Quel enseignement tirer du 23 juin 2011 ?
Quel enseignement tirer du 23 juin 2011 ?
Le Sénégal n'est pas à l'abri des fureurs de notre planète. Ce jour en est une parfaite illustration et doit servir de leçon á tous ceux-là qui nourrissent le vœu secret de bafouer la souveraineté populaire. Ce jour est aussi solennel que le 4 avril 1960 ou mai 68. Epaules contre épaules, debout comme un seul homme, le peuple sénégalais, au-delà de tous les clivages politiques et confessionnels, a brisé l'omerta prouvant ainsi à Wade et à son régime qu'il est certes silencieux, pacifique mais intransigeant avec certaines valeurs comme la Constitution, socle de toute démocratie et en même temps infligé un démenti cinglant à tous ceux qui confondaient sa républicanité à une soumission. Je pense qu'ils l'ont appris à leurs dépends.
Abdoulaye Wade est pourtant un réel fruit de l'exode rural, de l'immigration et du ‘goorgoorlu’ car, faut-il le rappeler, cet homme est né vers 1926 à Kébémer où il mène ses études primaires, avant de les achever à Saint-Louis. L'exode le mènera à Dakar et plus précisément à Sébikotane où il suivit les cours de l'école fédérale William Ponty et du lycée Van Vallenhoven.
Il fait partie de ceux-là qui ont été nourris à la sueur et à la sève de ses concitoyens car, au cours de son cursus secondaire et universitaire, l'Etat sénégalais lui décerna une bourse d'études qui lui permit d'intégrer les universités de Besançon, de Dijon et de Grenoble d'où il obtint en 1959 son doctorat en Droit et en Sciences économiques. Il revient au bercail en 1974 et crée le Pds comme parti de contribution, parti qui, plus tard, se convertira en opposition.
En opposant, il avait mené une farouche opposition au ‘parti unique’ et participera de manière décisive à l'émancipation de la démocratie avant de se transformer aujourd'hui en un Parti dictatorial sénégalais (Pds).
Arrivé au pouvoir, il se renie et établit tout ce dont il avait combattu pendant vingt-six ans d'opposition. Il instaure le pinochétisme, c'est-à-dire ce mélange de dictature et d'ultra-libéralisme. Avec ce courant, n'existe de justice que pour ses laudateurs qui chantent ses louanges le jour et le dénigrent au crépuscule. Il construit l'âtre le plus chaud afin de n'attirer à ses côtés que des badauds, des médiocres, des gens qui ne sortent de nulle part et qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Il châtie ses compagnons de lutte d'hier et sacrifie ainsi son destin politique. C'est le vrai exemple du démon totalitariste et populiste autoritaire contemporain.
Hommes politiques, concurrents à la magistrature suprême, unissez-vous car, en politique, même l'union de la médiocrité fait la force. La libération du Sénégal est plus que jamais un impératif. Le chemin est déjà tracé. Monsieur le Président de la République, Me Abdoulaye Wade, pour gouverner, il faut plaire au peuple, apprendre le langage du peuple qui est aussi le vôtre, mais aussi savoir laisser sa place au parti d'en face une fois que le peuple en a marre.
Mouhamadou HANNE Président de la Diaspora sénégalaise pour le développement à Barcelone (Dsd/B) hannmomo@yahoo.es - hannmomo@hotmail.com
Le ticket-gate ou ticket de sortie
Ce Jeudi 23 Juin, j’étais présent au rendez-vous de la place Soweto, point de ralliement de tous les leaders de l’opposition et de la société civile, mais aussi à ma grande surprise de cadres de grandes sociétés privées de la place et de dirigeants d’entreprises qui ont voulu à tout prix honorer de leur présence cette journée historique du peuple sénégalais, confronté à l’intolérable mépris de ses élus sur sa souveraineté. Le risque, pris par ces citoyens descendus dans la rue pour manifester, était aussi grand que celui d’un vaillant soldat dans un champ de bataille. Il s’agissait pour eux d’accomplir un devoir impérieux et cela s’est soldé par une victoire, dont la portée est très significative pour le devenir de la nation ; ils peuvent être fiers devant ceux qui avaient préféré ne pas s’exposer à aucun risque. Leur audace a été payante il faut s’attendre à ce que cela fasse des émules à la prochaine convocation à défendre une cause juste. L’autre surprise que j’ai eue est la communion avec les forces de répression, ces policiers qui ont su faire montre de loyauté dans le service sans faire de zèle. Je ne me suis jamais senti aussi rassuré que d’être si proche d’eux, malgré leurs menaçantes matraques et grenades à la main. Les manifestants eux- mêmes se sont retrouvés en train de les applaudir bien des fois. Ils étaient à leur écoute et dans leurs visages j’ai même perçu lorsque le retrait de la loi fut annoncé, la même jubilation interne en eux que celle de tout le monde. Alors j’en ai déduit que le sort de ce régime était scellé, il est tout proche de sa masse critique et sa dislocation est imminente. Abdoulaye Wade n’a déjà plus l’autorité morale nécessaire fondée sur la légitimité pour gouverner avec sérénité ce pays, ce qui le retient à son poste c’est paradoxalement la force des institutions pour lesquelles il a si peu de respect. Le peuple ne s’intéresse plus à lui si ce n’est que pour savoir quand est-ce qu’il va dégager. Voilà pourquoi il lui a servi ces événements du 23 juin qui pour l’histoire, sont une belle réplique du sursaut de dignité national au jour du 26 Août 1958 face au Général De Gaulle pour réclamer notre indépendance. Qui sait combien de deals misérables étaient noués derrière ce ticket présidentiel aux dépens du peuple, de projets mesquins et inavouables ainsi déjoués en ce jour mémorable. Je suis convaincu que désormais une page est tournée et notre démocratie s’est renforcée aux dépens d’apprentis de Machiavel perdus dans l’illusion de pouvoir la manipuler à leur gré. Désormais notre Sénégal ne sera plus le jouet d’aucun élu qui s’en servirait avec sa famille et ses affidés pour abuser, dévoyer, dérober, dévaloriser, décrédibiliser et nous décevoir impunément. Je n’ai personnellement jamais désespéré de l’avènement d’un jour comme ce 23 Juin, car convaincu que le Sénégalais n’était en rien une spécificité hors de l’espèce humaine et que le jour où sa motivation serait suffisante pour l’amener à agir, il ferait ce que l’on attend de tout autre homme pour manifester son patriotisme. Que l’on arrête de se