Y’en a marre ou les défis d’une génération ga
Cheikh Anta Diop nous l’avait dit
Les difficultés que le Sénégal rencontre actuellement n’étaient pas imprévisibles, Cheikh Anta Diop avait prévenu les sénégalais des risques graves que la constitution de Senghor faisait planer sur le pays. En demandant de voter non au référendum de 1963, il disait aux sénégalais : « si vous acceptez cette constitution, vous donnez le pays à un roi absolu qui pourra faire tout ce qu’il voudra ». Et il ajouta : « si vous donnez tous les pouvoirs dans ce pays à un seul homme, s’il perd son équilibre mental en cours de mandat, il pourra faire tomber le pays dans un abîme d’où il sera difficile de l’en sortir ». Les difficultés et menace que nous vivons aujourd’hui sont en partie la réalisation de ces risques.
Notre cher pays se trouve entre les mains de prédateurs qui ont bloqué notre développement dans toutes ses dimensions. Leurs activités se concentrent dans le détournement des deniers publics quasi légal par les marchés publics. Idrissa Seck disait que Wade lui dit à leur première entrée au palais : « nous n’aurons plus de problèmes d’argent ». De tels propos prouvent à mon avis que ces gens ne pensaient qu’à se servir du pouvoir pour se remplir les poches. La passation de marchés est devenue la tarte à crème pour s’enrichir, puisque ces règles sont très élastiques, elles permettent de donner légalement un marché de construction d’une route sans pont ni tunnel à plus d’un milliard de franc par kilomètre, par exemple, la voie de détournement de Thiès vers Tivaouane et pour plus de 9 milliards par kilomètre l’autoroute de la corniche et ses tunnels. C’est pour ces raisons que le maire de Thiès Idrissa Seck se vantait en disant: « jusqu’à l’extinction du soleil personne ne prouvera que j’ai pris un franc de l’argent de l’Etat », alors que le peuple se demande toujours ce qui a été fait de ses 24 milliards pour les chantiers de Thiès. Par ailleurs, la ville de Thiès n’a pas la capacité d’absorber un investissement de 24 milliards sur un an. J’avais pu constater à l’époque que la rue partant du camp militaire à la gare de Thiès n’était pas concernée par les travaux alors que son état était mauvais comme beaucoup d’autres rues dans d’autres quartiers.
Les milliers de milliards versés au Sénégal après l’alternance par les investisseurs étrangers ont été dépensés par l’Anoci pour 385 milliards environ d’après Latif Coulibaly pour des travaux routiers dans Dakar en dehors de l’autoroute à péage. Wade a créé par cet argent une nouvelle classe de riches qui constituent ses laudateurs qui font des discours captieux à longueur de journée pour semer la confusion au niveau des masses. Wade a érigé la corruption en pratique sociale banale considérée actuellement par la partie la plus importante de notre société comme quelque chose de normal .La corruption et le wax-waxeet constituent son cheval de bataille.
Le régime se trompe en parlant de la création de nouvelles industries pour ce qui concerne l’exploitation de mines de titan du côté des Niayes alors que le minerais de titan était exploité à Joal et exporté en France vers une usine en Alsace spécialisée dans l’extraction de titan. L’exploitation de minerais exportés à l’état brut n’est pas une création industrielle c’est comme l’arachide cultivée et exportée par un pays qui n’a pas d’huilerie. L’extraction et l’exportation de matières premières est la spécialité des pays pauvres qui ne leur permet pas de se développer. C’est ainsi que Wade et ses hommes maintiennent les masses en attente permanente de promesses qu’elles ne verront jamais parce qu’ils font du show pour être applaudis devant les masses.
L’alternance de Wade en laissant le transport par voie ferrée de coté avait dès le début du mandat donné son manque d’initiative en matière de développement économique. Sur le plan social, la combinaison entre le chômage dû au manque de développement, l’augmentation des taxes sur les produits de premières nécessités et l’inflation galopante a approfondi et étendu la pauvreté dans le pays. L’inflation dont il s’agit ici est d’origine monétaire. C’est paradoxal de constater à la fois la pauvreté, le chômage et une circulation monétaire intense, mais c’est la réalité. Nous avons tous assisté à l’entrée de fonds très importants entre 2001 et 2011 et constaté la nature gabégique du régime de WADE. A partir de ces constations, on comprend aisément l’existence d’une classe de nouveaux riches qui se défoulent avec des dépenses de démonstration avec l’argent détourné. La forte circulation monétaire résulte également de la redistribution monétaire effectuée par Wade pour corrompre sa clientèle politique.
Sur le plan agricole, la politique que mène le régime ne dit pas son nom parce que son objectif est la liquidation des paysans qui vont être expropriés pour vendre la terre aux grandes sociétés agricoles multinationales. Dans cette logique, les paysans deviendront des travailleurs journaliers agricoles sans protection sociale au service des multinationales agricoles qui bénéficient des expropriations des paysans. C’est de cette façon que Abdoulaye Wade veut réaliser l’autosuffisance alimentaire assurée par des sociétés étrangères. Ce sera une nouvelle forme de dépendance sous la direction des entreprises étrangères et la néocolonisation actuelle nous mènera à une nouvelle forme de colonisation aussi inhumaine que celle du passé. Cette forme d’autosuffisance existe en Amérique du Sud, mais elle ne permet pas au paysan devenu ouvrier agricole de pouvoir acheter pour se nourrir une portion des produits agricoles à la production desquels il a participé pour le compte d’une société multinationale. C’est dans de telles situations de misère qu’une mère vend parfois son enfant dans certains de ces pays. L’autosuffisance recherchée par les libéraux n’offre aucune garantie de prix aux consommateurs et ne permet pas notre développement. Cette politique fait ses débuts au moment où les attentions sont attirées par les élections. Nous devons nous mettre du côté des paysans pour arrêter cette politique tout de suite, avant qu’elle n’aille plus loin.
Abdoulaye Wade dit lui-même qu’il ne cesse de créer, mais il en résulte beaucoup plus de mal que de bien. Les difficultés qu’il a créées dans ce pays font souffrir les populations de tous les maux, mais il en veut encore. Nous devons être vigilants pour le suivre dans ses pérégrinations afin de le dénoncer à temps avant qu’il ne fasse l’irréparable.
