du monde rural & misères citadines
Indépendance Cha, Cha…
jeudi 10 avril 2008
Money time, comme on dirait pour une franchise de la Nba en course pour le titre suprême. Sauf qu’ici, il s’agit d’audimat. Vive le Sénégal ! La célébration de la fête du 04 avril est toujours un moment de grande émotion. C’est surtout un grand moment de télévision. Du direct. 2008 n’a pas dérogé à la règle. Seuls la Rts et Canal Info, ont diffusé en direct le grand défilé civil et militaire sur le boulevard du général De Gaulle.
Pour l’occasion, la première chaîne a mis les petits plats dans les grands, avec, en attraction, l’arrivée du président de la République filmée depuis un hélico. La Rts a donc fait fort lors de la fête nationale ; il n’est donc pas usurpé, le titre de number one que lui a décerné un récent sondage sur les audiences des chaînes de télévision. Mais tout n’est pas nickel. Pire, cela a parfois senti le soufre. C’était « Indépendance Cha Cha », comme l’a immortalisé l’orchestre de rumba congolaise. Alors, lors de ce grand direct, Amadou Mbaye Loum, officier de réserve, arborait ses multiples décorations au revers de sa veste et avait crée une sorte de Pc opérationnel basé au Triangle Sud. Pour une fois, le spécialiste des affaires militaires n’était pas sur le célèbre boulevard ; il y avait délégué un quarteron de commentateurs. Et c’était à qui y allait le plus fort dans la dithyrambe. « Loum », comme l’appelle Mbaye Pekh (notre Léon Zitrone national depuis que Haj Mansour a pris du recul, alternance oblige), a donc stratégiquement placé ses reporters au palais de la République, à la Place de l’Obélisque et dans des rues de la Médina, aux alentours des tribunes où ont pris place les officiels. Zapping. Canal info diffuse en direct mais, par intermittence, le son est grenouillé. Retour donc sur la Rts. Pekh (il dit massorettes pour majorettes) est dans tous ses états quand Wade arrive ; à l’entendre et le comprendre, c’est Gorgui qui a créé le Sénégal. L’hymne national fouette l’orgueil patriotique. Première apparition : les majorettes du collège Notre-Dame. Ici, détail important. Certes, les jeunes filles de ce collège ont encore à apprendre en matière de chorégraphie mais elles ont eu le mérite de n’être pas tombées dans les travers des danseuses du lycée Kennedy. Bien sûr, elles ont assuré comme d’habitude avec des déhanchements suggestifs – ce qui a fait que pour une fois, Fofana Seck, était muet comme un poisson rouge d ans son bocal, comme le lui a du reste fait remarquer Loum-. Mais ce qui a sans doute gêné beaucoup de téléspectateurs, c’est quand les majorettes de Kennedy ont entonné un hymne à la gloire du chef de l’Etat avec des mots choisis : « la jeunesse est avec vous ! » Je ne sais pas si cela est vrai ou non mais ça fait, à la télévision, genre « petit père des peuples » ou encore Castro (grand ou petit frère célébrant le 1er mai). Revenons au défilé. Loum, taquin et facétieux comme savent l’être les grands journalistes, demande à son reporter Habibou Mbaye, embusqué sur une des ruelles de la Medina où les troupes à pied trépignent en attendant le grand moment. Dialogue qui se passe de commentaires. Loum : Ah, Habibou, j’espère que vous êtes en tenue camouflée ? Le reporter : Bien sûr, on est même en tenue de guerre ! Loum : Ah non, vous voulez dire en tenue de combat. C’est cela le bon terme hein ! Ok ?
