‘La Constitution, c’est moi qui l’ai rédigée
‘La Constitution, c’est moi qui l’ai rédigée !’ Il faut alors l’assumer !
Dans une interview accordée au quotidien en ligne Dakaractu, le président Wade a, une fois de plus, étalé les micmacs des circonstances d’élaboration de la Constitution de l’alternance, censée apporter des solutions efficientes à l’omnipotence du pouvoir présidentiel. (…) Alors qu’il clamait à hue et à dia que la procédure d’élaboration de la nouvelle Constitution était la plus démocratique au monde, voilà qu’il vient d’avouer sans réserve : ‘La Constitution, c’est moi qui l’ai rédigée. Tout seul.’ Allant même plus loin, il dénie toute existence au comité d’experts qu’il avait lui-même mis en place pour écrire de l’avant-projet de loi fondamentale : ‘Il n’y a pas eu de commission de rédaction. La Constitution est mon œuvre.’
Cette confession nous paraît d’une extrême gravité si l’on se réfère à la quintessence de la Constitution qu’il faut se garder de banaliser à tout bout de champ. ‘Expression d’un consensus national’, selon la formule bien heureuse du Cardinal Théodore Adrien Sarr, la Constitution ne saurait s’accommoder d’une quelconque univocité. Elle n’est jamais, ou tout au moins, ne devrait jamais être la traduction institutionnelle d’une volonté unique. Dans les systèmes démocratiques, la Constitution est élaborée selon une procédure inclusive ouverte à tous les segments de la population, contrairement aux procédés non démocratiques où l’œuvre constitutionnelle est confisquée par un individu ou un groupe restreint.
Avouant être l’auteur exclusif de la Constitution du 22 janvier 2001, le président Wade est, une fois de plus, auteur d’un détournement de procédure qui lui a ainsi permis de se tailler un manteau constitutionnel à la hauteur de ses ambitions.
Cette interview, cavalière à un moment où le contentieux de la validité de sa candidature est pendant devant le juge des élections nationales, occulte une nouvelle ruse visant à ingurgiter l’amère pilule du troisième mandat présidentiel, là où ‘sa’ Constitution, qu’il avait bien interprétée au sortir de l’élection présidentielle de 2007, limite le nombre de mandats à deux.
Tout ‘juriste aussi’ (Wade dixit) qu’il est, l’économiste qui, maintes fois, a déversé son aversion à tout ce qui touche au droit devrait, au nom de l’honnêteté intellectuelle, intégrer dans ses appréciations les points de vue des spécialistes pointus de la science constitutionnelle. La fameuse parabole de mon jeune collègue Mouhamadou Mounir Sy de l’ophtalmologiste se substituant au stomatologue pour l’extraction d’une dent malade est illustrative des perversités qu’un ‘connait tout’ peut inoculer dans une société saine.
La volonté d’accaparement de l’œuvre constitutionnelle de 2001 a conduit le Président Wade à nier l’existence même de la commission d’experts qu’il avait instituée pour élaborer un avant-projet de Constitution. Pour lui, ‘il n’y a pas eu de commission de rédaction. La Constitution est mon (souligné par nous) œuvre.’ Une telle posture lui donnerait ainsi le statut d’interprète privilégié de la constitution, même s’il reconnait par ailleurs que ‘(sa) déclaration n’a pas de valeur juridique’.
Les constitutionnalistes ne sauraient cependant rester indifférents à des contrevérités savamment distillées dans le dessein d’induire en erreur les citoyens. Le peuple sénégalais n’est pas amnésique. Il est, au contraire, reconnaissant du laborieux travail accompli par cette commission dont il me plait de recadrer les interactions informelles que j’entretenais indirectement avec les auteurs d’un projet de Constitution dont j’avais dénoncé les dérives autoritaires depuis sa genèse. J’aborderai ensuite sur les points de droit soulevés par l’interview, avant de mettre en exergue la perche tendue par le président Wade au Conseil constitutionnel.
L’existence de la commission de rédaction est irréfutable
Il faut être frappé d’une amnésie irréversible pour réfuter publiquement l’existence de la commission de rédaction instituée en vue d’élaborer un avant-projet de Constitution commandé par le Président Wade. Placée sous l’autorité du ministre de la Justice, la dite commission était composée des professeurs Babacar Guèye et Demba Sy, de l’avocat Me Madické Niang représentant le président de la République, du juge Taïfour Diop représentant le Premier ministre et du notaire Me Papa Ismail Kâ, représentant de la société civile. Les observateurs avaient relevé que les deux professeurs de droit constitutionnel sénégalais du moment étaient magistralement ignorés par le président Wade : le professeur Serigne Diop et moi-même. Il est étonnant, dans ces conditions, que le professeur Serigne Diop, publiquement écarté du processus en raison de son soutien au candidat défait par Wade, puisse être en même temps associé à l’œuvre constitutionnelle.