Abdoulaye Wade veut initier un système monarchique au Sénégal. Après ses premières tentatives sans succès d’introduire son fils Karim pour le poste de maire de Dakar, il a voulu modifier encore la constitution pour y mettre son ticket de vice président élu. Le texte permettait au Président en cas de démission du Vice-Président de choisir son remplaçant. Ainsi il pouvait mettre au ticket un de ses hommes de paille avant élections et lui demander un ou deux ans après de démissionner pour mettre son fils au poste de vice président et de démissionner à son tour en laissant la présidence à Karim. Cette dernière tentative a été déjouée par le peuple le 23 juin 2011. La question que se posent tous les sénégalais est de savoir si Wade a compris ou non que son jeu est terminé. Nous n’avons pas la réponse pour l’instant et il est difficile de savoir ce que Wade croit dans ce qu’il dit et ce qu’il fait. Il a organisé à Dakar un rassemblement le 23 juillet à coût de millions pour payer les gens et leurs transports venus des différentes régions du pays pour montrer qu’il a des partisans, alors qu’il n’en a que pour son argent. Il est certain qu’il ne se trompe pas, mais il veut tromper le monde entier ; dans quel but ? Je ne le sais pas. C’est à cause de ces questions sans réponse que Abdoulaye Wade place notre malheureux pays au bord de l’abîme.
Les sénégalais n’accepteront pas le recul de notre démocratie alors que Wade continue ses menaces en voulant nous imposer sa candidature à un troisième mandat aux élections présidentielles de 2012. Si Wade persiste, le Sénégal tombera dans ce trou sombre dont personne ne connaît la profondeur.
Cela est inacceptable pour tous les sénégalais, Wade y compris. Abdoulaye Wade peut nous éviter cette catastrophe dans l’intérêt de tous. A près de 90 ans, il doit remercier Dieu de tout ce qu’il a pu réussir et préparer sa sortie avec les honneurs. Il a fait du bien et du mal dans ce pays, mais s’il ne se présente pas pour un troisième mandat et organise des élections correctes acceptées par tous, le mal lui sera pardonné et le bien portera son nom pour toujours. C’est pour ses raisons que je lui demande de prendre contact avec le Président des Assises nationales pour signer l’acceptation des conclusions et de faire ses propositions. Après cela, il doit rencontrer Bennoo pour établir une loi électorale avec l’accord de tous et surtout transformer la CENA en une CENI qui organise et proclame les résultats des élections et le Conseil Constitutionnel prononcera les résultats définitifs.
Abdoulaye Wade seul a cette chance de pouvoir prendre l’initiative de sauver le Sénégal sans vainqueurs ni vaincus. Je lui demande de ne pas la laisser passer.
Je dois dire à tous mes compatriotes qui veulent l'aternance que le retrait de la candidature de Wade des élections ne suffit pas pour la réalisation de l’alternance. Il faut que Bennoo gagne les élections ou qu’un candidat individuel qui s’est engagé sur les conclusions des assises les gagne. C’est pourquoi je dis à mes compatriotes qui ont choisi de lutter pour sortir le Sénégal de ce régime totalitaire et mettre en place un régime réellement démocratique, de se mobiliser en un seul bloc sans aucune distinction par l’appartenance à un parti ou à une philosophie.
Je ne dirige plus un parti politique mais j’estime que je peux m’adresser à Bennoo pour faire quelques propositions. Mais auparavant je voudrais dire à ceux qui ne me connaissent pas que j’ai toujours été un militant de gauche depuis 1959, ensuite j’étais au R.N.D. où j'ai remplacé Cheikh Anta DIOP au poste de secrétaire général après sa disparition. J’ai donc dirigé le R.N.D. pendant 6 ans avant de laisser le poste de manière démocratique et dans le calme à celui qui était mon adjoint tout en restant militant du parti .J’avais quitté par la suite le R.N.D. en douceur pour des raisons politiques afin de créer un autre parti pour continuer le combat que je menais contre les régimes en place de Senghor à Wade. Je n’appartiens plus à aucun parti, mais mon combat continue.
Je demande à Bennoo de ne pas faire des primaires entre ses partis c’est un risque inacceptable pour tous ceux qui veulent une réelle alternance. Wade a été créé par Senghor mais à son tour Wade a créé Idy. Il n’y a pas beaucoup de différence entre Senghor et Wade mais il n’y a presque pas de différence entre Wade et Idy. Si le P.S ou l’A.F.P. ne se trouve pas au second tour, nous n’aurons pas d’alternance. Il faut un candidat unique de Bennoo, Tanor ou Niass, mais Bennoo peut aussi désigner un candidat hors des grands partis comme Moussa Tine ou un candidat individuel comme Ibrahima Fall. Tout le monde doit savoir qu’il n’y aura plus de Président roi, c’est le parti qui gagne les élections législatives qui gouvernera le pays. Les pouvoirs du Président de la République seront très limités. Considérant, le prochain mandat comme un point de passage entre deux régimes, personnellement, je laisserai Moussa Tine ou Ibrahima Fall présider parce que c’est une garantie pour la transparence des élections législatives qui suivront dans la même année d’autant plus que le Président ne présentera pas de liste de députés.
Je souhaite que mes propositions poussent encore à plus de réflexions aux dirigeants de Bennoo.
Pr. Ely Madiodio Fall
BENNOO (S) et la Candidature unique: l’Impasse inutile
Partons du principe acquis que la candidature de Abdoulaye Wade n’est ni légalement ni légitimement recevable en l’état actuel de la charte fondamentale de notre pays. Les forces vives ayant fait échec à la tentative de suppression du 2ème tour et au projet de dévolution monarchique le 23 juin 2011, la présidentielle de 2012 apparait désormais comme une étape cruciale dans un processus de changement et de maturation politiques de la démocratie sénégalaise.
Au camp du pouvoir, à son candidat ou à ses candidats, qui faudra t-il opposer pour mettre fin à l’Alternance wadienne que la pratique du pouvoir a éloignée de toutes les aspirations et espoirs du peuple sénégalais pour en faire une gestion autocratique au service d’un projet politique dont l’unique objectif s’est révélé, en 11 ans, la mise en orbite d’un ‘’fils biologique’’.
