeux nouveaux surgissent».
Donc, face à toutes ces évolutions en apparence désordonnées, le mode est à se méfier des modèles, à s’abandonner au jeu des forces spontanées, métastasées, qui agitent notre planète à faire du marché le maître de toute chose, l’arbitre de toute culture.
Devons-nous, nous souscrire à ce mode ? Ne croyons-nous pas que notre époque, comme les autres est relativement explicable, que notre devenir peut booster d’hypothèses sérieuses, qui puissent esquisser des lignes horizontales de lumières magnifiques ?
Comme l’architecte doué de symétrie, jetons des passerelles à la liberté qui illumine la face du monde. Elle renverse les potentats dans leurs royaumes et républiques, elle abolit les frontières, réveille les endormis, délivre les enchaînés et venge les opprimés.
Cette liberté apparaît dans sa plénitude universelle c'est-à-dire, qu’elle embrasse tout le champ de la pensée et couvre tous les domaines de l’activité humaine.
Tous les hommes épris de paix, de justice, de réalisme, de lucidité mettent en elle leurs espoirs et aucun discours public ne s’écarte de son éloge.
La personnalité étatique
Nul, plus que les historiens, n’est conscient de l’infinie diversité des personnalités humaines.
Cas singulier, homme complexe et ambigu.
S’agit-il d’un homme politique exerçant des responsabilités importantes ? Même pour ceux qui le connaissent bien, il reste dans son comportement des éléments inexplicables et inexpliqués. Est-elle possible la Prédiction ? Ces historiens ont tendance à se pencher sur chaque cas, sur chaque moment. Une fois résolu, dans la mesure du possible, le problème des forces qui ont agi sur l’homme d’Etat, certains aspects des décisions peuvent paraître s’expliquer par le «tempérament» du sujet donné. Cherchera-t-on, pour cela, à mieux connaître ce tempérament par l’étude des textes, des témoignages vécus du phénomène.
Cependant, même lorsqu’il accomplit cette tâche qui suppose l’ «esprit de finesse» bien plus que l’ « esprit géométrique», les historiens sont amenés à faire des parallèles. Ils comparent le héros du jour, avec ses prédécesseurs ou successeurs, avec le même personnage à une autre date.
Ces comparaisons (qui ne sont pas raisons) impliquant cette fois l’usage de l’ « esprit géométrique » ne se raniment pas en vain exercice de rhétorique à la façon des « vies parallèles » de Plutarque ou des confrontations classiques entre Aristide et Thémistocle, Gladstone et Disraeli, Briand et Poincaré. Elles sont un moyen de mieux comprendre les rôles des personnalités au sein d’un complexe politique.
L’intelligence humaine peut ne pas éviter les classifications, la découverte de grands typiquement «Types» même s’il s’agit de réalités aussi insondables que les personnes humaines douées de conscience et de volonté.
Les historiens ont donc tendance à se référer avec prudence à des «Typologies». il est très frappant que les politicologues aient dans l’ensemble négligé ce problème.
Jean Meynaud dans son excellente introduction à la science politique, « Paris 1959 », note que la plupart des études sur la composante psychologique des phénomènes politiques sont dues à des psychologues sociaux, les psychiatres et non des caractérologues. Maurice Duverger dans son non moins ouvrage est plus bref encore.
Le Sénégal, un grand pays. Une nation libre
Entre la France et le Sénégal, c’est un vrai deal. Quelques grandes figures sénégalaises, qui, du haut du palais Bourbon ont élevé leurs voix pour défendre « la Liberté, l’Egalité, la Fraternité » ; c'est-à-dire les fondements de la République française dont le Sénégal était partie intégrante. Les sénégalais n’ont pas oublié leurs députés qui, du début de notre siècle jusqu’à l’aube de notre indépendance et dans la fidélité aux valeurs républicaines, qui ne s’est jamais démentie, ont représenté dignement et intelligemment le Sénégal, l’Afrique et la France. Blaise Diagne, Galandou Diouf, Lamine Couro Guèye, Léopold Sédar Senghor, Abbas Guèye et Mamadou Moustapha Dia, pour ne citer que ceux-là, ont siégé dans ces travées de 1914 à 1959.
D’ici, ils ont tour à tour revendiqué :
L’égalité entre sénégalais, africain et français, entre anciens combattants venus d’Afrique et leurs frères d’armes de la métropole, unis en toute fraternité dans une lutte commune pour la Liberté ;
La généralisation de l’enseignement outre-mer;
Le suffrage universel et la citoyenneté pour tous dans les territoires ;
La dignité pour les travailleurs d’Afrique ;
L’autonomie des territoires d’outre-mer dans une union française de type fédéral.
Le talent oratoire de ces sénégalais et leur force de persuasion avaient convaincu la France et sa représentation nationale.
La suppression de l’indigénat et du double collège, l’instauration du suffrage universel, femmes comprises, l’école de Jules Ferry, l’accession à la citoyenneté, la création de l’Assemblée de l’Union et des assemblées locales, l’entrée des élus d’outre-mer au conseil de la République devenu le Sénat, l’abolition du travail forcé et le code du travail de 1952, la loi cadre de 1956 même si elle consacrait la « balkanisation » de l’Afrique, toutes ces conquêtes furent autant d’avancées significatives qui allaient progressivement mettre fin au régime colonial et réconcilier la France avec la République et les idéaux de la Grande Révolution.
