23 Juin 1956 et 23 juin 2011 - « QUART BLOQUA
Aux candidats à la succession de Wade: L’exigence est de rester à la hauteur de l’ambition
"Un peuple a toujours besoin d'un homme qui comprenne sa volonté, la
résume, l'explique et le mène où il doit aller" Joseph Arthur de
Gobineau
Cet homme est-il aujourd’hui de toutes ces personnes qui prétendent
être en capacité de conduire le destin du peuple sénégalais? Entre les
candidats prétentieux à la témérité insultante et les profils
angéliques au parcours idyllique, chacun y va de ses prétentions.
Entre les personnes en quête d’espace pour se faire un nom et celles
qui ont tout pour vivre heureux loin de l’espace et de la
responsabilité publics, le service au peuple est le prétexte aux
ambitions les plus nobles mais aussi les plus démoniaques. Qui donc
pour succéder à Wade ? La volonté du peuple sénégalais s’exprimera le
26 février 2012, terme du second mandat du président Wade. Pas avant.
Et Wade devra absolument partir après le scrutin ouvert si tant est
qu’il a toujours eu pour ambition de servir le Sénégal. Pas avant. Le
peuple sénégalais choisira et sa volonté devra être respectée.
D’ici là, libre à lui de choisir de briguer ou pas un 3ème mandat. Vu
le contexte, ce serait le mandat de trop. Pour son honneur, sa dignité
et sa grandeur, le meilleur est qu’il ne le fasse pas. Le meilleur est
qu’il déclare le retrait de sa candidature pour 2012 et qu’il retire
son fils de ses responsabilités envahissantes au sommet de l’Etat. Une
adresse directe à la nation s’impose. Tout sauf un message du genre de
la récente lettre ouverte de Karim Wade au peuple sénégalais. C’est
son excellence, le président de la république, qui doit simplement
montrer au peuple qu’il l’a écouté, entendu et répondu. C’est l’acte
historique qui ‘’recapitalise’’ son capital symbolique en souffrance.
Mais c’est à lui et à lui tout seul d’en décider. Exiger de lui qu’il
parte avant le terme de son mandat est tout simplement une preuve
d’irresponsabilité. Le départ de Wade n’est pas un programme
politique. Un peuple a le droit de souhaiter le départ d’un grand
dirigeant et d’être entendu tout comme ceux qui prétendent servir un
peuple en présidant à sa destinée ont le devoir de proposer un
programme, un contenu déclinant leur vision et montrant, qu’avec eux,
l’avenir du pays ne sera ni une fatalité, ni une catastrophe. Nous
avons besoin de dirigeants capables de penser le long terme et d’agir
pour concrétiser les solutions du court terme.
S’il est attendu de Wade qu’il parte avec dignité et grandeur après
ses services rendus à la nation, il est aussi attendu de l’opposition
et de l’ensemble des candidats à sa succession d’être à la hauteur de
l’ambition. L’ambition étant de redonner espoir, de porter haut la
volonté de changement du peuple ainsi que son aspiration à une vie
meilleure et non de plonger le pays dans le chaos. C’est bien la leçon
de Me Assane Dioma Ndiaye : «L’opposition doit savoir que son devoir
n’est pas de plonger le pays dans le chaos». Vous avez raison maître.
Le devoir de l’opposition est de jouer, sans excès, son rôle de contre
pouvoir face à la dictature et à la corruption du pouvoir. Le régime
de Wade a consacré la personnalisation du pouvoir, la confusion entre
le pouvoir de l’individu et celui confié par le peuple. Ce n’est pas
un hasard si la question de la dévolution monarchique du pouvoir est
dans tous les esprits. Le pouvoir de l’opposition et de la société
civile doit s’affirmer, de manière intelligente et républicaine, pour
le respect et pour l’équilibre des institutions. Les journées du 19
mars et du 23 juin 2011 ont constitué un signal fort. Le Sénégal,
pouvoir et opposition, peut en être fier et aller au-delà. Mais
l’expression d’une volonté populaire n’est pas la dictature du pouvoir
de la rue. Et nul ne doit céder à une telle dictature, ni le pouvoir,
ni l’opposition. Comme un grand peuple, c’est par la voie des urnes,
par le combat des idées et des projets, par la bonne gestion des
rapports de forces et des contradictions au sommet que l’on accède au
pouvoir légitime. "Celui qui règne par les armes périra par les
armes", dit l’adage biblique chanté par Alpha Blondy. Celui qui accède
au trône par le pouvoir de la rue le quittera par la même voie. Notre
prochain président devra arriver au pouvoir par la voie du scrutin
ouvert à l’échéance du mandat de son prédécesseur.