Bennoo Siggil Senegaal, dans l’euphorie des résultats des locales de 2009, servait un discours sur la candidature unique pour coller, disait-on alors, à l’appel du peuple à l’unité de l’Opposition. Dans les états-majors de BSS, l’on ne discourait que sur l’aspiration des Sénégalais à se débarrasser de Wade et de son système, oubliant sûrement que les élections de 2009 n’étaient que le premier jalon que le peuple sénégalais posait dans sa marche contre l’Alternance wadienne. Un qualificatif nouveau pour traduire la personnalisation et l’accaparement des fruits d’un combat national sénégalais par une minorité au service d’un seul Homme et de son clan. D’autres jalons ont suivi : les mobilisations populaires du 19 mars 2011, l’élan inédit de solidarité nationale autour de Jean Lefebvre et Bara Tall et l’apothéose du 23 juin 2011 en attendant d’autres. La stratégie du boa fonctionne toujours entre le peuple qui en a marre et le Pouvoir devenue proie.
BSS a dû manquer cet angle d’analyse de l’évolution sociopolitique du peuple pour tomber dans des conjectures autour de la candidature unique. La pratique du terrain social et citoyen leur a appris la vraie nature des choses. Candidat ou pas, Abdoulaye Wade ne fait plus rêver les Sénégalais. Son incapacité et celle de son gouvernement à assurer le minimum à la Nation (électricité, eau, denrées, éducation, santé et justice sociale), ont fini par le ranger avant l’heure dans les tiroirs de l’Histoire. Dès lors, pourquoi BSS s’obstine à foncer dans une impasse inutile à la quête d’un candidat unique. Une véritable chimère dans le landerneau politique sénégalais. Et comme pour enfoncer le clou, Benno Alternative 2012 accule BSS dans la même impasse non sans se targuer de travailler à la jonction de toutes les forces de l’opposition autour d’un candidat de l’unité et du rassemblement que son Comité de Sélection sortira de plis fermés.
Qu’il nous soit permis de mettre en doute la démarche de ces deux entités pourtant composées d’importantes organisations politiques et citoyennes conduites par d’éminentes personnalités dont l’engagement et la détermination au service la Démocratie ne font l’objet d’aucun doute. L’impasse dans laquelle, elles s’engouffrent est sans issue et inutile. Il nous parait important et encore d’actualité de leur suggérer d’autres pistes. Elles peuvent encore rebrousser chemin pour coller à la réalité de l’électorat sénégalais et du peuple.
En lieu et place de la candidature unique, parlons plutôt d’un Pôle de candidatures de l’Opposition dans sa totalité. Les forces en présence sont diverses et toutes relativement représentatives des multiples composantes de l’électorat national. A côté des socio-démocrates de BSS qui investiront Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse, scénario plus réaliste, Bennoo Alternative, véritable creuset de mouvements citoyens et de personnalités de la Société civile, présentera un candidat dit de la ‘’Société Civile’’. Les Indépendants du G4 et d’autres devraient pouvoir s’entendre aussi en leur sein pour se regrouper autour d’un seul candidat. A côté de ces trois cercles, l’opposition libérale proposera les candidatures d’Idrissa Seck, Macky Sall, Cheikh T. Gadio et Aminata Tall.
Dans la perspective du 2ème tour, l’ouverture du cercle socio-démocrate BSS devra d’abord se faire en direction des autres partageant certaines conclusions des Assises Nationales comme le candidat de Bennoo Alternative, de celui des Indépendants et Macky Sall dans le cercle libéral. Cette jonction faite, il faudra nécessairement s’ouvrir à Idrissa Seck et Aminata Tall et Cheikh T. Gadio pour obtenir l’accord réciproque de soutien au candidat le mieux placé de l'Opposition face au candidat du camp du Pouvoir si tant est qu’il se retrouve au 2ème tour.
Ce pôle de candidatures constitue en notre sens la stratégie factuelle et réaliste pour sortir les entités Bennoo de leur impasse. Le débat sur la candidature unique ou candidat de l’unité doit être dépassé pour faire place à des plateformes programmatiques. Plusieurs choix seront alors offerts au peuple sénégalais. Et comme une Primaire nationale, le scrutin du premier tour départagera tous les protagonistes.
Moussa A. Diaw
Administrateur d’Entreprise
Membre du Mouvement Yamalé
moussaonline@gmail.com
L’Ecole sénégalaise en péril, la Nation est en danger !!
Où va l’Université sénégalaise ? Était notre cri de détresse en 2004. Une contribution publiée dans le quotidien Xalfadjri n° 3823 du 10/12/2004. Parce que la médiocrité des résultats de celle-ci nous semblait être le cadet des soucis des autorités. Quand bien même, moins de deux étudiants sur trois entrants à l’UCAD en même temps, en sortaient sans aucun diplôme.
Ce qui nous avait amené à la qualifier de « l’université garderie de bacheliers ». L’autre université, Gaston Berger, avec la posture « Harvardienne » de ses autorités et sa capacité d’accueil très limitée, était loin d’être à la hauteur de l’attente des autorités politiques et peut-être de certains sénégalais. Son crédo « excellentissime » mécontentait la tutelle plus qu’il ne l’agréait. Celle-ci défendait bec et ongle la nécessaire montée en puissance de ses effectifs. Ce qui n’était pas sans engendrer des tensions entre elle et la communauté universitaire de Saint-Louis. Il en a résulté, que l’actuel très (trop) ambitieux recteur ait complètement changé son orientation. Il est entrain de le faire monter vertigineusement en puissance ! Le nombre de ses unités de formation et de recherche a doublé en deux ans sans mûr érigé ou maître carré bâti supplémentaires. Autrement dit, l’Académie sénégalaise est dans l’impasse, le seul mode de développement qui vaille est celui de l’UCAD, le modèle Harvardien reste dans le domaine du rêve !
Au niveau des autres ordres d’enseignement, les résultats n’étaient pas meilleurs. Si on arrivait à scolariser les trois quarts de l’effectif de chaque classe d’âge (population de 7ans), on n’en conduisait qu’un enfant sur trois à l’obtention du Certificat de Fin d’Études Élémentaire (CFEE), un sur vingt au baccalauréat. Ce qui donne à l’arrivée : moins de 2% de diplômés d’université par génération (Jeunes ayant le même âge).
Il pourrait être utile de rappeler ici, que l’objectif actuel de la France est d’emmener 50% de chaque génération au niveau de la licence afin de rattraper son retard dans l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) qui est autour de 65% de diplômés du supérieur par génération! Quel gap !!
Mais les autorités chargées de l’enseignement annoncent d’autres résultats et tiennent à les confirmer « chiffres » à l’appui. Il va sans dire que cette stratégie de maquillage de données est dangereuse. Elle peut empêcher le Sénégal d’être compétitif dans le marché des valeurs scientifiques et handicaper toute sa jeunesse.
