démocratie participative
L’appel au dialogue politique : Une occasion à saisir par les forces politiques et sociales
Profitant de la fin du mois béni du ramadan, le président de la République relance encore une fois l’idée d’un dialogue politique en direction des forces politiques de notre pays. En tant qu’acteur politique et citoyen tout court, nous ne pouvons que nous en féliciter, car l’invite du chef de l’Etat doit, de notre point de vue, concerner aussi les forces sociales de notre pays, parce que devant être inclusive. Cet exercice permettra aux uns et aux autres de croiser, de partager et d’échanger leurs vues et points de vue sur la situation politique et sociale du Sénégal. C’est cet esprit qui a présidé à la demande faite par notre secrétaire général Mamadou Diop ‘Decroix’ à tous les cadres de Aj, pour mener une réflexion qui transcende les barrières de professions de foi et qui définisse un contenu pratique à cet appel au dialogue politique lancé par le chef de l’Etat. Aussi, voudrions-nous, à travers cette modeste réflexion, partager avec l’opinion notre perception du dialogue politique.
Pour notre part, le fil conducteur du débat devra d’abord tenter de replacer cet appel dans le contexte politico-social du moment, avant d’en préciser ses différents attendus et de dégager quelques pistes de solutions qui s’adosseraient sur des orientations axiales.
I - Dialoguer à partir d’une analyse politique objective
Il convient de rappeler que l’alternance démocratique survenue à la tête de notre pays le 19 mars 2000, a constitué, à n’en pas douter, la fin d’une époque politique et l’ouverture d’une nouvelle ère. Un contexte nouveau marqué par plus d’exigences de la part du citoyen (usager). C’est ainsi donc, que la période post-alternance donne une nouvelle photographie de l’armature socio-politique du pays avec l’émergence de nouveaux dirigeants et de nouveaux styles, un boom de mouvements citoyens et de partis politiques, une explosion médiatique sans précédent dans l’histoire de notre jeune nation. Dans ce contexte, il faut l’indiquer, les Sénégalais se sont sentis beaucoup plus proches de l’assumation de leurs responsabilités et de l’exercice de leur citoyenneté de manière pleine et entière. Dans le même temps, leurs aspirations à plus de démocratie et à plus de libertés se sont accrues.
Quoi de plus légitime et de plus normal pour une société qui veut se hisser aux normes et références internationales en matière de démocratie et de modernité, même s’il est vrai que notre pays, sous le magistère du gouvernement de l’alternance, a offert beaucoup d’acquis aux revendications sociales et à la satisfaction des doléances des travailleurs, ce qui, du reste, est à saluer et à consolider. Aussi, les innombrables réalisations dans les domaines aussi vitaux que ceux de l’éducation, de la santé, des infrastructures, de la protection des couches vulnérables (enfants, femmes et personnes handicapées) et j’en passe, sont autant d’acquis que l’histoire retiendra pour le compte du gouvernement de l’alternance. Malgré tout, le citoyen sénégalais veut davantage devenir acteur de son propre destin. C’est là, toute la complexité de cette période post alternance. D’où la nécessité de la permanence du dialogue entre forces politiques et sociales. En effet, ce sera de façon concomitante que l’on devra dialoguer, travailler et compétir, y compris au plan électoral, c’est cela savoir marcher sur ses deux jambes. Notre pays est obligé de s’accommoder à cette posture qui ne fera qu’apporter de la valeur ajoutée à notre système démocratique.
Toutefois, dix ans après le 19 mars 2000 et à quelques encablures des présidentielles de 2012, il nous semble qu’il sera difficile pour les forces politiques et sociales de discuter sur l’avenir de notre nation en toute objectivité sans partir de l’état des lieux. A ce propos, malgré des contraintes internes et externes, force est de reconnaître que d’importantes réalisations ont été enregistrées dans nombre de domaines parmi lesquels on peut citer, entre autres, l’accalmie et le retour progressif de la paix en Casamance, les infrastructures, l’éducation et la santé, le soutien aux producteurs ruraux, la satisfaction de plusieurs revendications des travailleurs dont les augmentations de salaires, le recrutement dans la fonction publique, l’âge de la retraite porté à 60 ans, la contribution à l’intégration et à la construction du gouvernement continental, sans oublier l’accroissement du rôle international du Sénégal, les actions diplomatiques en Mauritanie, en Iran et dans la sous-région (Guinée Bissau et Guinée Conakry entre autres).
