"DELIT D'INITIE"
AFP - Emprunt obligataire et coup de l’électricité : Niasse accuse Wade et son gouvernement
de «délit d’initié»
Réunie en Bureau politique jeudi (dernier), l’Alliance des forces de progrès (Afp) de
Moustapha Niasse a publié une déclaration pour accusé le gouvernement libéral d’avoir commis
un «délit d’initié» sur l’emprunt obligataire lancé par le Sénégal il y a quelques jours, et
qui n’a pas atteint les résultats escomptés (60 milliards francs Cfa obtenus pour 100
recherchés). «La consultation préalable des souscripteurs potentiels des obligations et des
bons du trésor que l’Etat Sénégalais vient d’émettre sur le marché financier de l’Union pour
cent milliards de francs Cfa, a faussé le fonctionnement normal du marché où tous les
investisseurs potentiels doivent être au même niveau d’information», ont déclaré les
«progressistes» au cours de cette réunion, présidée par Moustapha Niasse. L’Afp a dénoncé
ainsi «l’insouciance et la désinvolture avec lesquelles le gouvernement de Me Abdoulaye Wade
gère les affaires de notre pays». Selon ce parti, c’est ce qui fait que «le gouvernement
s’est mis dans un cas de délit d’initié considéré comme une violation du principe de
transparence». «Malgré ce vice de procédure, l’échec de l’opération a mis en évidence la
perte de crédibilité de l’Etat sénégalais, auprès des investisseurs, en raison d’une
politique erratique», lit-on dans la déclaration dont Nettali a obtenu copie.
Les «progressistes» ont réclamé aux «autorités monétaires nationales, régionales et
internationales un certain nombre de mesures susceptibles, désormais, de préserver
l’intégrité, la fiabilité et la crédibilité des mécanismes de fonctionnement du marché
financier et boursier de la sous-région, mécanismes auxquels le Sénégal a l’obligation de se
soumettre».
Sur l’électricité, Niasse et ses camarades ont critiqué «l’augmentation annoncée du prix de
l’électricité au consommateur par kw/h, à la suite de celle effective du carburant». Ils ont
estimé que «si la conjoncture économique internationale et la flambée des cours du pétrole
justifient, dans certains cas, que soit appliquée dans une certaine mesure, la vérité des
prix pour certaines consommations subventionnées par l’Etat, ceci ne pourrait être le cas de
l’électricité sans un ajustement corrélatif des salaires et de certains revenus non salariés
comme le loyer».
EDITORIAL - Debout frères… !
En nos temps troublés, que rythment en refrain les mots «journalistes nuls et sans
formation», les violences exercées sur des professionnels de l’information et de la
communication devaient être traitées, pour des tenants de pouvoir, comme des faits divers
journalistiques. Sans préjuger des surprises que nous réservent les titulaires d’une charge
qu’ils tirent à hue et à dia, dans une accumulation névrotique si hétérogène que la raison
s’y perd. Ce goût du rentre-dedans, tout en hargneuse intimidation, et qui relève moins du
courage physique que d’une posture de matamore, nous augurons depuis belle lurette, qu’il
constitue un trait psychopathologique du système. Si la République comme le pensait
Machiavel, est un régime dans lequel les citoyens ont intérêt à la vertu parce que celle-ci
y a plus de chances d’être récompensée, ici le «Monstre» est toujours déterminé à imposer
d’autres valeurs.
Les «délits» apparemment commis par Boubacar Kambel Dieng, Karamoko Thioune, Ousmane
Mangane, Pierre Dasylva, Ibrahima Lissa Faye, ne sont, en fait, que des actes de bravoure
démocratique dans un pays où le droit d’informer devient de plus en plus dangereux. Si les
citoyens sont privés de tout droit d’être informés, via le travail des journalistes, ils
risquent de cautionner, par méconnaissance, les pires aventures. On comprendrait qu’un
journaliste soit mis en cause, voire poursuivi, pour avoir dit faux, diffamé, diffusé de
fausses nouvelles, trompé ses lecteurs, bref, avoir mal fait son travail. Mais, là, c’est
tout l’inverse. On leur reproche d’avoir couvert des manifestations. On leur demande, au
besoin avec la matraque électrique, les gifles et les insultes, de se taire. «Silence, à
genoux !» «Effacez les images !», les injonctions des tortionnaires qui se sont acharnés sur
les journalistes, coupables de chercher à savoir pour faire savoir, traduisent cet état
d’esprit. Toujours est-il que la liberté de la presse est l’un des principes fondamentaux
des systèmes démocratiques qui reposent sur la liberté d’opinion et d’expression.
Ceux qui s’échinent à faire peur, par un chantage, une violence physique ou verbale,
semblent ne comprendre et connaître du journalisme, qu’un miroir lisse dans lequel ils
s’admireraient. Est-il besoin de rappeler la leçon de l’Histoire : ce n’est pas parce que
l’on tient les rênes du pouvoir que l’on contrôle les consciences.
C’est vrai que le président de la République, en premier lieu enrage contre ces journalistes
«systématiquement démolisseurs» et qui se refusent «à pédagogiser», «sa vision», dans un
moment où la culture journalistique est aujourd’hui beaucoup plus consciente de l’importance
des libertés et du pluralisme. Défendre la liberté d’expression dans un monde ouvert est un
combat loin d’être gagné.
Si la République est en danger aujourd’hui, n’est-ce pas plutôt le fait des manquements de
la puissance publique, dus à l’incapacité et au manque de courage de nos gouvernants ?
Peut-on blâmer ceux qui en appellent à la transparence dans tous les domaines, quand l’Etat
montre chaque jour son incapacité à remédier à des problèmes qui touchent à l’essence même
de la Nation et la sécurité des citoyens. Que les donneurs de leçons, prompts à convoquer
l’éthique et la déontologie, se le tiennent pour dit : ce n’est pas en s’inscrivant dans une
logique de diabolisation des acteurs du secteur des médias qu’ils arriveront à imposer leur
mode de domestication de l’information, d’uniformisation de la pensée.
