Le Pr Wade pourra t-il se remettre de l’Affai
Le Pr Wade pourra t-il se remettre de l’Affaire Segura ?
Nous savons tous comment nos chefs d’État Africains sont attachés à leur image extérieur, et l’affaire Segura aura fini par détruire pour toujours la réputation internationale de notre président. Après nous avoir habituées à ces pratiques corruptives sur la scène nationale, Wade vient de commettre une grosse bourde qui le poursuivra pour le reste de sa carrière. La question qu’il faut se poser aujourd’hui est de savoir si le Pr. Wade pourra se relever de cette gaffe ? Les faits sont clairs, il a avoué à D. Strauss-Kahn que s’est lui qui a ordonné que la valise d’argent soit remise à Ségura (moments sûrement difficiles pour lui). Quid à le mettre sur le dos de la tradition africaine ou de son aide de camp, les faits sont là. Son aveu est associé à une tentative de corruption, même si diplomatie oblige, certains préfèrent se taire. On peut donc comprendre qu’il soit fâché et ne veuille plus en parler.
La gestion informelle de notre pays par Wade lui retombe sur la tête. Malgré son pauvre bilan, le FMI est quand même une des trois plus grandes organisations internationales dans laquelle presque tous les pays du monde sont représentés. Il est donc clair que l’information a circulé dans toute la presse mondiale. Aussi, la Segurade va faire école pour ceux/celles qui s’intéressent aux questions de gouvernance, de leadership et de corruption (oups ! et de culture). Ceci dit, comment Wade peut-il maintenant parler de bonne gouvernance ou de corruption sans que ses pairs ne rient sous leur veste ? Comment peut-il être aujourd’hui le porte-parole du NEPAD ? A-t-il aujourd’hui la crédibilité de crier pour plus d’aide si la tradition africaine lui permet de distribuer les fonds publics à ceux qui en le moins besoin ? Surtout que son pays est classé parmi les plus pauvres du monde.
La lecture de l’affaire Segura dans la presse internationale révèle aussi la perception que Wade laisse derrière lui. Trois faits sont généralement relatés dans la dizaine d’articles que j’ai lus sur le scandale. D’abord, plusieurs relatent le fait qu’il ait décidé de se représenter aux prochaines élections malgré son âge avancé (en mentionnant les nombreux changements constitutionnels). Le deuxième point qui est revenu est la saga de vouloir introniser son fils (le peuple attend encore sa réponse aux accusations de Latif Coulibaly). Et enfin, plusieurs journaux ont fait mention aux récentes vacances ostentatoires et couteuses qu’il a passé en Europe. Donc, l’image que Wade projette dans le monde est aujourd’hui au plus bas. Bien sûr, il n’est pas le premier chef d’État Africain qui use de ces pratiques corruptives, mais lui s’est fait prendre et a avoué au monde sa forfaiture.
Le deuxième point de cette affaire c’est le prétexte. Wade et ceux qui veulent le défendre doivent faire attention (d’ailleurs ils se sont tus subitement). Ils ont déjà assez insulté le Sénégal par cet acte, ils ne doivent pas en plus insulter l’Afrique en le mettant au compte des traditions africaines. Quant à l’erreur sur le montant par son aide de camp, je rappelle que ce dernier porte sur son dos la réputation du corps qu’il représente (Officier Supérieur et ancien de l’École Militaire), il doit faire de sorte que son honneur soit intact (à moins qu’il en soit autrement ??). Je comprends qu’il soit dans une situation difficile et doit protéger son patron, mais pas au détriment de son corps de métier, ni de sa propre réputation.
La question est maintenant de savoir si Wade pourra se relever de cette affaire ? Sur la scène internationale, je crois qu’il est trop tard. Cette faute laissera une tâche indélébile sur son avenir international. Si on sait que Wade a toujours aimé les reconnaissances (prix Nobel et autres), et qu’il veut être avant-gardiste sur les questions de développement, être soupçonné de tentative de corruption va à tout jamais le discréditer au niveau international. Le grand silence de son entourage depuis son aveu montre aussi comment il est difficile de le défendre.
