Le retrait des Forces françaises ou La tragéd
Le retrait des Forces françaises ou La tragédie des infrastructures.
Que mes compatriotes se rassurent. Je n’ai nullement l’intention encore moins le pouvoir de remettre en cause une décision à priori salutaire, prise d’un commun accord par les hautes autorités de la France et du Sénégal. Cela est d’autant plus vrai que j’ai toujours eu l’intime conviction qu’un jour ou l’autre, la France retirerait la totalité de ses bases des anciennes colonies. En revanche, ce qui m’inquiète particulièrement et qui constitue l’objet de la présente contribution, c’est le sort qui pourrait être réservé aux infrastructures et au patrimoine foncier que la partie sénégalaise va hériter des Forces françaises. Nous savons tous que ce n’est pas la première fois que la France aura à céder des biens immobiliers à notre pays. Mais il faut l’avouer ces cessions n’ont pas toujours été suivies d’un traitement heureux et d’une utilisation rationnelle, équitable et durable.
Si je me réfère à Saint-Louis, l’ancienne capitale du Sénégal, le premier retrait des troupes étrangères a eu lieu après les indépendances. La France nous a alors légué notamment le célèbre Palais du Gouverneur général, le Camp Gazeilles, le Camp Elhadj Oumar, le Roniat Nord, le Roniat Sud, le Camp de Dakar Bango, l’édifice de l’ancienne Assemblée territoriale, sans compter les logements et autres immeubles comme le Bloc des 22 et le Bloc des 16. Voilà qu’au fil des ans, sauf quelques rares exceptions, la quasi-totalité de ces infrastructures se trouve dans un état de délabrement avancé. Le Camp Gazeilles laissé à son triste sort est dans un état lamentable depuis des décennies ! Le premier Bloc des 22 est devenu un immeuble dangereux et inhabitable susceptible de s’effondrer à tout moment. Le deuxième bloc réhabilité il y a quelque temps a heureusement gardé son lustre. L’édifice de l’Assemblée territoriale fait partie des rares exceptions qui ont échappé in extremis à la tragédie du délabrement. En effet, il a été récemment rénové pour abriter le Conseil Régional de Saint-Louis.
Voilà donc qu’un demi-siècle après le premier retrait des forces coloniales et cette première cession de biens, le Sénégal va encore recevoir de la France des immeubles et des terres d’une valeur inestimable ! Compte tenu du bilan peu reluisant du premier transfert d’héritage, la question que tous les observateurs se posent, à juste raison, est de savoir ce qu’il en sera après ? Va-t-on assister à une ruée d’obscurs prétendants vers ce patrimoine national ? Va-t-on le partager ou le répartir dans une totale opacité ? À priori, j’ai toutes les raisons de faire confiance au Chef de l’État pour que soit évitée toute ruée de « vautours » sans droit ni mérite sur ce patrimoine commun de la Nation.
Le Président Senghor ne disait-il pas en son temps : « Les Sénégalais sont capables des plus grandes réalisations, mais leur grande faiblesse c’est l’entretien et la maintenance dans un esprit d’organisation et de méthode » ?
Je n’ai sûrement pas besoin d’appeler la haute attention du Chef de l’État, Gardien de la Constitution, sur les termes de son serment devant Dieu et devant la Nation sénégalaise : « Je jure de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale…. ».
Je n’ai certainement pas besoin de signaler aux institutions républicaines que la défense de l’intégrité du territoire c’est non seulement défendre le pays contre l’ennemi venu d’ailleurs, mais également et surtout, défendre son patrimoine et son héritage contre les « vautours », les prédateurs et les détourneurs de toutes sortes. Ces assoiffés d’immeubles et de terres qui tenteront par tous les moyens, de s’approprier frauduleusement des lopins de terre par-ci, des appartements et des villas par là, à l’insu et contre les intérêts de notre peuple, devront être démasqués et neutralisés sans complaisance.
Je n’ai sûrement pas besoin d’inviter à la vigilance tous les segments de la société sénégalaise pour que toutes ces infrastructures léguées par la France reviennent au Peuple sénégalais ! Exclusivement au Peuple sénégalais.
À mon humble avis, la priorité pour l’occupation de ces infrastructures devrait être accordée à l’Armée, à la Gendarmerie, à la santé et à l’éducation. En un mot, il sera question avant tout d’assurer la réinsertion sociale de ces braves travailleurs civils sénégalais qui vont perdre leur emploi et ensuite veiller à affecter le patrimoine immobilier exclusivement aux Forces de défense nationale, à l’Éducation et à la Santé, ces trois forces motrices fondamentales pour une Nation qui se veut forte, stable et respectable.
Moumar GUEYE
Écrivain
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