Si, Français et sénégalais sont des «cousins» quelque part moins par le sang que par la culture nous voulons dire par là, notre adhésion aux mêmes valeurs citoyennes et républicaines. Notre relation est un métissage culturel.
Comme aimait à le dire et à l’écrire le Président-poète, Léopold Sédar Senghor.
Au reste, c’est avec la même ardeur que nous célébrions toutes les fêtes qui nous étaient communes à savoir : l’abolition de l’esclavage et de la restauration en France du suffrage universel. C’est le lieu de rappeler, le 30 octobre 1848 un peu plus de deux mille électeurs de Saint-Louis et de Gorée envoyaient pour la première fois à l’Assemblée Nationale, un député en la personne de Barthélémy Durand Valentin, un métis saint-louisien.
Même si la 2ème République avait été « victime » du suffrage universel, il n’en restait pas moins que le mouvement républicain s’était enraciné dans la mémoire collective et qu’il avait permis à la 3ème République de naître, non sans difficulté, elle qui avait tant influencé la vie politique, sociale et culturelle du Sénégal dès la fin du XIXème siècle.
Si nous nous sommes tournés vers ce passé, qui nous est commun, c’est moins pour contempler l’histoire ou en être nostalgique, que pour évoquer nos anciens qui eurent l’honneur de nous représenter dans cette enceinte et pour expliquer notre relation séculaire qui fait ce cousinage (cité plus haut). Le passé expliquant toujours le présent permet la visibilité de l’avenir.
Voici donc le Sénégal lié à la France pour le meilleur et pour le pire. C’est ce que Nicolas Sarkozy n’a pas compris pour dire « ses sornettes » à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Les africains connaissent bien leur histoire, même avant les colonies.
Nous avons hérité de la France sa langue, nos intellectuels ont fait des miracles dans les écoles les plus prisées de France.
La déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 est antérieure à la déclaration de 1776 qui permit Thierno Souleymane Baal de créer la République Islamique du Fouta, Sénégal.
Cette déclaration de 1776 n’a-t-elle pas inspiré celle des Etats-Unis d’Amérique et de la France pour la victoire de la Démocratie ?
L’héritage dévié
Léopold Sédar Senghor a façonné l’Etat sénégalais dont le verbe succulent a servi l’image de notre pays dans le le rayonnement universel.
Abdou Diouf a organisé l’Etat à l’image des grands commis de méthode et d’organisation. Abdoulaï Parcine Diop Wade a agressé l’Etat républicain pour en ouvrir les vannes, et ensuite pour installer l’informel, le jusqu’auboutisme et la violence déguisée dans la pénombre.
Aujourd’hui, nous vivons dans un pays fracturé qu’aucun rebouteux ne peut soigner.
Ne sommes-nous pas dans un Etat-Démon ?
La question se pose partout : sous les arbres à palabres, les marchées, les taudis, les concessions, les maisons, les hameaux, les villages, les huttes, les rivages de fleuves, des étangs, des marigots. Partout ! Les bassins de retentions sont habités par des diables à la recherche du sang. Un adage populaire ne dit-il pas : que les racines du pouvoir sont arrosées par le sang. Ce cocktail de mysticisme reste la force organisée de notre Potentat.
L’abus du pouvoir, c’est l’abus du bien social. Ce bien social est distribué a tout vent pour corrompre les indignes.
Seul un mouvement social arrivera a extirper ce mal exponentiel. Les risques sont à prendre pour parvenir à jeter un regard lointain devant nous. Sinon le réveil va être brutal.
Cette autocratie choisie comme système de gouvernance, incarne l’éloge des lumières obscures.
La punition populaire des Potentats !
Le Potentat de mon pays qui s’appelle Abdoulaï Parcine Diop Wade, raffole des hauts et des bas comme les montagnes russes : c’est la politique politicienne non initiée au dialogue , parce qu’ignorant la pédagogie du dialogue pour avoir la justesse du débat contradictoire . La « diabletterie » de son système commande la rue violente depuis la naissance de ses institutions politiques. C’est dans la peau de régime, dans son âme, dans ses fondements, bref dans sa philosophie ultra-sanguine. Le système libertaire du monarque rime avec liberticide porteuse d’auto-flagellations.
Dans son wagon, il en est le conducteur pour arriver à la gare de paupérisation et affamer le peuple et en faire des obligés, des esclaves modernes.
« Lui le demi-dieu » se dispute avec « Le Dieu réel » du temps et de l’espace. Voici le vrai démon que « Le Seigneur » a décrit dans la Torah, dans l’Evangile et dans le Qur’an (Coran).
Le pervers a rompu le pacte qu’il avait conclu avec l’Omnipotent, l’Omniscient et l’Omniprésent. «Le perverti » qui avait cru à la maçonnerie s’était incrusté dans ses prérogatives qu’il avait adorées. Aussi n’a t –il pas secrété sur ses adversaires, le ridicule, l’outrage dédaigneux, la raillerie indécente, l’humiliation perfide ?
L’archaïsme politique l’a conduit à l’inconscience pour plonger la Démocratie dans les profondeurs des nuits de la géhenne. Ce rebouteux qui brise et recolle n’est-il pas débordé par ses intrigues qui finalement lacèrent à ne plus respirer et perdre sa voix, dans l’urne des voies, au profit de son petit fils challenger.
Ne savions-nous pas que sa passion débordante du pouvoir manquait de talent ?