Pour se racheter, il reste cependant à Wade une dernière porte de sortie d’ici les prochaines élections. Face à la difficile tâche de reconstruire sa réputation, Wade doit d’abord se réconcilier avec son peuple. Il doit reconstruire une confiance avec le peuple sénégalais (dans son ensemble) en espérant que cela ait un écho international d’ici la fin de son mandat (l’inauguration prochaine de sa statut de la renaissance ne sera pas pour aider). Comment se racheter ? - D’abord, il doit éviter de se présenter aux prochaines élections et gérer le temps qui lui reste de façon judicieuse. Je suis d’avis, comme certains, qu’il ne se présentera pas en 2012. Ensuite, il faut rappeler que le premier anachronisme que nous vivons au Sénégal et qu’il doit régler c’est notre représentation parlementaire. Nous avons un parlement qui ne joue plus son rôle. Aucuns des grands partis ou leaders de l’opposition n’y sont représentés (PS, AFP, REWMI, PIT, RND, …), il y a un problème de légitimité. Cette opposition, qui vient pourtant de démontrer qu’elle compte pour presque 50% de l’électorat n’a aucune représentation dans nos institutions nationales. Cela n’a aucun sens (j’ajouterai : oui il fallait boycotter les dernières législatives, n’oublions pas que c’est sous Wade que pour la première fois au Sénégal des élections ont été boycottées pour manque de consensus minimal). Et cela est à l’origine des crises multiformes que traverse le pays. En plus d’un PM, d’un parlement, d’une DIC et d’une justice qu’il contrôle à sa guise, il a créé son sénat, son conseil économique et social, et récemment sa vice-présidence contre le gré de tous. Il n’existe donc pas de contre pouvoir minimal au niveau de nos institutions pour contrôler les pouvoirs du chef de l’État. Incroyable n’est-ce pas ? Le Pr. Wade a donc le devoir de mettre en place des institutions crédibles et capables d’assurer la prochaine grande transition que va connaître le pays. Il doit faire attention pour ne pas rater sa sortie, et doit maintenir le Sénégal dans sa lancée démocratique. Nos deux premiers chefs d’État, malgré toutes leurs tares, ont eu la finesse de partir dans des conditions qui ont facilité la transition nationale et leur propre transition sur la scène internationale. Senghor a pu partir au moment ou le pays traversait une crise multiforme. Les conditions du transfert du pouvoir à l’époque, même si inacceptables aujourd’hui, ont eu l’intelligence de privilégier la stabilité. Je ne parlerai pas ici de son bilan mais la transition à été une petite avancée. Ce qui a valu à Senghor la continuation d’une carrière internationale respectable. Le Pr. Diouf aussi a su partir dans l’élégance en organisant les élections les plus transparentes de l’histoire du Sénégal, en acceptant un consensus sur le processus et les conditions de l’élection, en acceptant sa défaite et en organisant une transition paisible au moment ou le pays aurait pu exploser. Je ne m’attarderai pas non plus sur son bilan car tel n’est pas l’objet de ce texte, mais Diouf continue aujourd’hui une carrière internationale respectable. Mes propos ici ne disculpent pas les 40 ans du PS, mais non plus parce qu’il a fait un peu d’avancées dans les infrastructures, qu’on doit accepter la mal-gouvernance, la gabegie et l’impunité qui gangrènent le régime de Wade. Le Pr. Wade est aujourd’hui à un tournant important de sa carrière politique. Il doit, par l’organisation d’élections crédibles, tenter de redorer son blason au niveau national et international. Comme d’autres l’on dit, il doit faire mieux que Diouf pour espérer une quelconque reconnaissance. Pour ce faire, il y a des préalables. Il ne peut organiser des élections fiables s’il n’y a pas de consensus sur le processus, les conditions, le fichier et autres. Le manque de consensus pourra conduire à des situations qui vont le discréditer encore plus. Il doit aussi se