Dans cette situation, quitte à faire dans le quanti-fétichisme gouvernemental, il importe de ramener toutes les questions aux finalités de l’Ecole et de ne pas s’attarder sur des Objectifs du Millénaires Mal Définis (O2MD). A cette fin, la seule attitude utile consiste à bien examiner les données et voir si les objectifs scolaires sont atteints, si les élèves acquièrent les compétences attendues à la fin de chaque étape scolaire.
A) De bons et moins bons indicateurs de scolarisation
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On note ces temps-ci l’importance de la place des indicateurs statistiques dans la communication des autorités en charge de l’éducation. Il en va ainsi certainement parce que les bailleurs de fond ont manifesté leur intérêt pour cette pratique. Mais, en le faisant, nos responsables devraient aussi faciliter l’accès aux données qui permettent d’élaborer ces statistiques. L’Information publique doit être mise à la disposition des citoyens avant même qu’ils ne la sollicitent. Il est très frustrant de devoir écrire une demande de renseignements et attendre l’autorisation d’un chef de service (IA, IDEN, Division, etc.) pour en disposer. Cela dit, les chiffres officiels ne sont pas sans semer le doute dans l’esprit des évaluateurs de systèmes éducatifs. Le mode d’élaboration de ces indicateurs ainsi que leur interprétation heurtent leur conscience. Aussi, importe-t-il ici de les passer en revue.
-Taux d’admission(TA)
On mesure le niveau du développement de la scolarisation en déterminant la proportion scolarisée dans la population de 7 ans. Celle-ci étant impossible à avoir, fautes de données suffisantes, on utilise des outils statistiques pour son estimation. A cet effet, les services compétents de l’Etat sénégalais, comparent l’effectif total des élèves de CI (Cours d’Initiation), pouvant être âgés de 5 à 15 ans, à la population des enfants âgés de 7 ans. Et ils estiment que le nombre d’enfants à scolariser baisse annuellement de 1,04% depuis 2004. Deux « données » qui leur permettent de trouver 117,5%, indiquant un niveau de scolarisation plus que satisfaisant.
C’est l’effet combiné de ces deux biais qui anéantit la fiabilité de la valeur du taux d’admission brut officiel. Une surestimation du numérateur couplée avec une sous-estimation du dénominateur. En réalité, 32,68% des élèves dénombrés ne sont pas âgés de 7 ans. En plus, la population totale augmente de 2,5% annuellement, elle est caractérisée par sa jeunesse (données du dernier recensement). Car la fécondité n’y baisse pas et la mortalité des enfants y diminue.
On pourrait être tenté de corriger l’indicateur officiel en défalquant du nombre des effectifs de CI, le compte des enfants qui ne sont pas âgés de sept ans afin d’obtenir le taux net (84,92%). Mais alors, on ne prendrait pas en charge les membres du groupe qui seront scolarisés plus tard. Ce qui constituerait une sous estimation de la proportion recherchée.
De ce fait, le taux d’admission générationnelle, qui permet de corriger le taux net avec la prise en compte des retardataires, constitue la meilleure approximation possible. Sa valeur est autour de 88,42%. Ce qui signifie que le niveau du développement de la scolarisation au primaire n’est pas à 100% satisfaisant comme on le proclame.
-Taux brut de scolarisation (TBS)
On mesure le niveau de la demande de scolarisation élémentaire en déterminant la proportion scolarisée dans la population de 7 à 12 ans. Pour son estimation, les services de l’Etat rapportent l’effectif total des écoles élémentaires, comprenant 13,06% d’élèves en dehors de la tranche d’âge normale, à la population scolarisable. Et ils considèrent, là aussi, que la croissance annuelle de celle-ci entre 1999 et 2010 est quasi nulle( 0,395%). Ce qui leur permet de trouver un chiffre qui dépasse 93% (d’après le ministre de l’éducation), indiquant une couverture scolaire très satisfaisante.
Si ce compte s’avérait, il aurait été difficile d’expliquer le niveau élevé de la fréquentation des écoles coraniques dans le Baol et le Fouta, où des sales de classes se ferment faute d’élèves ! Il en va de même du nombre d’enfants vagabonds qu’on voit dans les villes !
Autrement dit, les deux indicateurs officiels qu’on vient de voir (TBS et TA) ont les mêmes défauts : numérateur gonflé, dénominateur réduit. En vérité, la proportion qu’on arrive à scolariser, parmi les enfants âgés de 7 à 12 ans, ne dépasserait pas 82,97%. Ce qui signifie que le niveau de demande de scolarisation élémentaire n’est pas satisfaisant à 93 % comme on le prétend.
- Taux d’achèvement (du programme !!)
Comme à chaque étape de l’Ecole correspond un niveau de compétence, le degré d’acquisition de celle-ci nous renseigne sur le rendement du système. Le taux d’achèvement, qui mesure la proportion d’enfants ayant terminé le cycle primaire avec les compétences requises, rends compte de l’efficacité du système éducatif. L’indicateur nommé ainsi par le gouvernement est obtenu en rapportant le nombre d’élèves arrivant au CM2 à la population sénégalaise de 12 ans. Ce qui, d’après le ministre de l’éducation, donne un chiffre de 73%, voulant dire que l’efficacité du système est très satisfaisante.
Si cela correspondait à la réalité, le Sénégal ne serait pas à un enfant certifié sur trois par génération. Ajoutons à cela, que les données de la dernière évaluation de la compétence des élèves sénégalais de CEI en lecture , ont permis de savoir que 52,1% des enfants sont incapables de comprendre une petite histoire écrite de cinquante mots. Près de 25% d’entre eux ne savent pas du tout lire. Seule 10% peuvent lire correctement. Or, à ce niveau la compétence fondamentale, qu’est la lecture, devrait être acquise. En outre, plus de la moitié des élèves sortent de CM1, avec un niveau médiocre en mathématiques et français . Ce qui veut dire que le taux d’achèvement au niveau élémentaire est loin d’avoir la valeur officiellement proclamée. Celle-ci aurait pu être valable, si la progression de l’élève était basée sur les décisions du Conseil de classe ou le relevé de notes. Ce qui n’est pas le cas. En effet, le nombre de ceux qui passent ou redoublent est en définitive fixé par l’administration (IDEN ou Ministre). Il serait intéressant d’ailleurs de voir comment un Ministre qui interdit le redoublement au niveau des classes d’acquisition (CI, CE1, CM1) et limite le maximum de redoublants à 10% dans les autres, peut-il considérer sérieusement une telle statistique ? On peut décider d’emmener le nombre d’élèves qu’on veut au CM2, mais pourrait-on leur donner les compétences attendues à ce niveau par arrêté ?!! Ce n’est pas en bafouant l’autorité des enseignants, seuls habilités à apprécier le niveau des élèves pour décider de leur passage au niveau supérieur, qu’on améliorera la qualité de l’éducation. Il est étonnant que les syndicats n’en fassent pas cas !!