Cependant, malgré cette embellie, il reste que les acquis politiques et démocratiques sont largement tributaires du contexte économique et financier international et national. C’est ainsi que notre économie a été durement touchée par la flambée des prix des denrées de base au niveau mondial en 2007 qui n’a épargné aucun pays. Le Sénégal était donc obligé de faire face, notamment aux effets induits (crise alimentaire et subventions de l’Etat pour soutenir la consommation). Se posent alors la définition et la mise en œuvre d’une stratégie nationale endogène capable de protéger notre pays ou de réduire au mieux les effets induits d’une crise quelle qu’elle soit, par l’élaboration de politiques particulières en direction de la demande sociale, du développement agricole et rural, de l’emploi, du pouvoir d’achat, du désenclavement des régions périphériques entre autres. Ces questions-là ne sauraient être occultées par un dialogue qui se veut sérieux. C’est également dans ce contexte qu’ont eu lieu les élections locales de 2009, les assises de l’opposition et la victoire de celle-ci dans les grandes capitales régionales.
Dans ce contexte politique tout à fait normal où la majorité présidentielle exerce la plénitude de ses pouvoirs au sein de l’exécutif, détient la majorité absolue au niveau du Parlement (Sénat et Assemblée nationale), contrôle la majorité des collectivités locales même si, comme signalé plus haut, elle perd quelques-unes notamment, les grandes villes à l’occasion des locales de 2009 avec le fichier électoral en vigueur, il faut le dire avec force, que rien n’augure d’une situation d’in gouvernabilité. C’est pourquoi, nous semble-t-il, le diadoque politique doit aller au-delà des résultats des locales de 2009 et du processus électoral de 2012. Il doit poser les véritables questions politiques et sociales dont les réponses seraient susceptibles d’appuyer le travail du gouvernement et de placer notre pays sur les rampes du développement économique et social. Dès lors, il s’agira pour les acteurs politiques et les forces sociales de trouver à cette occasion, les vrais consensus pour le pays.
II - Des propositions permettant à la nation de tirer profit du dialogue entre forces politiques et sociales
Si les forces politiques et sociales acceptent d’user du langage de la vérité et de s’appuyer sur la pédagogie par l’exemple, il sera possible de relever les principaux défis que le dialogue politique se doit d’aborder. Par conséquent, l’accent devra être mis sur la promotion d’une gouvernance démocratique, tout en restant attaché aux principes de la démocratie, au respect des institutions de l’Etat et aux prérogatives des uns et des autres. Toutes les forces doivent accompagner le gouvernement dans ses efforts d’intensification tendant à assurer aux Sénégalaises et aux Sénégalais les conditions d’une vie sociale meilleure. Ceci nous semble être un attendu très fort pour un mieux être des populations.
C’est pourquoi, le dialogue politique devra déboucher sur une nouvelle approche de la politique au Sénégal tout en apportant de nouvelles innovations consolidantes à notre démocratie. A ce sujet, le statut de l’opposition et de son chef, le financement des partis politiques sont autant de questions que nous devons maintenant aborder et traiter définitivement. Les termes du dialogue sont à nos yeux clairs, car la majorité présidentielle doit prendre des initiatives et faire des propositions comme vient de le faire le président de la République. En tout état de cause, tous doivent accepter les convergences et à l’Etat de mettre en œuvre les consensus. Quant aux divergences, elles doivent être assumées par les uns et les autres, car, c’est cela le sens profond de la démocratie ; ce doit être aussi la lame de fond du dialogue.
