La jeunesse révoltée
Le peuple reprend sa souveraineté
Wade Go ! Wade Dégage ! Ne touche pas à ma constitution ! “Y’en a marre !“ Le peuple sénégalais que beaucoup qualifiaient de trop passif, a encore parlé. Comme le 19 mars 2000, il a démontré que la souveraineté nationale lui appartient. Désormais, ce jeudi 23 juin 2011 fera date dans l’histoire politique du Sénégal. Il était annoncé comme un jeudi noir, à l’instar des événements de Wall Street en 1929.
Finalement, il a été tout simplement un jeudi blanc pour le peuple sénégalais qui a confirmé sa souveraineté en disant non à tout assujettissement.
Quiconque pensait également que les députés pouvaient faire fi des récriminations du peuple pour satisfaire une oligarchie, un clan, une famille en adoptant cette loi inique, s’est lourdement trompé. N’est ce pas Moussa Sy ? Le député maire des Parcelles assainies sorti de l’hémicycle pour tâter le pouls du peuple, agrippé devant les grilles de l‘Assemblée nationale, a vite compris que ce serait une grossière erreur que de faire passer le projet de loi.
“Nous ne pouvons pas voter cette loi alors que le pays brûle dehors“, martèle-t-il avec force. Avant lui, c’est Joseph Ndong qui avait marqué sa désapprobation. Que dire du courage du député de Nioro Wack Ly, de Me El Hadji Diouf qui démontre de plus en plus qu’il mérite le titre du député du peuple au détriment de l’autre devenu entre temps un thuriféraire de Wade. L’histoire retiendra ces noms.
Mais au-delà, le débat reste la conséquence de ce désaveu cinglant que le peuple a administré à Abdoulaye Wade et à son gouvernement. La suite logique, comme d’ailleurs dans toute démocratie, c’est la démission du Chef de l’Etat. Ce fut le cas en 1969 en France avec le général Charles De Gaulle.
Ici, Wade n’a même pas voulu passer par la voie référendaire, nonobstant l’importance du projet de loi, mais sa majorité parlementaire lui a dit NON. Son peuple aussi. Alors M. le Président, tirez les conséquences de ce désaveu au nom du parallélisme des formes. Partez ! C’est le peuple qui le demande.
Qu’on l’aime ou qu’on l’exècre, il faut reconnaitre qu’aucun autre Sénégalais n’aura autant marqué la société de son époque que ne l’a fait notre Président bien spécial comme disait l’autre. Il n’est pas rare d’entendre de jeunes enfants au détour d’une rue y aller de leurs commentaires sur ce Vieux qui pourrait être leur arrière grand-père : propos du petit maure recueillis de derrière la tente.
Jeudi 23 juin 2011, c’est le Peuple, dit-on, qui a repris la main pour dire : en fait, « l’Etat c’est moi ». Et le Peuple a bien fait. Il y a bien eu quelques dégâts collatéraux : l’autre disait, les populations sont devenues le Peuple. Voire.
Il y a eu la prestation largement décriée de semeurs de troubles, de voleurs, d’agresseurs, de vrais vandales qui n’ont rien à envier aux hordes qui ont marqué la vieille Europe. Qui lui ont inoculé cette violence qui l’empêche encore aujourd’hui d’avoir cette posture généreuse qu’on devrait légitiment attendre d’une civilisation qui se dit fière de ses racines chrétiennes. Bref, la fange, mais le peuple aussi, cette partie de la famille pas sortable, à ne surtout pas convier aux civilités.
Les héros du jour, ce ne sont surtout pas ceux-là, non plus les politiciens. Ou les « sociétés civilistes » chez qui il y a comme un soupçon de militance commandée …(commanditée ?) Les « Y en a marre » auront été admirables. Jusque dans la belle déclaration servie lors de leur conférence, empreinte de sérieux, de paroles sages. Y avait même du Fanon. Bon sang de rappeur ne saurait mentir.
