de Bara Tall: : slogan politique ou réalité ?
Processus de liquidation de Bara Tall : slogan politique ou réalité ? (suite)
Nous n’avons pas besoin d’indiquer ici les différentes techniques d’évaluation des offres. Mais, il reste constant qu’une entreprise
qui présente une offre technique conforme et l’offre financière la moins disante sera nécessairement sélectionnée comme
entreprise « bénéficiaire » du marché. Si elle n’est pas retenue comme « bénéficiaire », avons-nous besoin de rappeler qu’elle a
la possibilité d’introduire des recours jusqu’au niveau de la Cour suprême ? La question est maintenant de savoir si les services
du célèbre homme d’affaires sont aussi laxistes au point de ne pas participer aux appels d’offres avec des offres techniques et
financières bien rédigées ; ou lorsqu’ils sont incapables de préparer des recours administratifs bien documentés en cas de
constat d’irrégularités dans les procédures de passation, pourrait-on inscrire cela dans le passif du ministre d’Etat Karim Wade ?
Monsieur Bara Tall voudrait-il simplement continuer de bénéficier de marché de gré à gré donc sans appel d’offres ? La question
mérite d’être posée. Toute personne de bonne foi sait qu’aucune autorité contractante ne peut exclure Bara Tall du système des
appels d’offres. C’est peut-être lui (un homme d’affaires qui ne semble connaitre que les marchés de gré à gré) qui renonce à son
droit de participer à la compétition. Enfin, il faut signaler sur ce point qu’aucune autorité contractante n’est au dessus du Code des
marchés, de la Dcmp et de l’Armp.
Même le Pcrpe qui avait été créé par Ousmane Tanor Dieng en 1996 ne bénéficie plus de dérogation. Il faut rappeler que le
patron du Ps, qui donne aujourd’hui des leçons de bonne gouvernance, avait créé par arrêté ministériel (nous disons bien arrêté
ministériel) le Pcrpe, l’avait placé sous sa tutelle, avait fait signer un décret de dérogation au Code des marchés publics et avait
fait nommer Mohamed El Moustapha Diagne, directeur général du Pcrpe, cumulativement à ses fonctions de secrétaire général
de la Présidence. Aussi, les 45 millions de dollars de Taïwan (le Sénégal venait de rompre ses relations diplomatiques avec la
Chine populaire au profit de Taïwan) étaient logés au Pcrpe, en violation du principe de l’unicité des caisses de l’Etat. Plus grave,
le Pcrpe disposait de comptes bancaires comme vous et moi dans les banques commerciales où devraient être logés les fonds.
Et l’unique signature du Directeur général suffisait pour les retraits. Appréciez l’orthodoxie des donneurs de leçons d’aujourd’hui
(Cf. rapport 2006 de la cour des comptes) !
Pour en revenir à Bara Tall, il évoque aussi le non paiement de ses factures.
•Contentieux dans les travaux réalisés et non paiement des factures.
A supposer que cela soit vrai, Bara Tall est loin d’être le seul entrepreneur à qui l’Etat devrait de l’argent. N’entendons-nous pas
tous les jours dans les médias le problème de la dette intérieure ? Au nom de quel principe, Bara Tall devrait-il être payé en
priorité ? Dans le passé, Bara Tall avait peut-être les moyens de se faire payer avant les autres. La perte de ce privilège
serait-elle une injustice ? Je pense plutôt que c’est une justice rendue à ces braves entrepreneurs qui n’ont pas la puissance de
faire trembler un Directeur d’agence qui leur dirait lâchement et à genoux : « j’ai votre chèque mais [de grâce] il faudrait que tu
négocies avec ces gens là » (cette phrase non encore démentie, attribuée à un chef d’agence a été rapportée par Bara Tall dans
le Populaire du vendredi 2 octobre 2009). Il faudrait vraiment avoir le complexe de cet homme d’affaires pour se rabaisser jusqu’à
un tel niveau de lâcheté.
