Le cas
L’Etat du Sénégal a institué, par décret 2010-632 du 28 mai 2010, une nouvelle tarification des appels internationaux entrant au Sénégal. Dans la même dynamique, il a choisi Global Voice, une firme américano-haïtienne, pour gérer, en son nom, le contrôle des appels entrants. Cette opération devrait rapporter au Sénégal, selon les estimations du directeur général de l’Artp (1), la somme de 7,5 centimes d’euros par minute, soit au moins 5 milliards de francs Cfa par mois et 60 milliards de francs Cfa par an, si le volume d’appels est maintenu. Elle permettrait également de lutter et de prévenir la fraude sur les appels qui a pu prospérer en toute impunité ces dernières années au Sénégal et qui mérite sans doute d’être sanctionnée, si c’est avéré, sous forme de redressement fiscal notamment.
La Sonatel, principal opérateur concerné par les appels entrants, s’oppose énergiquement à cette mesure, en mettant en avant des problèmes de sécurité, de coût supplémentaire pour les consommateurs basés à l’étranger, ainsi que de risque de baisse de l’attractivité de la destination Sénégal comme pôle sous-régional en matière de trafic international des télécommunications.
Pour manifester son opposition, la direction générale a cru bon de mobiliser, encore une fois, les travailleurs de la société, les menaçant même de suspension de leurs primes si la mesure venait à être appliquée. Par ce fait, le ‘top management’ de la Sonatel et l’actionnaire de référence qu’est France télécoms font preuve de lâcheté (en se cachant derrière les vaillants travailleurs pour défendre leur cause) et démontrent le peu de respect qu’ils accordent aux travailleurs qui paieraient pour quelque chose qui ne les concerne guère, après avoir supporté pendant treize ans les performances de la Sonatel. Tout patriote devrait fustiger jusqu'à la dernière énergie ces pratiques post-coloniales et inadmissibles au vingt-et-unième siècle. Et l’intersyndicale devrait en être consciente.
Sur le fond de l’affaire, beaucoup de zones d’ombre méritent d’être éclaircies, notamment pour ce qui concerne les liquidités générées par le contrôle envisagé. Certes, l’Etat va gagner des ressources avec le nouveau système mis en place, mais personne ne dit ce que Global Voice va tirer du contrat. Le directeur général de l’Artp (2) révèle que l’Etat et Global Voice vont se partager presque à 50 % les revenus tirés de l’activité de contrôle et l’on peut donc penser que Global Voice va, en cinq ans, engranger autant que l’Etat, après avoir investi moins de 10 milliards de francs Cfa en matériel. C’est donc une énorme manne que Global Voice va, indument, percevoir, alors que l’Etat aurait pu tout simplement acheter le matériel (y compris l’usage des logiciels développés par cette firme) et payer des frais de consultation à Global Voice. L’opération n’ayant pas encore formellement débuté, il est encore possible que l’Etat se ressaisisse pour corriger le contrat, le mettre aux normes et capter les ressources au profit du peuple sénégalais et non pour enrichir, dans des conditions peu transparentes, des intérêts privés.
Moubarack LO Directeur Général Managing Director Emergence Consulting Group E-mail: moubaracklo@gmail.com
NOTES
1 - Interview au journal Le Soleil du 28 juillet
2 - Idem.