Tous à la marche de ce jour, pour s’élever contre les tentatives de bâillonnement.
Le Comité pour la défense et la protection des journalistes
Cheikh Hadjibou Soumaré : ’’la survie des entreprises dépend de la réaction du gouvernement
face à la crise’’
27 Juin 2008 14:00 heure de Dakar
(APS) – La ’’survie’’ des entreprises sénégalaises dépend de la capacité du gouvernement à
réagir au contexte économique mondial rendu difficile par la flambée des denrées de première
nécessité, a déclaré vendredi à Dakar le Premier ministre Cheikh Hadjibou Soumaré.
’’Nous avons la pleine conscience que la survie de nos entreprises dépend de notre capacité
à faire face à la situation actuelle’’, a affirmé le chef du gouvernement, après avoir
décrit ’’un contexte économique international difficile auquel les entreprises sont
confrontées’’.
M. Soumaré était l’invité des ’’journées promotionnelles’’ de la Chambre de commerce,
d’industrie et d’agriculture de Dakar (CCIAD), ouvertes jeudi.
’’Je suis convaincu que l’avenir de l’entreprise sénégalaise dépend d’une association
étroite entre le secteur privé et les institutions publiques’’, a-t-il relevé, se
réjouissant du fait que ’’ce mouvement est bien engagé’’ par les opérateurs économiques dont
ceux de la CCIAD.
Le Premier ministre a assuré que dans ce contexte ’’aucun aspect qui intéresse la vie de
l’entreprise sénégalaise ne sera négligé’’ par son gouvernement.
’’Les réformes engagées dans le domaine économique ne sont jamais définitives. Il faut les
évaluer et les adapter’’ au contexte économique actuel, a-t-il par ailleurs indiqué.
A son avis, la participation des opérateurs économiques à travers les chambres consulaires,
des agriculteurs, ainsi que des éleveurs est ’’fortement attendue pour la réussite de la
GOANA (Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance)’’.
Lancée par le président Abdoulaye Wade en avril dernier, la GOANA ambitionne d’atteindre, à
court et moyen termes, 500.000 tonnes en production locale de riz. Ses autres objectifs sont
: 2 millions de tonnes de maïs, 3 millions de tonnes de manioc, deux millions de tonnes pour
les autres céréales tels que le mil, le sorgho, le fonio, une production de 400 millions de
litres de lait et 43.500 tonnes de viande.
’’Le rôle des chambres de commerce, a estimé Hadjibou Soumaré, est fondamental pour la
réalisation du programme économique de notre pays’’ basé sur une réduction de moitié de la
pauvreté, à l’horizon 2015.
lequotidien/
Le Pds n’est plus un Cabinet ou une Charge de «papa», encore moins le Sénégal
L’équilibre social exige un minimum de consensus culturel et moral. L’histoire et les
croyances vécues en commun façonnent l’expérience collective. Au Sénégal, malgré des
conflits politiques à l’intérieur du pouvoir comme à l’extérieur, apparemment inextricables,
l’unité culturelle et historique du pays est sans doute beaucoup plus profonde qu’il n’y
paraît. Le consensus acquis se traduit par des principes naturels d’organisation de la
société, et ces principes ainsi acquis constituent aujourd’hui, un ciment très solide de
l’édifice collectif. Mais, il va s’en dire que l’on ne peut pas fonder notre société sur
cette seule base. Il faut trouver, ou plutôt ajouter, d’autres fondements. Et ces fondements
sont l’ensemble des contraintes et incitations créées par le système institutionnel,
juridique et constitutionnel. Ce système est vital pour assurer la vie en groupe et la
résolution des conflits entre des choix contradictoires. Il joue de même un rôle capital
dans l’orientation des attitudes humaines.
Les contraintes et incitations institutionnelles sont essentielles pour expliquer et
orienter les comportements des individus. Le philosophe Suisse, Amiel souligne :
«L’expérience de chaque homme se recommence. Seules les institutions deviennent plus sages :
elles accumulent l’expérience collective et, de cette expérience et de cette sagesse, les
hommes soumis aux mêmes règles verront non pas leur nature changer, mais leur comportement
graduellement se transformer.» A croire qu’au Sénégal c’est tout à fait le contraire qui se
produit. Combien de fois on entend dire que si les Sénégalais se comportent de telle ou
telle façon «c’est une question de mentalité». Si les politiques ne changent pas leur
pratique politique «c’est une question de mentalité». Sans doute les mentalités peuvent
expliquer en partie les attitudes et les comportements. Mais rarement l’on s’est demandé si
par ailleurs le système d’incitation auquel sont soumis les Sénégalais ne les pousse pas à
avoir des comportements de ce type. Si les élèves et étudiants, les marabouts, les chefs
coutumiers, les syndicats, le patronat, préfèrent devenir des professionnels de la
politique, ne serait-ce pas tout simplement, parce qu’ils ont appris qu’en se tournant vers
les autorités étatiques, vers les autorités politiques, ils pouvaient satisfaire leurs
intérêts particuliers ? Parce que l’Etat tend toujours à leur donner satisfaction, même si
c’est au détriment du contribuable ou de la collectivité dans son ensemble. La bonne société
doit prendre l’homme tel qu’il est, et établir le système d’incitations institutionnelles
susceptibles de conduire les individus à contribuer le mieux possible. Contribuer non
seulement à leur propre bien-être, mais aussi, et autant que faire se peut, à celui de tous
les autres.
Dans une société libre, il n’est pas suffisant de posséder des règles indiquant qui doivent
gouverner. Il faut circonscrire et limiter le pouvoir de ceux qui gouvernent. Comme celui de
tous les autres, et dans tous les domaines. N’oublions pas que la démocratie a été conçue
comme un garde-fou, dressé contre les abus possibles du roi et de son administration. Les
pères philosophes du gouvernement démocratique : Jean Bodin dès le XVIe siècle avait conçu
l’Etat comme «une association non religieuse et donc aux pouvoirs circonscrits à l’ordre
social». John Locke dénonça lui «les arguments bibliques en faveur de la souveraineté royale
absolue». Il insista aussi sur le fait que «l’autorité de l’Etat devait être acceptée par
tous, sinon sa légitimité disparaissait». Et Montesquieu élabora de la façon la plus
convaincante la séparation des pouvoirs. Aussi peut-on se demander, si le système
démocratique tel que nous le connaissons aujourd’hui au Sénégal, a-t-il véritablement
atteint ces objectifs ? Qui nierait le surcroît de centralisation politique,
l’instrumentalisation de l’Etat, le recul des principes démocratiques voire l’instauration
d’une monarchie constitutionnelle ?