Tout comme le professeur Amsatou Sow Sidibé qui est une civiliste de renommée internationale et que le président Wade avait publiquement humiliée lors de son show de présentation du projet de Constitution, ait pu apporter son concours à l’enrichissement de son texte. Enfin, le peuple sénégalais n’est pas atteint d’une cécité collective. Tous les téléspectateurs ont regardé la cérémonie solennelle et ultra médiatisée de remise de l’avant-projet de Constitution au président Wade qui, dix ans plus tard, nie l’existence même de cette commission qu’il avait mise sur pied.
L’on ne saurait passer sous silence la forte prégnance de la volonté et du style du Président Wade dans les différentes moutures qui lui ont été présentées. C’est en connaissance de cause que j’avais qualifié l’avant-projet de Constitution publié en octobre 2000 de ‘travail d‘amateur’ car les incongruités et les incohérences du texte sont aux antipodes de l’ingénierie constitutionnelle. Il état évident que la main qui tripatouillait tout le travail constitutionnel dans le sens d’acclimater le césarisme démocratique au Sénégal ne pouvait être celle de la commission. Les membres de la commission n’étaient que de simples scribes appelés à exécuter fidèlement un plan concocté par le président Wade qui était le véritable et l’unique maitre d’ouvrage du chantier constitutionnel.
Dix ans, après l’histoire a réconforté cette conviction en dévoilant l’auteur réel de ce ‘travail d’amateur.’ Ce coin du voile levé est en même temps un cinglant démenti infligé aux ‘avocats de courte robe’ - pour emprunter la formule à Tamsir Jupiter Ndiaye - qui m’accusaient de prendre ‘un malin plaisir à flinguer mes collègues’. Ces derniers ont fini par adhérer à la vision du solitaire qui s’était attelé à démontrer ce qui fut une véritable supercherie constitutionnelle. Je rappelle, en passant, à ces contempteurs que je n’ai jamais éprouvé le besoin de porter des cagoules ou des gants pour dénoncer tous les plans machiavéliques déroulés depuis 2000 pour asseoir ce hideux système patrimonial où les biens publics et privés se sont imbriqués au seul profit de l’oligarchie qui a sa mainmise sur l’appareil d’Etat. De même, l’on ne saurait occulter les manœuvres dolosives visant à légitimer un troisième mandat par la révision constitutionnelle de 2008 ou par la règle de la non rétroactivité des lois.
La révision de 2008 concerne la durée et non le nombre de mandats. Poussant plus loin son argumentaire, le Président Wade avance : ‘Depuis que l’article 27 instituant le septennat a été adopté en 2008, il n’y a pas eu d’élection. Mon premier mandat sous l’empire de ce nouveau texte est celui qui démarre en 2012. ‘
La stratégie confusionniste est sans équivoque. Le Président Wade confond durée et nombre de mandats qui sont deux notions juridiques fort différenciées. Le mandat est un contenant alors que la durée est un contenu. Les deux peuvent être soumis à des régimes juridiques qui ne se recoupent pas du tout. Il n’existe aucune détermination linéaire de l’un par l’autre. Au demeurant, certaines constitutions les distinguent clairement. Ainsi, l’article 220 de la Constitution de la République Démocratique du Congo - à l’élaboration de laquelle a pris part votre serviteur- interdit toute révision constitutionnelle portant sur ‘le nombre et la durée des mandats du président de la République’. Or, la très controversée révision constitutionnelle de 2008 n’a porté que sur la durée du mandat. Ses initiateurs avaient publiquement déclaré que la modification pouvait valablement porter sur la durée sans toucher au nombre de mandats qui est intangible. La durée est variable dans le temps et dans l’espace. Elle court à compter de la date d’entrée en fonction d’un président élu jusqu’à l’investiture de son successeur. Cette durée peut être de 5 ans ou de 7 ans, mais elle ne préjuge en rien le nombre de mandats.