méprendre sur son compte et de proclamer - qu’il ne se passera rien au Sénégal – qu’en d’autres lieux il y a eu des soulèvements pour moins que ce qui arrive ici – que le Sénégalais a peur des balles ou de la mort, etc… Ce faisant on se trompe lourdement, passant la partie la plus intéressante de l’histoire restée non dite par « pertes et profits ». Aujourd’hui qu’il est démontré que le Sénégalais est un homme comme tous les autres, le décryptage des événements du 23 Juin ne trouverait sa pertinence que dans l’appréciation correcte de sa capacité à réagir - de sa maturité qui le conduit à agir seul quand il le faut, marche vers des victoires assurées libre de toutes sortes de guides, social, politique ou religieux – de ce qu’il a exprimé non pas en ce jour précis seulement, mais par son attitude de toujours. Dès l’annonce de la victoire de ce mouvement, les médias ont été pris d’assauts par des supposés leaders pris de court et soucieux d’être honorablement qui auraient portéconcours bien trop discrets mentionnés pour leurs ses fruits. Qui est dupe ? Nous avons tous entendu ce que nous avons vu ce 23 juin, parce que nous croyons davantage en ce que nos yeux ont vu qu’aux mots soufflés dans nos oreilles. Ce qu’il est important de retenir et de tenir fermement : c’est qu’en tout état de cause pour le peuple, ces événements ont clos définitivement le débat sur la légalité d’un troisième mandat du président Wade et rendu inopportun le recours au Conseil Constitutionnel, en mettant à nu l’impopularité et l’illégitimité de celui à qui devait profiter le mandat. D’autres parts des conjectures prêteraient à Wade une dernière chance de sortir par la grande porte, c’est vraiment faire preuve d’excès de mansuétude, car pour dire vrai Wade à déjà raté sa sortie, perdu par son obsession à vouloir coûte que coûte être le meilleur président de l’Afrique de tout temps, alors que nous, Sénégalais, ne l’avions élu que pour être un bon président - tout juste. Imbu de ses illusions d’être l’eternel adulé, à la fois le roi et le peuple confondus, il a malheureusement actionné le ticket-gate, cette mince porte de sortie par laquelle passe ceux qui n’ont pu être ni grand homme, ni bon leader, même pas bon président avec des qualités morales et spirituelles louables. Il risque fort de tomber dans l’oubli, si ce n’est dans le sempiternel procès en disgrâce même à titre posthume. D’ici 2012 tout ce qui lui reste à faire ce sont ses valises, avec le sage souci de préserver sa liberté, celle de sa famille et les biens fortement suspectés leur appartenant. Sinon ils pourraient tous en l’espace d’une heure être piégés comme des rats dans ce pays et le peuple se ferait alors un plaisir de les entendre sur la façon dont ils ont amassé leurs supposées fortunes au moment où le peuple s’appauvrissait gravement et les sociétés vitales à l’instar de la Senelec tombaient en faillite.
Ibé Niang Ardo
Pdt du mouvement citoyen JOG CI
Cadre d’Initiative de Volontariat
d’Imagination et de Civisme.
Ibé Niang Ardo
Psychose au Palais
Le débat évolue au palais de façon hallucinante. Wade a finalement entendu le message de ceux qui souhaitent son départ de la présidence de la République. C’est un bon signe. Nous le croyions sourd à la clameur populaire. Il a enfin dit quelque chose : «L’opposition a voulu profiter de la manifestation des jeunes pour me demander de partir. Je ne partirai pas. Je reste ici». Donc il sait que ce sont les jeunes qui se sont révoltés. En 2000, ce sont les jeunes qui l’ont élu. En 2011, ce sont les jeunes qui disent : «Wade dégage» Y’en a marre. Monsieur le Président n’est plus muet. Depuis le 23 juin, son silence était suspect pour quelqu’un qui a toujours aimé parler et souvent pour ne rien dire.
L’opposition que vous traitiez de poltron, il y a quelques mois de cela est une entité très considérable du peuple et compte en son sein une frange importante de la jeunesse. Et, «le poltron d’hier, devenu courageux grâce à la puissance du peuple», s’arroge aujourd’hui le devoir de vous demander de partir avant qu’il ne soit trop tard. C’est pour chahuter, mais cette opposition n’a jamais été poltronne. Elle a été jusque-là soucieuse de la paix du pays contrairement à vous qui l’appeliez à la confrontation publiquement avec déraison.
L’initiative a changé de camp. En vérité, la réalité est la suivante ; l’opposition n’a fait que répercuter le cri de son peuple qui, le 23 juin 2011 a manifesté son mépris vis-à-vis de votre régime de façon violente. Et la faute d’une telle furie vous incombe. Dans un pays qui se dit démocratique, le Président aurait simplement démissionné avant qu’on ne le lui demande face à de telles émeutes… face à une rage populaire aussi intense. Vous aviez dit récemment que si votre peuple manifestait son désir de vous voir quitter le pouvoir, vous alliez partir. Alors, l’opposition a le plein droit de vous demander d’être conséquent avec vous-même.
Sur ce coup-ci, vous vous trompez de réplique. Aujourd’hui, ce dont il est question véritablement, pour respecter la légalité et apaiser les populations, c’est de votre renoncement public à une chose dont vous n’avez plus aucun droit : une candidature à l’élection présidentielle de 2012. Vous-même aviez dit en 2007, au lendemain de votre élection que la constitution du Sénégal ne vous donne plus la possibilité de vous représenter pour un troisième mandat. Donc, c’est la psychose certes au palais, chez vous, mais ne biaisons pas le débat.
Monsieur le président, arrêtez de narguer le peuple ! Cela n’augure pas de lendemains luisants pour vous. Nous avons entendu vos trois mousquetaires que sont Ousmane Ngom, Serigne Mbacké Ndiaye et Mamadou Diop Decroix minimiser l’ampleur de la révolte populaire du 23 juin 2011. C’est tout à fait normal car ce jour-là ils pensaient certainement à se protéger plutôt qu’à sortir pour voir réellement ce qui se passait dans le pays. En tant que membres du Pds ou de l’Ast, personne ne les a vus dehors pour porter la riposte aux manifestants. Maintenant que la tempête de ce jeudi mémorable est passée, ils peuvent jouer aux trois mousquetaires cherchant à sauver la femme du roi Louis XIII. Refusez avant qu’il ne soit trop tard que ces gens vous prennent pour Louis XIII et fassent d’eux-mêmes des Richelieu.