Il n’existe aucune justification pour qu’une majorité impose toujours sa volonté à une
minorité à plus forte raison qu’une minorité à une majorité. Vous voulez dépérir l’Etat
dites-vous ? Eh bien commencez par dépérir le parti Etat d’abord. Le parti, encore moins
l’Etat ne doit pas être l’instrument d’une volonté humaine illimitée et être utilisé au gré
de ceux qui le contrôlent. Les libéraux de France, résident de surcroît dans ce pays des
plus grands penseurs de la démocratie, Bodin, Montesquieu, Tocqueville, ces militants et
sympathisants libéraux ne sauraient se plier à un dictat d’un mouvement de soutien du parti
à savoir : la «Génération du Concret». Dans les professions touchant de près ou de loin au
droit et à la justice, les fils à papa, «dans la plupart des cas, les chances de réussite
sont plus grandes, si papa possède un cabinet ou une charge» fait remarquer Isabelle Musnik.
Le Pds n’est plus un cabinet ou une charge de «papa» encore moins la République du Sénégal.
Ce grand mouvement, qui s’est manifesté un jour du 19 mars 2000, pour porter à la
magistrature suprême maître Abdoulaye Wade, reste encore plus que présent et disponible pour
à nouveau sauver le peuple sénégalais. Ce grand mouvement a fait du Sopi, du Pds, un
patrimoine national, par conséquent aucun sénégalais à lui tout seul ne peut se
l’approprier.
Militants libéraux convaincus, ayant participé à tous les combats du Pds depuis sa création,
ils restent fidèles aux principes du libéralisme. Le libéral moderne attache une très grande
importance à l’Etat, mais pas à n’importe lequel. Il sait que sans l’Etat la liberté
individuelle serait un leurre. Il sait que seul l’Etat peut établir le cadre indispensable à
toute vie sociale et à l‘épanouissement personnel et collectif. Mais, il sait aussi que
l’Etat peut engendrer des monstres. Il sait que l’Etat peut se dévoyer dangereusement et
devenir une fin en soin, alors qu’il ne doit rester qu’un moyen au service du peuple. Bref,
le libéral moderne sait que l’Etat peut être capable du meilleur comme du pire. Personne
n’est forcé de choisir une religion, ni même d’en avoir une, alors pourquoi forcer les
militants et sympathisants, pour ne pas dire les citoyens sénégalais, à soutenir la
«Génération du Concret», ce qui veut dire, désigner Karim Wade comme successeur au parti et
à l’Etat ? En mettant en place en 1978 la Fédération Pds de France pour soutenir maître
Abdoulaye Wade, même ce dernier ne les avait forcé à le faire. Mais convaincus par un
discours clair, une démarche courageuse, des idées bien comprises, ils ont volontairement
adhéré au libéralisme et juré fidélité à maître Abdoulaye Wade. Après lui avoir prouvé leur
fidélité depuis trente ans, ils sont en droit de choisir qui ils veulent si tant est que le
Président Abdoulaye Wade pense se retirer. Car, pour les libéraux de France, le seul bon
pouvoir, le seul véritablement défendable sur le plan des principes est celui de la règle du
droit, c’est-à-dire un pouvoir sortie des urnes par la volonté du peuple. Un pouvoir fondé
aussi, sur un consensus large d’hommes libres, remis en cause continuel, par la discussion
organisée et par compromis fondés sur la tolérance.
Si l’on accepte le libre choix des individus, personne, absolument personne, n’a de
légitimité pour imposer une direction, à la société. Tout un chacun doit pouvoir librement
essayer de convaincre ses prochains et de leur faire partager son éthique, son système de
valeurs. Mais à une condition expresse et imprescriptible : de le faire par l’argumentation,
la discussion et non par la coercition et la force. La «Génération du Concret» dont les
membres se cantonnent aujourd’hui dans l’expédition des affaires courantes de l’Anoci, et
dont la seule aspiration est de satisfaire les intérêts particuliers de ses membres, ou pire
encore le propre intérêt de Karim Wade, est indigne de considération. Si la «Génération du
Concret» de Karim Wade veut le soutien des libéraux de France, elle ne doit manquer aux
grands principes moraux applicables à tous. C’est-à-dire la persuasion par l’argumentation,
la discussion et le respect.
Alioune Ndao FALL - Cis - France Secrétaire à la Communication Pds de France
Furie policière contre les journalistes Kambel et Kara Thioune : Ne restons pas sourds au
miracle
Le son est terrible. Il marque les esprits et meurtrit les cœurs. Lundi dernier à 7 heures,
le jingle du journal parlé de la Rfm est lancé, suit un son qui glace d’effroi toute la
maison. On entend des coups qui pleuvent sur un homme, il hurle. Il est roué de coups, mais
ses bourreaux poussent le sadisme au point de lui interdire de crier. Il doit contenir sa
souffrance. Les bourreaux exigent le silence pour mieux jouir de leur séance de torture. Les
cris de la victime pourraient alerter les oreilles indiscrètes. Il faut l’éviter. Silence.
On torture.
Les coups pleuvent, la victime fait fi des appels au silence. Il souffre. Il craque : «Ne me
frappez pas», supplie-t-il. «Silence. A genoux, assis…», crie l’un des bourreaux. Les coups
continuent de s’abattre sur un homme à qui on ordonne tantôt de s’agenouiller, tantôt de se
mettre à carreaux et de recevoir les coups sans broncher. Les enfants qui étaient attablés
pour le petit déjeuner, sont restés sans voix. On sent leur envie de comprendre. Le
présentateur du journal parlé de la Rfm leur apporte la terrible réponse en révélant à la
fin de l’élément sonore : «Ce n’est pas de la fiction. C’est le film du lynchage dont a été
victime notre confrère Boubacar Kambel Dieng, livré à la furie d’une meute de …policiers.»