Il nous semble que les termes du débat ne doivent pas se circonscrire sur la victoire de l’opposition dans quelques grandes villes en 2009, sur le fichier électoral, sur le processus électoral, mais plutôt sur le nouveau cycle politique qui s’ouvre, en particulier la recomposition en cours et le rôle des forces politiques et sociales dans la conduite du pays, cinquante ans après notre accession à la souveraineté internationale entre autres.
Au cours de ce dialogue que nous souhaitons voir se tenir, l’exercice doit être aisé, pour la bonne et simple raison que le Sénégal, ses forces politiques et sociales ne connaissent pas les graves problèmes connus ailleurs (clivage ethnique, tribalisme, repli identitaire, entre autres). Le dialogue politique et social devra déboucher sur des conclusions pertinentes si tant est que son objectif est de servir le pays, de renforcer et de consolider sa démocratie. Pour ce faire, un certain nombre d’axes méritent d’être visités. Il s’agira en particulier d’examiner quelques instruments et leviers tels que :
- Le renforcement de la démocratie et la participation citoyenne à la gestion du pays ;
- le renforcement de la qualité des ressources humaines ;
- l’aménagement équilibré du territoire et la régionalisation comme approfondissement de la décentralisation ;
- la relance de l’offre et de la demande des biens et services, la stimulation de l’emploi et réduction de la pauvreté ;
- le néo panafricanisme, le gouvernement continental et la coopération internationale ;
- un contrat de confiance entre l’Etat et les forces politiques pour la grande inclusion sociale ;
- le fichier et le processus électoraux.
Chacun de ces axes doit servir de piste de réflexion partagée par l’ensemble des forces politiques et sociales afin d’élargir le périmètre de la stabilité de notre pays dans le cadre de consensus dynamiques. C’est en cela que le diadoque politique et social est une nécessité à nos yeux.
Seydou TOURE Secrétaire général adjoint d’Aj/Pads Premier adjoint au maire de Sédhiou
Des collectivités locales
Au Sénégal, le citoyen et l’électeur marchent au rythme de la démocratie participative. Avec un sens aigu de leur responsabilité. Et les scrutins du dimanche 22 mars ont offert une occasion de s’interroger, sans complaisance, sur la pratique de la décentralisation. Celle-là a-t-elle permis la réalisation du développement à la base et la réaffirmation de la citoyenneté ? On serait tenté de répondre par la négative. Parce que le bilan de la communalisation n’est pas encore effectué et celle-là continue d’être prise en otage par des élus qui en font, malheureusement, une source d’enrichissement. Parce que, aussi, les coûts en fonctionnement deviennent plus importants que les investissements ou les équipements en infrastructures collectives.
Il est temps que la structure des budgets des collectivités locales soit redéfinie, réadaptée et conçue pour que les recettes servent les populations. Au lieu de ne servir que des élus qui estiment, sans éthique et sans déontologie, que l’institution décentralisée demeure un gisement. Et autorise toutes les formes d’enrichissement sans cause.
Combattre la bureaucratisation des organes de décentralisation et la fonctionnarisation des élus devient, désormais, une urgence. Une réforme du Code des collectivités locales est une priorité. Parce que la gabegie y est devenue comme le sida. Et pille, sans mesure, les ressources des institutions locales devenues, en somme, des outils au service d’un business illicite. Beaucoup de membres des bureaux mis en place par le Conseil municipal disposent de véhicules de fonction pendant que la commune manque de logistiques comme une ambulance ou des équipements de loisirs et de divertissements.
Un grand questionnement, également, sur la mobilité des présidents de Conseils régionaux, des maires et le financement de leurs attributs. Il est courant de constater que certains élus ne cessent de voyager aux frais de la princesse. Ou n’arrêtent de gonfler certains centres de coûts pour en profiter de manière abusive. Les légèretés ou manquements de ce genre sont, d’ailleurs, légion dans les collectivités locales.