Il s’est fait «Dieu seul, sans monture divine, pour finir en épouvantail hideux comme Moubarak d’Egypte, Ben Ali de Tunisie, Gbagbo de Côte-D’ivoire, Saleh du Yémen et bientôt comme Bachard Al-Assad ,pour passer sous silence Mughabé.
Voilà les hypocrites-menteurs que « Dieu » a ciblé et qui seront exterminés à cause de leur tortuosité, leur orgueil, leur suffisance.
Pensez-vous que « le Seigneur accordera un délai à ces âmes impures dont les termes sont arrivés ! Non, l’omnipotent n’accorde jamais de délai à ces hypocrites damnés. Ils ont semé sur la terre la corruption pour justifier leur réforme. Alors qu’ils ont troqué le droit chemin contre l’égarement.
Comment ressusciter le Sénégal ?
Les mécanismes du pouvoir commandent le destin de la société. Après l’alternance, c’est l’alternative , première tâche nationale à revoir en sous-œuvre.
Pour cela, il faut d’abord terrasser le buffle, le coucher, lui administrer la lame de grâce.
Cet acte établi par tous les fils de la nation ouvrira, grâce aux assises nationales, les chemins idoines de la paix, de la prospérité et de la liberté.
Par Mamadou Amadou WANE
Journaliste - Grand officier de l'ordre du mérite -
Ex membre du BP du PDS travailliste
«Fraudes en 2012 ou la bombe électorale qui va exploser»
« Comment peut-on organiser des élections, y participer et les perdre en Afrique ?» (Omar Bongo)
C'est pendant que j'écrivais ce papier que j'ai lu le texte de Mr Bakar Ndiaye sur la question de la plus grande fraude électorale de notre histoire post-indépendance qui se prépare. Mr Ndiaye, non seulement a raison, mais a aussi interpellé dans son texte, tous les techniciens sénégalais sur la question de la transparence des prochaines élections. J'apporte ici ma modeste contribution au débat. J'ai abordé les questions techniques, surtout celles liées à la biométrie de façon très simple de manière à permettre une compréhension des enjeux en cours. Si le débat l'exige, je reviendrais plus en détail sur toutes les considérations techniques et comment l'expertise de l'UE a été ballottée lors de l'audit du fichier électoral, et les experts de l'opposition floués.
Au début était la carte d'identité numérisée.
Le 31 août 2005, l'Assemblée nationale sénégalaise adoptait le projet de loi instituant la carte nationale d'identité sénégalaise numérisée, qui visait notamment à abroger l'ancienne loi sur la carte nationale d'identité datant de 1962 et à introduire une carte d'identité « moderne et infalsifiable contenant des données biométriques » (Ce qui est totalement faux. Cette carte d'identité n'est ni moderne, ni infalsifiable encore moins ne contient des données biométriques. Nous aurons peut-être l'occasion de le démonter en d'autres occasions). Cette décision devait s'accompagner en même temps de la refonte totale du fichier électoral, dont on disait qu'il serait beaucoup plus fiable parce que basé sur la biométrie. C'est cela qui a été la première grande décision d'arnaque et de mise en place d'un vaste programme de fraudes électorales.
Une biométrie qui ne permet pas de détecter les doublons
Pas moins de cinq (5) Sociétés seront mobilisées : CFAO Technologies pour l'infrastructure technique et la connectivité ; East Shore pour tout ce qui touche l'Imaging et la biométrie ; DELARUE pour le système d'impression et de fourniture des cartes ; Sigma Technologies pour la maintenance du Système et Synopsys pour tout ce qui est traitement et fiabilité des données provenant de la collecte. Et tous ces marchés ont été des marchés de gré à gré, sans appels d'offre.
La DAF qui devait gérer tout ce système, s'est retrouvée dans une nébuleuse de structures, mais surtout ce qui a été plus grave pour la DAF, c'est d'avoir un AFIS (Automated Fingerprint Indentification System), en clair tout le système biométrique qui n'était pas basé sur des formats standards, mais sur un format propriétaire de la société East Shore. Donc les images des empreintes ne pourront jamais être vérifiées de façon indépendante, parce qu'inconvertibles.
Cette biométrie dont les autorités se vantaient tant, avait aussi une limite de taille : le système ne capturait que deux doigts des mains et avait un défaut congénital, celui de ne pas pouvoir reconnaître les inversions d’empreinte, c'est-à-dire, de faire la différence entre un pouce gauche et un pouce droit. Ce qui a fait que le fichier électoral s’est retrouvé avec des doublons qui ne pourront jamais être détectés, parce que la biométrie qui devait permettre de faire le matching est totalement inopérante.
Le fichier actuel est truffé de doublons. Certaines mêmes personnes s’y retrouvent plusieurs fois avec juste quelques variations de noms ou de dates de naissances, mais que le système ne détectera jamais parce que incapable de faire des recherches croisées avec le système biométrique. C’est ce qui a été la porte ouverte à la vaste fraude de 2007 dont l’opposition n’a jamais pu comprendre ce qui était arrivé.
D’ailleurs, la Rapport d’audit de l’UE de 2010 le confirme très clairement. Mais ils ne sont pas allés au bout de leur logique. Les auditeurs de l’UE n’ont jamais pu vérifier l’intégrité de la base de données. Ils n’ont jamais pu établir, de manière indépendante, si la base avait des doublons ou pas. Et c’est pourtant ce qui devait être l’une des missions centrales, car les Sénégalais voulaient savoir si leur fichier électoral était fiable et n’allait pas servir de porte ouverte à la fraude, comme en 2007.