Les candidats à la succession de Wade nous doivent un vrai projet
politique démontrant qu’ils constituent une alternative politique
sérieuse à son régime. S’ils sont prêts à assumer le pouvoir auquel
ils aspirent, ils doivent le démontrer, le moment venu, à travers la
formulation et l’élaboration de propositions alternatives résumant
l’ambition du peuple sénégalais et son futur désiré. Fini le temps des
slogans amorphes et stériles. Le slogan doit être le reflet d’une
vision partagée, construite et décrite en termes précis et mesurables.
Sinon ce ne sera que pure populisme et commerce de rêves destructeurs.
Et ce tournant de notre démocratie exige que les populations et les
forces vives de notre nation soient à l’état de veille pour qu’il n’y
ait ni usurpation, ni confiscation, ni dévolution, ni transmission, ni
délégation du pouvoir entre les mains d’un tartuffe, d’un prétentieux
ou d’un incapable. On ne joue pas avec le destin d’un peuple pour
assouvir des ambitions bassement individuelles.
Les candidats à la succession de Wade doivent le laisser finir son
mandat tout en s’opposant par toutes les voies démocratiques et
républicaines possibles aux dérives du pouvoir actuel. En aucun cas,
ils ne doivent l’empêcher de mener son action jusqu’à terme. Ceci est
un gage qu’ils seront eux-mêmes respectueux des lois une fois aux
commandes.
Face à l’expression de la volonté et du ras-le-bol des populations,
leur devoir est de maintenir la pression afin que les mesures urgentes
qui siéent soient prises. Leur devoir est surtout d’élever le niveau
du débat public bien au-delà des injures et des attaques strictement
personnelles en fournissant à l’opinion publique les informations
requises pour une bonne intelligence des enjeux de l’heure, en
veillant à ce que nul ne vende du vent au peuple. Le devoir de ces
candidats est aussi, et sur cette question ils sont fortement
attendus, qu’ils soient en capacité de définir et de bâtir un avenir
partagé qui sera le nôtre en tant que peuple et non le leur en tant
qu’individu.
Que notre président parte honoré et glorifié !
Que le meilleur candidat pour le peuple gagne en 2012 !
Que le meilleur ait le soutien du peuple !
Saliou Dramé
saliou.drame@gmail.com
Une constitution digne et un Sénégal en crise de voix de notoriété
Les événements que nous vivons actuellement au Sénégal doivent pousser à la réflexion ceux qui ont la chance et le privilège de faire régulièrement entendre leurs voix et qui se veulent des régulateurs sociaux porteurs de messages qui contribuent à la consolidation du vivre ensemble, de la cohésion sociale et d’un destin commun.
Je retiens trois éléments significatifs à partir de ces événements
1 - La constitution est la grande gagnante. La constitution a gagné et a retrouvé ses lettres de noblesse. Les différentes réactions du peuple, de l’opposition et même du pouvoir nous réalignent sur des comportements qui redonnent de la dignité à la constitution. Il est affirmé que la constitution est l’âme d’un peuple et ses modifications importantes ne doivent pas se faire dans la précipitation et la non concertation. Je crois que nous allons en tirer une leçon démocratique importante: modifier et interpréter la constitution sont des actes majeurs qui nécessitent de l’éthique, de la raison, de l’objectivité, de l’anticipation sur les conséquences dans le futur et surtout de la sagesse. La constitution est l’ossature d’un État et elle ne peut être à la merci des jeux partisans et des intérêts personnels.