D’ailleurs, ce sont les effets de cette destitution de l’autorité scientifique qui apparaissent dans l’extrême disparité de niveaux entre élèves d’un même groupe pédagogique. Ceux qui savent lire et calculer sont mis ensemble avec ceux qui n’y arrivent pas ; ceux qui sont bons en mathématiques ou français côtoient les médiocres. Ce qui fait que toutes les classes au Sénégal sont multigrades. Il faut savoir que cette pratique de promotion des élèves sans tenir compte de leurs fiches de notes, rendait très difficile le travail des enseignants de CM2. Ces derniers, pour avoir de bons résultats au concours d’entrée en sixième, travaillaient sans arrêt pour rectifier les lacunes des années précédentes et relever les niveaux de leurs élèves. Ce qui n’est plus le cas avec la suppression du Concours. Il n’y a plus de challenge pour eux. Tant pis pour les élèves qui arrivent en CM2 et continuent sans le niveau requis. Voilà pourquoi l’ouverture des portes de collèges à presque tous les élèves est inquiétante. On devrait d’abord déterminer les modalités d’accès à ce niveau. Même si l’obligation scolaire à dix ans est devenue une nécessité historique, il vaut mieux se donner les moyens d’emmener tous les enfants du pays au niveau scientifique du BFEM au moins. Sinon, on transforme cet objectif purement pédagogique en visées bailleurs de fonds.
Cela dit, il faut auparavant réduire la disparité des conditions de scolarisation.
- Ecole à deux vitesses
Il est connu que les enfants n’ont pas au départ les mêmes avantages en termes d’environnement familial ou social favorable pour une scolarisation sans difficulté. Mais, l’Ecole de la République est là pour réduire ces inégalités et égaliser les chances de réussite. Au Sénégal, qu’on le veuille ou non, elle fonctionne avec deux vitesses. Des CI de 32 élèves dans les écoles de Dakar Plateau y sont à côté de celles pleines à craquer à Hann Bel-Air : plus de 80 élèves par classe. Une répartition très inégalitaire des salles de classes fonctionnelles (au sens du Ministère de l’éducation), des salles informatiques, des enseignants professionnellement certifiés. Pour améliorer les résultats des établissements à environnement difficile, il urge, à défaut d’une discrimination positive, de rétablir l’équilibre. Là, les maires de communes d’arrondissement devraient jouer leur partition au lieu de gaspiller leurs maigres ressources dans les cérémonies télévisées de remise de prix.
Enfin, retenons qu’il y a danger quand des hommes d’état s’amusent avec des chiffres dans le domaine de l’éducation, et que les producteurs de données scientifiques les laissent faire. Ces derniers, quelque soit leur lieu de fonction, doivent garder l’autorité de publier eux-mêmes les résultats de leurs investigations sans préalable ou visa d’un quelconque supérieur. Sans cela, l’information scientifique pourrait être utilisée à d’autres fins que la révélation de la vérité. S’ils n’assument pas leur fonction d’éclaireurs d’opinion en toute indépendance, l’obscurantisme prospérera.
Dans le même sillage, il urge de rétablir l’autorité de l’enseignant afin qu’il retrouve sa prérogative comme seul décideur dans le domaine pédagogique. Il faut que les pouvoirs des inspecteurs ou autres supérieurs se limitent à encadrer et former. Personne ne devrait repêcher un élève à la place du conseil de classe.
Ajoutons que l’automaticité de passage d’une classe à une autre ou l’option zéro redoublement peut-être décidée. Mais, celle-ci s’accompagne toujours de politiques de mise à niveau des élèves faibles afin qu’ils puissent profiter de la suite de leur scolarité. Il ne sert à rien de bruler les étapes pédagogiques. Sans le respect de celles-ci, l’objectif « Éducation Pour Tous », qui est différent de celui de « la solarisation universelle », ne sera jamais atteint. En effet, il ne faut pas perdre de vue que ce projet de l’UNESCO, va au-delà d’une couverture scolaire complète. Il vise bel et bien une éducation réelle et réussie pour tous les enfants. Ce qui correspond aux programmes qu’on retrouve dans certains pays développés. En France, il s’intitule : « Pour la réussite de tous les élèves ». Aux États-Unis en 2002, après le rapport intitulé la Nation est en danger « The nation at risk », le Gouvernement de Georges W. Bush s’était fixé comme objectif scolaire à atteindre en 2012, (No Child left behind : NCLB) ; consistant à œuvrer pour qu’aucun élève ne soit plus en dessous du seuil minimum de connaissances en lecture et mathématiques. Vivement que nos hommes leur emboîtent les pas !!
Mamadou Youry SALL
Enseignant-Chercheur
UGB
Y’en a marre ou les défis d’une génération galère
Le Sénégal est parti pour une dure période de campagne électorale : sa jeunesse est entrée dans le jeu politique à la suite des jeunes du monde. Elle récuse avec clarté toute récupération politicienne de ses initiatives hardies soit par le système gouvernemental soit par l’opposition. «Récu¬pérateurs et politiciens abstenez-vous !!!» est un des slogans du Mou¬vement Y’en a marre. «Nous ne soutenons aucun candidat… mais nous défendons nos concitoyens en prônant l’émergence de nouveaux dirigeants.» Les représentations que l’on en fait sont, globalement, celles d’une jeunesse dangereuse et inquiétante. Dans ce contexte, il devient important de s’interroger pour agir afin qu’elle ne forme pas une société close.
