Artistes et “arti-faux”
Artistes et “arti-faux”
Amadou Gueye NGOM Lundi 7 Déc 2009
Selon les dictionnaires que j’ai eu la curiosité de consulter, l’artiste est celui ou celle qui s’adonne à une activité artistique. Au XVIIIe français, l’artiste désignait exclusivement le praticien des Beaux Arts -architecture, peinture, sculpture-par opposition aux sciences exactes ou juridiques; puis le terme s’est étendu aux individus s’exerçant dans les arts dynamiques: musique, chant, danse et finira par englober le cinéma, les créations électroniques d’aujourd’hui, comme l’info gravure; désormais, le vidéaste a droit de cité et devient artiste à part entière.
Par extension, l’art est également savoir faire, expertise avérée dans certaines catégories professionnelles. C’est ainsi qu’un chirurgien esthétique réussissant des prouesses techniques qui semblent défier ou contrefaire la nature est souvent considéré comme un artiste.
L’art redimensionne des pratiques sportives en les qualifiant de noble(boxe) ou martiaux (Judo karaté) et se permet même, hommage ou dérision, d’associer, dans le langage courant, la vertu au vice: l‘art de mentir, de tricher, de voler…
En marge de ces créateurs, existent ceux que j’appelle les “arti-faux” , une espèce dont le nombre est directement proportionnel au taux d’échecs scolaires et universitaires, au chômage ainsi qu‘à la crise des valeurs qui secouent les villes africaines. L’individu produit par un tel contexte ne sait rien faire de ses dix doigts et se distingue par son apparence: poils hirsutes, extravagance du comportement et des accessoires vestimentaires: boucles d‘oreilles, bagues à tous les doigts, barbe tressée…Barbe et boucles d’oreilles? Curieuse combinaison! Ça veut avoir du style mais n‘a que des manières qui lui valent des sourires de pitié de la part des “bien pensants”. Il évolue à la périphérie des véritables artistes au sein desquels il cherche à se diluer. Ce parasite se veut pourtant marginal sans avoir les moyens de sa liberté et mène une vie sans lendemain, s’ingénie à la provocation, se fourvoie dans le vice, se cherche et se perd dans les dédalles de l’irréalité.…Je lui aurais décerné, volontiers, le titre d’imposteur si le terme n’avait déjà été généreusement gratifié aux intellectuels et politiciens véreux.
A force de mimétismes, de feintes et de faire-semblant, l’arti-faux finit par se transformer un une sorte de créature émasculée que l’abus de substances toxiques rend inapte à toute activité physique; et si elle s‘essaye à la chanson, sa voix androgyne et sans timbre sonne comme une crécelle. L’oncle du village, un rude gaillard pétri de vérités évidentes et définitives, jure sur la mémoire de ses aïeux que tout ce qui nous arrive de fâcheux: choléra, criquets, inondations ou mauvais hivernages, prédateurs politiques sont les conséquences de la colère d’Allah…Colère contre nos statues, colère contre les “arti-faux” et filles “nombril-en l’air”. L’oncle n‘a simplement pas compris dans ses paramètres que, s’il existe des arti-faux, c’est parce que l’enseignement fabrique des têtes pleines de résidus plutôt que des têtes bien faites, que la “loisirisation” de la culture l’emporte sur l’appréhension de l’héritage culturel, que l’on amuse la jeunesse plus qu’on ne l’éduque.
Amadou Gueye Ngom
Critique social
PS:
perfusion, acupuncture ou saignée? L’important est d’arriver au nerf.
Auteur: Amadou Gueye NGOM