Refusez qu’ils vous prennent pour ce roi qui ne savait rien du fonctionnement de son Etat. Refusez qu’ils se prennent, eux-mêmes, comme les aiguilleurs incontournables de votre pouvoir en déliquescence ; ils vous trompent lourdement. Diop Decroix ne croit pas à ce qu’il dit sinon il serait sorti avec ses troupes ou troupeaux pour faire face aux manifestants du 23 juin 2011. Les forces de l’ordre de Ousmane Ngom ne savaient plus où donner de la tête, acculées qu’elles étaient jusqu’à leurs derniers retranchements. Les films sont là pour en témoigner. Quant à l’autre perroquet du palais qui n’arrête pas pérorer, il doit fermer son bec. Il a assez emmerdé le peuple avec ses sorties lamentables. Un Président doit s’entourer d’hommes et de femmes de valeur, de dignité et de foi. Il doit éviter de collectionner des béquilles et des manges -mil pour en faire des interlocuteurs directs ou des intermédiaires entre lui et son peuple. C’est indécent.
Quand le peuple, comme un lion furieux a rugi ce jeudi 23 juin 2011, parmi vos collaborateurs alimentaires, personne n’a osé sortir pour vous défendre. Ils se sont tous terrés comme de «petits ras» dans leur petit coin priant pour leur propre compte. Il est temps que vous sachiez que vous êtes trompé à longueur de journée par ceux qui vous disent que tout va bien. Rien ne va. Du tout ! Ils vous men…monsieur le Président. C’est faux. Pour apaiser très vite la tension afin de terminer votre mandat en février 2012 et partir, le seul chemin qui vaille est celui de la lucidité. Oubliez cette loi pour de bon ! La confrontation sera désastreuse pour vous. Les rapports de force vous sont défavorables. Tous ceux qui vous disent le contraire vous men…, Président. Le jeudi 23 juin 2011, ils vous ont laissé tout seul avec votre désagréable surprise.
Nous l’avions dit et nous le réitérons ; le mensonge est devenu dans ce pays la marchandise la mieux vendue. Parce que, face au Chaos, tous les miroirs se sont cassés. Ceux qui devaient jouer le rôle de régulateur social ont déserté leur mission. Ils se sont pratiquement tous compromis pour des prébendes ou de l’argent. C’est honteux.
Comment peut- on comprendre la sortie de Doudou Wade depuis l’étranger disant que notre chefferie religieuse a bénéficié des fonds politiques autrement que par une volonté affichée et affirmée de nous dire que cette chefferie ne peut plus ouvrir la bouche pour dire à Wade la vérité quand c’est nécessaire, comme le faisait Mame Abdou Aziz Sy Dabah en son temps avec nos gouvernants ?
Quand un capitaine est maladroit, son navire le ressent. Nous l’avions dit pour alerter le peuple depuis 2005 dans notre ouvrage : Ces fossoyeurs de la République. Non ! Wade ! Ressaisissez-vous ! Le Sénégal ne vous appartient pas. Ressaisissez-vous ! Vos lèche-bottes vous trompent pour leurs propres intérêts. Vous ne pouvez pas vous représenter en 2012 conformément à la Constitution. Faites une déclaration pour le réaffirmer au peuple. Occupez-vous de la dissolution du Sénat, de la réduction de la taille du gouvernement en chassant Souleymane Ndéné Ndiaye, Karim Wade, Cheikh Tidjane Sy, Ousmane Ngom, Serigne Mbacké Ndiaye, Alioune Sow entre autres… diminuer vos voyages coûteux et inutiles à l’étranger et supprimez les agences qui servent de gouffre financier à votre clientèle politique au détriment des préoccupations du peuple. Occupez-vous des paysans et prenez vos dispositions dès maintenant pour résoudre les questions d’inondation et d’électricité. Votre fils est un incapable. Acceptez-le comme tel.
Monsieur le Président, en faisant tout cela, adressez-vous en même temps à la nation sénégalaise avec humilité pour lui demander pardon afin qu’elle accepte de vous accorder une période de grâce jusqu’en février, vous permettant ainsi d’organiser les élections dans la transparence, sans être candidat à votre propre succession, et de remettre le pouvoir officiellement au nouveau élu. Autrement, aucune prière à la Mecque ne pourra vous sauver de l’humiliation qui vous attend au crépuscule imminent de votre règne. Le Dieu qui est à la Mecque sait ce qui se passe au Sénégal. Dans ce combat, il est du côté du peuple. Il faut savoir partir à temps en bon gentleman.
Tafsir Ndické DIEYE
Auteur de polars et de poésie
ndickedieye@yahoo.fr
Tafsir Ndické DIEYE
Les forces sur ordre, farces de l’ordre
En plus de la mission initiale qui est assignée aux gendarmes et autres policiers qui consiste à faire rétablir l’ordre, il advient dans le contexte actuel d’en effectuer un autre jugement qui est d’appliquer de manière mécanique un ordre émanant d’un Etat tyrannique. On aime souvent parler d’Armée loyaliste et républicaine, loyaliste envers quoi et qui ? Ne serions-nous pas tentés de répliquer avec violence que l’Armée est loyaliste envers l’autorité qu’elle obéit aveuglement en ignorant complètement la res publica (la chose publique) qu’elle est censée protéger. Des forces qui réprimandent, torturent et tirent sur un peuple à mains nues en train de manifester son ras-le-bol dans la rue publique. Loin de me verser dans la vulgarité, je reprendrai sans ambages Mc Solar qui disait dans une de ces chansons que «les militaires ont tourné la gâchette parce qu’ils n’ont rien dans leur tête». Mais à y voir de près on serait tout de même amenés à juger quelquefois de leur bon sens ou de leur lucidité. Les exemples de Malick Bâ, Balla Gaye, Abdoulaye Wade Yinghou et tant d’autres confortent notre thèse. Comment expliquer le fait de tirer à bout portant sur un individu qui revenait de la pharmacie avec un sachet rempli de médicaments à la main ? Constituait-il une menace sérieuse pour susciter autant de violence ?