Un vaste programme de fraudes en 2007
Le fichier électoral consensuel de 2000 comptait juste 2. 619. 799 inscrits. En faisant la refonte de 2005 en préparation des présidentielles de 2007, les autorités ont d’abord fait dans la mystification pour dire qu’ils ont pu inscrire 5.000.000 d’électeurs avec 500 commissions d’inscription et que désormais la liste électorale tenait sur 120.000 pages. Tout le système de traitement reposait sur plus de 250 serveurs avec des centaines d’imprimantes. Cette mystification était juste pour justifier les sommes colossales englouties dans les marchés douteux octroyés.
Mais derrière se cachait toute une stratégie de fraudes. En gonflant le fichier électoral de manière aussi démesurée, les autorités du Ministère de l’Intérieur voulaient s’assurer qu’il y aurait suffisamment d’électeurs potentiels sur lesquels s’appuyer pour dérouler le rouleau frauduleux. Mais en ne prenant cependant aucun risque. C'est-à-dire de voir la contrainte de ne pas obtenir au moins le quart des voix des inscrits venir bouleverser toute la stratégie. C’est dans cette optique qu’il faut comprendre le vote de la loi sur le quart bloquant le 3 novembre 2006 à l’Assemblée Nationale, soit 3 mois avant les élections. Il faut rappeler qu’auparavant, Wade avait découplé les élections législatives avec les présidentielles en prenant prétexte des inondations. La vaste opération de fraude de 2007 a consisté, sur la base des données électorales détenues par la DAF de pointer tous les électeurs «réels-fictifs » (parce que dupliqués dans la base mais qu’aucune vérification biométrique ne permet de détecter, comme démontré plus haut, ainsi que les décédés non sortis de la base). Tous ces électeurs ont été ventilés dans des bureaux de vote (« réels-fictifs »), en zone rurale surtout, (mais aussi en zone urbaine) loin des centres où l’opposition est présente.
Le Ministère de l’Intérieur dispose d’une cartographie électorale politique complète. Celle-ci a été définie sur la base d’une expérience électorale de plusieurs années et permet de savoir avec exactitude les zones où l’opposition n’est jamais présente. Parce qu’il faut dire que couvrir 12 000 bureaux de vote demande des moyens humains et financiers énormes que l’opposition, même en mutualisant ses ressources aura des difficultés à réaliser. Ces électeurs «réels-fictifs» vont donc «réellement» voter par le biais de l’Administration électorale qui émarge les listes et établit les PV à transmettre aux commissions de recensement. En zone urbaine, c’est beaucoup plus difficile. Mais là, des brigades (pas des militants) mais des agents de renseignement, transformés en mandataires et autres vérificateurs, parcourent les centres de vote pour voter plusieurs fois, en se débarrassant de «l’encre indélébile» qui n’est indélébile que de nom. Voilà pourquoi le pouvoir n’a jamais voulu entendre parler de spray. Egalement, tous les grands électeurs PDS et leurs affidés ont été également pointés dans la base de données avec des informations complémentaires sur leur numéro de téléphone, leur influence et leur histoire personnelle (pour certains). Les immenses sommes d’argent déboursées avant le scrutin pour «intéresser» tous les grands électeurs, par dizaines de millions ainsi que la collecte des cartes d’électeurs des « soit disant militants» entraient dans cette vaste campagne de fraudes.
Enfin, l’autre élément non moins important a été la définition électronique de la cartographie électorale. Se basant sur sa connaissance des scrutins, le Ministère de l’Intérieur a découpé les centres de vote et bureau de vote en tenant compte de la ventilation des supporters du camp de la coalition SOPI. Des centres et bureaux de vote «speed» où le vote serait rapide ont été créés pour permettre à leurs électeurs de pouvoir récupérer leurs cartes aisément tandis que les opposants connus avaient toutes les difficultés du monde pour récupérer leur carte d’électeur (découragés, nombre d’entre eux abdiquaient). Le jour du vote, les suspectés opposants faisaient des queues interminables, ce qui décourageait la plupart. Et avec les centres et bureaux de vote témoins, le Ministère s’est entouré de toutes les garanties pour les faire voter le plus rapidement afin de disposer en mi-journée des tendances globales et de pouvoir faire des ajustements s’il y a lieu.
Tout cela a été possible grâce à la technologie et aux procédés de fraude modernes. Il faut dire que notre fichier électoral compte environ 3 à 3.5 millions d’électeurs réels (je suis affirmatif sur ce point). Le gap des 1.500.000 électeurs soulevé par la CENA trouve toute sa justification. En effet, les services de la DAF se sont plantés en donnant un mauvais fichier (le bon réellement) à la CENA. Il n’a donc pas été très difficile de faire ce travail de tri en faisant remonter les informations à partir des bases de la coalition SOPI dont l’écrasante majorité des gens ne savaient pas à quoi servaient toutes ces listes qu’on leur demandait. Au niveau même des têtes de pont de la coalition, personne, à part le petit cercle restreint, ne savait pas de quoi tout cela retournait. C’est pourquoi, quand les résultats des élections étaient tombés, non seulement l’opposition avait reçu un coup de massue, mais eux-mêmes n’espéraient pas pouvoir réussir un aussi grand coup. Ils en sont restés bouche bée.
Alors la grande question que beaucoup de nos concitoyens se posent, et que le pouvoir dans sa gigantesque manipulation politique de tous les jours, amplifie, c’est comment alors l’opposition a-t-elle fait pour gagner, avec un tel fichier et un tel dispositif, d’importants bastions lors des Locales du 22 mars 2009 ?