Une chronique de Grand-Place pour retraités, du petit peuple, de cette journée mémorable leur tresse des lauriers. Pour avoir tiré les futurs membres de ceux qui allaient se poser en pompeux «Mouvement du 23 juin » de leurs réunions peu efficaces pour les sommer de venir à la Place Soweto où le dernier acte du coup de Maitre était en train de se jouer. C’est ce qui nous a valu peut-être cette photo qui a fait le buzz de cet opposant, ce qu’il y a de plus républicain et de classe, armé de gros cailloux prêt à caillasser du robocop sénégalais.
Ces jeunes rappeurs, représentants de la génération-charnière de notre premier siècle d’indépendance, ont affiché une détermination et une lucidité qui forcent l’admiration. Ils considèrent avoir remporté une bataille et qu’il y en d’autres à mener. Ils ont pris la mesure de l’enjeu et bien considéré la gravité de l’heure : « le présent trébuche, l’avenir hésite… ».
Message clair : Wade a exercé deux mandats et il n’y a pas de place pour un autre. L’inconstitutionnalité de la candidature de Wade en 2012, c’est évident. Ils ont tranché le débat des constitutionnalistes. Le Peuple, émanation des trois pouvoirs, ne s’est-il pas exprimé ce 23 juin en tançant sa représentation institutionnelle coupable d’être inféodée à l’exécutif ? Du coup, le travail de la Cour constitutionnelle s’en trouve simplifié. Ne rend-elle pas la Justice au nom du Peuple ?
Le réel danger pour Père Wade, c’est cette sentinelle de la démocratie contre le tripatouillage de la Constitution. Le péril Jeune qui n’hésite pas à mettre son corps en rempart. En attendant le Daas fanaanal de cet électorat, nouveaux inscrits des listes électorales, ce qui ne sera qu’une formalité.
Notre espace médiatique regorge d’experts et de spécialistes de la wadésie et des coups du Maître selon qui il serait en train de mijoter son prochain coup. Il ne lâche jamais le morceau et chercherait à remettre l’ouvrage du ticket sur le métier. Il tient à se faire succéder par son fils : le projet de « dévolution monarchique » reste un repoussoir inusable pour certains.
Pour d’autres, il préparerait une revanche contre le peuple : ceux-là, -ce sont surtout les politiciens-, lui souhaitent le sort de ces potentats qui ont lancé leur armée contre leur peuple et se sont attirés les foudres d’une « communauté internationale » vengeresse. Après Kadhafi, Me Wade.
Aussi est-il urgent de sauver le soldat Wade. Et la responsabilité incombe en premier au cercle restreint de ses proches. Dont il serait l’otage, soutiennent encore d’autres experts de la wadésie.
Le problème de Wade ne pourrait-il pas être beaucoup plus simple ?
Abdoulaye Wade se réclame de la doctrine économique du libéralisme et ce n’est point une coquetterie politique de sa part. Il est ainsi absolument convaincu que les principes du libéralisme sont les seuls à même de tirer le Sénégal et les autres de la situation peu enviable de pays économiquement arriérés. N’a-t-il pas été parmi les pères du NEPAD, outil politique, rampe de lancement conçue pour mettre enfin l’Afrique sur l’orbite du développement ?
Faire régner le libéralisme pendant cinquante ans, telle était son ambition déclarée pour le Sénégal. Une à deux générations de Sénégalais pour convertir le pays et l’accrocher au train des pays riches. La réalisation de cette ambition, dont il peut ne pas être le témoin, passe nécessairement par une transmission du pouvoir à son fils …putatif, seul digne d’assumer le khalifat dans la famille libérale sénégalaise. Seulement, les politiciens sénégalais opportunistes en diable ont mis du sable dans la machine en mettant en selle le fils biologique.