rappeler qu’en Afrique les élections sont des moments à haut risques (Kenya, Côte d’Ivoire,…), et que ses prédécesseurs ont mis la barre très haute. D’ailleurs aujourd’hui, le seul dialogue qui vaille entre l’opposition et Wade doit tourner autour de ces questions électorales ou des Assises. Pour le reste, il gouverne, l’opposition s’oppose, et le peuple juge. Il est trop tard pour un autre dialogue (à moins qu’il veuille écourter son mandat). Le peuple doit faire attention pour ne pas être pris en otage par ce dialogue. Une autre stratégie pour Wade serait de « s’approprier » les travaux des Assises, qui sont quand même une réflexion de sénégalais et sénégalaises soucieux de l’avenir du pays, pas plus. Il pourra en faciliter l’implémentation, quitte à rediscuter les points qu’il désapprouve s’il y en a. Cette stratégie lui permettra de se hisser à un rôle d’homme de consensus et de vision. Ce rôle pourrait d’ailleurs mettre un terme à la fiction d’un président de transition donc parlent certains dans l’opposition. Il sera ainsi l’homme qui mènera le pays vers la grande transition institutionnelle donc nous rêvons tous. Il mettra ainsi tout le monde sur le même pied d’égalité et sera l’arbitre impartial d’un processus historique. Dans ce cas, même si son parti perdait les élections, le Sénégal lui en sera reconnaissant et il pourrait peut-être « re-charmer » la communauté internationale (Rawlings, Kérékou, …).
Dans un cas ou dans l’autre, le message reste le même, qu’il nous organise des élections transparentes et crédibles, et qu’il nous laisse choisir notre prochain président (nous sommes assez grands pour le faire seuls), et que le pays vive encore une transition paisible comme au Ghana (en souhaitant que notre prochain président soit un visionnaire et non un arrogant). En asseyant de faire passer un projet personnel, il risque de se discréditer pour toujours car il traine déjà des casseroles bien sales. Les plans qu’il est entrain de concoctés sont tous dangereux. La stratégie autour de Idrissa Seck par la Vice-présidence semble la seule chance qui lui reste s’il cherche quelqu’un pour protéger ses arrières, mais là aussi les risques sont grands (Je reviendrai sur cette question dans une prochaine contribution).
Si le Pr. Wade est capable d’écouter son peuple, de ne pas prêter oreille à la mafia qui l’entoure, et qu’il se rappelle que l’Afrique a besoin d’institutions solides et de visionnaires capables de transcender leur propre personnalité, seulement il pourra faire oublier l’affaire Segura et s’inscrire dans une nouvelle dynamique quant aux legs qu’il fera à son peuple. Il y va aujourd’hui de son avenir personnel, et de celui du Sénégal. Pour ce faire, il faut un homme qui a de la grandeur, malheureusement, les chefs d’État Africains sont souvent capables de faire fi des critiques et de défier leur peuple et le monde (Mugabé, Tanja, …), et foncer droit vers la destruction de leur pays et de leur image. D’autres par contre cherchent à se racheter en cherchant à répondre aux attentes de leur peuple. Par exemple, malgré les accusations de génocidaire par la France et la Belgique, Kagamé (Rwanda) est entrain, par sa politique intérieur, de rétablir une reconnaissance internationale. Aussi, Jacob Zuma (South Africa), malgré les accusations de corruption qui ont pesé contre lui avant son arrivée au pouvoir, est en train petit à petit de regagner la confiance de la communauté internationale. Mais contrairement à Wade, les accusations contre ces derniers n’ont jamais été prouvées.
Espérons que Wade aura la grandeur de comprendre ce que son peuple attend de lui est de sauver sa réputation en remettant le Sénégal dans le peleton des pays leaders dans les transformations institutionnelles dont l’Afrique à tant besoin. Je reste par contre pessimiste. Salam
Dr. Lamine Diallo
Leadership program
Wilfrid Laurier University (Canada)