Les Locales de Mars 2009 ou quand le pouvoir a confondu les types d’élection
Rappelons d’abord que c’était le 1er Février 2008, à trois mois des Locales, que le pouvoir avait encore donné un coup de poignard à la transparence (comme en 2007). En effet, un projet de loi modifiant le découpage administratif du Sénégal a été introduit à l’Assemblée Nationale avec l’érection des départements de Kaffrine (région de Kaolack), Sédhiou (région de Kolda) et Kédougou (région de Tambacounda) en régions. Les élections locales, initialement prévues le 18 mai 2008, ont été reportées au 22 mars 2009 subséquemment.
A l’arrivée, toutes les communautés rurales de la Région de Kédougou et du Département de Tambacounda, la majeure partie des communautés rurales des Régions de Kaffrine, Kolda, Sédhiou, Ziguinchor, Louga et Saint-Louis furent remportées par la Coalition Sopi. Avec 237 communautés rurales sur les 370 que compte le Sénégal dans l’escarcelle. Globalement, sur un total de 2. 109. 498 suffrages valablement exprimés, la Coalition Sopi a obtenu 970. 220 voix, soit 48,55 %. la coalition de l‘opposition gagne certes, un nombre important de communautés rurales dans les régions de l’ouest et du centre comme Kaolack, Diourbel et Fatick. Par exemple, dans les Départements de Diourbel, Benno Siggil Senegaal est arrivée en tête sur 7 des 9 communautés rurales ; de Fatick (10 des 13 communautés rurales) ; de Nioro (10 sur 11) et de Kaolack (8 sur 9). Mais la réalité, c’est que la coalition de l’opposition n’a gagné que dans les grands centres urbains. Ceci était déjà la preuve par 9 que Wade était très minoritaire et n’eut été son coup de découpage administratif avec ses trois nouvelles régions, ce serait encore beaucoup plus catastrophique.
La réalité, c’est qu’en 2009, le camp de Wade a été surpris. Malgré la forclusion de l’opposition dans nombre de zones, les gens du pouvoir ne pensaient pas que la fracture avait atteint un niveau aussi important. Aussi, malheureusement (pour eux), ils avaient oubliés que les techniques de fraudes électroniques avec la possibilité de faire voter des électeurs inscrits frauduleusement dans le fichier, ne pouvait pas servir à grand-chose parce qu’on avait affaire à une élection locale. Mais ce qui les a aussi éclaboussés, c’est la fronde et la contestation vigoureuse au niveau de la base avec la défection et les querelles intestines. Ce phénomène a empêché la remontée correcte des informations comme en 2007, mais aussi a même souvent éloigné certains électeurs (qui se sont soit abstenus, soit ont voté opposition pour contester). Il y a eu des chaînons manquants dans le dispositif. Voila pourquoi certains ont payé pour ces fautes.
Fraudes en 2012 ou la bombe électorale qui va exploser
En prévision des Elections de 2012, une révision exceptionnelle des listes électorales a duré du 03 Janvier au 16 Août 2011. Et aucune source officielle n’a permis de connaitre le nombre exact des nouveaux électeurs inscrits. La CENA a publié des chiffre, mais s’est tout de suite rétractée pour dire que les chiffres n’étaient pas officiels. Selon elle, il y aurait eu 285. 706 nouvelles inscriptions, là où toutes les projections parlaient d’au moins un million de jeunes. Mais l’Etat avait systématiquement refusé de faire les efforts pour faciliter cette inscription, y compris en refusant les moyens de l’UE pour aider à inscrire massivement ces jeunes. Pour le pouvoir, c’était risqué de voir arriver ces nouveaux électeurs qui ont grandi sous la contestation des brassards rouges.
Ce qui se prépare du côté du pouvoir est d’une extrême gravité. L’ensemble du dispositif électronique de 2007 est de nouveau en place. Niasse parle du logiciel déjà disponible au niveau de l’ADIE pour préparer la grande mascarade. Non. il ne s’agit pas d’un simple logiciel ! C’est tout un dispositif.
En effet comme en 2007, on va faire croire qu’il y a eu un taux de participation exceptionnelle sur la base des 1. 677 bureaux de vote pour 6. 155 lieux de vote et 5. 080. 294 électeurs. C’est pourquoi d’ailleurs, le Ministère chargé des Elections sort des communiqués dans tous les sens, organise des caravanes de sensibilisation, fait des spots, tout cela pour demander aux électeurs d’aller retirer leurs cartes alors que sur le terrain, le retrait des cartes pose un gros problème. Des cartes sont introuvables par leur destinataire et même certaines cartes ont été expédiées dans d’autres localités. D’autres cartes, surtout de jeunes sont achetées pour déposséder les électeurs suspectés d’être défavorables au régime. On parlerait aujourd’hui de plus 250.000 cartes en souffrance dans les commissions de distribution.
Aussi, comme en 2007 et en 2009, le régime a procédé encore à un redécoupage administratif à quelques mois des élections pour « corriger » les anomalies qui ont permis à l’opposition de faire des percées dans certaines communautés rurales, lieu par excellence d’implémentation de la fraude. Exemple de zones touchées : Sangalkam (Dakar), Bokidiawe (Matam), Djilot et Diakhao (Fatick), Keur Mbouki (Kaffrine), Mboss (Kaolack), Ndiagne (Louga), Guinguineo (Fass, Mboss, Ourour, Panal Wolof et Dara Mboss). Malem Hoddar (Ndiobène Samba Lamo et Ndioum Ngainth), etc.
