sortent en masse pour me demander de partir,
ABDOULAYE WADE, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU SENEGAL : «Si les
Sénégalais sortent en masse pour me demander de partir, je partirai.
Il n'y aura ni révolution ni coup d'Etat»
Vendredi 22 Avril 2011
S’il y a un rapport de force imposé par la rue, Wade dit qu’il va
quitter le pouvoir, sans «révolution ni coup d’Etat». Une déclaration
à lire dans cette partie de l’interview qu’il a accordée au magazine
«L’Expansion» où il parle également de sa succession au sommet de
l’Etat.
Comment réagissez-vous aux événements récents qui ont secoué la Côte
d'Ivoire et le Burkina Faso ?
J'ai eu une conversation récemment avec le président du Burkina Faso,
Blaise Compaoré et le président du Mali. Le Burkina Faso est une pièce
maîtresse dans notre sous-région. C'est aussi un pays qui s'est
beaucoup développé ces dernières années malgré un handicap naturel
très fort. C'est une région semi désertique. Nous nous sommes mis
d'accord pour que le président du Mali, qui est un militaire, se rende
sur place pour parler avec les militaires burkinabés pour essayer de
calmer les esprits. Même si cela marche, il faudra certainement penser
à des réformes. Il y a des problèmes sociaux et politiques importants
au Burkina. Il est indispensable d'aller vers un système plus
démocratique. Après, reste à savoir ce que l'on met derrière ce mot.
Mais c'est évident, il faut qu'il y ait un changement.
Ne craignez-vous pas un effet domino comme au Moyen-Orient ?
Je ne crois pas. A mon sens, les situations ne sont pas comparables.
Il y a eu des manifestations demandant votre départ le mois dernier…
Une télévision a en effet appelé à des rassemblements pour demander
mon départ. J'ai laissé faire, je n'ai pas bronché. La différence avec
la Tunisie ou l'Egypte, c'est que moi, je veux bien qu'il y ait des
manifestations. Ici, la démocratie est une réalité que les gens vivent
tous les jours. Si les Sénégalais sortent en masse pour me demander de
partir, je partirai. Il n'y aura ni révolution ni coup, d'Etat. Je
n'ai rien à protéger, ni fortune à l'étranger, ni maisons... Je ne
suis pas un accumulateur. Je constate juste que les personnes qui
demandaient mon départ ont rassemblé à peine 3000 personnes alors que
la manifestation de soutien organisé par mon parti a rassemblé plus de
100 000 personnes. Rfi a dit qu'ils étaient 20 000. Soit. Mais même si
on prend ce chiffre, le rapport de force est largement à mon avantage.
Vous avez annoncé votre intention de briguer un 3e mandat en 2012.
Pourquoi ne pas passer la main alors que vous serez resté 14 ans à la
tête du Sénégal ?
D'abord, je note que dans ce pays, certains sont restés président
beaucoup plus longtemps. Ce qui me guide, c'est ma capacité physique
et intellectuelle à faire mon travail. Des médias occidentaux disent
que je suis trop âgé. Ce sont des affirmations qui nous choquent ici
en Afrique. Ma seule préoccupation, c'est de servir mon pays. Et il ne
faut pas croire que je ne pense pas à ma succession. Sans vouloir
imposer quoi que ce soit, je regarde autour de moi qui a les qualités
pour devenir chef d'État. Il faut que ce soit quelqu'un de courageux,
d'imaginatif mais aussi de populaire, sinon il ne pourra rien faire.
Regardez ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire.
Vous ne craignez pas l'usure du pouvoir ?
Je ne crois pas à l'usure du pouvoir ici. Je suis le seul président en
perpétuel état de grâce. C'est un phénomène spécial lié à ma
personnalité. C'est sans doute lié au fait que je ne suis pas un
baratineur, je suis un homme d'action. Je me compare toujours à
Keynes, mon maître en économie. On ne peut pas nier le rôle des
personnalités dans l'histoire. Ce sont les hommes qui sont
déterminants.
(L'Expansion)
Suprême insulte
« J’ai découvert que le pouvoir politique donne à celui qui y accède
l’illusion de disposer de quelque chose comme un gage d’éternité :
insouciance, impunité, flagornerie, tout concourt à laisser l’homme de
pouvoir se croire affranchi des contraintes de l’humain, donc de la
loi et de la morale ».
Jacques Attali, Verbatim, p.12
S’il est de notoriété publique que la parole est d’argent et que le
silence est d’or, il est aussi connu qu’il y a des silences qui
renseignent sur le mépris qu’Abdoulaye Wade nourrit à l’endroit de ses
compatriotes. Et comme « y’en a marre », nous aimerions savoir
pourquoi le président de la République s’emmure dans un silence aussi
troublant après cette suprême insulte faite à l’opinion, l’éthique,
les Sénégalaises et Sénégalais. Car c’est une insulte, et outrage ne
peut être plus grave que de vouloir imposer à un peuple souverain un
ticket présidentiel (à quelque huit mois des élections) qui va à
l’encontre de ses besoins fondamentaux. Cela fait véritablement
désordre, les Sénégalais n’en veulent pas du tout et l’ont montré sans
ambiguïté.
Si le président a entendu et compris le message du peuple, il doit
s’adresser à ce dernier et le rassurer par rapport à son éventuelle
candidature aux prochaines élections et s’atteler à organiser des
élections libres et transparentes et essayer de corriger le tort,
durant le reste de son mandat. Le Sénégal est fatigué d’Abdoulaye Wade
et de son fils!
Par ailleurs la démocratie est le pouvoir du peuple donc ce dernier a
son mot à dire dans la prise de décisions qui le concerne et a le
droit aussi de refuser des lois qui ne sont que pour servir des
intérêts de particuliers. La force publique est « instituée pour
l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels
elle est confiée » selon l’article 12 de la Déclaration des droits de
l’Homme et du citoyen du 26 août 1789. Donc un pouvoir politique qui
se respecte doit servir l’intérêt général et le mieux être des
populations.
Et puis le Sénégal n’est ni la famille Wade ni le Pds, ce sont des
femmes et hommes dignes, pacifiques, civilisés mais ô combien
déterminés et conscients que la raison ne peut pas exclure
l’expression de la nature (condition humaine). Tant que le président,
son fils, leurs partisans et courtisans ne le comprendront pas il y
aura toujours désordre.
En fin de compte le président a retiré son projet de loi satanique,
son ticket présidentiel, mais il n’a pas dit qu’il l’a annulé. Soyons
vigilants et ne baissons pas la garde. Il peut encore nous réserver
des surprises et ce n’est pas pour rien que le Président Senghor
l’avait surnommé « Ndiombor ». En fait, pour semer ses poursuivants,
il effectue quelques bonds ça et là pour s’embusquer sous la barbe
interrogative de ces derniers. Mais avec le peuple et pour que nul ne
l’ignore, vraiment « y’en a marre » !! Touche pas à ma constitution !
Ndèye Codou Fall
Citoyenne