L’un des enfants, âgée de tout juste 8 ans, pose la question qui lui vient à l’esprit :
«Papa, tu m’as toujours dit que les policiers et les gendarmes sont nos oncles et nos tantes
qui ont choisi ces métiers pour protéger la population contre les bandits. Un journaliste
n’est pas un bandit. N’est-ce pas ?» A cette question innocente, je réponds sans réfléchir :
«Oui ma chérie, un journaliste n’est pas un bandit. Ce journaliste a eu la malchance de
tomber sur des policiers qui ne comprennent pas cela. Mais oublie ce que tu viens
d’entendre. Dépêchez-vous. Il est presque l’heure d’aller à l’école.»
Ce matin là, les enfants sont allés à l’école le cœur meurtri. Ils ne comprennent pas. Je me
sens coupable d’avoir allumé la radio. Je me sens coupable de leur avoir imposé ce son.
Ce mercredi 25 juin, en voyant dans Walf Grand-Pace, la photo de Kambel à l’hôpital avec ses
deux filles, mes enfants m’ont supplié : «Papa, pourquoi ne pas rendre visite à tonton
Kambel à l’hôpital ?» Je leur dis que je vais rédiger un texte qui sera la preuve de notre
soutien à tonton Kambel, à Kara Thioune et à leurs familles.
Les policiers avaient délibérément choisi de traîner le journaliste Kambel Dieng et son
confrère Karamoko Thioune hors des regards pour mieux les lyncher. Mais oh miracle : oui
grâce au miracle de la technologie, un appareil enregistreur a pu capter le son qui blesse.
Il est évident que les bourreaux auraient usé de tous les moyens de répression possibles
pour récupérer et détruire cet appareil maudit qui a capté le son de la honte. Mais le
miracle s’est produit. Dieu a voulu que ce son soit capté et qu’il soit diffusé partout,
afin que nul n’en ignore. Kambel et Karamoko sont des martyrs désignés. Ils sont un signe du
destin. Le destin a voulu que des journalistes dans l’exercice de leurs fonctions soient
traités comme des chiens par une meute de… policiers. C’est un signe pour que chacun ouvre
les yeux sur les exactions que commettent certains de nos frères des corps armés. Oui par
manque de formation et d’humilité, certains d’entre eux sont convaincus que la tenue et
l’arme qui leur sont remises, sont des permis de casser du citoyen sans coup férir. Ils se
trompent. Ils ont tort. Dans la bande sonore qui rend publique la séance de torture imposée
à Kambel, l’un des bourreaux dénie à la victime sa citoyenneté. Le son est sans équivoque :
«ki citoyen la ? Ki citoyen la ? Da nga rèw. Di nga guiss», crie un des bourreaux. Ce
bourreau retire à Kambel sa citoyenneté pour se donner le droit de le tabasser sans retenue.
Ne restons pas sourds à ce miracle qui a permis que la séance de torture dont a été victime
Kambel Dieng soit rendue publique. Pas besoin de statistiques pour être convaincu que des
centaines de Kambel et de Kara Thioune sont parmi nous. Je repense à ce beau-frère qui il y
a quelques mois avait été violenté, roué de coups par des policiers dans l’enceinte même de
la Direction des passeports et titres de voyages. Il avait été traîné devant un commissaire
qui, sans chercher à comprendre, avait administré des gifles au beau-frère et lui avait
intimé l’ordre de se mettre à terre sur les carreaux sans broncher. Les éléments du
commissaire de police s’étaient empressés de faucher le beau-frère pour qu’il s’exécute. Oui
il n’avait pas le droit de se tenir debout devant le commissaire. Le seul tort du
beau-frère, avoir osé enlacer sa propre épouse devant un jeune policier en faction à
l’entrée du bureau des passeports sis à Dieuppeul. Il a osé, il devait être battu et humilié
devant la fille qu’il a épousée il y a tout juste 5 jours. Ce beau frère a subi l’injustice
et l’humiliation. «Je ne reconnais plus mon pays», avait-il dit.
Le lynchage de Kambel et de Kara Thioune me fait aussi penser à l’histoire de ce compatriote
qui a subi une humiliation policière qui le ronge depuis des mois. Honteux, il ne raconte
son histoire qu’à de rares amis. Cité dans une affaire et convoqué à la police, il sera
dépouillé de tous ses vêtements. Nu comme un verre, il a été laissé sur le carreau pendant
des heures par les enquêteurs. Il fallait le casser, l’humilier pour le rendre malléable à
souhait avant de l’entendre. Il est marqué à vie. Il ne peut comprendre que des hommes, qui
peuvent être son frère, son neveu, son oncle,… lui fassent subir cette humiliation tout
simplement parce qu’il est suspect. Précisons qu’après cette humiliation, et privé de
liberté pendant quelques mois, il sera innocenté. Mais les images de son humiliation le
hantent terriblement.
Les cas de Kambel et de Kara sont aussi des appels pour que les Sénégalais ouvrent les yeux
sur les hommes politiques, les citoyens, les membres de la société civile qui sont souvent
brutalisés par les forces de … l’ordre, parce qu’ils osent participer à des marches de
protestation.
Kambel et Kara sont des martyrs désignés pour qu’enfin les Sénégalais de tous bords :
étudiants, marchands ambulants, chômeurs, hommes politiques, ministres, députés,
enseignants, journalistes, sportifs, syndicalistes, avocats, juges, magistrats,
fonctionnaires…, se lèvent et disent d’une seule voix : «Halte à la dérive !!!» Les acteurs
de l’Alternance ont fait du Sénégal un Etat policier. Il ne se passe pas une semaine sans
que la police ou la gendarmerie soit au devant d’une manière qui ne les honore pas. Que ceux
qui encouragent ces agissements policiers n’oublient pas que le pouvoir n’est pas éternel.