La candidature très tôt annoncée n’était qu’une candidature d’attente. Le temps de se rabibocher, de faire revenir le fils prodigue dans la maison du Père. La suite du compagnonnage soulève encore aujourd’hui des supputations…
Momar Gassama Dakar
La jeunesse révoltée
La nature nous apprend qu'un homme révolté est celui qui dit non et s'il refuse, il ne renonce pas. C'est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement. D 'apparence, il existe une limite à la révolte. Cependant, la révolte est un droit. La révolte née de la perte de patience devient un mouvement et se situe donc dans l'agir. Elle se définit par le ‘Tout ou Rien’, le ‘Tous ou Personne’.En premier, elle soumet l'idée d'égalité, position d'égal à égal entre le maître et l'esclave. Mais le révolté finit par imposer cette égalité qui se traduit souvent par une inversion des rôles. Suivant le raisonnement de Scheler, l'homme révolté n'est pas l'homme du ressentiment, c'est-à-dire qu'il ne baigne ni dans la haine ni dans le mépris. La révolte enfante des valeurs. De fait, ‘pour être, l'homme doit se révolter’.
Il est donc évident de redéfinir la révolte, en extirpant l'homme de la solitude puisqu'elle est collective, d’où l’aventure de tous. Néanmoins, faire l'expérience de la révolte, c'est faire l'expérience de l'ascèse. Les mythes de Prométhée, d'Achille (avec Pactrole), d'Œdipe et d'Antigone, sont des archétypes de révoltes antiques au même titre que la révolte de Spartacus. La révolte est souvent légitime, elle est l'expression la plus pure de la liberté et semble revêtir le visage de l’espoir. De surcroît, la révolte impose une tension, elle refuse donc formellement le confort de la tyrannie ou de la servitude.
Le révolutionnaire a la volonté de ‘transformer le monde’, disait l’autre, alors que Rimbaud nous enseigne que le révolté veut ‘changer la vie’. Cette jeunesse sénégalaise a osé démontrer de vive voix, la nécessité et le timing d’une révolte face à un régime machiavélique, dictatorial et calculateur. Le peuple sénégalais avait tristement perdu tout espoir de vie sous un régime né pourtant il y a une décennie et dont les acteurs restent à situer dans l’échiquier de la politique elle-même. Je dois rappeler ici qu’il y a deux façons de faire de la politique. Ou bien on vit ‘pour’ la politique, ou bien ‘de’ la politique. Cette opposition n’a absolument rien d’exclusif. Bien plutôt, on fait en règle générale les deux à la fois, idéalement certes, mais aussi la plupart du temps matériellement. Celui qui vit ‘pour’ la politique fait d’elle, dans le sens le plus profond du terme, le ‘but de sa vie’, soit parce qu’il trouve un moyen de jouissance dans la simple possession du pouvoir, soit parce que cette activité lui permet de trouver son équilibre interne et d’exprimer sa valeur personnelle en se mettant au service d’une ‘cause’ qui donne un sens à sa vie.
C’est en ce sens profond que tout homme sérieux qui vit pour une cause, vit également d’elle. Notre distinction a donc pour base un aspect extrêmement important de la condition de l’homme politique, à savoir l’aspect économique. Nous dirons donc que celui qui voit dans la politique une source permanente de revenus ‘vit de la politique’ et que, dans le cas contraire, il vit ‘pour’ elle. Sous le régime fondé sur la propriété privée, il est nécessaire que soient réunies certaines conditions, triviales si vous voulez, afin qu’un homme puisse vivre ‘pour’ la politique en ce sens. Il est normal de procéder à l’approbation sans réflexion de toute idéologie du chef quelle que soit son absurdité. L’homme politique doit, dans des conditions normales, être économiquement indépendant des revenus que l’activité politique pourrait lui procurer.