Je pense sérieusement que de tels agissements ne soient l’œuvre de personnes qui jouissent pleinement de leurs facultés mentales, non pas du tout ! Parce que parmi ce peuple figurent des cousins, des frères, des parents en général. On en rigole d’entendre les nouvelles recrues réciter avec fierté la règle d’or numéro 1 de l’Armée (le supérieur a toujours raison). Cela traduit en réalité une obéissance systématique à un ordre quelle qu’en soit sa teneur ou ses dérivés. Où se trouve la raison dans tout cela ?
La raison est-elle dévolue à une fonction ou une hiérarchie quelconque au point que certains n’en deviennent que des soumis ?
Non ! A mon humble avis, tout homme doit se doter d’un minimum de raison pour au moins mériter cet attribut. Selon Leibniz : «J‘entends par raison non pas la faculté de raisonner qui peut être bien ou mal employée mais par l’enchaînement des vérités qui ne peut produire que des vérités et une vérité ne saurait être contraire à une autre.» Je ne puis comprendre que pour préserver une vie on en serait amenés à en ôter plusieurs, de tels actes doivent être inscrits sur quel registre ? Des militaires qui tirent à balles réelles sur des manifestants pour protéger un tyran ; c’est le cas de la Syrie et tant d’autres pays. Amadou Toumani Touré a eu à poser un acte mémorable en renversant le Président Mous¬sa Traoré (homonyme de qui vous savez!!!). Lorsque ce dernier s’entêtait à tuer pour se maintenir au pouvoir, c‘est dire que l’Armée doit être un contre-pouvoir face aux dérives du pouvoir exécutif.
Mafally NDIAYE - ndiayedalou@gmail.com
Adresse à son Excellence le Président Wade : «Si j’étais votre conseiller…»
Monsieur le président de la République !
«Un chef d’Etat ne s’humilie pas et ne doit pas être humilié», disait Ibrahima Fall en parlant de Laurent Gbagbo. Monsieur Fall, n’a pas tort. Et pour vous, tout particulièrement, cette parole requiert tout son sens. Opposant, vous avez marqué l’histoire politique du Sénégal tel qu’un opposant n’a jamais su le faire et le saura difficilement dans notre pays.
Président, durant vos deux mandats, vous avez, sur le plan des axes fonctionnel et stratégique de développement, fait des réalisations qui marqueront pour toujours l’histoire du pays et, telle une tache d’huile, imprimeront de leur empreinte l’esprit des Sénégalais tout comme celui de leurs amis. Un troisième mandat, vu le contexte, sera de trop.
Que vous reste-t-il donc à faire ? Eh bien, partir et prendre un repos bien mérité. Car on ne peut pas tout faire malgré les meilleures intentions du monde. Et le temps de l’homme n’est pas le temps d’une Nation, ni le temps de l’histoire. Votre contribution est nette et vos erreurs, comme tout homme en fait, restent pardonnables et oubliables pourvu que vous sachiez, comme les grands hommes, partir à temps. Nelson Mandela a su marquer et pour bien longtemps encore l’histoire de l’Afrique du Sud et du monde, non pas par ses seules réalisations, mais surtout parce qu’il a eu la capacité de partir, au bon moment. Abdou Diouf, votre prédécesseur, là où il se trouve, ne doit pas regretter sa situation. Il a, tout simplement, su partir à temps. Et pour vous monsieur le Président, il est temps de partir pour laisser à la postérité poursuivre votre œuvre ainsi que celle de vos prédécesseurs. Cer¬tai¬ne¬ment, vous connaissez mieux que moi le principe de la continuité de l’Etat. Chaque homme, tout grand soit-il, n’est qu’un maillon de la chaîne, une pierre à l’édifice.
Si j’étais donc votre conseiller, au risque de perdre ma place et de tomber en disgrâce, je vous aurais solennellement dit, avec toute la force de ma conviction : «Monsieur le Président, il est temps de partir pour préserver votre honneur et votre dignité. Il est temps de partir pour pouvoir marquer positivement l’histoire du Sénégal.» Vous devez le faire pour vous, pour votre famille et pour le Sénégal.
Partir pour vous parce que vous aurez démontré magistralement et contre toute attente que vous n’avez pas succombé à la corruption et à la dictature du pouvoir : rester pour rester, rester pour continuer de jouir, rester pour continuer de se sentir le centre du monde. Vous devez partir pour vous, pour démontrer que vous étiez là lorsque votre peuple a eu besoin de vous, que vous avez assumé et que donc c’est le moment de partir.
Partir pour votre famille parce que le meilleur service que vous puissiez leur rendre en ce moment n’est pas de leur passer le témoin du pouvoir, volonté et désir que vous prêtent, à raison ou à tort, la plupart des Sénégalais y compris certains de vos plus proches collaborateurs. Si un membre de votre famille mérite d’accéder au pouvoir, ce ne sera pas par votre aide, il devra le démontrer le moment venu par ses talents et ses capacités et, par conséquent, aura la confiance bien méritée des Sénégalais.
Partir pour le Sénégal parce que le Sénégal n’a besoin ni d’un «printemps arabe» ni d’un «printemps africain», ni de je ne sais quel printemps encore. Le Sénégal a juste besoin de pouvoir compter sur le sens de l’histoire et de la responsabilité de ses dirigeants. Tous ceux à qui le pire est arrivé ont pensé en un moment que ça n’arrive qu’aux autres. En bien, ce qui arrive aux autres peut nous arriver à nous aussi pourvu que les mêmes conditions soient réunies.
Comment donc partir ?
Pour bien finir et en toute beauté, il vous suffit de le faire le plus simplement possible. Il convient, tout seul et sans l’avis de personne, de choisir le moment qu’il vous plaira pour vous adresser le plus solennellement à la Nation et rassurer les Sénégalais que :
- vous ne briguez pas un troisième mandat ;
- l’élection présidentielle en 2012 se déroulera à la date fixée et sera totalement libre et transparente, «ku man sa morom duma»;
- le pouvoir sera transmis au vainqueur démocratiquement élu par le peuple ;
- vous êtes plus que jamais attaché aux valeurs démocratiques que vous défendrez et continuerez à promouvoir le temps qui reste à votre magistère.
Au regard de tout ce que vous avez réalisé, opposant et Président, c’est tout ce que le Sénégal et le monde entier attendent de vous. Et, pour ce qui reste, c’est le meilleur que vous puissiez offrir au Sénégal, à votre famille et à la postérité. Et c’est cela qui vous inscrira éternellement comme un grand et digne Président du Sénégal.