Dans un proche avenir, ils rejoindront l’opposition ou seront plongés dans l’anonymat par la
volonté de Dieu. Qui leur dit qu’ils ne seront exposés à la furie policière si aucune mesure
réfléchie n’est prise. La sanction contre les tortionnaires de Kambel et de Kara, doit être
exemplaire.
On n’est pas policier ou gendarme, parce qu’on est plus fort que les autres Sénégalais. Si
tel était le cas, les éléments de ces corps seraient recrutés parmi les lutteurs, et autres
Sénégalais adeptes des arts martiaux. Evitons de poser des actes qui créent l’animosité
entre nos frères armés et le civil. Le métier des armes est noble. Quand des Sénégalais
armés et habillés par le contribuable se mettent à dix pour tabasser deux compatriotes dans
l’exercice de leurs fonctions, c’est de la lâcheté. La sanction doit être exemplaire. Elle
doit même toucher le Commandant de ces tortionnaires sous l’autorité duquel ils étaient ce
jour là. Il a failli s’il a laissé faire ses hommes. Il a failli si les tortionnaires ont
agi à son insu.
Paul MENDY - Journaliste
CRITIQUE - Charles Camara, professeur de Lettres classiques au Prytanée militaire de
Saint-Louis : «Il faut rompre avec l’enseignement fonctionnaire, routinier et abêtissant»
La cérémonie distribution des prix aux élèves les plus méritants du Prytanée militaire de
Saint-Louis, hier vendredi, a été empreinte de solennité. Le professeur de Lettres
classiques, Charles Camara a prononcé, à cette occasion, un discours appuyé sur le rôle et
la place que le ludique joue dans la formation. Il a été rejoint dans son analyse par le
ministre des Forces armées, Bécaye Diop, qui présidait la fête de l’excellence, en présence
du chef d’Etat-major général des Armées, le général Abdoulaye Fall, de la hiérarchie
militaire, et de membres du corps diplomatique.
«Le ludique au service du pédagogique, ou le périscolaire au service du Scolaire» le thème
introduit par Charles Camara a été une occasion pour ce dernier de pointer du doigt la crise
multiforme qui traverse l’école sénégalaise. Mais, ce sera surtout pour constater que «les
crises répétées de l’école (grèves des enseignants, déperditions scolaires, etc.) ne sont
qu’un épiphénomène d’un malaise général, plus profond, dont les racines seraient plutôt à
rechercher dans le fonctionnement rigide et sclérosé d’un système qui a du mal à se
renouveler».
M. Camara qui capitalise plus de 20 ans d’expérience au Prytanée militaire de Saint-Louis,
et formé des dizaines de milliers de cadres ces dernières années, a professé une rupture
dans l’approche pédagogique présente. En effet, estime-t-il, il s’agit de «rompre avec
l’enseignement fonctionnaire, routinier et abêtissant», pour faire place «à une pédagogie
plus appropriée, non pas déclinée comme une simple approche académique des catégories du
savoir, mais qui prenne en charge les compétences propres à préparer chaque étudiant à la
vie active». Pour Charles Camara, «cette nouvelle formule pédagogique se conçoit comme une
hygiène du mental», plutôt que comme «une accumulation de connaissances pour elles-mêmes».
Selon le conférencier, les mutations profondes de la société avec les Nouvelles
technologies, la culture du Hip hop qui a investi les écoles, le développement continu des
médias, imposent des réajustements continus dans le sens de développements d’espaces
ludiques au sein de l’école en mettant «le ludique au service du pédagogique».
Le journal scolaire, que l’exposant a présenté comme «la plus grande révolution que le
périscolaire a apportée dans la pédagogie», constitue aux yeux du professeur de Lettres
classiques «une tribune pour l’expression de leur propre fantasme». M. Camara pense aussi
que le l’arrivée du hip-hop dans l’espace scolaire constitue un saut qualitatif, «une
heureuse initiative qui a réconcilié la génération rap avec l’école».
En même temps, M. Camara a fait l’apologie de l’immixtion du théâtre dans les lycées. «Le
jeu de rôle est non seulement une discipline qui fédère toutes les disciplines, c’est avant
tout une école de la vie.»
L’exposant a ainsi encouragé les établissements scolaires à mieux prendre en charge cette
préoccupation dans les budgets, car «peu d’administrations sont disposées à allouer un
budget conséquent à la promotion des loisirs», regrette-t-il. Ces réformes qui sont devenues
nécessaires, a insisté M.Camara, ne constituent pas «la seule unique voie de sortie de
crise», mais assurément peuvent se révéler une «voie magique» vers l’excellence.
Source : Nettali.net
OPINION - Christophe Champin, correspondant de Rfi au Sénégal : «La presse sénégalaise offre
un paysage riche fortement marqué par la politique»
Le journaliste Christophe Champin, qui doit quitter en mi-juillet prochain son poste de
correspondant de Radio France internationale (Rfi) au Sénégal, a décrit l’univers des médias
sénégalais comme un paysage divers, riche et marqué par «un rythme effréné de l’actualité
politique».
«Quand on a connu d’autres pays africains, ce qui est intéressant au Sénégal, c’est qu’il y
a une richesse de la presse et des médias qui est quand même exceptionnelle. On a un nombre
de radios et de journaux qui est absolument incroyable, et une liberté de ton qui, quoiqu’on
en dise, est quand même très forte, même s’il y a eu des incidents et qu’il y a eu parfois
des cas de répression et d’emprisonnement», a-t-il dit à l’Aps.
Le paysage médiatique sénégalais est «un paysage qui est intéressant, parce que quand on le
compare à d’autres pays africains, il y a une diversité, une richesse qui est très forte», a
ajouté Christophe Champin, correspondant de Rfi au Séné-gal depuis août 2004.
Il a fait remarquer que, dans «beaucoup de pays africains», cette diversité n’existe pas
dans les médias, donnant le cas, par exemple, de la Côte d’Ivoire où il n’y a pas de
stations privées, en dehors de Nostalgie ou de radios internationales.