Le fait qu’un État ou un parti soit dirigé par des hommes qui, dans le sens économique du mot, vivent exclusivement pour la politique et non de la politique, signifie nécessairement que les couches dirigeantes se recrutent de façon ‘ploutocratique’. En disant cela, tous ne chercheront nullement à faire accroire que la direction ploutocratique ne profite pas de sa situation dominante pour vivre également ‘de’ la politique et pour exploiter sa position politique au profit de ses intérêts économiques. Cela va sans dire. Il n’existe pas de couches dirigeantes qui ne l’aient fait d’une façon ou d’une autre. Si nos ministres pillent les ressources d’un pays assez pauvre et sans ressources en défendant les thèses absurdes de leurs situations économiques prospères d’avant l’alternance, au vu et su du chef, il est évident d’approuver toute loi quelle que soit sa teneur et ses conséquences pour assurer son bien-être personnel.
Je pense que Machiavel et Montesquieu devisent aux enfers, en échangeant quelques propos sur la politique moderne, et la façon la plus efficace pour quelques hommes politiques, toute considération de morale mise à part, d’acquérir et de conserver indéfiniment le pouvoir, mettant des hommes de paille aux places clé de la société. Voici un style tactiquement étudié et pondu pour un peuple marginalisé par la plus haute instance d’un régime et béni par des hommes ignorant toutes racines républicaines, en défendant des intérêts économiques personnels.
René Descartes, en retournant par le doute à la base de ce qui caractérise la nature humaine, est arrivé à une constatation irréfutable en s’écriant : ‘Cogito, ergo sum’ L’Homme est un être pensant, et Wade pense autrement. Un constat des dérives d’une pensée de ce régime pour garantir un règne sans partage au-delà de tous les pouvoirs dictatoriaux connus :
- Dans un pays parlementaire, c'est presque toujours par la presse que périssent les gouvernements, eh bien, j'entrevois la possibilité de neutraliser la presse par la presse elle-même. Cette manipulation commence par un contrôle des publications, puis par une organisation des journaux afin de donner l'impression de liberté de la presse. Le bruit causé par le flot d'informations permet alors de dissimuler le fait que l'essentiel n'est jamais mis en cause, et que seules des anecdotes insignifiantes font la une ;
- Je diviserai en trois ou quatre catégories les feuilles dévouées à mon pouvoir. On verra des feuilles, dévouées à mon gouvernement, qui m'attaqueront, qui crieront, qui me susciteront une foule de tracas. Remarquez bien que jamais les bases ni les principes de mon gouvernement ne seront attaqués par les journaux dont je vous parle ; ils ne feront jamais qu'une polémique d'escarmouche, qu'une opposition dynastique dans les limites les plus étroites ;
- L'étape suivante est de se mettre en scène. Et le premier point consiste à étourdir l'opinion publique, par des annonces faites à l'improviste, sans hésiter à dire une chose et son contraire ; cela permet de discréditer ses adversaires et de diriger les émotions des masses.
- A l'aide du dévouement occulte de ces feuilles publiques, je puis dire que je dirige à mon gré l'opinion dans toutes les questions de politique intérieure ou extérieure. J'excite ou j'endors les esprits, je les rassure ou je les déconcerte, je plaide le pour et le contre, le vrai et le faux. Je fais annoncer un fait et je le fais démentir suivant les circonstances. Je sonde ainsi la pensée publique, je recueille l'impression produite, j'essaie des combinaisons, des projets, des déterminations soudaines, comme des ballons d'essai. Je combats à mon gré mes ennemis sans jamais compromettre mon pouvoir, car, après avoir fait parler ces feuilles, je puis leur infliger, au besoin, les désaveux les plus énergiques ; je sollicite l'opinion à certaines résolutions, je la pousse ou je la retiens, j'ai toujours le doigt sur ses pulsations. Elle reflète, sans le savoir, mes impressions personnelles, et elle s'émerveille parfois d'être si constamment d'accord avec son souverain. On dit alors que j'ai la fibre populaire, qu'il y a une sympathie secrète et mystérieuse qui m'unit aux mouvements de mon peuple. Pour cela, il faut imposer aux journaux un droit de relecture, ce qui passera pour une censure honnête, et déjouera les accusations de complot et d'hypocrisie.