S’il y a parmi vos conseillers qui vous conseillent dans ce sens, vous pouvez être sûr qu’ils vous tiennent en estime, vous aiment et sont dignes de votre confiance. Quant à ceux qui vous disent le contraire, je peux mettre ma main à couper que, pour la plupart, ils n’hésiteront pas à retourner leur veste et à vous honnir lorsque vous ne serez plus aux commandes. C’est le genre d’hommes capables d’approcher les grands hommes, mais qui ne pensent pas au-delà de leur propre nez.
Respectueusement,
Saliou DRAME
Une République debout
Il n’est point besoin de se livrer à de savantes analyses pour savoir dans quel état de déclin, de faiblesse, d’abaissement et d’humiliation, le Président Wade et sa majorité ont enfoncé la Ré- publique et ses institutions depuis l’alternance politique survenue en 2000.
En prenant trop de liberté avec la Constitution, Wade a fini par réunir les conditions d’une présidentialisation monarchique. Son hymne africain joué à la place de notre hymne national et la modification des emblèmes du pays (l’étoile à la place du baobab), ces actes démontrent suffisamment le degré de banalisation des institutions et les atteintes à notre identité historique .
La prestation de serment des ministres témoigne à elle seule le fonctionnement des allégean- ces et sa nomination discrétionnaire de 65 sénateurs sur les100 composant le Sénat accentue la configuration monarchique de son pouvoir.
Et voilà qu’en ces temps troublés où les horizons se dérobent, ce mot d’équilibre que consti-tue ce que mous appelons la sagesse, devant être signe et sens, le Chef de l’Etat nous sort son inacceptable projet de ticket présidentiel
Ce fut la provocation de trop pour que cette journée du 23 juin 2011, une date devenue historique, tout un peuple déterminé et plus combatif que jamais ne descende dans la rue pour cracher son zénith de dédain contre les innombrables détricotages constitutionnels, les tripatouillages électoraux, les laisser-faire, les laisser-passer, l’unilatéralisme, l’autisme, les intimidations, les menaces, les violences, l’intolérance, l’impunité…
Désormais, le peuple sénégalais entend signifier qu’il ne serait plus là pour recevoir l’action, la subir sans en être en tous points, les collaborateurs. Des concitoyens ont été longtemps ravalés à la condition d’instrument, quelle que soit leur valeur et leur compétence.
Cette politique cherchait à les traiter comme des choses puisqu’il s’agit de disposer d’eux.
On découvre jusque dans des médias d’Etat, attributs du pouvoir, qu’il y a une constante : le Président et des variables : nous, pauvre peuple
Le personnage de Chef d’Etat et de parti est devenu le seul possesseur de la plénitude de l’action, absorbant toutes les valeurs dans la sienne
Louis XIV a laissé un nom, une trace dans l’Histoire de France. Il a porté à son apogée, la monarchie absolue. Chacun retiendra sa célèbre formule : « l’Etat ,c’est moi. »
La folie ne commence-t-elle tant pour les individus que pour les peuples quand ils commencent à s’arroger le privilège dont on ne sait quelle surhumanité ? Quand ils ignorent que toute politique implique quelle idée de l’homme et quelle idée d’une société ?
Comment imaginer un seul instant, la modification de toute une série de textes majeurs de notre Loi fondamentale du 07 janvier 2001 dont on est par ailleurs l’inspirateur :articles 6,26,27 ,28,31, 33, 34, 36, 37, 39,41 et 101 sans passer par la voie référendaire, ni susciter un minimum de débats au niveau national.
Une Constitution n’est pas une balançoire aux mouvements gracieux, permettant de faire ce que l’on veut et quand on le veut, sans tenir compte de la volonté de son peuple ni des recom- mandations de la CEDEAO.
La force essentielle de toute Constitution réside dans sa permanence et quant à la loi, elle ne doit être modifiée que pour une raison juridique ou technique. Mais sûrement pas à des fins po litiques.
En réalité, l’exécutif accorde peu de considération aux parlementaires de sa majorité (députés et sénateurs compris). Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur l’ensemble de ces députés. Certains sont très respectables. Ils ont eu le courage de ne pas voter la loi EZZAN, la suppres sion d’un texte sur le blanchissement ou le ticket présidentiel .
Il faut néanmoins souligner que beaucoup parmi eux sont incapables de faire preuve de déta- chement, de gagner leurs galons, d’exhiber leurs mâchoires, leurs crocs, de montrer leur goût de la liberté, de l’indépendance et du défi. Ils ont choisi l’alignement, le calcul, la carrière au détriment de l’intérêt national.
Leurs artifices, leurs ruses, leurs mollesses et leurs postures ont fini par contribuer à la destruc tion de la République
Et pour « les assommer », le gouvernement crie haut et fort comme un élément de langage, être sorti de la nase, cette journée de jeudi, que par le seul salut du corps religieux.
Il est de l’honneur et du devoir de tout député de se mettre en accord avec ses idées et sa conscience. Car la vertu politique doit être une attitude de vie. Et on ne grandit qu’en servant une ambition haute, celle-là même qui doit habiter chacun d’entre nous et nourrir sa légitime fierté d’être citoyen.
La vérité est trop sévère. Le Sénégal est devenu surréaliste, il ressemble trop souvent à un théâtre de boulevard, où la politique ne serait plus qu’une comédie. Voilà que des années, ce pouvoir y alterne tous les rôles, même le plus inimaginable :l’affaire des 25% de suffrages pour être élu Président de la République .Le peuple d’abord amusé attend désormais qu’il n’en interprète plus qu’un :celui de gouverner avec respect et sérieux.
En définitive, le style de Wade est incompatible avec les institutions et sa méthode de com- munication davantage horizontale que verticale ne l’aide guère.
De peu d’hommes, il est permis de dire qu’ils deviennent une silhouette coulée dans un ton, comme une caricature réussie de ce qu’on leur reprocha d’être et qui finit par faire, surtout l’âge venu et le pouvoir entre les mains sinon leur charme, au moins leur singularité
Le personnage Wade a su prendre toutes les vagues et tous les virages. Tout l’homme est illisible dans ses choix et ses aspirations .Mais il a une obsession : la conservation du pouvoir et la dévolution monarchique
Il refuse de voir que dans un monde concurrentiel, nul ne peut être compétent par onction. Seul vaille le suffrage universel. Les généraux de Bonaparte au pont d’Arcole ou sous les pyramides n’étaient guère plus âgés que lui. Mais les fils de personne avaient fait la guerre, la vraie, celle où on se risque sa peau.