Le député qui souvent était la risée du peuple retrouve aussi sa dignité. Le rôle des députés vient d’être valorisé et nous avons assisté à un moment démocratique d’affirmation de la séparation des pouvoirs. Le Sénégal a avancé dans sa démocratie et dans la sagesse dans la gestion du pays.
Il faut saluer la hauteur et la retenue du Président de la république, Maître Abdoulaye Wade, qui, en retirant son projet, a su privilégier la paix sociale et l’écoute. Sa sagesse politique a évité au peuple sénégalais les scènes tragiques vécues en Égypte, en Tunisie, en Syrie, au Yémen, en Lybie et en Côte d’Ivoire. Un autre fait à retenir est que le peuple sénégalais sait aujourd’hui qu’il peut poser des limites à la volonté des dirigeants.
2 - Un deuxième constat à tirer de ces événements renvoie à la distinction de deux personnalités religieuses comme modèles de régulateurs sociaux religieux. Du côté du pouvoir, du côté de l’opposition, du côté de la société civile et de la population en général, les noms du Cardinal Théodore Adrien Sarr et de feu Serigne Abdou Aziz Sy Dabakh ont été plusieurs fois évoqués comme modèles à imiter. On les a identifiés comme les modèles de leaders religieux porteurs de discours de vérité, de discours d’alerte autant à l’endroit du pouvoir qu’à l’endroit du peuple. Ils ont été identifiés comme des régulateurs sociaux non soumis au pouvoir de l’argent et soucieux avant tout de promouvoir la justice sociale et le dialogue.
Aujourd’hui, nous, les leaders religieux musulmans de ce pays, contemporains des événements que nous venons de vivre, nous devons nous interroger sur l’indifférence que nous suscitons dans la population comme régulateurs sociaux. Nous n’avons plus l’écoute pour calmer les esprits, favoriser le dialogue et éviter les débordements.
Nous sommes en rupture avec les interrogations réelles des citoyens qui demandent autant le salut dans l’au-delà qu’ici sur terre sénégalaise. Les citoyens disent souvent que nous avons un rapport complaisant et mercantile avec le pouvoir, ce qui nous empêche de lui parler vrai et franc. Le fait que feu Serigne Abdou Aziz nous manque autant aujourd’hui, en ces moments de crise, signifie que la machine de la régulation sociale ne fonctionne plus et que nous n’avons pas su incarner ce que Dabakh représentait, ce qu’il faisait, ce qu’il disait, comment il interagissait avec le pouvoir, autant de qualités qui font l’admiration de tous. En ne nous écoutant plus, la population nous dit que nous n’assumons pas le rôle qui doit être le nôtre et qui consiste à toujours mettre de l’avant la vérité et à être des vigiles de la bonne gouvernance. Le peuple nous dit que nous défendons nos intérêts personnels, nos intérêts confrériques plutôt que les intérêts de toute la collectivité. J’ai réécouté les discours de Serigne Abdou Aziz et je me suis dit que moi-même, comme plusieurs autres leaders religieux, nous devons repenser nos comportements si nous voulons servir les valeurs de justice et d’égalité prônées par l’islam et la république. L’islam et la république se rencontrent dans la défense et la promotion d’une société juste, une société de droit et de solidarité. Dabakh nous enseignait qu’un pays se gouverne par des consensus négociés et non par l’imposition d’un point de vue. Notre rôle devrait être d’aider à forger une société de dialogue, d’écoute, de saine gouvernance des biens publics et de prise en compte des besoins réels de la population. Les défis actuels et la décision importante à prendre en février 2012 nous demandent de contribuer à l’élévation de la conscience citoyenne et de la capacité à effectuer un choix libre et éclairé. Nous devons devenir des éveilleurs de conscience et non des vendeurs de votes à prix fort. Je ne soutiens pas que le leader religieux ne doit pas avoir ses préférences politiques. Cependant il ne doit pas utiliser sa position pour embrigader les esprits ou pour faire chanter le pouvoir.