- J'obligerai les journaux à accueillir en tête de leurs colonnes les rectifications que le gouvernement leur communiquera ; les agents de l'administration leur feront passer des notes dans lesquelles on leur dira catégoriquement : Vous avez avancé tel fait, il n'est pas exact; vous vous êtes permis telle critique, vous avez été injuste, vous avez été inconvenant, vous avez eu tort, tenez-vous-le pour dit. Ce sera, comme vous le voyez, une censure loyale et à ciel ouvert. Tandis qu'on se disputera, qu'on donnera les interprétations les plus diverses à mes actes, mon gouvernement pourra toujours répondre à tous et à chacun : Vous vous trompez sur mes intentions, vous avez mal lu mes déclarations; je n'ai jamais voulu dire que ceci ou que cela. Le bruit occasionné par l'agitation du gouvernement donnera l'impression du mouvement et du progrès. C'est encore grâce à la presse que le spectacle de cette immobilité spectaculaire permet de tromper le peuple :
- Les masses consentent à être inactives, mais à une condition, c'est que ceux qui les gouvernent leur donnent le spectacle d'une activité incessante, d'une sorte de fièvre; qu'ils attirent constamment leurs yeux par des nouveautés, par des surprises, par des coups de théâtre ; cela est bizarre peut-être, mais, encore une fois, cela est. En conséquence, je ferais, en matière de commerce, d'industrie, d'arts et même d'administration, étudier toutes sortes de projets, de plans, de combinaisons, de changements, de remaniements, d'améliorations dont le retentissement dans la presse couvrirait la voix des publicistes les plus nombreux et les plus féconds. ‘
- Le président lui-même doit se mettre en scène et personnaliser le pouvoir, en parlant de ses croyances et en s'identifiant à la nation.
- Les peuples n'aiment pas les gouvernements athées, dans mes communications avec le public, je ne manquerais jamais de mettre mes actes sous l'invocation de la Divinité, en associant, avec adresse, ma confrérie, ma propre étoile et mes marabouts à celle du Sénégal.
- Le Président doit paraître jeune, dynamique, faire semblant de faire bouger les choses, ce qui lui permet de se légitimer contre des institutions qui ne seront plus jugées selon leur utilité et le droit, mais selon la valeur, positive en démocratie, de jeunesse. L'hagiographie médiatique permet de disposer des institutions à son gré sans que cela apparaisse sous le jour plus véritable d'un coup de force.
- Mes principes, mes idées, mes actes seraient représentés avec l'auréole de la jeunesse, avec le prestige du droit nouveau en opposition avec la décrépitude et la caducité des anciennes institutions.
Enfin Wade pense encore que son fils est le plus sage de la jeunesse sénégalaise et africaine, et à lui seul d’occuper le plus géant portefeuille lui permettant de gérer les racines du pouvoir et sans ma supervision.
Vive le Sénégal et sa jeunesse
El Hadj Aboubakry SY syaboubakry@gmail.com Consultant
Pourquoi réformer le Cnra quand on est incapable d’appliquer la loi en vigueur ?
La Rfm a fait état d’un projet de réforme du Cnra qui serait dans le circuit administratif. Nous avions clairement démontré dans une tribune publiée au mois d’avril 2011 que le Cnra n’avait pas le courage d’assumer ses missions. Malheureusement, au Sénégal, pour fuir leurs responsabilités les hommes mettent leurs carences sur le dos des textes.
Le Cnra a les moyens de rendre ‘sérieux’ la Rts et les médias privés. En fait, la Rts ne rend aucun service aux Sénégalais, à la majorité et à l’opposition. Nous n’avons pas besoin d’insister, ici, sur les dérives de la Rts, elles sont connues de tous. Au-delà du non-respect du pluralisme, la Rts n’a même pas une émission à caractère éducatif digne de ce nom.
