DU PEUPLE
Article Par Fallou Mbacké Diallo, fmdiallo1@yahoo.fr,
Paru le Lundi 21 Mai 2007
Le 30 juin 2006, par eux-mêmes et pour eux-mêmes, d’autorité, nos députés ont prolongé leur mandat. Pour la défense et l’illustration de notre démocratie. Au nom du peuple ! Le 03 juin prochain, les mêmes députés, pour les mêmes raisons, solliciteront nos suffrages. Pour une même prolongation : de 5 ans. 30 juin 2006, 03 juin 2007 : temps de latence, temps de vacance. Durant lequel, l’Assemblée, plus partisane que nationale, n’a été que le cadre légal de réjouissances solitaires, solidaires, pour des députés totalement illégitimes et littéralement accrochés à des privilèges petit-bourgeois. Dans une telle démocratie, où les citoyens sont si parfaitement dépossédés de leur citoyenneté, et où le Législatif légifère de façon si étroitement partisane, l’Exécutif peut, en toute légalité, s’autoriser tous les abus. Pour s’assurer une reproduction indéfinie de son propre pouvoir, source unique et exclusive de tous les pouvoirs. C’est pour cette raison que la même Assemblée nationale, qui en 2001 avait disqualifié et aidé à enterrer le Sénat, le ressuscite aujourd’hui. Sous la dictée du même Gardien de la Constitution, invoquant le même motif : renforcement de notre système démocratique. A travers une Chambre de 100 représentants, dont les 65 seront directement nommés par Lui. Et, qui plus est, dont le futur président sera si haut perché au sommet de l’ordre protocolaire de la République, qu’il supplantera le président de l’Assemblée nationale. Mais le paradoxe est que depuis cette annonce, au sein du camp libéral, comme dans les discussions (publiques et privées) des citoyens, les supputations vont bon train, seulement sur l’identité de cette future deuxième personnalité de la République. Les journalistes eux-mêmes, encore une fois, sont tombés (inconsciemment ?), dans le piège. Et, prenant l’effet pour la cause, ils se mettent à disserter sur les batailles de positionnement intra-libérales. Laissant de côté les motivations purement politiciennes et résolument pouvoiristes qui sous-tendent l’inopportune résurrection de cette deuxième Chambre. Dont on sait parfaitement qu’elle vise plus à renforcer et mieux ancrer au pouvoir le camp libéral, qu’à approfondir notre système démocratique. Le Président Wade aura ainsi réussi à mettre la souveraineté populaire entre les parenthèses d’une légalité constitutionnelle indéfiniment extensible, pour confondre dans la même personne (de son choix), son successeur à la tête de son parti et de l’Etat. Il s’agit-là, hélas, d’une tradition monarchique, caractéristique de notre démocratie. En effet, après 20 ans de pouvoir, Senghor avait adoubé Diouf. Qui, à son tour, n’eût été l’inattendu sursaut des citoyens, en aurait certainement fait de même avec Tanor. Quant à Wade, «Les socialistes ont fait 40 ans au pouvoir. Nous en ferons bien 50», promettait-il au lendemain de son élection. En attendant, 7 ans après, à la suite des Ics, la Senelec s’enténèbre. Ramenant les citoyens à l’âge de la bougie. Annihilant tous les efforts de tous les secteurs de notre économie. Au point que le chef de l’Etat donne 90 jours à son ministre de l’Energie pour lever cette impertinente hypothèque. Qui dure depuis si longtemps. Pourtant, malgré Tout, les mêmes députés, qui depuis 2000 ont été au service exclusif de l’Exécutif, battent aujourd’hui campagne dans toutes nos campagnes. Et promettent de résoudre tous nos problèmes ! Ils le jurent au nom de ce qu’ils croient. Et nous les croyons, n’ayant pas le choix. En espérant qu’à l’issue de ces lassantes Législatives, les pâles lumières de la Senelec seront suffisamment vives. Pour éclairer et humaniser les prix des denrées de première nécessité, à défaut de stopper leur flambée sauvage et totalement incontrôlée. Faute de quoi, en tant que citoyens, nous serions en droit de penser de nos autorités, ce que Lucien Bodard pense du comportement des Blancs vis-à-vis des Indiens : «(…). Il s’agit de garder les Indiens dans un primitivisme largement amélioré ; car, tout les tue. Non seulement les balles des aventuriers, mais aussi la civilisation avec ses microbes et même sa philanthropie.» En effet, hier avec l’esclavage et la traite négrière, puis la colonisation, les Blancs nous traitaient comme des hommes à qui il manquait l’humain. Aujourd’hui, il ne s’agit plus que de nous-mêmes et d’une partie de nous-mêmes : nos politiciens. Qui usent du même philanthropisme condescendant et messianique. Exploitant les plus abjectes de nos misères pour asseoir leurs privilèges et entretenir l’espoir en nous. Concevant ainsi et pratiquant la politique comme une de ces…philanthropies qui tuent.