De la fracture numérique à la facture numériq
De la fracture numérique à la facture numérique A peine le Fonds de solidarité numérique (FSN) a-t-il bénéficié d’un enterrementde 1ère classe ponctué par l’oraison funèbre prononcée sur sa tombe par lePrésident Abdoulaye Wade que les marchands du temple ont fait leur apparitionau Sénégal ! En effet un mois jour pour jour après l’annonce de la dissolutiondu FSN, une délégation française conduite par un collaborateur d’Alain Madelin,Président du FSN, était au Sénégal pour vendre le projet de fournir 40.000tableaux blancs interactifs (TBI) à notre pays sous prétexte de réduire lafracture numérique et d’apporter l’éducation numérique pour tous. Ce projet,dont le coût est estimé au bas mot à 40 millions d’euros soit la bagatelle deplus de 26 milliards de Francs Cfa, n’a rien d’un geste de solidarité enversnotre pays et ses élèves privés de l’accès aux technologies de l’information etde la communication (TIC) comme certains pourraient naïvement être tentés de lecroire. Il s’agit en réalité d’une opération commerciale dont les principauxbénéficiaires seront les fournisseurs de ces équipements et leurs associés, lafacture étant réglée par le Sénégal qui devrait notamment se voir allouer unprêt de la Banque africaine développement (BAD) à cet effet. Que l’on nouscomprenne bien, la dénonciation de cette opération n’est en rien une prise deposition contre l’introduction massive des TIC dans notre système éducatif quiest une nécessité incontournable pour former les ressources humaines en phaseavec le nouvel environnement dans lequel se meut désormais le Sénégal àl’échelle globale. Le problème est simplement que la lutte contre fracturenumérique ne se réduit pas à un déploiement massif d’infrastructures detélécommunications et d’équipements informatiques car c’est une problématiqueextrêmement complexe qui va bien au-delà des questions d’équipement même sicelles-ci sont importantes. La fracture numérique pose en réalité la questiondes cinq C que sont la connectivité, les compétences, les contenus, les coûtset le contrôle qui sont inextricablement liées et qui influent en permanenceles unes sur les autres. La connectivité, c’est tout ce qui touche àl’infrastructure d’accès aux TIC, entendue au sens large, et qui va des réseauxde télécommunications jusqu’aux terminaux mis à la disposition des utilisateurs.Certes beaucoup reste à faire en la matière mais des progrès importants ont étéaccomplis et souvent cette infrastructure est sous-utilisée. Les compétences,c’est tout ce qui concerne la formation des ressources humaines non seulement àl’utilisation des TIC mais également à leur appropriation, leur maintenance etsurtout leur production. Les contenus, ce sont les logiciels et lesapplications en tous genres, dont les contenus pédagogiques, par rapportauxquels l’enjeu le plus important est à la fois celui de l’adéquation aucontexte sénégalais mais également celui de la production. Les coûts quant àeux sont essentiels en ce qu’ils déterminent d’une part l’accès aux TIC etd’autre part la pérennité des dispositifs mis en place tant d’un point de vueéconomique que social. Enfin le contrôle recouvre tout ce qui est du domaine dela gouvernance de la Société de l’information tant à l’échelle locale,nationale, régionale, continentale que globale, dimension que l’on ne sauraitignorer dans la perspective de la construction d’une société libre,démocratique, juste, solidaire, équitable et durable. Comme on le voit, siintroduction massive des TIC dans le système éducatif il doit y avoir, cela nepeut se faire au détour de projets isolés mais dans le cadre d’une stratégiedotée d’un nombre limité d’objectifs précis, dont la mise en œuvre repose surdes moyens identifiés et mobilisables et un calendrier contraignant, le toutpermettant la réalisation d’une vision partagées par tous les acteurs dusystème éducatif et au-delà par les différentes composantes organisées de lasociété. Faute d’emprunter cette démarche, notre pays sera pendant encorelongtemps condamnée à payer la facture numérique sans pour autant que ne seréduise la fracture numérique.Olivier SagnaSecrétaire général d’OSIRIS