L’article 27, en ce qui concerne ses dispositions relatives à la durée du mandat a été modifié en 2008 sans préjudice du nombre de mandats qui est toujours limité à deux. Or, le président Wade ne saurait contester qu’il a exercé un premier mandat de 6 ans (2001-2007) alors qu’il devrait être élu, conformément à la Constitution du 22 janvier 2001, pour un mandat de 5 ans. Il a bénéficié en quelque sorte d’un bonus d’un an du fait qu’il était le président de la République en exercice au moment de la promulgation de la Constitution de la 3e République. Il a épuisé un second mandat de 5 ans de 2007 à 2012. Vouloir commencer son premier mandat en 2012 est une tentative d’arnaque constitutionnelle qui amène logiquement à se poser des questions sur le statut du pouvoir présidentiel de 2000 à 2012. Une présidence flottante dépourvue d’assise constitutionnelle du fait que la Constitution du 7 mars 1963 n’existe plus alors que la Constitution du 22 janvier 2001 n’est pas encore d’application ?
Si l’on raisonnait par l‘absurde, en suivant la logique du président Wade, sans affecter le principe de la limitation du nombre de mandats, il est loisible de modifier autant que de besoin la durée du mandat pour bénéficier d’un nouveau décompte du nombre de mandats, renvoyant ainsi aux calendes grecques la limitation du nombre de mandats !
L’irrecevabilité de l’argument tiré de la non rétroactivité des lois.
L’interviewé a semé une grande confusion autour de l’argument tiré de la règle de la non rétroactivité de la loi. A ce niveau également, le ‘juriste aussi’ piétine le principe de la hiérarchie des actes juridiques en appliquant à la Constitution un principe d’ordre législatif. A moins de confondre, dans son for intérieur, la Constitution et la loi.
Le principe de la non rétroactivité des lois n’est pas intangible. Il est soumis à de possibles réaménagements de la part du législateur. Il est un simple principe général du droit, sauf en matière pénale où il est érigé en principe de valeur constitutionnelle qui s’impose à la loi, tout en restant soumis à l’autorité de la Constitution. Ce principe ne vaut alors que pour la loi et les actes qui lui sont inférieurs dans la hiérarchie des normes juridiques.
Le principe de la non rétroactivité des lois a été forgé pour résoudre les problèmes juridiques posés par les conflits de lois dans le temps. Or les conflits de lois dans le temps n’existent que dans le cadre d’un ordre constitutionnel existant. Le ‘conflit de constitutions dans le temps’ n’existe nulle part au monde. A notre humble connaissance, il n’y a pas un seul pays au monde régi par deux Constitutions. Une nouvelle constitution naît généralement sur les cendres d’une ancienne. Le mandat du président Wade, entre 2001 et 2007, tire sa légitimité de la Constitution du 22 janvier 2001 et non de la Constitution du 7 mars 1963.
Les esprits rusés rétorqueront toujours que ‘la Constitution est une loi au sens matériel.’ Cette myopie constitutionnelle ignore la dimension formelle de la Constitution qui la place au-dessus de toutes les normes qui existent au sein de l’Etat. Si on les suivait sur le terrain de l’absurdité, l’on pourrait péremptoirement affirmer : ‘L’arrêté règlementaire est une loi au sens matériel’ ou ‘le décret règlementaire est une loi au sens matériel’. Pourtant ‘toutes ces lois au sens matériel’ sont soumises à des régimes juridiques spécifiques. L’arrêté du sous-préfet ne peut bénéficier du même traitement juridique que le décret ou l’ordonnance du Président de la République.
En conséquence, la Constitution du 22 janvier 2001 produit ses effets à compter de sa promulgation. C’est uniquement dans le but de faire l’économie d’une élection présidentielle anticipée ou de soumettre le Président Wade à un quinquennat alors qu’il lui restait un mandat de six ans, que l’article 104 de la nouvelle Constitution a procédé à cet arrangement constitutionnel qui ne porte pas préjudice à ‘toutes les autres dispositions de la Constitution’, en particulier l’applicabilité immédiate de la limitation du nombre de mandats au premier Président de la 3ème République.
La perche du président Wade tendue au Conseil constitutionnel
Tout ne fut pas négatif dans cet entretien accordé par le Président Wade à Dakaractu. Le Président Wade a solennellement invité le Conseil constitutionnel à prendre ses responsabilités en statuant en toute indépendance sur le différend porté à son jugement. Il s’est engagé à respecter scrupuleusement le verdict du juge électoral sur le contentieux de son troisième mandat. ‘Si, par extraordinaire cela arrivait, je m’y plierais … Mais si les juges en décident ainsi, je vous laisserai tout ça entre les mains’, avec comme bonus le ‘rêve de rester chez moi, au Point E, ou sur mon terrain à Yoff, pour recevoir les gens qui viennent solliciter mes conseils’. Il aura surtout le temps ‘d’écrire (ses) Mémoires’ et de ‘rédiger des ouvrages qui remettent l’économie politique (pas le droit) sur ses pieds’.