La couverture des activités gouvernementales se résume à la cravate du ministre et/ou du Directeur de cabinet qui doivent impérativement placer deux mots et se voir chez eux à 20h, au moment où les autres sénégalais sortent de chez eux (Rts) car ne pouvant supporter le sourire du ministre, ils changent de Chaîne. En effet, la Rts fait la publicité des hommes et ‘rend compte des activités folkloriques au détriment des actions de grande envergure’ du gouvernement. Et ce sont bien les cadres du Pds qui mettaient, ainsi, en garde la Rts en 1991, lors de la première entrée de Wade dans le gouvernement de Diouf. 20 ans après, c’est le Pds lui-même qui se fait piéger. Inutile vraiment de continuer de parler de la Rts. N’est-ce pas l’autre qui disait que la ‘télévision est faite pour ceux qui, n’ayant rien à dire, tiennent absolument à le faire savoir’. Passons donc.
Parlons alors de cette autre presse qui est entre les mains d’hommes d’affaire impitoyables sans foi ni loi. Ils donnent l’illusion à leurs employés d’être des hommes importants et puissants qui peuvent changer le cours des choses. En vérité, une chose leur intéresse : leurs intérêts personnels. La liberté d’expression des Sénégalais ne leur intéresse que lorsqu’elle va dans le sens de leurs intérêts. Leurs petites certitudes ont valeur de vérité scientifique. Ils se prennent pour des demi-dieux, capables de prédire l’avenir, alors qu’ils n’étaient même pas capables, en 2000, de décrire aux Sénégalais la vraie personnalité de celui qu’ils présentent, aujourd’hui, comme un monstre (soulignons tout de même qu’il s’agit d’un monstre assez particulier, tout le monde peut lui dire ce qu’il veut sans mettre sa vie en danger). Pire, ils ont aidé ce monstre (sic), selon leur dire, à arriver au pouvoir. Diable, cesser de nous dire que c’est un monstre qui nous gouverne, puisque vous nous avez laissé l’élire en 2000.
L’un des plus grands journalistes d’investigation de ce pays, Abdou Latif Coulibaly, s’est même permis d’avouer, non sans avec beaucoup de fierté -quelle honte !- que cet homme ne faisait pas partie de ses centres d’intérêts avant 2000. Autrement dit, renseigner les Sénégalais sur l’un des plus sérieux présidentiables ne faisait pas partie de ses obligations professionnelles.
Remake pour 2012. A 8 mois des sélections, les Sénégalais ne savent rien de leurs présidentiables et ce n’est pas le problème de leurs médias. Ils (les médias) ont d’autres préoccupations : éliminer le monstre. Ils invitent, même, les Sénégalais à être amnésiques. En fait, les Sénégalais doivent oublier que Maky Sall, Gadio, Bathily, Landing….avaient servi ce monstre, quant à Idy, ils doivent parler de ses affaires en fonction de ses positions vis-à-vis du monstre. Il faut se taire sur le passé des présidentiables parce que cela pourrait profiter au monstre. Telle est la règle du jeu.
Et pour parvenir à ses fins, cette presse se permet toutes les forfaitures : absence de pluralisme, traitement déséquilibré de l’information, désinformation, délation…. Tout est motif de combat, de harcèlement, d’intimidation, de lynchage…
Les citoyens n’ont droit, maintenant, qu’à des monologues.Pape Alé Niang, Sidy Lamine Niasse, Alassane Samba Diop, pour ne citer que ceux-là, invitent des gens qui ont les mêmes positions sur les questions qu’ils évoquent, et pourtant ils savent avant de les inviter qu’ils vont dire la même chose. Mais puisque ce sont des gens bien qui ne disent que la vérité (sic), on peut légitimement faire le deuil du nécessaire débat démocratique contradictoire dans l’intérêt supérieur de la nation.C’est ainsi, pas plus tard que ce mercredi 29 juin 2011, Pape Alé Niang de la 2stv a invité Alioune Sow, Moussa Tine, Abdou Lo et Djiby Diakhaté.En journaliste bien informé, Pape Alé connaissait déjà les positions de Djiby Diakhaté, de Moussa Tine et Abdou Lo, et il savait qu’elles étaient identiques. Mission réussie : le discours de Alioune Sow a été bien noyé.