La perte de poids de la parole n’est pas seulement le lot des leaders religieux. On peut soutenir la même chose en parlant des intellectuels et des politiciens. Le Sénégal semble vivre une crise de la notoriété. Comme Diogène qui en plein jour cherchait un citoyen honnête, le Sénégal semble être a la recherche de paroles de notoriété.
3 - Ces événements indiquent également que notre pays doit renforcer la pédagogie du civisme. Nous ne devons pas accepter que la loi de la rue se substitue à la loi de la république. La force doit rester à la loi qui protège l’ordre et la sécurité des biens et des personnes. Nous devons bien sûr préserver notre droit de manifester pour attirer l’attention sur les manquements du pouvoir, mais nous ne pouvons pas tolérer que l’anarchie de la rue s’impose dans notre pays. Nous vivons aujourd’hui une surenchère de l’incivisme qui ne règle ni les problèmes économiques, ni les problèmes politiques, ni les problèmes sociaux. Cet incivisme paralyse une société. Les jeunes, s’ils aspirent au changement, doivent le faire en réprimant les passions et la haine et en s’armant de la connaissance, de la raison et de la discipline.
C’est ici aussi l’occasion pour moi de rappeler que la constitution garantit la protection de la liberté de conscience et de religion des citoyens. Il faut respecter et défendre cette liberté de religion et lorsqu’elle est menacée, l’État doit réagir. Les attaques des églises et des temples portent atteinte à notre image internationale et elles n’honorent pas notre Sénégal de tolérance religieuse et de cohabitation respectueuse de citoyens de différentes religions. Le vandalisme, le pillage, le banditisme et l’intolérance religieuse ne doivent pas prendre prétexte des événements actuels pour s’installer.
Dignité, droit, tolérance et paix pour notre Sénégal.
Par Imam Tahirou Fall, Rufisque, Sénégal, imth2010@hotmail.fr
IDRISSA SECK SUR LE DIALOGUE POLITIQUE
Je ne peux souscrire qu'à un dialogue politique pouvant aboutir à un changement pacifique à travers l’organisation d’élections libres et transparentes en février 2012. Comme je l’ai précédemment dit, il faut absolument que Wade quitte le pouvoir en évitant au pays tout conflit pouvant compromettre la paix et la stabilité.
Quelles qu’en soient les modalités, ce dialogue devrait garantir l’expression de la volonté du peuple sénégalais et le retrait de la candidature anticonstitutionnelle de Wade.
Idrissa Seck
23 Juin 1956 et 23 juin 2011 - « QUART BLOQUANT », dites-vous ?
Pour rappel historique, le 23 juin 1956, la France coloniale, influencée par l’émergence des mouvements nationalistes africains, adopta la loi dite Loi-cadre Gaston Deferre- Houphouët Boigny, laquelle visait à amorcer une évolution vers une plus grande autonomie de ses colonies par la mise en place de nouvelles institutions : un chef de territoire ( un représentant du conseil de gouvernement de la république française qui est théoriquement le chef du conseil de gouvernement local), une Assemblée Territoriale et un Exécutif local appelé Conseil de gouvernement choisi au sein de ladite Assemblée locale. Au Sénégal, suite aux élections au suffrage universel qui en découlèrent, le poste de Vice - Président du Conseil (personne clé du gouvernement local en sa qualité d’élu parlementaire) échut, le 20 mai 1957, à Mamadou Dia, en remplacement de L.S.Senghor. Avec le recul, force est de constater aujourd’hui que cette loi aura contribué plus à l’émiettement de l’Afrique et à sa fragilisation qu’à l’émergence d’un Etat fédéral africain qui se cherche encore.
Toutefois, les divers acteurs de la politique sénégalaise qui se sont succédé, malgré les vicissitudes liées au contexte d’alors, se sont évertués à progresser dans l’exercice de la démocratie et ont grandement contribué à l’accession du pays à l’indépendance, en 1960. Ce qui s’est illustré, le 19 mars 2000, par une alternance politique saluée par tous.