L’objectif de cette étude est d’ouvrir de grandes pistes de réflexion et de dé¬bats, sans œillères, autour de trois points : 1) La problématique de la jeunesse comme fer de lance des ré¬vo¬lutions africaines. Au Sénégal, le mouvement Y’en a marre qui commence à faire école dans toute la sous-région, symbolise à perfection cette nouvelle prise de conscience cito¬yenne accrochée aux luttes populaires pour l’émergence d’un autre Sénégal et d’une nouvelle gouvernance démocratique. 2) Que dénonce cette jeunesse ? C’est de se considérer comme une «génération galère» coincée entre malaise social et mal vivre. Les problèmes soulevés sont à la fois nombreux, complexes et souvent inédits face à des politiques publiques souvent sans réponse. 3) Qu’est-ce qu’elle annonce ? C’est son ancrage comme force de changement et sa volonté d’être un accélérateur de l’histoire ou la locomotive des luttes populaires face à la double faillite de l’élite intellectuelle et l’inefficacité des politiques. Elle exige la réalisation de ses espérances par des politiques publiques plus adéquates et plus efficientes qui lui assurent un «droit de cité» dans l’espace public et qui l’impliquent dans tous les programmes intergénérationnels.
Cette réflexion s’étale sur trois articles, elle n’est pas un éloge démagogique de la jeunesse ni un réquisitoire contre elle. Son objet est simplement de déchiffrer d’abord ce que la jeunesse dénonce (deuxième article) et ensuite de comprendre ce qu’elle annonce (troisième article). Ces trois volets devraient permettre de camper les enjeux et d’ouvrir un débat urgent et important.
Egalement, il importe de préciser que les prétentions doctrinaires de cette analyse sont assez limitées. Elle n’est pas la vision d’un sociologue encore moins celle d’un politologue : elle est tout simplement le fruit d’une longue praxis de quelqu’un qui a eu l’énorme privilège d’avoir été responsable syndical de l’Union générale des étudiants d’Afrique occidentale (Ugeao) dans les années de braise de l’Université sénégalaise, d’avoir dirigé pendant une trentaine d’années un club omnisport (le Dakar université club) et d’avoir rencontré et discuté avec cette jeunesse dans beaucoup de campus universitaires d’Afri¬que et du monde et dans plusieurs manifestations nationales et intercontinentales (Festival mondial de la jeunesse, Conseil de la jeunesse, Union internationale des étudiants). De ces différents observatoires avantagés, j’ai essayé de comprendre la configuration de cette jeunesse et les problèmes qu’elle pose à nos sociétés.
Quelles sont les problématiques que pose la jeunesse aux sociétés ?
Aujourd’hui, les zones d’extrême vulnérabilité s’élargissent et les récits de la vie quotidienne de la jeunesse africaine se déclinent en catastrophes ordinaires dont se préoccupent les po¬¬pulations pourtant enlisées dans des luttes épiques pour la survie. «Ma¬¬laise social», «y’en à marre», «sentiment de marginalisation, d’exclusion et de frustration», «nouvelles quêtes de sens», «crise identitaire», sont quelques motifs des multiples formes d’organisation et de création d’espaces d’expression et de contestation. La situation explosive ainsi créée interpelle les peuples et le monde politique. Les manifestations, de plus en plus fréquentes, de plus en plus violentes, constituent des éléments structurants de l’entrée en politique des jeunes incarnée, aujourd’hui, par ces milliers de groupements sous des appellations expressives de leur sentiment de ras-le-bol comme le Y’en à marre au Sénégal.
Pourtant, «on croyait cette jeunesse apathique, dépolitisée, désabusée, manipulée» : elle a fait irruption et pris brutalement le devant de la scène. De par le monde, elle rappelle, chaque jour, par ses colères et ses refus, les malaises et les obscurités qui pèsent sur son avenir. Phé¬no¬mè¬ne marquant de la mondialisation, elle représente plus de la moitié de notre planète. Pour l’Afrique, en 2005, plus de 56% de sa population avaient moins de 20 ans et 65%, soit près des deux tiers, moins de 25 ans. Ces tendances sont presque identiques au Sénégal. En effet, la pyramide des âges est révélatrice de la jeunesse de la population avec une base toujours plus large : le recensement de 2002 confirme que 54,9 % (certainement plus) de la population sont âgés de moins de 20 ans.
De partout, cette jeunesse, dans sa diversité, monte à l’assaut des citadelles politiques et entre en quasi rébellion contre les divers establishments et les nomenklaturas de tous ordres qui l’excluent des systèmes pro¬ductifs et culturels, de la vie tout court. En prenant la génération des an¬n¬ées 90, elle est née et a grandi dans des crises multiformes graves qui ont élargi la pauvreté et creusé les inégalités : faillite des politiques pu¬bliques, ajustement structurel, crise financière et d’endettement, crise so¬ciale, crise de l’école et des systèmes éducatifs. Ces différentes crises ont installé un processus infernal et irréversible d’appauvrissement et d’af¬faiblissement des systèmes de protection sociale modernes comme traditionnels, qui étaient d’ailleurs majoritairement élitaires et urbains. Dans cette perspective, la protection sociale cesse de s’appuyer sur les réseaux de la famille élargie, sans paradoxalement être prise en charge par l’Etat qui a été socialement désengagé. Alors même que les nouvelles politiques économiques et financières poussent à la marchandisation par des réformes de libéralisation intempestives et parfois insensées, aucune institution privée ou publique n’est mise en place pour répondre aux be¬soins des faibles et des plus démunis de la société notamment les jeunes, les femmes et les personnes du 3e âge. En prenant, par exemple, les premières générations des Program¬mes d’ajustement structurel, leurs conséquences sociales désastreuses n’ont pas été atténuées par les filets de protection publics ou familiaux. Ces réformes on tenu la jeunesse complètement à l’écart de la société par le chômage et diverses exclusions ; et vont la pousser à regarder la mondialisation et ses mutations gran¬¬dioses dans la grisaille et sans horizon.
La jeunesse, qui constitue plus de la moitié du monde, va se mobiliser partout autour de revendications con¬cernant aussi bien les conditions sociales, l’école, le service public, le système des libertés, la laïcité, l’action humanitaire et la défense de ses identités... Les révolutions dans les pays arabes, qui ont surpris de par leur ampleur les journalistes et les analystes les plus avisés, sont de leur fait. C’est également elle qui déstabilise, en Occident, les ordres politiques réputés responsables de leurs précaires conditions de vie : mouvements de révolte en Grèce, en Espagne, en Italie contre les plans d’austérité, les nombreuses émeutes des banlieues en France et récemment en Grande Bretagne. Les soulèvements des élèves et étudiants et les multiples manifestations contre le chômage dans plusieurs pays africains montrent que le continent africain n’est pas en dehors de l’universalité de la révolte des jeunes.