Le pointage de la base de données électorale va être facilitée, cette fois-ci par l’importante banque de données des ruraux collectée par le camp de Wade à travers l’opération d’arnaque sur le fameux syndicat des agriculteurs. Le recensement avait permis de disposer d’une importante base de données de plus d’un million de personnes avec leurs numéro de téléphone, leur adresse, leur statut matrimonial, la taille de leur famille et autres.
Pour ces élections de 2012, toutes les autres techniques traditionnelles de fraude seront également de la partie. A savoir :
- Créer une confusion dans l’affichage des listes et cacher l’adresse réelle de certains bureaux de vote. Surtout avec le dernier découpage , beaucoup d’électeurs vont se retrouver à changer de bureau de vote ou a devoir se déplacer dans un autre centre de vote.
-Le matériel de vote va arriver tardivement dans certains bureaux de vote avec la double intention de ralentir les opérations de vote dans les zones suspectées défavorables d’une part, mais aussi de faire trainer le scrutin jusque tard dans la soirée afin de pouvoir le prolonger par arrêté et de procéder aux ajustements nécessaires. Parce qu’à cette heure, ils auront fini d’avoir les tendances lourdes avec les bureaux témoins et les bulletins laissés dans les poubelles des isoloirs que des experts déjà recrutés se chargeront d’aller décompter et de faire des projections.
-Les morts qui sont dans le fichier vont continuer de voter. Parce qu’ils n’y ont pas été expurgés.
- Etc.
Wade gagnera au 1er tour
Ceux qui pensent que les élections du 26 février 2012 seront juste un scrutin et qu’il faut aller battre Wade par les urnes, ceux-là se trompent lourdement. Il y a toute une logistique de fraudes électorales très sophistiquée derrière Wade. Et comme il le dit lui-même depuis lors, il prépare toutes les opinions à passer dès le 1er tour. Il a déjà réuni toutes les conditions pour un pareil coup « d’état électoral » après son coup d’état constitutionnel.
Wade, s’il participe à ces élections, va les gagner dès le 1er tour. La thèse d’aller sécuriser le vote est un leurre. Les bureaux de vote où le pouvoir va frauder sont des bureaux « réels-fictifs ». Les artifices de la fraude massive en préparation seront imparables pour l’opposition. Parce qu’il sera presque impossible de réunir les preuves. L’opposition n’a pas accès au fichier électoral « réel » avec la possibilité de pouvoir convertir les empreintes des inscrits dans un format standard et de faire les comparaisons sur l’intégralité de la base de données. Le Conseil Constitutionnel est déjà dans la poche du pouvoir ; et des magistrats agissant au niveau intermédiaire sont déjà prêts à faire le travail. Les observateurs dont on parle ne feront que valider les résultats proclamés par le Conseil Constitutionnel, en déclarant qu’il y a eu quelques irrégularités mais que cela ne remet pas en cause la fiabilité du scrutin.
Par Papa Demba GASSAMA -
Expert en Réseaux Informatiques et Spécialiste en Identification biométrique - Etats Unis -
shamptonmelissa@gmail.com
OPINION DE CAMPAGNE - Par Fadel Dia
Neuf questions pour l’après Wade
Abdoulaye Wade avait été élu en 2000 sur la promesse de changer le Sénégal et beaucoup avaient espéré qu’il ne s’agirait pas seulement d’un jeu de chaises musicales, que le changement aurait aussi une valeur spirituelle, qu’il serait une révolution qualitative et ferait émerger un Sénégalais nouveau. Hélas, douze ans plus tard, Wade a certes construit des routes, des ponts et des monuments, mais il n’a aboli aucun de nos travers et a même conforté certains de nos défauts ou de nos illusions. Il n’a pas créé un Sénégalais nouveau, il a avachi les Sénégalais en les installant dans la division, le goût du lucre, l’esbroufe et le désarroi. Il a même porté un rude coup à notre table des valeurs, à nos fondements les plus sacrés, en reniant sa parole et ce principe ancré dans notre culture selon lequel la parole d’un homme libre est comme de l’eau : quand elle est jetée elle ne se ramasse plus !Par sa faute les jeunes sénégalais ne croiront plus peut-être à la parole humaine, écrite ou parlée, et c’est comme si le monde s’effondrait sous leurs pieds…
Le Sopi n’a donc pas été réalisé, mais il s’impose plus que jamais et ceux qui hériteront de cette, alternance ratée auront à poser les bases d’une véritable révolution des mentalités. Sauront-ils, pour nous changer, nous tenir le langage de la vérité et avoir le courage et l’abnégation de préférer l’intérêt national à leur survie politique? Sauront-ils façonner un Sénégalais éloigné de l’idée que beaucoup se font de nous aujourd’hui : des hommes à la parole facile, « la bouche sucrée », arrogants, mais qui manquent de rigueur et de conviction? S’ils ne veulent pas être des politiciens fongibles, interchangeables, il leur faudra d’abord répondre aux questions suivantes.