Certes, la Rts a déployé de gros moyens mais elle a pêché par défaut de coordination entre réalisateurs et commentateurs. Un plan fixe montrait ceux qui défilaient quasiment en fin de parcours (le fameux V où la colonne en marche se scinde en deux) alors que les reporters avaient en face d’eux, et sans nul doute sur leur écran de contrôle, les troupes en face des tribunes. Décalage entre images et commentaires. Ce qui a fait désordre et fait sortir « Loum » de ses gonds. Ainsi, Louis Philippe Sagna assis aux côtés de Fofana Seck, Mbaye Pekh, officiers chargés de la com’ des armées et de la police s’est fait tancer par son « commandement général » basé Triangle Sud. « Ne commentez que ce que vous voyez ! » lui lance Loum à l’antenne. Jusqu’à la fin du défilé, le pauvre reporter se tiendra à carreau. Misères de certaines conditions…
Toujours vendredi 04 avril. « Diné Ak Jamono » sur Walf Tv et Walf Fm. Sidy Lamine Niasse reçoit, Hélène Tine, le porte-parole de l’Afp et le chargé de la propagande et de la mobilisation du Pds, le ministre Farba Senghor. Bizarrement, pour une fois, ce dernier est calme et responsable. Il y a également le sociologue Djby Diakhaté, devenu une icône des médias au même titre que son collègue Kaly Niang qui, lui, était l’invité cette semaine de Aissatou Diop Fall (en tenue camouflée –esprit 04 avril oblige) et Sa Ndiogou dans leur décapante émission « Ataya », toujours sur Walf Tv. Donc, Farba était calme cette semaine. Cependant, des choses importantes ont été relevées lors de l’émission de Sidy Lamine Niasse. Hélène Tine y a dénoncé « la dégradation des comportements et la place de plus en plus importante de l’argent dans la société sénégalaise. Vous êtes en déphasage avec la Constitution », lance-t-elle au ministre libéral, à propos du droit des citoyens à la marche. Réplique de Farba Senghor mais à l’endroit du boss de Walf : « En décidant de tenir leur marche devant le siège de ton groupe de presse, tu es tombé dans un piège. L’opposition t’a mis en mal avec l’opinion en te prenant comme alibi. » Comprenne qui pourra !
Coup de théâtre ! Makhourédia Guèye, sorte de Louis de Funès national, n’est plus. Comme un dernier pied de nez, il est parti à la fin du dernier « Festival du rire » qui a eu lieu à Kaolack et bizarrement non médiatisé. Makhourédia, 84 ans de vie et 50 ans de scène ! Quel talent ! Une vie bien remplie. Dans sa prime jeunesse, il a même été jockey ! Il n’a jamais changé de cheval ; toujours faire rire son monde avec de grandes incursions dans le cinéma avec les plus grands réalisateurs Sénégalais dont Sembène Ousmane (« Le Mandat »). Déjà, dans « Makhourédia, taximan », il avait fini de convaincre tous les critiques de son talent. Dans tous ses rôles, il s’est borné à reproduire l’homo senegalensis, ce fameux être, cupide, malhonnête et ne cherchant que son intérêt ; mais qui, parfois, peut avoir d’insondables accès de bonté et de générosité. Dans « Opération khamb », il démontre comment il est difficile de faire face à certains tabous. Il a surtout lancé au Sénégal l’ère du duo avec son compère Baye Peul. Le roulement (ahuri) des yeux de Makhourédia Guèye manquera mais c’est sans doute en raison du deuil et aux charges négatives qui pèsent (encore) sur le théâtre populaire que les chaînes de télévision n’ont pas encore commencé la rediffusion de ses grandes productions.
Sada Kane était l’une des grandes personnalités de la Rts. Depuis son départ de la première chaîne et la fin de son émission-phare « Regards » (qui a pris le relais de « Clefs littéraires »), il s’est refait, si l’on ose dire, sur « Canal Info » avec une nouvelle tribune télévisée intitulée « Empreintes. » La semaine dernière, son invité était le professeur de philosophie, Mamoussé Diagne, figure respectée de la faculté des lettres et sciences humaines de l’Ucad qui discutait avec lui de tradition orale. Grosse émission s’il en est. Le professeur dit : « Nous sommes au temps d dire et de la parole (…) Toute existence réelle reproduit l’Odyssée d’Ulysse. L’écriture est une mémoire définitive qui aplatit l’événement. » Et vlan !
SENEGAL - REFORME DE LA JUSTICE - RESERVES
Cheikh Tidiane Sy charge le Président de l’Ums
mercredi 9 avril 2008
NETTALI - C’est désormais effectif, la Cour suprême revient. Elle va regrouper la Cour des comptes et le Conseil d’Etat. Les députés ont adopté hier le projet de loi. Les Cheikh Bamba Dièye et Me El Hadj Diouf ont émis des réserves par rapport à cette réforme juridictionnelle. Alors que le désormais ex-ministre de la Justice, garde des Sceaux Cheikh Tidiane Sy, qui a en partie piloté les réformes, a chargé devant les députés le Président de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums) à qui il reproche d’être le défenseur d’une ligne minoritaire chez les magistrats.
Cheikh Tidiane Sy, ministre d’Etat, précédemment garde des Sceaux, a d’emblée expliqué les raisons du retour de la Cour suprême. Retour lié à un "souci d’efficacité, une justice plus proche des justiciables" ; a-t-il dit. Sur les réserves émises par le président de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums), l’actuel ministre de l’Intérieur estime que les propos de Aliou Niane « n’engagent que lui ». Et d’ajouter que « ce projet a été piloté du début à la fin par des magistrats. Le Président de l’Ums (Aliou Niane) ne fait que donner son opinion personnelle qui n’engage pas les magistrats lorsqu’il dit que cette réforme va nous ramener au Moyen-âge de la Justice ». Le projet de loi a été voté par une écrasante majorité des députés. Les députés qui ont pris la parole ont salué la réforme, sauf Cheikh Bamba Dièye du Fsd/Bj et Me El Hadj Diouf, qui ont axé leurs interventions sur les inquiétudes des magistrats et des avocats quant aux conséquences de la réforme.