Selon M. Champin, un des inconvénients de cette situation réside dans le fait que «quand il
y a trop de titres, quand il y a beaucoup de radios, il y a un risque de dilution des
compétences». Cela, a-t-il estimé, peut mener à «certaines imperfections» qui ne sont pas,
du reste, spécifiques au Sénégal.
«CONSTAMMENT MOBILISE PAR L’ACTUALITE POLITIQUE»
Durant les quatre années passées au Sénégal, «ce qui m’a marqué, c’est le rythme effréné de
l’actualité politique. C’est vrai que les Sénégalais boivent et mangent politique, comme
disent les Ivoiriens», a affirmé le journaliste.
«Quand on est journaliste étranger» ou même qu’on travaille pour une radio locale, «on est
constamment mobilisé par l’actualité politique», puisqu’on «ne doit pas rater un
revirement», une déclaration, a fait valoir Champin, évoquant «les soubresauts permanents»,
les «revirements» et «coups de théâtre» qui font le «côté spectaculaire de la politique
sénégalaise».
Cela n’est pas spécifique au Sénégal, mais ici, il y a, à la fois, «le côté spectaculaire et
le côté joutes, joutes verbales ou joutes entre les leaders politiques, mais en même temps,
il y a beaucoup de passerelles souterraines qu’on ne soupçonne pas entre les gens» et qui
font que même quand on croit aller dans l’abîme, «on n’y tombe pas, parce qu’il y a des
passerelles religieuses, ou amicales, familiales qui permettent d’éviter la catastrophe»,
a-t-il analysé.
WADE, «TRES ACTIF POLITIQUEMENT»
Il a, de ce point de vue, établi un parallèle entre Nicolas Sarkozy, dont l’élection à
l’Elysée a obligé, selon lui, les rédactions françaises à renforcer leurs services
politiques et le Président Wade, «quelqu’un de très très actif, politiquement» et qu’il faut
donc suivre parce que l’actualité est centrée autour de lui.
«C’est très intéressant et en même temps épuisant à couvrir», a-t-il commenté en soulignant
qu’à part les Assises nationales de l’opposition, ouvertes depuis quelques semaines, «c’est
quand même le Président Wade qui fait l’actualité quasi quotidiennement et ça, c’est un
phénomène intéressant pour un journaliste, puisqu’on observe un personnage, on s’intéresse
parfois à ses revirements, on s’intéresse à ses déclarations chocs parfois».
Il a estimé qu’il est «plus intéressant» d’écouter les radios, en raison, notamment, de leur
réactivité et du fait qu’elles ont «le plus d’impact au Sénégal. Les journaux, finalement,
qui peut se les acheter ? Il y a peu de gens qui peuvent les acheter».
Pour Champin, «un gros problème de la presse sénégalaise, c’est le problème de l’argent,
c’est-à-dire le manque de moyens d’un certain nombre de médias» qui fait que les salaires
sont «souvent faibles dans beaucoup de journaux. Ça rend aussi parfois les journalistes plus
vulnérables dans leur métier».
«Tout l’enjeu» d’être correspondant dans un pays comme le Sénégal réside dans le fait de
savoir quel type d’informations est susceptible d’intéresser «les auditeurs sénégalais, les
Africains non Sénégalais et les auditeurs non Africains», a-t-il soutenu.
Au nombre des sujets qui peuvent intéresser ces différents types d’auditeurs, il a cité la
vie chère, l’insécurité alimentaire, les affaires de mœurs, comme guddi town, du nom d’un
film de danses obscènes exécutées par des filles sénégalaises et qui a été mis en ligne sur
le Net.
Ce sujet qui «montre les contradictions» de la société sénégalaise intéresse tous les
auditeurs, comme du reste l’affaire du mariage d’homosexuels qui a récemment secoué le
Sénégal, poursuit le journaliste qui parle de ce sujet comme d’un «serpent de mer» qui parle
«à tout le monde en Afrique».
FILIGRANE - Le psy Wade s’entretient avec le silence !
Pas un mot de réconfort à deux journalistes sauvagement tabassés par des gros bras de la
Police ! Pas une pensée exprimée ! Pas une parole de regret ! Aucune sorte d’émotion, même
pas feinte ! Rien ! Mais alors rien ! Tel est l’humain visage auquel renvoie l’attitude de
Me Wade dans cette affaire.
Lorsqu’un président de la République élu au suffrage universel, premier magistrat du pays,
premier citoyen de la nation, premier défenseur nominal des droits de l’Homme, ne trouve
rien à dire sur une overdose de tortures policières contre deux citoyens exerçant le métier
de journaliste, l’on se donne des raisons de penser que nous sommes sous des cieux
détraqués. Sept jours après les faits, au milieu d’un tumulte d’indignations et de chagrins,
Me Wade cultive ses champs d’ailleurs. Par exemple, en téléguidant des manœuvres
politiciennes à l’Assemblée nationale. C’est très captivant comme passe-temps ! Ce silence
d’enfer du chef de l’Etat, on peut tenter de l’analyser en quelques points. Me Wade ne parle
pas, parce qu’il considère que tous ceux qui s’égosillent contre les dérives d’éléments de
la Bip sont des malades en puissance. Les bêtises de la Police, il les assume intérieurement
car il pense au fond de lui qu’elles sont une expression pertinente de la nature de son
régime. Alors, lui le psychologue certifié, reclus dans ses certitudes de surpuissance et
d’invincibilité, organise la fuite en avant par le…silence. Il estime avoir le devoir
d’«écouter» dans la quiétude la plus totale tous ces cris de colère émanant de secteurs
«excités» de la société sénégalaise, exactement comme le ferait le psychologue face à un
patient. Une sorte de «ndeup» d’un autre genre pour d’autres fins. C’est très responsable
comme attitude !
Deuxièmement, le président de la République se tait parce qu’il ne se sent pas concerné par
ce qui peut arriver (de pire) à un journaliste dans l’exercice de ses fonctions. Il dispose
de ministres et d’une administration pour faire appliquer à cette affaire le traitement
politique qui sied à la vision qu’il a de ses rapports avec la presse. Mais, il a cultivé et
récolté tellement de contentieux avec cette corporation de têtes brûlées qu’il en serait
arrivé à se dire que, dans tous les cas, un journaliste ne peut avoir raison. Vive l’équité
!