Nul doute que le peuple sénégalais lui est reconnaissant de sa contribution à l’avènement et à la consolidation de la démocratie. Aussi, est-il temps qu’il se tourne vers la communauté scientifique en contribuant à l’essor de la science à travers ses expériences vécues et ses théories enrichies de son vécu.
Il y a bien une vie après la présidence de la République, président Wade. Les présidents Senghor et Abdou Diouf ne nous démentiront pas. Votre ‘constitutionnaliste de bazar’
El Hadj MBODJ, Professeur titulaire des universités Major du 6ème concours d’agrégation de droit et de science politique Ancien expert constitutionnel de l’Onu au Dialogue inter-congolais Ancien Expert constitutionnel de l’Ue au Parlement de la transition de la RDC
Diaspora pour qui voteras-tu ?
Jamais dans l’histoire du Sénégal la diaspora ne s’est autant mobilisée/invitée dans le débat autour des élections. Depuis près de 2 ans, les manifestations des Sénégalais en Europe et en Amérique du Nord (Usa et Canada) se suivent et s’intensifient. Pas plus tard que mardi 24 de ce mois, une poignée de Sénégalais regroupés sous la chaise cassée, ont bravé le froid glacial de Genève pour exprimer leur position sur la candidature controversée de Abdoulaye Wade devant les locaux des Nations Unies.
La diaspora plus que déterminée à voter ?
Cette forte implication de la diaspora dans le débat politique est à la hauteur des enjeux des élections présidentielles pour l’avenir du pays et la reconnaissance du mérite des Sénégalais vivant à l’étranger dans les efforts de développement du pays. Mais faudrait-il que les électeurs établis à l’étranger aient leurs cartes. En réalité, tout porte à croire qu’on veut les déstabiliser, mais les Sénégalais de l’extérieur opposent une ferme intention pour exprimer leur volonté aux prochaines élections. La preuve, cette semaine, 2 Sénégalais ont été arrêtés en France parce qu’ils s’étaient rendus au consulat pour récupérer leurs cartes d’électeur.
Au moment où ils sont appréhendés et présentés devant le juge, parce qu’ils ont choisi de jouir de leur droit, certaines autorités de Sédhiou font l’impossible, pour encourager les populations à retirer leurs cartes. Cette conscience citoyenne au niveau de la diaspora mérite d’être saluée et encouragée au lieu d’être brisée. Peut-être que la peur a fini par prendre le dessus sur ceux qui veulent empêcher, par tous les moyens, la diaspora sénégalaise de participer aux joutes électorales. Les élections de la diaspora sont donc à surveiller avec la plus grande attention, parce que les Sénégalais de l’extérieur sont déterminés à prendre part aux prochaines élections présidentielles, même si les principaux candidats ne se sont presque pas prononcés sur leur situation.
Au fait, diaspora pour qui voteras-tu ?
‘Moi, je vote pour cette maman qui vend des arachides pour nourrir ce bébé qui ne verra plus son Papa, je vote pour le candidat avec un cœur pour dire merci aux immigrés vous êtes nos héros...vous êtes en guerre économique. Où que vous soyez nous vous aimerons et vous aiderons’. Tel est le cri du cœur de Lamine Mbengue, émigré sénégalais en Espagne (Cf : Barça est devenue Barsakh… on nous tue maintenant). Ces propos de Lamine semblent donner un aperçu sur le profil du candidat idéal pour la diaspora. Il s’agit du candidat qui prend en compte les besoins quotidiens des Sénégalais de l’extérieur pour leur faciliter leur séjour loin de leurs familles. Ce candidat devra également être très attentif et impliqué dans la guerre qu’elle est en train de mener dans les pays d’accueil, à savoir travailler durement pour soutenir leurs familles et participer au développement de leur pays. Enfin le candidat idéal devra faire preuve de reconnaissance envers la diaspora. Le besoin de reconnaissance et de restauration de la dignité des émigrés par les autorités étatiques est plus que nécessaire.