« Vous avez la Cour suprême qui est au-dessus de toutes les juridictions du pays, alors que le Conseil constitutionnel, qui est juge du contentieux électoral, ne dépend pas de la Cour suprême, la Cour des comptes aussi ne dépend pas de la Cour suprême. La Cour suprême n’est pas la Cour suprême pour ces autres juridictions, alors qu’elle est supposée être au-dessus de tout. Cela pose problème », martèle Me El Hadj Diouf sur les ondes de Sud-Fm.
Le député membre du groupe parlementaire « Libéral et démocratique » de poursuivre : « l’autre problème, c’est que le Conseil d’Etat va être supprimé, il devient une simple chambre dans la Cour suprême, cela diminue sa force, cela diminue son indépendance. Cela ne sera pas un gage de sécurité judiciaire, par rapport aux décisions de l’autorité administrative qu’on peut attaquer devant le Conseil d’Etat ». Cela pose problème. Grosso modo, ce sont les observations que j’ai faites et je suis pour qu’on maintienne le Conseil d’Etat, en renforçant donc les recours administratifs en créant des tribunaux administratifs dans les capitales régionales. Cela permettrait aux Sénégalais éloignés de Dakar d’attaquer les décisions administratives ».
SENEGAL-HUIT ANS APRES L’ALTERNANCE
Et maintenant … ?
samedi 5 avril 2008
Dans une contribution dont Nettali.com a obtenu copie, Moustapha Niasse, secrétaire général de l’Alliance des forces de progrès (Afp) soutient que « Me Wade ne résoudra pas les problèmes du Sénégal. Il ne le peut pas. Il ne le peut plus. Ni aujourd’hui. Ni demain ». M. Niasse, qui signe son écrit « Homme public », pense qu’il y a des solutions, et qu’il faut juste commencer par « mettre fin à la politique du « MAATEYE » et à tous comportements allant dans le sens d’une dictature rampante qui s’étend, pas à pas, et qui envahit l’espace politique et l’espace citoyen ». Nettali publie le texte in extenso.
Le président Abdoulaye Wade n’a pas accompli la mission que le peuple du Sénégal, un soir du 19 mars 2000, lui avait confiée, à une très confortable majorité, à l’issue d’un vote souverain, qui n’avait fait l’objet d’aucune contestation.
L’histoire retiendra que l’évènement a été salué, unanimement, comme un acte majeur du Sénégal, de l’Afrique et des nations dites défavorisées, pour administrer la preuve que sous-développement pouvait rimer avec démocratie et retard économique avec une morale publique, éthique républicaine, transparence électorale et avec une confiance maîtrisée dans les capacités de dépassement que portent, comme les autres, les peuples du tiers-monde.
Maintenant, il est évident que Me Wade ne résoudra pas les problèmes du Sénégal. Il ne le peut pas. Il ne le peut plus. Ni aujourd’hui. Ni demain.
Au soir du 3 avril 2008, à la veille du 48ème anniversaire de l’indépendance de notre pays, il vient de délivrer un message à la nation, comme d’habitude.
Que faut-il en attendre ?
Aujourd’hui, huit années se sont écoulées, depuis l’avènement de ce que nombre de nos compatriotes avaient compris comme une ère d’épanouissement nouveau des libertés et des énergies, à la faveur d’une sorte de renaissance et d’émergence d’un mental nouveau chevauchant les coursiers des valeurs de travail organisé, de justice sociale et de solidarité nationale, de générosité et d’humilité en mouvement, qui font la force des nations et inscrivent celles-ci, avec dignité et grandeur, parmi les porte-drapeaux de la gloire humaine.
Le peuple est déçu. A la mesure de l’immense élan d’espoir de mars 2000.
Les marches, même pacifiques et encadrées, sont réprimées avec une rare et inutile violence, au mépris de la loi et en violation flagrante des libertés du citoyen.
Aujourd’hui, notre pays est à la croisée des chemins. Et, plus que jamais, le peuple connaît des dérives annonciatrices de dangers qu’il faut absolument conjurer, quand des accents triomphalistes accompagnent une marche irresponsable de fuite en avant, nourrie, à suffisance, par le recours au mensonge, à la manipulation, aux faux-semblants et aux fausses promesses, aux fausses statistiques et aux faux bilans, et quand des mesures de gouvernance enduites de cosmétiques aux effets fugaces sont présentées, par des médias aux ordres, comme des réalisations sans précédent. Vanité des vanités, tout n’est plus que vanité !