Aussi, Bara Tall vient-il de nous informer (Populaire du 2 octobre) que l’Apix lui a payé 2 milliards de francs de FCfa. Nous
pouvons comprendre par là que toute facture non contestable de Bara Tall sera payée en fonction, non pas des exigences de
l’homme d’affaires, mais des disponibilités (trésorerie) et des échéanciers des administrations concernées. Reste maintenant les
factures contentieuses. Sur cette question, Bara Tall fait de graves aveux. Sur la route « Fatick/Kaolack », Bara Tall déclare qu’il
savait que la route serait mal construite à cause d’une mauvaise rédaction des cahiers de charges. Et le Patron de Jls affirme
qu’après avoir gagné le marché, ses équipes ont fait une évaluation qui montrait que le marché ne pouvait pas être réalisé dans
les conditions définies par les cahiers de charges. Par cette déclaration, Bara Tall avoue une tactique qu’on a toujours reprochée
à son entreprise : sous-estimer son offre financière pour ensuite réclamer des avenants. Parce qu’en terme simple, Bara Tall
demandait un avenant pour augmenter le montant du marché. L’Aatr avait, de son coté, refusé de procéder à une rallonge du
budget. Quand nous avons entendu Bara Tall sur la question, nous avons eu mal au fond de nous même. En effet, nous n’avons
pas l’expérience de Bara Tall, encore moins sa formation, cependant, nous avons eu à assumer de haute fonction dans une
entreprise de Btp, et chaque fois que nous recevions un cahier de charges, nous étions particulièrement vigilants sur un point :
l’obligation de présenter une offre exhaustive (ne jamais hésiter à demander aux techniciens de se déplacer sur le terrain pour
mesurer l’étendu des travaux et leur conformité avec les cahiers de charges). Ceci pour dire que Bara Tall avait un mois pour
préparer son offre et faire travailler ses ingénieurs. Autrement dit, Bara Tall avait un mois pour envoyer ses ingénieurs sur le
terrain, évaluer les cahiers de charges et souligner tous les manquements. Lorsqu’on est aussi sérieux qu’il le prétend et que
l’autorité contractante est tenue de répondre à vos questions, on doit pouvoir présenter des offres techniques et financières
exhaustives ou alors signaler les faiblesses et manquements avant le dépôt des offres.
L’autre argument développé par Bara Tall sur ce dossier est relatif au Pv de réception dont il disposerait. Vraiment, le ridicule ne
tue plus dans ce pays. Qu’est-ce que la garantie d’un ouvrage a à voir avec un Pv de réception. Pour être simple, lorsqu’un «
concessionnaire automobile » vous vend un véhicule garanti sur deux ans, pourra-t-il vous dire, si jamais vous constatez un défaut
de fabrication après un an d’utilisation, qu’il n’a rien à voir avec cela, car il aurait vendu le véhicule dans les règles de l’art et que
vous aurez signé le bordereau de livraison et le Pv de réception ? Bara Tall se paye-t-il la tête de quelqu’un ? Au terme de cette
analyse, il reste établi que le patron de Jls n’a aucun argument solide. Et ce « grand patriote autoproclamé » devra expliquer aux
Sénégalais comment il a pu accepter de jeter, par ses propres mains, 7 milliards du pauvre contribuable sénégalais par la fenêtre
et cela en toute connaissance de cause, en faisant une route d’une durée de vie inférieure à 3 ans (aux coûts de 7 milliards de
FCfa). Même un menuiser sérieux n’accepte pas n’importe quelle commande. Pourquoi ce soi-disant « Grand Monsieur » avait-il
accepté ce marché en sachant a priori que la route ne pourrait pas être bien construite ? La réponse est simple. Tout ce qui
l’intéresse, c’est son gain personnel et non là où va l’argent du contribuable sénégalais. Il n’est pas la Croix-Rouge, mais un
homme d’affaires, vous me direz. C’est vrai. Mais avons-nous besoin de rappeler la dimension de l’éthique dans les affaires (qui
devient de plus en plus - et fort heureusement - une matière fondamentale dans les programmes des Grandes Ecoles).
Certains défenseurs zélés de l’homme d’affaires cherchent à nous faire croire que s’il avait renoncé à ce marché, il serait
sanctionné et il perdrait sa caution. C’est mal posé le débat. En effet, il n’est pas question de renonciation, mais de non
participation. En fait, si nous qui avons un peu plus de trente ans d’existence seulement, avions l’obligation professionnelle
d’exiger de nos ingénieurs et techniciens une évaluation correcte des cahiers de charges avant toute soumission, que dire du
célèbre Bara Tall qui a certainement plus de 30 ans d’expériences professionnelles, est mieux outillé et mieux formé que nous ?
C’est dire que Bara Tall n’a aucune excuse par rapport à la mauvaise qualité de cet ouvrage. Pour reprendre une expression que
le président Chirac aimait bien, nous disons que sur cette question, Bara Tall rate de belles occasions de se taire.
PAR Sadikh DIOP
Citoyen sénégalais
Administrateur Général de l’Observatoire de l’Information des médias
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