Troisièmement, Me Wade, en toute logique, n’agit et ne dit rien de ce qui est arrivé, car il
est prisonnier de ce type de silence dit «irrité» qui frappe les personnes en conflit
violent avec elles-mêmes et qui scrutent des «ennemis» de partout, jusque dans les tombes de
cimetière.
Ce mutisme intrigant du président de la République n’explicite pas seulement une tendance
morale et philosophique liée au phénomène de la violence. Il met en lumière également le
manichéisme primaire qui sous-tend son action politique globale au quotidien. Me Wade ne
conçoit le Sénégal (comme le reste du monde) que sous la lucarne de la division. C’est lui,
d’un côté, les autres, ailleurs ! Sa presse à lui, c’est la vérité, les autres sont la
racaille. C’est tout le sens de son investissement dans la pratique de la transhumance
politique, dans la répression de l’exercice des libertés d’expression (manifestations
interdites, livres interdits…). Sa prise de position contre les Assises nationales a été le
dernier avatar en date de cette intolérance démocratique particulière. Reconnaissons-lui
malgré tout une qualité qui ressort de son attitude face à l’agression contre les
journalistes : Wade n’a pas été hypocrite. Le silence a ses bienfaits !
Momar DIENG
MINERVE - Rituel de violences
La triste page de l’agression policière contre nos confrères Kambel Dieng et Kara Thioune
s’insère dans le grand carnet de violences d’une alternance qui n’a eu cesse de s’abîmer à
détruire l’image des journalistes, à les jeter en pâture à la vindicte de militants et de
responsables d’un Etat-Pds ou d’un Pds-Etat, à les mettre en mal avec la société en
invoquant, dans les litanies lassantes, leur prétendue manque de formation, leur propension
à faire fi de la déontologie, évidemment leur déontologie à eux consistant à vouloir
enfermer tous dans leur bien-pensance, à en faire les apôtres de leur pensée unique et
furtive. La police, le bras armé, de cette pensée unique et univoque ? Très certainement. En
effet, ne l’oublions jamais : dans ce carnet sanglant de l’alternance, figurent aussi les
expéditifs et prétendus complots contre la sûreté de l’Etat pour museler les esprits libres
et tous ceux qui ne s’inscrivent pas dans la logique unilatérale de défense de la cause
présidentielle. De quoi faire de la Dic un banal lieu de traques et de tracasseries. Il
faudrait peut-être rédiger un almanach des agressions contre les journalistes et les esprits
libres sous le régime libéral pour prétendre à l’exhaustivité à ce niveau-là. Pire que tout,
il y a cette violence insidieuse, sournoise, plus insupportable, plus traumatisante encore,
et qui se traduit par les chapes de plomb sur le quotidien des citoyens, victimes des
délestages, des pénuries, de la cherté de la vie, des insolences des parvenus. Des citoyens
«au cachot du désespoir», torturés par les orgies de milliards qui empruntent les chemins
obscurs de la corruption, des gaspillages, des achats de conscience, facilités par la
pauvreté perméable à tous les vices.
Depuis huit ans, le Sénégal s’est abonné économiquement, politiquement, socialement et
moralement au rouge. Le drapeau du changement et de l’espoir est devenu un linceul de
violences permanentes, alors même que le pays s’enfonce dans les abysses des pénuries
récurrentes et que les héros de mars 2000, à force de s’attaquer au sanctuaire des libertés,
de dévaster les minces acquis du passé, de se livrer à des acharnements stériles, ont fini,
aujourd’hui, par revêtir le manteau de légionnaires taiseux aux galons sans gloire. La
fatuité politicienne livre maintenant les précoces intempéries nées des revirements, des
promesses trahies et des transhumances exhibées comme de hauts faits politiques.
Les impasses d’aujourd’hui se masquent par des hâbleries assourdissantes, par des ruses
désuètes, les enflures des dithyrambes destinées au roi Soleil, la tentative de la
généralisation de l’immoralité, mais surtout par l’exercice de violences assidues, par des
menaces perfides et des persécutions sans génie. Bien sûr, la nature a horreur du vide. Mais
qu’en est-il lorsque le vide est nature ? Qu’est-ce qui fait donc le lit de ces violences,
de ces crimes aux commanditaires lâchement silencieux et de ces horreurs impunies ? Un
pouvoir englué dans ses incompétences. L’incapacité presque congénitale d’un régime à donner
des réponses pertinentes au présent, à même d’engager la quête d’un futur meilleur. Le
reflux à la surface des âges farouches, quand on était autrefois Maître d’une Rue publique
aujourd’hui en voie d’être confisquée par d’autres forces sur lesquelles se projettent les
espoirs de naguère. Il ne reste plus, face à des politiques thanatologiques, à des destins
tragiques, que les parades sanglantes, les boucheries politiques pour exorciser des oedèmes
incurables. Le jeu des assassins de l’espoir dans un pays abonné aux reculs de toutes
sortes, aux pénuries insoutenables ne peut enfanter et alimenter que des violences. La haine
devient forcément ordinaire dans le vaste carrousel des travers des stratèges de chambre.
Les tribus libéro-fascistes, affreuses, qui terrorisent les braves gens, relayées par les
ouailles parasitant les émissions interactives, défendant le diable avec des discours
corrompus, ne peuvent point porter dans leur cœur les journalistes et intellectuels libres.
Cette «espèce» rare, dans un régime qui a logé la morale dans un bordel, ruine leurs contes
de fées bidon, les empêche à leurs maîtres de magouiller en rond, de dilapider en large et
de ruser en long. Demain, on contera leur saga tragique.