Nous avions dit et nous répétons que le Cnra a les moyens de faire face à toutes ces dérives.En effet, au-delà des problèmes administratifs, le Cnra peut bel et bien se prononcer sur les problèmes d’éthique et de déontologie, sur le respect du pluralisme, sur l’objectivité et le respect de l’équilibre dans le traitement de l’information, sur l’accès équitable des partis politiques aux médias audiovisuels, sur la défense de l’unité nationale … (cf. article 7 de la loi N° 2006-04 du 4 Janvier 2006).La loi a mis à la disposition du Cnra des moyens de sanction allant de la mise en demeure à la demande de retrait définitive de l’autorisation d’émettre.
La vérité est que ni le gouvernement ni le Cnra n’ont le courage d’appliquer la loi. Appliquer la loi c’est aussi amener la Rts à accepter les règles du jeu. Les 22 et 23 juin, la Walf Tv s’est permis des écarts (des plateaux sans aucun invité de la majorité, des images violentes, la justification en direct d’actes de vandalisme…)que les télévisions publiques des régimes les plus dictatoriaux ne peuvent se permettre.
Il est temps d’avoir le courage d’appliquer la loi.Le gouvernement doit aussi rester cohérent, il ne peut pas engager une grande réforme devant aboutir à un nouveau code de la presse, et engager une autre réforme en solo.
Sadikh DIOP Administrateur de l’Observatoire de l’information et des médias Site : limedia.org email : info@limedia.org
Maître, il est déjà trop tard !
Touche pas à ma constitution ! N’est ce pas paradoxal que le citoyen ordinaire se trouve dans l’obligation de rappeler la sacralité de la constitution à l’avocat que vous êtes, au gardien de la constitution que vous êtes censé être, au sage que vous auriez dû incarner du fait de votre âge avancé.
Une chaîne ininterrompue de forfaitures et de parjures, a fini par vous faire croire que ce peuple n’avait plus de capacité d’indignation, qu’on pouvait lui faire avaler toutes les couleuvres, qu’il était presque devenu insensible à toute humiliation. Les chants laudateurs d’une caste de courtisans a fini par vous faire croire qu’un seul astre brillait sous nos cieux : Vous ! Il est vrai que ce peuple a faim, qu’il a soif, il a perdu jusqu’au souvenir de la lumière…
Sachez Maître que l’obscurité imposée ne lui a point fait perdre sa lucidité et sa dignité. « Le peuple veut toujours le bien, même s’il ne le voit pas souvent », nous disait un philosophe du siècle des Lumières. Ce que vous avez fini par perdre de vue c’est que vous n’étiez qu’un serviteur…le serviteur de ce peuple. Il ne vous a rien donné, tout au plus vous a-t-il confié quelque chose qui lui appartient exclusivement mais dont paradoxalement il ne peut se départir : sa souveraineté. Et c’est peut-être là, Maître, où vous faites une erreur monumentale : la légitimité que vous convoquez sans cesse est un processus continué qui résulte de la relation constante entre l’action du mandataire et l’assentiment du mandant.
