Création de nouvelles cimenteries ou pillage
Création de nouvelles cimenteries ou pillage de nos ressources nationales ?
Valoriser ses ressources nationales revient à créer de la richesse et du travail en s’appuyant sur ses dotations factorielles afin de pouvoir mieux se positionner dans un monde en perpétuelle compétition. La volonté politique de valorisation de nos ressources locales accroit les moyens de production et les forces productives dans la perspective du développement industriel véritable de nos Etats faiblement représentés dans le commerce mondial. Toutefois, surproduire en épuisant rapidement ses ressources minières par une exploitation sauvage et provoquer incidemment une saturation du marché, ne rentre pas dans une viabilité et cohérence économique pour une gestion rationnelle et durable des ressources rares.
Le Sénégal, en effet, a besoin pour longtemps encore de ses réserves en minerai pour les générations futures afin de garantir une production pérenne de ciment de qualité à moindre coût, dans les meilleures conditions d’investissements et de respect des équilibres du marché sous régional et mondial de ciment et de l’écosystème.
Au vu actuellement du rythme élevé de l’exploitation des carrières en relation avec l’offre nationale de ciment qui est passée de trois millions de tonnes à 6,5 millions de tonnes par an, soit, plus du doublement des capacités antérieures en si peu de temps, il y a lieu de faire très attention sur l’ouverture de carrières nouvelles dans le but d’éviter la surexploitation de l’environnement, la dégradation accélérée de l’écosystème et l’épuisement prématuré du minerai.
Au demeurant, cette offre nationale de 6,5 millions de tonnes par an rendue possible par les augmentations des capacités de production des structures actuelles (SOCOCIM INDUSTRIES et CIMENTS DU SAHEL), va non seulement assurer la satisfaction de la demande croissante de ciment au Sénégal pour les 25 prochaines années ( progression de 5% l’an), mais aussi, permettra l’approvisionnement à long terme des marchés sous régionaux adjacents en quantité suffisante et à des prix compétitifs, au moyen de performances opérationnelles d’économie d’énergie consécutives à l’installation de nouvelles lignes de production ultra modernes.
Le taux de consommation de ciment par habitant au Sénégal ,pour une offre de 500 Kg/habitant ,avoisine la moitié, équivalente à 250 Kg/habitant , faiblement inférieur au taux de consommation de ciment par habitant du Maroc et de l’Algérie (300 et 310 Kg/habitant respectivement). Le problème, ici, n’est pas de comparer le nombre de cimenteries par pays, encore que l’Algérie qui est un grand pays producteur de pétrole avec une propension à la construction plus forte, fait plus de 10 fois le Sénégal en superficie et 3 fois plus en termes de puissance démographique.
C’est dire qu’il y a lieu de relativiser l’offre nationale par rapport aux capacités d’absorption des pays. Avec un taux de consommation 250 kg / habitant et une offre de plus de 500 kg /habitant, le Sénégal devient un exportateur net de ciment et se positionne à la première place en matière d’offre du produit par habitant en Afrique, tandis que l’Algérie, en dépit d’une production nationale de 12 millions de tonnes par an, importe du ciment pour couvrir la totalité de ses besoins. Il s’y ajoute que les données actuelles et futures des conditions du marché international du ciment et les possibilités offertes aux pays voisins du Sénégal d’installer des industries de ciment à l’image de la Mauritanie qui vient de créer une unité de broyage d’une capacité de 700 mille tonnes de ciment par an, doivent nous inciter à la prudence pour l’ouverture de nouvelles carrières et la création de nouvelles cimenteries au Sénégal.
La mise à disposition dans le marché Sénégalais et sous régional de 3 millions de tonnes de ciment supplémentaires de surplus de production par rapport à la demande intérieure est assurément une œuvre de forte amplitude largement suffisante pour couvrir les besoins sous régionaux jusqu’à très long terme .Cette formidable augmentation des capacités est pratiquement l’équivalent de la création de trois grandes cimenteries nouvelles dans le même espace de temps, sur le même territoire, d’une capacité chacune de 1 million de tonnes de ciment par an, pour des investissements de l’ordre de 450 milliards de Francs CFA. C’est dire qu’on ne peut pas prendre de gros engagements en augmentant la taille des industries existantes et en procédant à des investissements lourds et au même moment autoriser la création d’une troisième cimenterie qui ne serait que spéculative.
Cette attitude ferait doublon et désordre et ne cadre pas avec la rationalité économique en matière de gestion de ressources rares, de rentabilisation des investissements, de protection de l’environnement et du développement durable et harmonieux du Sénégal .Certes, il faut fouetter l’investissement, mais, il ne faudrait pas investir dans n’importe quel domaine qui entraînerait des perturbations et déséquilibres préjudiciables à la rationalité économique et à la préservation des intérêts des générations futures.
Le liant hydraulique qui est le ciment est un bien stratégique entrant à titre principal dans la consommation des ménages des Sénégalais et des entreprises évoluant dans le secteur du BTP à la base de la construction de l’habitat social et des infrastructures. Tout le monde sait la part contributive importante de ce secteur dynamique dans la formation du PIB. A ce niveau, il faut relever les performances de SOCOCIM INDUSTRIES qui a su opérer les extensions successives qui ont permis sans anicroches de couvrir les besoins du Sénégal pendant plus d’un demi siècle et se féliciter de l’avènement des CIMENTS du SAHEL en 1998 et qui va porter sa production actuelle de 600 000 tonnes à 3 000 000 de tonnes très prochainement, ce qui est fort appréciable.
Il valait mieux procéder à des extensions des cimenteries actuelles que de créer de nouvelles cimenteries afin de permettre la réalisation d’économies d’échelle pour une meilleure compétitivité. Les extensions étant aussi des créations d’unités nouvelles avec de meilleure performances et d’expériences garanties. Ce qu’il y a lieu d’éviter, c’est l’anarchie par l’exploitation sauvage des carrières, la spéculation et la saturation des marchés en veillant à une cohérence globale dans l’investissement et la création d’entreprises pour le développement durable du Sénégal.
Kadialy GASSAMA, Economiste
Rue Faidherbe x Pierre Verger
Rufisque