C’est le lieu de relever le caractère trop peu orthodoxe du contrôle politique, technique et hiérarchique des collectivités locales. Le laxisme y est devenu structurel. D’autant que la pléthore en effectifs suffit pour admettre, sans être péremptoire, que les recrutements du personnel ne respectent les règles qui organisent le travail municipal, ne fixent la division des rôles et ne déterminent les conditions de déroulement de carrière.
Aujourd’hui la gestion du bien public, au terme de la construction de l’Etat Nation au Sénégal, devient une priorité. D’où la réforme de l’administration fossile qui est, aussi, une nécessité. Pour que le développement local puisse évoluer. Grâce à une pratique conséquente qui permettrait, au bout de chaque mandat, le triomphe de l’intérêt public sur les intérêts personnels.
Au moment où, dans certains pays, il est recherché le moyen de promouvoir l’intercommunalité ou de procéder à des actions de ce genre, au Sénégal, la pratique d’une décentralisation bien en mesure de garantir le quotidien du citoyen peine à démarrer. Même si elle a trouvé un début d’action, confirmant la volonté du pouvoir actuel de pratiquer, de moins en moins, la règle du tout à l’Etat. Il n’est pas inutile de rappeler le fait que l’absence de contrôle hiérarchique et interne a contribué, certainement, à l’inertie des collectivités locales devenues des institutions victimes de l’esprit de parti.
Ne confondons point suffragisme ou électoralisme et pratique d’une démocratie participative. Dans la mesure où certains hommes politiques estiment que leur combat ne se limite qu’aux investitures au lieu d’être étendu à la réalisation d’un projet ou d’un programme politique. Voilà cinquante ans que les mêmes leaders s’affairent et occupent l’espace politique national, évoluant sans offre programmatique. La décentralisation ne rentre, aucunement, dans leurs préoccupations. Ni au plan du principe, ni à celui de l’action. Par contre, les fonds générés par les collectivités locales sont devenus des gisements pour assouvir des appétits pécuniaires gargantuesques.
Une évaluation de l’impact des politiques municipales aurait dû s’imposer avant d’engager, après les locales 2009, une autre étape. Le management doit être rigoureux afin que la politisation ne puisse plus détourner, une nouvelle fois, l’outil municipal de sa réelle vocation. Il est nécessaire de bien situer la responsabilité du Conseil municipal, celle du maire et, surtout, celle du conseiller. Car l’impunité des maires et l’irresponsabilité des conseillers rendent le Conseil municipal inefficace. D’ailleurs, le recours à la délégation municipale, sa fréquence et ses effets confirment, s’il en était besoin, l’incapacité des élus à bien se servir de l’outil communal, moteur par excellence du développement à la base. Déplorons l’inadaptabilité des élus qui pensent que les Collectivités locales n’offrent que des rentes de situation, des positions, des attributs de fonction et des privilèges. Les maires et présidents de collectivités locales entretiennent, souvent, des standings qui dépassent, de loin, les ressources de leurs institutions. Regrettons, enfin, le fait que, souvent, le Conseil municipal ne sache pas exécuter un budget ou se complaise dans des actions qui violent, à la longue, les options et les procédures ayant cours dans le domaine des finances publiques au Sénégal.
Il reste, cependant, évident que l’opinion citoyenne entend faire de la démocratie participative un espace et un moyen au service du développement local. Il faut que la décentralisation soit le moyen qui doit aider à l’émancipation citoyenne et à l’accélération du transfert des compétences. Hormis celle de la souveraineté. Ce qui permettra à l’Etat de se consacrer au développement macro économique. Une équation à deux inconnues serait, ainsi, résolue : La verticalité des politiques en tant qu’activité propre au pouvoir exécutif et l’horizontalité des actions de développement local, le propre des institutions de développement à la base.
Wagane FAYE Professeur d’Anglais Coordonnateur des cadres du Fap Vice-président de la Commission des cadres et experts de la Cap 21 E-mail : HYPERLINK ‘mailto:waganecoumbasandiane@gmail.com’ waganecoumbasandiane@gmail.com