Au Sénégal, depuis les années 90, la jeunesse est aux premières lignes des combats pour le changement des systèmes opprimants, pour la démocratie et la bonne gouvernance. Elle s’exprime à travers ses propres formes d’organisation, à une période où les intellectuels et le mouvement ouvrier semblent baisser pavillon et abandonner leurs missions d’émancipation et d’éveil des peuples. Le relai est pris par la jeunesse qui impose ses canons de communication à travers la musique (hip-hop, rap, folk, rock), la danse (le mbalakh, le youza…) et la lutte. Elle se présente, par moments, comme repoussoir de l’excès de violence et de répression de la société à son endroit (l’école, la famille et la Police…). La musique se présente comme le meilleur instrument pour exprimer sa volonté claire de faire reconnaître et imposer sa personnalité propre et ses refus de toutes les formes d’exclusion et de répression d’un système social qu’elle qualifie d’injuste et d’inéquitable. Au plan strictement artistique et en termes d’arrangement, cette musique n’est pas un spectacle dionysiaque auquel on assiste passivement, mais une rencontre dans un espace ouvert et sans décor où la participation de tous les spectateurs est imposée. Dansez sans style, si cela vous chante, mais écoutez les sentences du concert et comprenez la gestuelle.
Le mouvement Y’en a marre qui commence à faire école dans toute la sous-région, symbolise à perfection cette nouvelle prise de conscience citoyenne qui débouche sur des plateformes de lutte pour un autre Sé¬né¬gal. C’est pourquoi, il faut être attentif et avoir l’écoute de ces milliers de groupes de hip hop et de rap (on par¬le de 5 000), et même ces centaines d’écuries de lutte qui ont des objectifs pas trop éloignés, dans la mesure où elles s’opposent au chômage, à la profonde paupérisation des masses (versus terme officiel de la pauvreté), aux inégalités sociales criantes. Ces jeunes dénoncent la corruption endémique et les détournements des deniers publics (par des individus qui ont amassé des fortunes colossales en un laps de temps record), les restrictions des libertés démocratiques et la mal gouvernance. Dans ce sens, Thiat, un des membres fondateurs du mouvement Y’en a marre explicite : «Nous en avons marre des coupures d’électricité, de la corruption, du détournement des deniers publics. Nous en avons marre.» Et Fou Malade, le directeur artistique renchérit : «Nous en avons ras-le bol de tous ces problèmes.» Alors, «quand l’essentiel est en danger, s’opposer devient un devoir».
Il est éclairant de camper l’état de la pauvreté qui est le terreau dans lequel vit la jeunesse. Elle doit permettre de mieux cerner le niveau de la demande sociale et celui de la dégradation des hypothétiques filets de protection. Au demeurant, malgré le volume impressionnant des financements en faveur des études sur la pauvreté, les résultats au plan quantitatif sont médiocres. Sans rentrer dans des polémiques, observons avec le Dsrp que «65% des ménages interrogés se considèrent comme pauvres et 23 % d’entre eux se déclarent même très pauvres. Près de deux ménages sur trois (64%) estiment que la pauvreté s’est aggravée au cours des cinq dernières années (à partir de 2002). Le milieu rural contribue à hauteur de 65% à la pauvreté, pour une population de moins de 55% du total. En revanche, Dakar qui compte près d’un quart de la population y contribue pour quasiment 18%. Les rédacteurs du Dsrp soulignent que l’impact de la croissance sur l’incidence de la pauvreté des populations a été atténué par l’inefficacité des politiques de redistribution. En termes quantitatif, les 20% les plus riches de la population réalisent plus de 41% des dépenses annuelles totales contre 8,1% pour les 20% les plus pauvres».
Le Dsrp conclut que «les performances économiques et financières enregistrées ces dernières années (de 2005 à 2007) restent encore insuffisantes pour réduire de façon significative la pauvreté en vue d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (Omd) à l’horizon 2015». En effet, avec le rythme actuel de progression de l’économie, il faudra 30 ans environ pour doubler le Pib par tête.
Le Rapport de 2007 de l’En¬quête de suivie de la pauvreté au Sénégal (Esps) confirme ces tendances. Il ob¬serve (p35) en ce qui concerne l’emploi mesuré à travers l’activité du mo¬ment, c’est-à-dire celle exercée dans les sept jours précédant l’interview, que «le taux d’activité est estimé à 50,7% de la population en âge de travailler (personnes de 10 ans et plus). Le taux d’occupation s’établit à 38,7%, ce qui signifie que sur 100 personnes en âge de travailler, moins de 40 occupent un emploi. Le taux de chômage du Bit au sens strict est estimé à 10,0% au niveau national avec un niveau plus élevé dans la zone urbaine de la région de Dakar (16,0% contre 6,3% en milieu rural) et chez les femmes (13,6% contre 7,9% pour les hommes). Près de 23,0% des travailleurs sont en situation de sous-emploi invisible, c’est-à-dire qu’ils ont des revenus d’activité insuffisants, les conduisant à chercher activement à les augmenter pour satisfaire leurs besoins.»
Cette précarité de l’emploi explique la forte dépendance qui sévit dans le pays : 100 travailleurs ont à leur charge 270 personnes dépourvues d’emploi. La dépendance économique est plus lourde dans les autres villes et en milieu rural (290 inoccupés pour 100 actifs occupés) où le sous-emploi est aussi plus sévère (27,0% des occupés). Ce taux est totalement inexpressif de la réalité du chômage. Pour ce qui est de la pauvreté, la tendance à son augmentation est confirmée. Ainsi selon l’Esps, «au niveau des communautés comme au niveau des ménages, la pauvreté perçue est très étendue. Plus de la moitié des ménages (56,0%) estiment que leur communauté est «très pauvre» ou «un peu pauvre». Bien que l’incidence de la pauvreté perçue soit moindre au niveau des ménages, elle reste toujours élevée : 52,0% des ménages se considèrent comme «pauvres». Sur l’ensemble des ménages qui se sont prononcés sur l’évolution récente de la pauvreté, près de 44,0% pensent que celle-ci s’est plutôt aggravée au cours des cinq dernières années. Toutefois, les perspectives sont moins sombres : moins du quart des ménages (22,0%) pensent que la pauvreté pourrait s’aggraver dans les cinq prochaines années».