1. Pourquoi nos politiques, nos « communicateurs », et plus généralement la partie visible et audible de notre société, ont-ils subitement érigé en vertu cardinale, en symbole culturel de l’homo-senegalensis, ce qu’ils appellent le « massala » et qui, souvent, tient plus du compromis, plus ou moins boiteux, voire de la magouille politique, que de la prouesse diplomatique? Le « massala » à la sauce sénégalaise n’est pas fondé sur l’aveu ou la reconnaissance de la vérité mais sur son omission consensuelle, sur une connivence sociale rassurante mais factice. Tous les Sénégalais sont devenus ainsi des médiateurs en puissance et l’on a vu le Premier Ministre et même le Président de la République, revêtus de « ngimbs » virtuels, s’échiner à réconcilier des lutteurs, comme si le sort du pays se jouait dans l’arène, ou le ministre des affaires étrangères user ses talents de diplomate pour arrêter le pugilat verbal opposant deux parlementaires! Toutes ces bonnes volontés semblent oublier que si, comme le dit l’adage, un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès, seuls durent les arrangements fondés sur la reconnaissance de la vérité. Ce n’est pas un hasard si la conférence instituée par Nelson Mandela pour éviter la déségrégation de l’Afrique du Sud et toutes celles qui se sont inspirées de ce modèle, portent en exergue le mot « VERITE » à côté de termes comme dialogue ou réconciliation. Si Benno Siggil Sénégal a fini en fiasco, c’est parce qu’il a préféré les conciliabules longs et vaseux aux explications directes et franches. Nos déboires avec nos voisins, et notamment avec la Gambie et la Mauritanie, viennent de ce constat qu’en cinquante ans d’indépendance, nous n’avons jamais su tisser avec eux un dialogue fondé sur la réciprocité en matière de relations internationales. Le « massala » sénégalais est envahissant parce qu’il est à la fois un comportement individuel, une option politique et une culture d’état.
2. Pourquoi nous, Sénégalais, croyons-nous que notre pays est, seul au monde, béni des dieux, qu’il échappe à tous les désastres et catastrophes, aux violences populaires, au motif que des êtres d’exception, voire des saints, sont nés sur son territoire ? S’il en était ainsi le Hedjaz n’aurait pas connu les attentats de La Mecque, la Palestine, terre sainte des trois religions révélées, n’aurait pas été en guerre depuis soixante ans, et nous-mêmes n’aurions pas subi l’accident le plus meurtrier de l’histoire maritime. Aucun pays n’est en vérité immunisé contre la violence et ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire pendant des années, ce qui s’est passé récemment au Mali, pourraient bien survenir au Sénégal parce qu’en matière de paix et de sécurité rien n’est jamais acquis de façon définitive, que la paix se cultive, qu’elle ne peut être garantie sans la tolérance et la justice. La morne France de mars 1968 n’avait pas vu venir les troubles de mai, la paisible et paradisiaque Tunisie n’a pas échappé à la Révolution de Jasmin et en 1989 on a vu de quelles violences était capable le Sénégalais ordinaire.
3. Pourquoi nous obstinons-nous à afficher cette autre prétention selon laquelle nous serions, en Afrique, la référence absolue en démocratie et qu’en matière d’expression par le suffrage universel nous aurions pratiquement un siècle d’avance sur nos voisins? Nous convoquons l’histoire, notre prétendue participation aux Etats Généraux de 1789, l’élection d’un « député du Sénégal » au parlement français dès 1848, sans préciser que les cahiers de doléances des « Habitants de Saint-Louis » étaient l’œuvre d’un marchand négrier et que pendant cinquante ans les députés du Sénégal étaient des « députés absents » au service des maisons de commerce bordelaises. De toutes façons, même si elle a été plus ancienne qu’ailleurs, l’histoire électorale du Sénégal n’a jamais échappé ni aux fraudes ou aux manipulations, ni aux violences physiques, voire aux guets-apens. A quoi d’ailleurs nous a servi cette avance puisqu’en cinquante ans d’indépendance une seule de nos élections a été reconnue transparente par toutes les parties en cause, que nous avons été parmi les derniers à accepter l’usage d’isoloirs dans les bureaux de vote et, que pour l’élection présidentielle de 2012,Wade et son parti ont récusé le bulletin unique que la RDC, qui compte 60 millions d’habitants et ne vote que depuis dix ans à peine, a accepté sans difficultés ?
4. Pourquoi, cinquante ans après notre indépendance, gardons –nous encore une conception coloniale des rapports entre le pouvoir et le citoyen ? Pour nous le Président de la République, même élu au suffrage universel, reste « Buur », le roi, et, à ce titre, il peut disposer à loisir des ressources du pays, donc de nos impôts, et jamais un chef d’état sénégalais n’a autant que Wade usé et abusé de ces prérogatives. Pire, son fils, ses ministres, les chefs de service, qui tous, à notre connaissance ne disposent pas de fonds secrets, se livrent à la même gabegie, avec le même manque de discernement. Les dégâts faits par l’argent de Wade dans nos consciences seront-ils jamais réparables ? Le paradoxe c’est que la plupart des Sénégalais ne sont même pas choqués qu’il comble d’argent public un fonctionnaire international qui gagne plusieurs millions par mois, qu’il enrichisse les agents privilégiés de l’état, qu’il remplisse les poches de visiteurs plus obséquieux que nécessiteux. Ce qu’ils regrettent c’est que leur tour tarde à venir. Beaucoup louent même sa générosité, alors que donner ce qui ne vous appartient pas s’apparente plutôt à un vol ; quand les bénéficiaires sont exclusivement de votre clan c’est de la concussion ; quand on prend aux plus pauvres pour donner aux nantis et aux oisifs, c’est tout simplement un crime !