Il ne se limitera plus, comme on a l’habitude de voir de nos jours, sur des discours politiciens encore moins sur des promesses idéalistes, mais plutôt sur des mesures pratiques et des prises de positions radicales qui réhabilitent définitivement l’émigré sénégalais. Une telle volonté pourrait se matérialiser, par exemple, par la création d’un ministère des Sénégalais de l’extérieur qui s’installerait à l’étranger et qui s’appuierait sur cette force vive. Je pense que si on veut guérir un malade il faut être à son chevet pour pouvoir le diagnostiquer à temps, le suivre et lui prescrire un traitement adapté et réagir systématiquement en cas de besoin. Cette mesure est inévitable.Existe-t-il un candidat à la hauteur de ces attentes ? Qui est ce candidat qui bénéficiera du vote de la diaspora ?
Un ‘Ndiguel’ de la diaspora serait-il inévitable ?
En attendant de trouver le candidat idéal, la diaspora pourra jouer sur un levier fondamental : le pouvoir économique. N’a-t-on pas l’habitude de dire que celui qui détient le pouvoir économique détient le pouvoir politique ? Si cet adage est exact, la diaspora détient alors une puissante carte entre les mains. En fait, la diaspora pèse plus de 600 milliards de francs Cfa par an. Elle constitue le principal bailleur du Sénégal. Sa contribution dans la lutte contre la pauvreté et l’effort de développement est aujourd’hui sans conteste. De ce point de vue, la diaspora doit pouvoir influer, à l’image de la diaspora ghanéenne, sur le cours des événements qui concernent leur pays, à plus forte raison le choix de celui qui aura la lourde tache de conduire la destinée de la Nation. Si l’argent devrait s’inviter aux élections pour faire basculer le vote, la diaspora est mieux placée que quiconque pour agir sur le choix des Sénégalais. Cela est d’autant plus vrai que derrière chaque émigré on peut dénombrer au moins 5 potentiels votants. Dès lors, ne devrons-nous pas avoir peur du ‘Ndiguel’ venant, à notre grande surprise, de la diaspora ? Les émigrés ne pourraient-ils pas donner des consignes de vote à leurs parents ? Wait and see !!!
Khadim MBOUP, Sociologue Xabamba79@yahoo.fr
NE TUONS PAS LA COLOMBE !
Appel à la Paix
Lorsque l’on considère le terrain politique sénégalais avec ses allures d’arène où des lutteurs renfrognés se regardent en chiens de faïence. Lorsque l’on considère les acteurs politiques sénégalais et leur amour des postures et des atours guerriers ainsi que leur propension à bander les muscles et à se frapper la poitrine tels des King Kong. Lorsque l’on considère les partis politiques recrutant des nervis et étendant leurs tentacules, semblables à des pieuvres maléfiques, jusque dans les rangs des associations apolitiques, des confréries et autres autorités coutumières et religieuses. Lorsque l’on considère ces leaders de la société civile lorgnant en salivant le pouvoir politique et ses avantages, et ces autres confondant actions communautaires citoyennes et activités politiciennes, discours constructeur et jactance destructrice. Lorsque l’on considère la presse et les frasques politiciennes qu’elle affectionne particulièrement, et comment l’opinion publique s’en réjouit,…, l’on éprouve des craintes légitimes pour ce pays et ses habitants. L’on a envie de crier : «La colombe est blessée. Ne la tuons pas! Ne faisons pas plaisir au diable ! ». L’on a envie d’écrire sur tous les murs, ces mots d’Albert Camus : «La paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernants, (vers tous les leaders politiques), l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison.»
«La paix n’est pas simplement un but éloigné que nous cherchons, mais les moyens par lesquels nous arrivons à ce but»,
Martin Luther King.
«Vous devez être le changement que vous voulez voir dans le monde»,
Mahatma Gandhi.
En vérité, la paix représente pour la société ce que la santé représente pour la personne. Car, tout comme l’individu a besoin d’une bonne santé pour vivre sainement et réaliser ses ambitions, le corps social a besoin de la paix, le plus précieux arbre de notre jardin. Mais un arbre aussi lent à grandir que rapide à abattre. Car la paix n’est pas qu’un mot, qu’un slogan, qu’une incantation, mais un désir sincère, mais un comportement, mais une création continue. Elle ne se décrète pas, elle se suscite, se construit patiemment avec foi, par l’éducation, la formation et le travail. Et cela, les jardiniers, les éducateurs et les médecins le comprennent d’instinct qui savent, à l’instar des poètes, que celui-là qui rêve d’une rose et qui veut en jouir doit planter une graine et l’entretenir, que l’enfant qu’on oublie d’éduquer régresse, pourrit et pourrit la communauté et que la maladie qu’on néglige s’aggrave et tue. Et mon père a raison qui me disait : «Sème la paix, cultive là. Parce que quoi que tu puisses récolter, tu ne possède rien si tu n’as pas la paix». Car, pensent les wolof, la paix est plus importante que tout ce qui n’est pas elle. Sans la paix, le paradis ne serait plus le paradis. Avec la paix, l’enfer ne s’appellerait plus l’enfer.