En effet, l’esprit fonctionne en arborescence, une idée amène l’autre, les faits s’emboîtent les uns et les autres. On assiste alors à une politique qui ne sait plus dans quel espace s’inscrire, ni dans quel temps s’exercer.
Comment donner du plaisir à son peuple, comment tenir son monde en haleine avec ses pro-
jets qui sont propres, à lui et à lui seul.
Excès personnels, débauche médiatique. Le style Wade écrase, personnalise, cristallise, Par nature, il n’aura jamais assez la distance et la solennité que revendiquaient de GAULLE
Le déplacement à Benghazi en Libye, où l’on s’évade de la normalité, reste un exemple frap- pant. Il révèle par la même occasion que la diplomatie sénégalaise est devenue une hydre à trois têtes (le Président, le fils et un ministre dit chargé des affaires étrangères), laide et féroce plus que le monstre de Lerne, issu de la mythologie grecque mais plus cacophonique puisque d’après Héraclès, le monstre des marais lui au moins était muet.
Est-il capable de changer ? Vraiment. Qui le croit encore ? S’imposer comme l’arbitraire des élégances républicaines ?
Rien ne s’arrange avec le temps. L’hyperactivité se fait brouillonne.
Est-ce bien la peine de s’acharner à prendre de la hauteur si c’est pour revenir à sa nature.
D’aucuns disent qu’il s’était pourtant appliqué. Afin de se présidentialiser.
Il prétendait s’arracher à la mêlée, retrouver l’élan des réformes et fixer enfin le cap sur la de-
mande sociale. Très vite, les moments d’efforts et de contention ascensionnelle sont irrémédia blement retombés.
A quoi bon dialoguer avec un pouvoir si arrogant, trompétant, violonant, chantant, flûtant et traitant son opposition de tiède ?
Depuis 2000, il n’y a eu dans ce pays qu’un seul consensus général. Il portait sur la loi créant la CENA. Le pouvoir libéral décida très vite de le rompre unilatéralement.
Le PDS (aujourd’hui Parti-Etat) qui est né, a grandi et prospéré dans les rapports de force, devenu le résultat d’un système cherchant à en perpétuer le modèle, trait par trait, accepte difficilement que la démocratie puisse se nourrir de contradictions
Méprisé et abusé, le peuple a juré qu’on ne l’amuse plus trop longtemps en lui vendons tout et n’importe quoi, comme Shéhérazade des « Mille et Une Nuits » sauvant sa tête à chaque aube, en charmant son bourreau.
Aujourd’hui, la peur a changé de camp. Des esprits se remémorent que dans l’Histoire de France, à 18 heures, Fouquet était roi, à 2 heures du matin, il n’était plus rien
La réussite de la journée de mobilisation a métamorphosé le Sénégal. Il ne s’agit plus d’avoir des fulgurances. Il faut que Bennoo Siggil Senegaal et la société civile s’attèlent à tourner la page de ce pouvoir qui sait maintenant que pour lui, chaque espérance devient un purgatoire, chaque tentative, une humiliation.
L’Histoire est un cycle et que nous sommes parvenus à la fin de ce cycle ouvert par l’alternan-
ce .Le moment est venu d’avoir l’élégance de partir juste avant d’être tard.
La République debout, vertueuse, démocratique, humaniste est déterminée à être plus haute et plus essentielle que ses fossoyeurs.
Mamadou DIALLO
Avocat au Barreau de PARIS
docteur en droit
Responsable des Cadres AFP-France
Retour sur une journée mémorable
Le jeudi 23 juin restera une journée d’infamie pour le président Wade et son clan. Mais elle sera inscrite en lettres d’or dans l’histoire politique du Sénégal indépendant. Oui, le 23 juin 2011 restera à jamais un jour de gloire pour le peuple sénégalais qui a démontré qu’il était le seul et unique dépositaire du pouvoir. Le 23 juin a, en particulier, mis en lumière le courage, la détermination et l’abnégation de la jeunesse sénégalaise.
Un peuple fier de sa jeunesse
Après cette journée mémorable, notre peuple a retrouvé sa fierté et reconquis sa dignité. Il a montré qu’il savait être à la hauteur des grands moments quand le destin de la Nation est en jeu. Je ne sais pas si l’on peut parler de changement du cours de l’histoire, mais sans aucun doute, le 23 juin 2011 a donné une accélération magistrale à l’histoire politique de notre pays. Et cette accélération a fait ressortir dans tout son éclat la grandeur de notre peuple. Pendant, longtemps, on a spéculé sur ’l’apathie’, la ‘peur’, ‘la docilité’ du peuple sénégalais, accablé par le chômage, les délestages, les inondations et les tracas quotidiens d’une vie de plus en plus insupportable. Le tout dans un contexte marqué par l’obscurantisme distillé à longueur de journée par des charlatans qui se font appeler ‘marabouts’. Le 23 juin 2011 a apporté un cinglant démenti à cette perception et balayé au passage les analyses pessimistes des sociologues et autres politologues sur la jeunesse sénégalaise.
Oui, le peuple sénégalais éprouve, à juste titre, une très grande fierté pour sa jeunesse. Une jeunesse qui a fait preuve de bravoure, de courage et de détermination qui ont forcé le respect. Cette jeunesse que le monde entier a vu à l’œuvre ce jeudi, n’a plus peur de rien. Elle a fait preuve d’héroïsme et montré que l’on pouvait compter sur elle quand l’avenir de la Nation est en jeu. En effet, les sacrifices qu’elle a consentis, avec les arrestations, les blessés et les tortures, tout cela a été fait dans l’abnégation, au service de la justice, de la démocratie, du respect du droit inaliénable du peuple sénégalais à choisir en toute liberté ses dirigeants.
Un Sénégal nouveau, qui était en gestation depuis de nombreuses années, a enfin vu le jour le jeudi 23 juin. Et le visage de ce Sénégal nouveau, c’est cette jeunesse héroïque qui dit non à l’arbitraire, non à la corruption, non à l’usurpation de la volonté populaire. Et alors, plus rien ne sera comme avant.