5. Pourquoi avons-nous autant de mépris pour le silence et le recueillement et accompagnons-nous toutes nos activités de bruits et de clameurs, les plus gaies comme les tristes, les profanes comme les religieuses ? Quel droit peuvent opposer le voisin, le malade, le vieillard, le nourrisson, soucieux de quiétude, aux décibels qui se déversent de tous les lieux pour célébrer les mariages, les baptêmes, les décès, les invocations religieuses, avec souvent le même ton et la même outrance ? Quel besoin a-t-on d’appeler les fidèles, par haut parleur, à 4h30 du matin, quand la prière n’a lieu qu’à 5h40, d’user du même instrument pour psalmodier des cantiques, surérogatoires, devant dix personnes quand celles qui sont hors de la mosquée ne peuvent ni vous suivre ni en profiter ? Dieu n’écoute –t-il donc pas les cœurs et n’entend-il que les cris ?
6. Pourquoi sommes nous le seul pays sur la planète à fêter à la fois et à considérer comme jours fériés toutes les dates remarquables des calendriers musulman et chrétien, ce qui, ajouté aux fêtes républicaines et autres innovations conjoncturelles, fait de notre pays l’un de ceux où l’on travaille le moins au monde ?N‘est-il pas paradoxal que les Sénégalais chôment le jour de l’Ascension, qui n’est férié ni en Italie ni en Espagne, pays catholiques s’il en est, ou l’Assomption qui est un jour de travail dans tous les pays scandinaves. ? Tout comme la justice, la vérité aussi s’impose à tous et c’est faire mauvais usage du « massala »que de se soustraire à ce nécessaire équilibre qui permettrait de donner à chacun la part qui lui revient, toute la part, rien que la part.
7. Pourquoi la religion est de plus en plus ce qui divise les Sénégalais et non ce qui les unit, même quand ils professent la même foi ? Les musulmans sénégalais ont de plus en plus tendance à mettre les confréries au-dessus des écoles juridiques, les initiatives de leurs guides au-dessus des enseignements du Prophète et de la parole de Dieu. Celui qui conteste cette vision des choses est désormais menacé de mort et en l’espace de quelques mois on a assisté au saccage de plusieurs mosquées par d’autres musulmans , des journalistes, enseignants, chroniqueurs ou hommes politiques n’ont échappé au vandalisme et au lynchage que grâce à la vigilance de certains chefs religieux avisés .Après la menace qui pèse sur la laïcité, ces querelles de clocher seraient-elles l’amorce d’une véritable guerre religieuse ?Ce serait un désastre car les guerres intestines ont toujours été fatales.
8. Le Sénégal, si pauvre en ressources naturelles, peut-il aspirer à devenir un pays émergent, riche et prospère, si nous continuons à cultiver ces deux tares du sous-développement : le gaspillage et l’indiscipline ? Le gaspillage est peut-être plus ruineux que la corruption parce qu’il ne profite à personne et nous en donnons l’illustration en faisant ripaille pendant quelques jours tandis que la disette règne le reste de l’année, en distribuant dans les « xewaare »des sommes qui auraient permis à d’autres de vivre dans la dignité. Les Nations-Unies estiment aujourd’hui que 800 000 sénégalais sont menacés de famine dans cinq régions, et pourtant il y a quelques semaines on jetait à la poubelle des reliefs de plantureux festins. Quant à l’indiscipline, le jour où nous nous aurons appris à faire la queue devant les guichets, à céder la voie à ceux qui ont priorité sur nous, à libérer les trottoirs au seul profit des piétons, nous aurons fait un grand pas vers le développement. N’oublions pas enfin que c’est notre indiscipline qui a été à l’origine de ce qui est désormais considéré comme la plus grande catastrophe maritime en temps de paix : le naufrage du Joola !
9.Comment être une nation unie, forte et solidaire, et certains diront que c’est une obsession chez moi, si nous ne fondons pas la gestion des affaires publiques sur le respect des différences et sur la reconnaissance des mêmes droits à tous les citoyens ?Le Président de la République, symbole de l’unité nationale ,a été le premier à violer ce principe et à faire une distinction entre ses concitoyens en affirmant qu’il mettait une communauté au-dessus des autres, au motif qu’il lui devrait son élection. C’est à la fois une injustice et une faute : imagine-t-on Mandela, lors de sa première élection à la tête de l’Afrique du Sud, proclamer que la communauté blanche comptait peu à ses yeux parce qu’elle n’avait pas voté pour lui ! Mais le parti pris de Wade n’est que le reflet d’une politique d’état : nous avons encore beaucoup à faire pour garantir à tous les citoyens les mêmes droits à l’information, le même accès aux médias publics, le respect de leurs cultures, la reconnaissance de leurs particularismes. De toute évidence, pour certains, le temps où un chrétien pouvait être élu à la tête du Sénégal est révolu…
Ces questions ne sont probablement pas celles auxquelles les programmes de campagne des candidats à l’élection présidentielle tenteront de donner une réponse, peut-être parce qu’elles se prêtent peu à la comptabilité et à la mise en scène .Nous pouvons certes continuer à vivre en les ignorant, mais c’est une illusion de croire qu’on « peut arriver au but sans faire le chemin ».La route vers le développement et la paix sociale passe par ces serpents de mer : si nous ne répondons pas aujourd’hui à ces questions, nous pourrions demain mettre en péril notre cadre de vie, voire notre identité et, à terme, notre propre existence…
Fadel Dia