La corruption met les rieurs de son côté
100% SUD - DEGAT COLLATERAL INATTENDU DE L’AFFAIRE SEGURA - La corruption met les rieurs de son côté.
C’est une histoire que le dernier des égoïstes n’irait garder pour lui tout seul dans ce Sénégal qui fait grise mine. Elle m’a été contée par un technicien qui travaille dans un groupe de presse, en présence de deux journalistes et d’une animatrice de radio. Elle est hilarante, certes, mais elle illustre surtout l’énormité des capacités de résistance du peuple sénégalais. Ne nous emballons pas, laissons Lat Dior et Diery Dior Ndella reposer tranquille ! Ici, il est question d’une résistance passive, assurément nocive, mais qui vaut le détour.
D’après le jeune technicien des médias, qui conduit un de ces scooters jamais en règle sur nos routes, de nos présents jours, quand les policiers réglant la circulation vous arrêtent et que vous vous mettez à dialoguer long, ils vous disent : « Arrête de discuter sama rak, segura ma rek ! ».
L’affaire Segura a donc offert au lexique du petit racket un nouveau mot, un verbe, néologisme construit selon la grammaire wolof à partir du nom du célèbre fonctionnaire du FMI. Il est né sur la route, mais on peut être sûr qu’il va être adopté partout où l’on graisse la patte avant de passer. Il faudra, alors, bien que l’on trouve à cette construction lexicale wolof, intraduisible mais que l’on peut interpréter ainsi qu’il suit : « File moi une mallette », un équivalent pertinent dans la langue française – on pourrait bien sûr chercher une interprétation plus originale, si on avait autant d’inspiration que notre glorieux Premier ministre, genre : « Respecte la tradition sénégalaise et donne moi un cadeau » ; mais ça serait un peu long pour le laconique, incisif et impératif segura ma rek !
Et nous voulons une traduction nette qui en conserve le génie originel (chapeau au policier qui a trouvé ça) et toutes les caractéristiques linguistiques : concision, clarté, du sens comme de la référence étymologique, et esprit.
Bien sûr, nous faisons appel à Pape Mody Niang, le prof. attitré de la RFM, avec « Parler français », au professeur Sangaré de l’UCAD, agrégé en grammaire, aux linguistes, mon ami Amadou Ndiaye, le professeur Sylla de l’Ifan, et à toute autre bonne volonté compétente. Car, nous-mêmes, laborieusement, loin d’approcher le génie de l’inventeur de segura ma, nous nous sommes égarés entre ségourager qui, certes, rappelle encourager, mais est plus proche de décourager, une idée contraire à l’idée de segura quelqu’un, telle qu’elle est accueillie dans le lexique wolof ; ségourater, bien sûr, pas bon – quand on segura quelqu’un, on ne le rate surtout pas ; ségourincer qui fait glouglou sous un gosier dans un bar miteux, et quelques autres constructions que nous faisons mieux de vous épargner.
Nous avons trouvé un sympathique ségouracketter, mais, non seulement il est lourd, il ferait en outre passer le verbe de sa forme active à une forme passive : ce ne serait plus le policier qui proposerait un deal : « door ma dara », mais le motocycliste qui se plaindrait : « L’agent m’a ségouracketté ». Ce n’est pas ça l’exercice. Bref, j’ai ségouramé toute la nuit, je n’ai pas trouvé de néologisme équivalent en français, au si joli, léger, mais plein de sens segura ma, que seul le génie de la langue wolof, combiné au sens de l’humour hors du commun d’un policier, a pu engendrer.
Seulement, sous un autre registre, tout le monde sera d’accord avec moi pour dire qu’avec l’Affaire Segura, le président Wade s’est ségouramassé une lourde gamelle et, quels que fussent ses desseins, a réussi deux choses : ségouratatiner l’image du Sénégal dans le monde, et rendre la petite corruption sympathique. Face à un sourire malicieux qui vous fait « segura ma rek, sama rak », qui ne donnerait pas 1000 francs au lieu de 500 pour défaut de casque !
Casquez, ou ségouraquez (ha, finalement, ça vient un peu) camarades ! Avec le rire en prime, c’est de loin moins cher payé qu’une claque diplomatique, la risée internationale et une réputation sulfureuse en prime, le tout facturé 90 millions de nos francs en devises fortes. Heureusement que c’est remboursé par la Ségurité sociale (au FMI) !
PSK, invité spécial