La capitulation des députés face à la colère populaire
Mais la plupart des députés de la majorité, aveuglés par leur soutien inconditionnel au président Wade, n’ont pas compris, comme leur maître, que le pays avait profondément changé, que le peuple était arrivé à un point de non retour après avoir trop subi et avalé trop de couleuvres de la part du pouvoir libéral. Ils n’avaient pas bien décrypté le message des élections locales de mars 2009. Ils n’ont pas compris la colère sourde et l’opposition massive et déterminée contre le projet de loi, une opposition incarnée par la jeunesse, qui était prête à en découvre avec le régime s’il voulait forcer sur le peuple cette révision inacceptable. Mais l’entêtement du vieillard et les mauvais conseils de son noyau dur ont empêché le Palais et les députés de la majorité de sentir venir le danger, le piège qui allait se refermer sur eux.
Cela explique les déclarations arrogantes de certains leaders de cette majorité, minimisant l’opposition au projet de loi. Et le jeudi 23, pendant quelques heures, le peuple médusé assista à un débat surréaliste à l’Assemblée alors que celle-ci était encerclée par des milliers de manifestants et que d’autres manifestations avaient lieu dans le reste du pays !
Mais en fin de compte, la réalité a fini par prendre le dessus. Face à la mobilisation sans précédent du peuple, les députés de la majorité ont dû capituler. Ils ont fini par comprendre que respecter la volonté populaire passe avant la loyauté à l’égard d’un président complètement coupé des réalités du pays.
Pourquoi le président Wade doit partir maintenant !
Maintenant, il leur reste à persuader leur président de faire ses bagages et de partir sans délai dans la paix et afin de préserver ce qui lui reste encore de respect au sein de la population à cause de son grand âge. En effet, ce qui s’est passé le 23 juin est l’expression d’une lame de fond, d’un rejet franc, massif et sans appel de son régime et de sa manière de gouverner ce pays. C’est un référendum sur son bilan et sa manière d’envisager l’avenir du pays. D’ailleurs, s’il a osé proposer l’élection d’un président avec seulement 25 % des voix, cela signifie qu’il a pris conscience de l’ampleur de son impopularité et qu’il sait que l’écrasante majorité de ses compatriotes l’a abandonné. Définitivement.
Le projet de loi montre que même la ruse a définitivement déserté son camp. C’est la peur et le désespoir qui y règnent désormais. L’horizon s’est assombri davantage. Le peuple n’en veut plus. Le roi est vraiment nu. ‘Buur Saloum’ a été abandonné par ses ‘sujets’. Il doit partir, dégager sans délai, dans son intérêt et celui du Sénégal. Il doit comprendre que personne n’acceptera de mourir et de mettre le Sénégal à feu et à sang pour satisfaire les caprices d’un vieillard de 90 ans. Les accents fascisants de son ministre de la Justice à l’Assemblée nationale et les quelques déclarations de certains de ses inconditionnels ne sont que l’expression d’une profonde amertume devant l’ampleur de leur défaite, de l’humiliation sans précédent de leur chef.
S’il y a encore un peu de lucidité qui l’habite, il doit savoir que le jeu est vraiment fini. Il a perdu et doit l’accepter. Il ne peut plus ruser avec le peuple. Dans leur écrasante majorité, les Sénégalais n’en veulent plus. Il a commis l’erreur fatale et doit en tirer la seule conséquence logique : partir pendant qu’il est encore temps. S’il s’entête, il risque de subir le même sort que Ben Ali ou Moubarak.
Ceux qui ont encore une influence sur lui et qui ont le courage de lui dire la vérité les yeux dans les yeux, doivent essayer de le raisonner. Son régime est fini et bien fini. Son maintien au pouvoir - même pour les huit mois qui lui restent - ne pourra qu’exacerber la rancœur contre son régime et sa propre personne. Il ne pourra plus rien dire ou faire qui puisse rétablir la confiance du peuple. Cette confiance est définitivement perdue.
Il a fait trop de petits calculs politiciens, il a commis trop d’erreurs dans son rapport avec le peuple, il a trop cru dans la toute-puissance de l’argent et la ‘docilité’ du peuple sénégalais pour obtenir tout ce qu’il veut. C’est tout cela qui l’a perdu.
Si ses députés l’ont abandonné, c’est parce qu’ils ont compris que le peuple est le vrai dépositaire du pouvoir et qu’il est plus fort que Wade et tout son argent. Aucun pouvoir n’est éternel, quelle que soit sa puissance apparente. Les exemples de Ben Ali et Moubarak sont encore frais dans les mémoires. Mais eux n’ont pas eu l’outrecuidance de se considérer comme ‘éternels’, comme l’avait cru Mobutu, ex-dictateur de l’ex-Zaïre. Certains d’entre nous se souviennent d’un documentaire intitulé ‘Mobutu, roi du Zaïre’. Il retrace le parcours de celui-ci, depuis sa participation à l’arrestation et à l’ignoble assassinat de Patrice Lumumba, sous l’instigation de la Cia, jusqu’à sa fuite et la fin de son régime face à l’avance des troupes de Laurent-Désiré Kabila en 1997.
A une certaine période de son règne de 32 ans, Mobutu s’était senti tellement puissant qu’il se crut ‘éternel’. Une chanson avait d’ailleurs été composée en son honneur, dont le refrain reprenait cette idée insensée. Mais quand les choses ont commencé à mal tourner, il était revenu sur terre et s’était rendu compte que ni lui ni son régime n’étaient ‘éternels’. Le documentaire d’ailleurs se termine sur la mort de Mobutu au Maroc, loin de son pays et abandonné de tous ceux qui l’avaient adulé et lui avaient fait croire qu’il était ‘éternel’. Seuls les peuples sont éternels !
Compter avec le peuple
Comme dit plus haut, rien ne sera plus comme avant après ce 23 juin 2011. Un Sénégal nouveau est né, avec des citoyennes et citoyens conscients de leurs droits et déterminés à les défendre. Ils ne permettront à personne de les confisquer. Ce sont des citoyennes et citoyens majeurs et conscients. Ils entendent être traités comme tels. Ils entendent participer comme tels à la recherche de solutions aux énormes défis auxquels le pays est confronté. Les politiques sont avertis. Ils sont en face d’un peuple mûr qui a trop subi et qui n’entend plus confier son sort au premier venu. C’est un peuple exigeant qui va demander des comptes à celles et ceux qui vont solliciter ses suffrages. C’est un peuple qui comprend les enjeux et les défis autant, sinon mieux, que les politiques et les ‘experts’.
Avec une jeunesse aussi déterminée, consciente de sa force, de ses droits et de ses devoirs, aucun dirigeant ne pourra plus gouverner comme bon lui semble. Une opinion publique est née et elle a de beaux jours devant elle. Tant mieux pour le Sénégal !