Mais, comble de l’histoire, au cours de son dernier quinquennat finissant, le régime d’Abdoulaye WADE a, hélas, installé dans le pays un mode de gouvernance illégitime et irresponsable, qui s’est traduit dans le camp présidentiel par «qui qu’en grogne» de ne pas être à la noce. L’affairisme foncier le dispute à l’ubuesque ! Et comme si cela ne suffisait pas, un acte maléfique et malséant qui a fait déborder le vase : le dépôt en catimini du projet de Loi 2011/ 864 de révision constitutionnelle devant fixer les conditions d’élection d’un « ticket »président et vice - président. Et ce, contre toute attente à quelque huit mois de la présidentielle de 2012 et surtout après plus de cinq déclarations de candidature.
C’est ainsi qu’a surgi, au moment où ces lutteurs (mbër) se positionnaient clairement et sportivement dans l’arène, un prétendant à la fois lutteur et arbitre déclaré en coulisse qui a décidé de changer les règles du jeu, voire, tout simplement, le jeu. Il ne s’agit plus de lutte (laamb) mais d’une autre sorte de sport d’équipe bivalente, dont ni le public, ni les acteurs, n’en comprennent les tenants et les aboutissants. Il est, dès lors, question d’attendre doctement les délibérations d’un cénacle de personnes dont la quasi-totalité est acquise à la cause de l’initiateur pour définir les contours et enjeux du « nouveau sport ». Quel manque d’élégance, de sportivité, de civilité et de courage politique !
La suite, on la connaît. Le jeudi 23 juin 2011, au petit matin, comme un seul homme, le peuple (les populations, les partis politiques, les défenseurs de la démocratie, la société civile juvénile « y’enamarriste », les femmes, etc.), les lutteurs (les parties prenantes), mus par un patriotisme sans faille, ont finalement sonné le glas du ridicule. Avant le crépuscule, le retour formel à la situation antérieure est annoncé par un communiqué émanant de l’auteur. Ainsi, le jeudi 23 juin 2011 restera-t-il sûrement à jamais gravé dans la mémoire des Sénégalais. Sans aucun doute, les décennies à venir permettront aux historiens d’en décrypter les vraies causes et les enjeux non encore éclaircis.
D’ores et déjà, serait-il, toutes proportions gardées, si dissemblable à l’une des journées mémorables des événements de la Commune de Paris de 1871 en termes de mobilisation, de détermination, d’esprit républicain? En tout cas, autant l’application stratégique de la Loi- cadre par les Africains, en général, et les Sénégalais, en particulier, a constitué une rupture dans les relations entre la France et ses territoires, autant le rejet populaire du dix-septième ( ?!) projet de loi marque une rupture face à la montée d’une politique d’accaparement et de prédation. Puisse cette date- repère au moins servir de catalyseur dans la conquête d’une citoyenneté durable!
Fallait-il pour autant se préoccuper des décisions du cénacle pour édifier les lutteurs déclarés (candidats à la présidentielle). D’autant que la question renferme en elle-même la réponse, celle dictée par la pression populaire : à savoir le retour à la case « départ ». Qu’il nous soit permis d’aborder là le sous- titre de ce billet. A l’évidence, la presse, tambour battant, n’a eu de cesse d’épiloguer à satiété sur l’expression « quart bloquant » qui, du reste, s’avérait sans objet au regard des règles du jeu fixées au départ (constitution). Mais, comme il s’est opéré un certain glissement sémantique, notamment au niveau des journalistes et politiciens, il ne serait pas inutile de préciser les termes idoines face à la réalité historique.
Déjà, sous le régime colonial et vers les années 1947, des textes administratifs fixèrent et réglementèrent les conditions de candidature et les modalités de nomination des Chefs de canton. Parmi les candidats proposés par la commission cantonale, seuls les postulants retenus par le gouverneur pouvaient se présenter devant le corps électoral. Ce dernier était constitué par :
- l’ensemble des chefs de village ;
- les lettrés et les agents actifs ou retraités de l’ « administration », les anciens combattants de grade au moins égal à celui de sergent, les propriétaires de terrain immatriculé, les pensionnés militaires ;
- les notables inscrits, tirés au sort, à raison d’un (1) sur cent (100) habitants.