Oui, osons le dire et le répéter, cet arbre roi qui offre fleurs délicates aux effluves enchanteresses, frais ombrage et fruits délicieux a un coût qui s’appelle justice, bonne gouvernance, respect des lois, règlements et institutions régissant notre «commun vouloir de vie commune», amour du vrai, du beau et du bien, désir de paix et cheminement de tous sur le droit chemin tant chanté par les Prophètes. «Guide-nous dans le droit chemin» prient plusieurs fois par jour les musulmans à l’adresse de Dieu qu’ils appellent aussi «Ya Salaam», «La Paix». Tandis que la Bible fustige «ceux qui abandonnent les sentiers de la droiture pour marcher dans les chemins ténébreux» et nous enseigne qu’ «un homme intelligent emprunte le droit chemin». Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de «Daru Salaam», (La Cité de la Paix), de confirmer : «la paix est avec celui qui est sur le droit chemin». Seydina Limamou Laye de lancer cette injonction : «Méfiez-vous de ce qui peut en vos cœurs engendrer la haine et l’inimitié». Avant de recommander : «Renforcer vos relations par l’amour, car les habitants du paradis s’aiment». Cheikh Ahmed Tidiane Cherif d’enseigner : «Si vous êtes calomniés, ne calomniez pas». El Hadj Malick Sy d’interroger : «Jeter du bois mort dans un incendie, n’est ce pas attiser le feu qui flambera de plus belle ?».
Mais, se désole Antoine De Saint Exupéry, «le malheur de notre temps, c’est que tous les ambitieux aiment le pouvoir pour lui-même». Et, pour la préservation ou la conquête du pouvoir, ils n’hésitent pas à emprunter les ruelles fangeuses, obscures et tortueuses, à mentir, à haïr, à calomnier, à insulter, à voler et à tuer, les ambitieux politiques qui oublient, comme dit Saint Exupéry, que la guerre n’est pas une aventure, mais une maladie comme le typhus ; qui ne savent pas qu’on ne peut pas éteindre le feu avec de la braise ni éclairer la nuit avec des ténèbres, que «la violence est mauvaise et injuste d’où qu’elle provienne», comme l’affirme Jean Paul Sartre, et qu’elle n’est pas une solution, mais bien plutôt un problème à résoudre ; et qu’être violent ne signifie pas forcément être le plus fort. Hélas, ils raisonnent plus en termes de parti à consolider qu’en termes de pays à construire, en termes de militants à recruter ou à récompenser qu’en termes de populations à sortir de la pauvreté, en termes de voix à compter qu’en termes de voix à écouter. Ainsi, aveugles et sourds à tout ce qui ne flatte pas leur vanité, ils dressent partout et toujours des barricades, jamais des passerelles, oubliant cette sagesse de Nelson Mandela appelant à la collaboration en ces termes : «pour faire la paix avec un ennemi, on doit travailler avec lui, et il devient notre associé». Car il ne comprend que trop, le sage sud-africain, que de la collaboration seule nait la fraternité véritable. «Rendez le bien pour le mal, et vous verrez votre adversaire se transformer en protecteur et en ami», enseigne le Prophète de l’Islam, notre seigneur Mohamed, pour qui : «Après la foi, l’essentiel, le raisonnable est d’aimer les hommes et de faire le bien tant au bon qu’au méchant». Jésus Christ, le Prophète de l’amour, de révéler qu’après Dieu, ton Seigneur, «Tu aimeras ton prochain comme toi-même». Et le prédicateur de prédire : le jour où le pouvoir de l’amour surpassera en nos cœurs l’amour du pouvoir, nous connaitrons la paix véritable.
En attendant ce jour, le diable se réjouit ; il applaudit des deux mains et rit aux éclats. Alors mettons-nous à l’œuvre. Et prions…
ABDOU KHADRE GAYE, Ecrivain, - Président de l’Entente des Mouvements et Associations de Développement (EMAD) - Tel : 33 842 67 36 , Mail : emadassociation1@gmail.com