les déprédateurs !
Ils reviennent, les déprédateurs !
? Connaissez-vous Palo
Les Sénégalais d’un certain âge ont appris à l’école primaire que c’est à Palo où se trouve le phos¬phate d’alumine. Un gisement u ni que au monde, une réserve que l’Etat, ses partenaires et principalement la Sspt exploitent depuis 1952.
! ! Et c’est là le problème : la Société sénégalaise des phosphates de Thiès (Sspt) veut remettre la main sur nos terres, 108 ha dans un premier temps pendant que d’autres con cessionnaires sont à l’affût, prêts à dépecer les proies paysannes Palo est un pittoresque village de la Communauté rurale, de Montrolland, à 15km au nord de Thiès. Pendant 50 ans, notre village, telle une vache à lait a abreuvé le Sénégal de milliards. Puis survint la crise du phosphate d’alumine de 1998 à 2009, malgré des ré serves considérables dont regorge la zone. Aujourd’hui, c’est apparemment l’embellie dans le monde minier : les clients se bousculeraient au portillon ! Et ils re viennent, les déprédateurs, dans notre brousse de misère
; chat échaudé craint l’eau froide, pour s’en convaincre, il suffit de jeter un simple regard sur notre village pour se rendre compte des dégâts incommensurables causés par les anciens exploitants. Et ils reviennent avec des promesses mirobolantes à faire baver de bonheur tous ces déçus de la Sspt. Car déçus, dépités, frustrés nous l’avons réellement été
? ? Palo est comme une vache étique dont on a sucé tout le lait. Qu’avons-nous tiré de l’ancien concessionnaire Palo est une catastrophe environnementale ! Un décor chaotique, digne du film western américain avec ses excavations, ses canyons, sa rocaille, ses dunes de déchets… (revisitez l’histoire du Sioux et du méchant Blanc). Pouvez-vous imaginer que cette plaie béante de 30 mètres de profondeur, à 300 mètres du quartier Dougounane, fût un grouillant terrain de football
: le ravinement des eaux torrentielles oblige souvent à passer la nuit à la belle étoile, le quartier étant inaccessible. ? Demandez à ce quartier accroché au flanc d’une colline ce qui constitue sa hantise lorsque le ciel de l’hivernage s’alourdit ; demandez à ces deux survivants «maltraités» à combien s’élève leur pension trimestrielle ? Il nous faut aller à Montrolland ou à Koudiadiène, 6km à pied ou en charrette qui «usent» bien de grabataires. Pour vous dire que les milliards extraits de ce sol n’ont laissé en «héritage» ni eau courante, ni électricité, ni téléphone, ni école, ni dispensaire, rien que ruines et désolation. Rien à envier, par ailleurs, aux rares Palotains qui ont eu à travailler dans cette mine en termes de réussite sociale Les anciennes pistes de production ravinées et plus jamais entretenues (malgré les demandes sans suite) accentuent notre enclavement surtout en hivernage. Comment alors évacuer nos malades puisque nous n’avons ni dispensaire ni case de santé
? Un moulin dont la pétarade rappelle paradoxalement les marteaux-piqueurs d’antan. : un forage souvent en panne sèche, un début d’adduction d’eau, ces puits profonds que l’on sollicite de temps en temps (l’une des meilleures eaux du pays !) Puis quoi encore Qu’avons-nous engrangé jus que- là ? Au-delà de la Sspt , les seules traces de l’Etat dans ce bled perdu, ce sont les deux salles de classe de l’Alternance ! Quelle maigre reconnaissance ! Les seuls signes visibles de «développement» nous proviennent du partenariat avec quelques bonnes vo¬lontés
Et ils reviennent les déprédateurs, explosifs en mains, indifférents à la clameur désolée de notre terroir. Dans le tintamarre de leurs gros engins, ils savent pourtant que nos champs sont nos seules richesses, aussi dérisoires soient-elles face à leurs milliards escomptés. Ils savent que c’est notre raison de vivre, si précaire soit-elle.
: que plus rien ne soit comme avant. Du temps où nos grands-parents ont préféré se pelotonner craintivement dans leurs cases maintes fois ébouriffées par le souffle dévastateur des mines. Ils le savent, bien sûr, que nous avons raison de crier contre l’injustice, de réclamer plus de justice
Ne comptez surtout pas sur le pouvoir de l’argent pour nous aliéner, pour faire rouiller à jamais nos hilaires, nos dabas et nos coupe-coupe.
Mais, bien avant qu’ils ne se rouillent…
Le Palotain Albert FAYE - Lycée Malick Sy Thiès