Demba Moussa DEMBELE Dakar
Le prix de la démocratie
Il y a des évènements qui, lorsqu’ils arrivent dans un pays, inspirent tout le monde. Et chacun essaye d’apporter sa contribution sur les questions de l’heure et c’est fort heureux que nous ayons tous une tribune pour exprimer nos idées. Dans les cours de récréations, dans les places publiques, dans les marchés, à la télé, à la radio, aux abords ou au sein de l’Assemblée nationale et du palais de la République, à l’Elysée et/ou la Maison blanche, de Deauville à Benghazi et de Dakar à Djibouti, on ne parle que des événements du 23 juin 2011. Ce qui prouve qu’on est très loin de la Guinée de Sékou Touré, du Zaïre de Mobutu Sessé Seko où, lorsqu’on se soulageait, on évitait de faire du bruit pour ne pas se retrouver en prison dans les heures qui suivent. Vive la démocratie et en bas la dictature, serait-on tenté de dire.
Mais attention la démocratie a un prix : c’est 1 000 000 de libertés pour chaque individu sous l’escorte de la loi, c’est également ce principe fondamentale : ‘Gouvernement du peuple pour le peuple et par le peuple’. C’est ce code que nous tous Sénégalais avons choisi d’emprunter pour aller au rendez-vous des nations. De grâce, ne revenons plus sur sa conception si l’on ne veut pas connaître un chavirement pareil à ce qui a failli arriver le jeudi 23 juin. Même les bandits ont un code de conduite qu’ils sont tenus de respecter s’ils ne veulent pas être rattrapés par leurs traqueurs. Eux d’ailleurs finissent toujours en prison, car c’est au moment du partage du butin que ceux qui se croient plus malins ou plus puissants, tentent de changer les règles du jeu et ainsi embarquent toute la horde dans le chaos.
Dans le cas du Sénégal, nous allons vers des élections le 28 février 2012. Quelle urgence y a-t-il pour instituer un ticket qui, d’ailleurs, n’est utilisé que pour entrer dans un bus ou dans une soirée, mais pas pour entrer au Palais de la République, encore moins à l’Assemblée nationale ? Quelle urgence y a-t-il à balkaniser des municipalités qui marchent à merveille ? C’est étonnant d’ailleurs que ce découpage ne touche que des communautés rurales gagnées par l’opposition alors que le parti au pouvoir avait tous les atouts pour les remporter. En tout cas, pour l’exemple de la localité de Diakhao que je connais bien, le Pds avait choisi des éléments sur qui il pouvait compter, il leur avait octroyé des 4×4, de l’essence et un budget de campagne de près de 30 millions de francs Cfa au moment où Goliath faisait sa campagne à pied, à dos d’âne ou à bord de la célèbre bicyclette de Hamdy Ngom dénommée Malaw à cause de ses pannes incessantes, mais surtout à cause de sa détermination à finir sa tournée journalière à la grande satisfaction de son pilote. Il arrive curieusement que David perd la partie sous le score de plus de 87 % en faveur de l’opposition.
Et voilà qu’après deux ans d’exercice à la tête de la communauté rurale, l’équipe municipale se retrouve sous la menace d’une dissolution parce que le roi a décidé de remettre en cause le choix de toute une population, de toute une nation, de tout esprit épris de justice et d’équité, en somme la victoire de Malaw, mais surtout celle de Dieu. Ainsi on croit avoir marqué un coup d’échec. Non, ce n’est pas un coup ça ; c’est de la tricherie et c’est hideux et choquant, à la limite même idiot. Personne sur cette planète ne cautionnera cela, fussent-ils même du côté des collaborateurs du roi, en tout cas pas ceux de la trempe de l’honorable député Moussa Sy qui demeure au moins une référence sur qui les jeunes peuvent compter. Peut-être des fous pourraient être tenté de soutenir cette mascarade, heureusement qu’il n’en existe plus au Sénégal depuis le 23 juin 2011.
En tout cas, depuis ce jour, personne ne veut s’approcher du fameux ticket au point qu’il a fallu aller jusqu’en Outre Mer pour trouver un juriste anonyme qui accepte de le porter. Il est curieusement devenu lourd ce ticket, peut-être à cause des taches de sang qu’il porte ou alors de son odeur de grenade et lacrymogène ou tout simplement parce qu’il mène à l’enfer et non au Palais. Oh ! j’ai pitié du roi qui méconnaît le peuple qu’il gouverne, qui ne sait pas que, grâce à lui, il n’y a plus d’analphabète dans son pays, qu’il n’existe plus de Nagrou (illettré) dans l’armée. Que ce sont des gens qui ont une maîtrise ou au moins une licence qui acceptent d’être de simples gardiens de la paix ou parfois même d’auxiliaires de police ou de gendarmerie à cause du manque d’emploi. Ces braves hommes et femmes, intellectuels de surcroît, ne tireront jamais sur leurs compatriotes, car ils ont reçu des cours sur les droits de l’homme dans leurs écoles de formation. Mieux encore, ils savent qu’il existe quelque part dans la ville de Genève un bureau qui s’occupe des bavures policières, que des dossiers concernant certains de leurs collègues y sont gardés à jamais et que ce sont des juridictions sénégalaises qui les avaient jugés et condamnés en prison à l’époque pour cause de torture. Nous sommes dans un Etat de droit, non. Le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Sa majesté, pour vous faire revenir au jeu, je vous rappelle tout simplement que votre adversaire, ce n’est ni Moustapha Niasse ni Macky Sall, encore moins Moussa Sy, mais c’est Ngor Diégane de Diakhao, c’est Danfakha de Fongolembi, c’est Paco, ce marchand ambulant qui rode aux abords de l’Hémicycle et du palais pour écouler sa marchandise ; c’est tout simplement Galsène pour parler comme les Rap Heures. Inutile de vous rappeler les règles du jeu à vous qui êtes le plus diplômé du Caire au Cap ; en tout cas, ce n’est pas le gouvernement des Wade pour les Wade par Wade. C’est à ton tour de jouer. J’espère pour sa majesté qu’il sache le nombre de ticket ou de pion qui lui reste et ceux qui sont à notre disposition. Aytia naniou agalé wouré wi (que le jeu continue) le 28 février, c’est demain.
Babacar NDIAYE Enseignant Ecole 5 Pikine-Nord ababacarsadekhndiaye@yahoo.fr