Soro DIOP
SUDQUOTIDIEN:
Adoption par le Parlement européen de la directive « Retour »
Des milliers de Sénégalais de l’Extérieur risquent la prison.Par | | samedi 28 juin 2008
La guerre aux migrants fait rage en Europe. En effet, le Parlement européen a adopté le 18
juin dernier, la directive « Retour » qui vise à harmoniser les règles d’expulsion des
sans-papiers. Jusqu’à 18 mois d’internement pour toute personne sans papiers arrêtée par la
police dans un pays de l’Union européenne. La guerre aux migrants n’épargne pas non plus les
mineurs et les personnes vulnérables sur qui pèsent des menaces de rétention et d’expulsion.
Pour corser le tout, toute personne qui a la malchance d’être expulsée, sera interdite de
retour sur l’ensemble du territoire européen ; l’interdiction est valable pour une durée de
5 années.
A l’heure où le débat sur la mondialisation est plus que d’actualité, l’Europe se barricade
sans susciter la moindre condamnation ni le moindre commentaire de la part des pays
africains. Dès l’annonce de l’adoption de la directive, le Président du Venezuela, Hugo
Chavez a été l’un des rares chefs d’Etat à exprimer publiquement son indignation face à des
mesures qui « foulent du pied » la dignité humaine. Chavez a déclaré publiquement que son
pays ne vendrait plus jamais de pétrole à tout pays qui appliquerait ces mesures d’un autre
âge. Même si le volume des exportations de pétrole du Venezuela vers les pays de l’Union
européenne est faible, le Président Chavez a le mérite de dire aux Européens que c’est
hypocrite de vouloir d’un côté tirer profit du reste du monde et de l’autre, instaurer une
véritable chasse à l’étranger sur l’ensemble du territoire de l’UE.
Les auteurs d’une telle directive ont fait preuve d’un amateurisme qui met à nu leur totale
ignorance des réalités du phénomène des sans-papiers. Si les députés européens espèrent
ainsi décourager l’émigration clandestine, ils font fausse route. Ils vont sur peupler leurs
prisons pour un résultat négatif. Et-ce que la menace d’une peine de prison de 18 mois peut
décourager un homme qui est prêt à risquer sa vie en embarquant dans une pirogue de fortune
pour aller à l’assaut de la forteresse Europe ? Non. Appliquer la directive « Retour » aura
pour unique résultat la multiplication d’abus et d’exactions de toutes sortes sur les sans
papiers.
Le silence de l’Afrique est incompréhensible. Où sont les ministres chargés des émigrés ? Où
sont les ministres des Affaires Etrangères ? Pourquoi ce mutisme ? Les autorités africaines
sont promptes à organiser séminaires et foras pour chercher les voies et moyens de tirer
profit des 50 milliards de dollars que les 30 milliards de nos frères et sœurs disséminés à
travers le monde, envoient chaque année pour couvrir les dépenses courantes des parents
restés au pays. Parmi ces 30 millions de personnes, combien sont sans papiers en Europe et
qui malgré tout, se sacrifient, acceptent les travaux les plus dévalorisants uniquement dans
le but de recevoir un maigre salaire. Une partie de ce salaire de misère est vite envoyée en
Afrique pour la prise en charge des besoins essentiels de parents, frères, secours, cousins
et cousines,… Cette manne des sans papiers contribue fortement à la lutte contre la pauvreté
dans nos pays.
Malgré les sanctions assez sévères qui pèsent sur ceux qui font travailler les sans papiers,
ces derniers trouvent toujours des astuces pour travailler même si c’est au noir. Ils
survivent et font vivre des familles. La persistance du travail au noir sur l’ensemble des
pays de l’Union européenne prouve si besoin en était que ces pays qui se barricadent ont en
réalité bien besoin de cette main-d’œuvre bon marché qui ne concurrence nullement les
demandeurs d’emplois locaux.
Chasse à l’homme
Oui, les sans papiers souhaitent rester dans les pays de l’UE parce qu’ils y ont la chance
de contribuer à faire vivre leurs familles restées au pays. Les sans papiers sont pour une
part non négligeable dans les 50 milliards de dollars envoyés chaque année par la diaspora
sur le continent. Pourquoi donc leur sort n’émeut nullement les pouvoirs publics africains ?
L’Afrique perd chaque année des centaines de ses fils et filles qui chaque fois que
l’occasion se présente, n’hésitent pas à s’entasser dans des pirogues de fortune pour aller
à l’assaut des côtes européennes. Même si leurs chances d’arriver vivants sont extrêmement
faibles, ils tentent l’aventure. Hélas de nombreuses âmes de nos frères et sœurs victimes de
l’émigration clandestine, errent sur les côtes européennes. Avec l’adoption par le Parlement
européen de la directive « Retour », ceux qui au péril de leur vie, avaient réussi à percer
les forteresses de l’Europe, seront comme des bêtes traquées.
Au détour d’un contrôle de police, ils risquent d’être arrêtés, jetés dans des geôles
pendant 18 mois et expulsés sans aucune autre forme de procès. Des milliers de familles au
Sénégal risquent de voir un des leurs faire les frais de cette fameuse directive « Retour ».
Apparemment, cette terrible perspective n’émeut ni les pouvoirs publics en Afrique, ni les
ONG, ni les soi-disant associations de défense des droits de l’homme. Même la presse en
Afrique semble insensible à cette directive de la honte adoptée par le Parlement européen.
Nos frères et sœurs sans-papiers ne méritent cela. Ils ont besoin de notre solidarité. Les
autorités, les ONG, les médias,… doivent dès à présent entamer une réflexion pour contrer
cette directive.
L’Europe a assez causé de torts à l’Afrique avec la Traite négrière et la colonisation. Même
si tous les fils et filles de l’Afrique avaient choisi d’émigrer en Europe, jamais l’Afrique
ne pourra récupérer ce que l’Afrique lui a pris de force des siècles durant.
L’Afrique n’a pas le droit de continuer à laisser ses enfants à la merci des directives et
autres mesures qu’imposent à ses enfants des décideurs européens. Les générations futures ne
nous pardonneront jamais d’avoir livré nos frères et sœurs de la diaspora comme chair à
canon de la guerre que l’Europe livre sans pitié aux migrants.
Par Paul MENDY
Journaliste.