Etait proclamé élu au premier tour le candidat ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés et avec un nombre de voix au moins égal au quart des inscrits. Et au second tour, était élu, celui qui recevait le plus grand nombre de voix. Quand bien même cette tentative de démocratisation de la chefferie ne serait que de façade, il n’en demeure pas moins que les autorités coloniales étaient au moins soucieuses d’une légitimité de la représentation locale. D’où ce fameux « quart bloquant ». Ce dispositif a été repris dans le code électoral sénégalais et notamment dans celui du 7 février 1992 communément appelé Code électoral consensuel de 1992 avec, entre autres, cette disposition:
« L’élection du président au premier tour avec la condition de la majorité absolue des suffrages exprimés et du quart des électeurs inscrits ».
C’est là encore la réaffirmation de la nécessaire légitimité de l’élu, faute de quoi, le scrutin se trouve bloqué. Car point d’élus, en application du dispositif du « quart bloquant » et même si un candidat arrivait à obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés. Autrement dit, la condition suffisante était subordonnée à une autre condition nécessaire. Au demeurant, qu’en est-il de cet article sous le régime dit libéral ?
A contrario, dans le projet de texte évoqué précédemment sous sa forme originelle, il suffisait de franchir la barre du quart des votants et non des inscrits (25% seulement) pour être élu au premier tour. Et aucune autre conditionnalité contraignante. En conséquence, cette barre de 25% était le « Sésame, ouvre-toi ! », raison pour laquelle il ne saurait être question de « quart bloquant » mais plutôt de « quart suffisant » ou « quart facilitant » selon les termes de A. Latif Coulibaly ou de « quart électif » ainsi que l’a qualifié la députée Ndèye Fatou TOURE. Mais pourquoi pas « quart sésame » ?
Pour finir, l’adoption d’un tel texte serait un recul démocratique inacceptable pour un pays où l’électorat a toujours occupé une place centrale de l’époque précoloniale à nos jours. C’est le défi que le peuple sénégalais a su relever.
Auteur : Mamour SECK,
Enseignant à la retraite, quartier Médina NIORO-du-Rip
E-mail : mamourndoumbe@yahoo.fr
Gaali Wad du teer*
C’est vraiment le cas de le dire, quand on voit les mesures aussi malheureuses que maladroites que le chef de l’Etat ne cesse de prendre depuis des années. On le prendrait pour un singleton, sans relations familiales, sans relations amicales d’aucune sorte voguant dans des milieux où le mot d’ordre serait que tout le monde ne lui adresse que des propos mielleux, flatteurs pour que jamais l’idée de se conformer à la Constitution dans sa monture originelle ne traverse pas son esprit, car autrement la garantie de la conservation de leurs privilèges s’envolerait.
Dans ces milieux, chacun est plutôt soucieux de pérenniser son blakhalmadaa, que de lui conseiller de tirer les conséquences de la réalité de son impopularité et de mettre fin à des tours de passe-passe à la Gbagbo et à la Tandian, pour nous en tenir en ces deux-là.
Il y a fort à craindre que le départ honorable du pouvoir que, moi personnellement, je lui ai toujours souhaité soit compromis. Les mêmes faits produisant les mêmes effets, la trajectoire teintée de tripatouillage de la Constitution à des fins de suppression du deuxième tour que Me Wade poursuit pour se maintenir au pouvoir risque de lui faire subir une fin de règne qui ressemblerait à celle de Gbagbo, de Tandian et tant d’autres.
Quant à l’ex-Président du Niger, Tandian, il en avait tellement fait que la ‘Grande muette’ n’en pouvait plus de le laisser traiter la Constitution, comme un kleenex, et les opposants comme des moins que rien. Ainsi l’armée nigérienne, étant plus prévoyante que l’armée ivoirienne, voulant préserver son pays des massacres qui risquaient de s’abattre sur les pauvres populations, avait mis hors d’état de nuire son chef suprême.
Me Wagane FAYE
*Approximativement : Wade ou la dérive sans fin