Comment peut-on vouloir consolider ou approfondir la démocratie en faisant montre d’un mépris sans précédent vis-à-vis de son propre peuple ? Nous ne voulons point de ce « ticket », ni aujourd’hui, ni demain. Nous n’en voulons pas car tel est notre bon vouloir. A-t-on même besoin de le justifier ? Ou alors ne sommes- nous plus souverains ? Maître, vous n’avez point affaire à un peuple d’esclaves. Citoyens, nous le sommes depuis fort longtemps ; peut-être que le Professeur Bathily, éminent historien, devrait vous prêter quelques manuels d’histoire pour vous rafraîchir la mémoire. Il est vrai que dans votre camp, il n’y a qu’une constante qui pense et, par sa volonté démiurgique, agit, fait et défait les destins des hommes et des peuples.
La démocratie ne repose pas sur le solipsisme mais sur le pluralisme, la différence et la contradiction ; elle ne signifie pas unanimisme mais repose sur un consensus fondamental des acteurs politiques autour des modes de régulation du politique. Par-dessus toute chose, ce qui donne à la démocratie sa dimension éthique c’est le respect impératif des droits de la minorité. Cette règle impérative contient la toute puissance de la majorité mais surtout a pour fonction de montrer qu’en démocratie, majorité et minorité ne sont que des qualités circonstancielles, interchangeables dans le temps et au gré des rapports de force.
Sachez que le passage de l’ordre ancien à l’ordre nouveau exhibe toujours un moment de disjonction entre légalité et légitimité. Le peuple a clairement montré qu’il ne reconnait plus ce Parlement qui n’est peuplé, pour l’essentiel, que de députés du Président et non de représentants du peuple. Si nul ne peut contester la légalité de ce parlement, tous sont convaincus de son illégitimité. Souffrez que le régime nazi était tout fait de légalité, était-il légitime pour autant ? Que dire de 1789 ? Le Tiers-Etat n’était-il pas le symbole de la légitimité défaisant la légalité pour aller dans le sens de l’histoire.
Très cher Maître, vous vous êtes affublé de toutes les compétences, de tous les diplômes qui attestent de votre savoir inégalé, mais vous nous avez convaincu de votre incompétence notoire en matière de sens de l’histoire. Vous vous êtes trompé d’époque, de société, de contexte, de valeurs. Votre façon de faire de la politique est désuète, obsolète car d’un autre âge. Comment avez-vous pensé un seul instant que dans notre pays, le Sénégal, une dévolution monarchique du pouvoir était possible ? Maître, nous vous avions ouvert la grande porte de l’Histoire en 2000, vous nous avez pendant dix ans abrutis avec vos petites histoires et combines. Il est déjà trop tard pour vous ! Est venu le temps de partir.
Le 23 juin 2011, ce n’était pas votre pouvoir qui était en jeu mais bien votre autorité. Parlant de l’autorité, le philosophe, dans Du mensonge à la violence nous rappelle que « sa caractéristique essentielle est que ceux dont l’obéissance est requise la reconnaissance inconditionnellement ; il n’est en ce cas nul besoin de contrainte ou de persuasion. L’autorité ne peut se maintenir qu’autant que l’institution ou la personne dont elle émane sont respectées. Le mépris est ainsi le plus grand ennemi de l’autorité, et le rire est pour elle la menace la plus redoutable ».
Nous avons retenu trois leçons de votre magistère :
- La démocratie ne peut être que là où existe la République avec ses institutions et ses valeurs. L’impunité, la corruption, le patrimonialisme finissent toujours par ronger les institutions, par les affaiblir et les vider de leur sens et de leur substance. Il y a bien une éthique politique qui doit s’exprimer à travers le souci de la chose publique.
- La politique repose moins sur des calculs que sur une vision, c’est-à-dire une capacité à se projeter dans le futur et à se laisser guider par une ambition de grandeur pour son peuple.
La culture démocratique se forge avec l’expérience démocratique, avec ses vicissitudes, ses errements, ses succès. Vous aviez fini par croire que chaque sénégalais avait un prix. Maître, la dignité n’a point de prix et c’est la leçon qu’il vous faudra méditer…dans une retraite qu’il est temps de prendre!
Doom ci askan wi