Ces longues évaluations de la pauvreté urbaine comme rurale conduisent à deux conséquences importantes et contradictoires : d’une part l’absence d’autonomisation de la jeunesse et d’autre part le délitement des filets de protection suite à la pauvreté de masse. C’est dire que plus la pauvreté augmente, plus se dégradent la situation sociale et les services publics de base.
Manifestement, qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, les jeunes sont devenus le moteur principal des révolutions mais également l’espoir pour introduire les changements indispensables dans des sociétés sclérosées et oligarchiques. Ils sont dans de bonnes prédispositions car ils ne connaissent ni les préjugés, ni les peurs, ni le scepticisme des générations précédentes, celles de leur père et de leurs grands frères. De surcroît, les Technologies de l’information et de la communication, les télévisions et les nombreux medias, les nouveaux réseaux sociaux leur ouvrent des perspectives d’internationalisation de leur révolte et le développement de vastes réseaux de solidarité bien au-delà des frontières nationales. L’Internationale est bien le genre humain.
On ne comprendra rien aux problèmes de la jeunesse aussi longtemps qu’on ne les insère pas dans le contexte de la mondialisation libérale caractérisée par de lourdes tendances à l’uniformisation économique, sociale, culturelle et des mu¬tations profondes introduites par les Technologies de l’information et de la communication qui accélèrent le niveau des savoirs et qui deviennent de puissants instruments de démocratisation et d’émancipation. Dans ce sens, au rythme auquel le savoir s’épanouit, la somme des connaissances de l’humanité sera quatre fois plus importante qu’elle ne l’est au moment où un enfant né, aujourd’hui, sortira de l’université. Quand il aura cinquante ans, 97% de ce qu’il saura à ce moment-là auront été in¬ventés depuis sa naissance. Avec les télécommunications, Internet et les réseaux sociaux, les jeunes de n’importe quel coin de la planète sont au contact quotidien avec des modèles de vie, des comportements et des valeurs qui peuvent divorcer d’avec ceux de la famille et de la société.
Les problèmes posés par la jeunesse sont inédits. On n’en saisira pas le sens aussi longtemps que l’on se rassure en affirmant, pour se convaincre, qu’il y a toujours eu de tels comportements chez les jeunes. Il est symptomatique que l’étincelle qui a conduit Ben Ali à «dégager», le 17 décembre 2010, malgré les prétendus 3 millions de militants, soit partie de l’immolation par le feu d’un jeune diplômé universitaire à qui la société n’offrait d’autres perspectives que de vendre des fruits dans la rue ; ce qui lui a été interdit avec brutalité par la Police au nom de l’encombrement humain des trottoirs. Ce message a le bénéfice d’être clair.
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Sénégal 2012 : Qui élire ? La jeunesse sénégalaise est interpellée
C’est un sentiment d’angoisse qui m’anime. En cette veille des échéances électorales, une grande partie de la jeunesse sénégalaise comme moi-même ne sait pas sur qui porter son choix. Qui pour nous réconcilier avec la politique ?
Les nombreuses dérives notées dans l’exercice du pouvoir depuis l’an 2000 ont fini d’offrir à la face de la jeunesse sénégalaise, les conséquences des erreurs de la génération précédente. En effet, acculée par le chômage et excédé par un appauvrissement jour après jour, la jeunesse s’était unie comme un seul homme pour confier les rênes du pays au régime libéral.
De nos jours, on peut dire rebelote ! C’est vrai que le bilan n’est pas totalement négatif. Des réalisations ont été faites, mais à quel prix ? Au moyen de quels appels d’offres ? On constate même l’affaiblissement de la Justice dans ces scandales financiers, pourtant, on en a à la pelle. A cela s’ajoute, le désespoir !
Oui ! N’oublions pas tous ces jeunes défiant les vagues de l’Atlantique dans l’espoir intime de trouver des conditions de vie meilleures loin de leur terre natale. Que dire de ceux qui ont perdu des êtres chers dans le tragique accident du bateau le Joola. A ce propos, rappelons nous ce livre de Abdou Latif Coulibaly dans lequel il nous narrait comment l’argent qui pouvait servir à réparer ce navire, a été préféré pour apporter des modifications à l’avion présidentiel. Pour le rendre plus cossu paraît- il !
Ces quelques exemples nous permettent de voir tout le gâchis qui a été fait en dix ans. Au moment où s’approche l’échéance des Objectifs du millénaire pour le développement (Omd), peu de points ont été réglés. Une nouvelle alternance s’impose…
A côté du régime libéral, il y a l’opposition dite significative, Bennoo Siggil Senegaal. Un ensemble de partis la forment. A travers les Assises nationales, ils ont proposé un plan de sortie de crise permettant à terme de remettre sur les rails notre cher pays.
Nous en convenons que 2012 doit être l’année de l’émergence d’une nouvelle classe politique et d’un nouveau type d’homme politique. Les regards sont par conséquent orientés vers cette opposition.
Malgré tout, Bennoo n’arrive pas à solder ses divergences et imposer un leader charismatique. Le rêve d’un candidat de l’unité s’est hélas évaporé.
Face à une telle situation, des personnalités s’en sont détachées et comme toujours il y a une pléthore de candidats.
Qui choisir ? Car nous ne croyons plus au candidat-messie ! Oui il n’est plus question de tout miser sur un candidat et lui tailler des institutions sur mesure (M. Wade nous l’a appris à nos dépens). Mais cette question tarde à trouver réponse et les jours filent vers la date fatidique du 26 février 2012. C’est vrai les joutes électorales sont le rendez-vous entre tous les partis politiques et la population. Elles permettent de témoigner de la bonne santé ou non des partis et à un notre niveau, de notre démocratie. Cependant l’intérêt supérieur de la Nation sénégalaise commande une unité de cette classe politique pour imposer une alternance.
Les Sénégalais ont une longue tradition de vote, (depuis 1848 nous votons !), et comme à chaque rencontre avec l’histoire, il nous faut faire le bon choix. Il y a une réalité, aucun candidat ne se dégage complètement comme leader de l’opposition. Cet éclatement des forces semblent bien être la preuve d’un manque de maturité, mais la scène politique sénégalaise nous a habitués à des surprises de dernière minute. Nous osons espérer qu’avant même la date de dépôt des candidatures, des alliances fortes vont se former et que ces divisions n’étaient en fait que des stratégies électoralistes. Vivement un type d’homme politique nouveau !