Or, ceux qui savent, ceux qui possèdent, parce que voyant ce qui se passe ailleurs, y compris en Afrique, des éléments objectifs de comparaison, ceux-là sont étonnés et indignés, devant l’étalage éhonté de soi-disant performances dont se prévaut le régime de Me Abdoulaye Wade. Le peuple a faim, l’école sénégalaise est malade, le monde rural souffre, chaque jour, le martyre pour survivre, quand notre jeunesse prend la mer avec comme seule arme le désespoir et quand les autorités publiques promettent pour l’an 2012 ou 2025, la fin de la misère, celle des délestages d’électricité, de la faim et de la soif, aux Sénégalais.
La question est là posée, lancinante, lourde de silences et d’interrogations. Et, encore une fois, de multiples dangers.
Cependant, les problèmes de notre pays ont des solutions. Mais ces solutions ne seront trouvées qu’au travers d’une nouvelle approche de mécanismes et de choix pour un autre mode de gouvernance qui intègre, sans hiatus, un appel au sérieux, à l’honnêteté, à l’esprit de respect de l’autre et de solidarité avec l’autre et qui tourne le dos au mensonge et à la manipulation, qui s’appuie sur ce que le peuple du Sénégal a comme première richesse, c’est-à-dire l’intelligence et la générosité.
Et face aux défis immenses qui interpellent notre pays et ses populations, il n’y a nul lieu de vouloir gloser, dans des débats stériles ou dans des empoignades sans lendemain, sur ce qu’il faut faire pour sauver le Sénégal.
Mais nul ne doit céder au découragement parce que ce pays est notre pays. Et ni les intimidations, ni les menaces, ni la violence qu’exerce le régime de Me Abdoulaye Wade n’y changeront rien. Et notre combat se poursuit contre les injustices, le vol organisé, l’irresponsabilité, et cela contre vents et marées. Une exigence qui est pour nous créatrice d’autant de devoirs qui sont là et qui nous regardent.
1. Il faut ramener en surface la pratique de la vérité et le culte de la morale publique.
2. Il faut réhabiliter – et commencer de le faire sans tarder – l’agriculture, au sens large, c’est-à-dire les activités du secteur primaire productif et mettre en place, à cet effet, les dispositifs appropriés. Une telle résolution est à la portée des pouvoirs publics, avec les moyens internes disponibles à prolonger au niveau des partenaires au développement qui n’attendent, de notre part, que des initiatives intelligentes marquées du sceau de l’expertise et du savoir-faire.
3. Rétablir la crédibilité du Sénégal dans nos rapports avec les partenaires au développement et les bailleurs de fonds qui se posent encore des questions pertinentes sur les capacités de nos dirigeants actuels en matière de compréhension des priorités et de leur prise en charge pour impulser une dynamique du développement sans laquelle la descente aux enfers se poursuivra inexorablement.
4. Créer, rapidement, les conditions d’un vrai dialogue national et non politicien, en allant vers l’organisation des Assises nationales auxquelles les Sénégalais ont massivement adhéré.
5. Préparer la tenue d’une table ronde avec les bailleurs de fonds, à l’exemple de certains pays africains, pour assurer une relance planifiée de l’économie sénégalaise, par la mobilisation des ressources disponibles et par une utilisation rationnelle de celles-ci, avec une participation active de toutes les couches de la nation, en dehors de toutes considérations de politique politicienne.
6. Prendre à bras le corps la question de la cherté du coût de la vie quotidienne des populations, par des mesures de réduction des prix des denrées de première nécessité, en amenant l’Etat à diminuer la partie de recettes fiscales provenant des impôts indirects, de 72 % à 30 %.
7. Il faut, dans tous les cas, respecter les Sénégalais, respecter le principe des libertés démocratiques, rétablir le droit, pour chaque citoyen, de s’exprimer par la marche ou par tout autre moyen qui ne viole pas la loi et qui ne soit pas violent. Il faut démonarchiser l’Etat, les Institutions de la République, les mécanismes de fonctionnement de l’Etat et les instruments d’exercice de la souveraineté qui n’appartiennent qu’au peuple et qui ne sont utilisés que par délégation par les gouvernants. Il faut mettre fin à la politique du « MAATEYE » et à tous comportements allant dans le sens d’une dictature rampante qui s’étend, pas à pas, et qui envahit l’espace politique et l’espace citoyen.
Par Moustapha Niasse
Homme public