La réalité a fini par confirmer l’échec d’un
La réalité a fini par confirmer l’échec d’un candidat consensuel, tant recherché par Bennoo
Finalement la réalité a donné le verdict implacable de l’échec d’une candidature unique ou même celle de l’unité et du rassemblement au sein de Bennoo. Il faut l’accepter et en tenir compte pour l’avenir. Accepter un échec dans un parcours de la vie, c’est déjà de l’humilité pour reconnaître que, malgré une bonne volonté en vue de bien faire, on peut parfaitement bien se tromper en fin de compte. C’est le cas, peut-être, de tous ceux qui ont cru en un moment donné à cela. Mais c’est aussi un pas en avant, si on en tire les leçons qu’il faut, pour poursuivre le combat avec plus de détermination vers l’objectif principal, visé. A l’étape actuelle, Bennoo tout entier doit faire preuve de dépassement, de même que toutes les forces acquises au départ de Wade en 2012.
Contrairement à ce que certains semblent croire, à savoir que le candidat consensuel était la seule et unique voie ou même une fin en soi pour battre Wade, non, celui-ci était simplement un des moyens, considérés à tort ou à raison, par certains, comme le chemin le plus indiqué qui offrait plus de chance pour atteindre le but visé. Objectivement, cette étape, importante certes, a été infranchissable à l’arrivée et beaucoup de Sénégalais qui y croyaient, en sont désolés très justement. Mais la vie ne s’arrête pas là pour autant, au contraire, elle continue. Et le parcours doit se poursuivre avec plus de détermination jusqu’à son terme, c’est-à-dire, dégager Wade en 2012. Cet objectif, est, et doit être, celui de tous les déçus et victimes de l’alternance.
Voilà pourquoi, l’échec de Bennoo, qui est de n’avoir pas réussi à trouver un consensus autour d’un seul candidat, ne devrait pas, du tout alors, pousser les forces vives et démocratiques à déclarer forfait ou se laisser aller au découragement, à baisser la garde de la lutte pour dégager Wade. Non et absolument non ! Ce combat va au-delà de Bennoo Siggil Senegaal car, il est celui du peuple sénégalais tout entier ou en tout cas, de sa majeure partie, victime des promesses démagogiques et du populisme de Me Wade. Il est le combat de tous ceux qui ne vivent que du fruit de leur labeur.
A ce titre, il faut absolument éviter de commettre l’erreur consistant à se tromper d’adversaire, surtout dans une situation politique aussi confuse comme celle qui sévit dans notre landerneau politique, où l’on ne sait pas tellement en fin de compte, qui est qui et qui représente quoi. C’est ainsi que, les divers acteurs se tirent dessus, sans discernement, les uns contre les autres, dans le même temps où l’adversaire unique, le pouvoir, renforce ses bases par une corruption active à l’aide de l’argent du contribuable et cherche à déstabiliser et fragiliser toute son opposition.
Pourtant, je ne cesse de le répéter à travers mes contributions, l’adversaire et véritablement l’unique de toute l’opposition, c’est avant tout, personne d’autre que Abdoulaye Wade et son régime. Ce sont eux qui ont réduit aujourd’hui notre pays au ban des pires républiques bananières, des Etats de non-droit où l’anarchie et la corruption sont les maîtres mots ou principaux maux qui règnent en maître. Ils font tout avec l’aide de forces occultes tapies dans les rouages de l’Etat, chez certains marabouts et dans la société civile, pour que notre pays chemine lentement vers la monarchie institutionnelle et pour procéder à une succession dynastique quasiment. Ne pas comprendre cela, serait perdre de vue la grave menace que Me Wade fait courir à notre pays et à son unité nationale, par le fait de son maintien aujourd’hui au pouvoir. Comme, ce serait également une faute politique grave et impardonnable de l’ensemble de la classe politique toutes tendances confondues, qui sont opposées au pouvoir, si, par manque d’une lecture politique correcte de la situation, de patriotisme actif, de solidarité agissante pour l’intérêt général ou grâce à leur dispersement ou division, elle favorisait le maintien de Wade à la tête du pays, un seul jour de plus.
Ne l’oublions surtout pas, que l’arbitre, et le seul souverain qui soit, pour élire ses dirigeants, c’est en dernier ressort le peuple sénégalais. Et nous n’ignorons pas qu’il a aujourd’hui soif de liberté, de justice sociale, de vivre décemment du fruit de son travail, de se soigner quand il est malade, de trouver de l’emploi à sa jeunesse, d’avoir enfin, des dirigeants dignes de ce nom et pleins d’éthique. A telle enseigne que sa préoccupation du moment dépasse les querelles subjectives de personnes qui n’a qu’assez duré. Il faudrait que tous les acteurs prétendants au pouvoir, opposés à celui en place, en tiennent compte de manière formelle et sans équivoque. Qu’ils aillent à l’essentiel, en mutualisant tous leurs efforts, avec l’apport de ceux des forces vives du M23 opposées au régime libéral, pour congédier définitivement Me Wade le 26 février 2012. Il n’existe pas, à l’heure actuelle, une cause plus noble pour notre peuple que celle de mettre frein net au régime libéral. C’est pour cette raison majeure qu’il nous faut bien travailler, chacun de son côté, pour faire ressortir avec pertinence et arguments irréfutables à l’appui, les fautes graves insoupçonnées de gestion du pays par le régime libéral et son chef, durant ses deux mandats qui ont mis notre pays à l’envers et l’ont conduit là où il est aujourd’hui, parmi les pays mal classés presque en tout.
La détermination, la mobilisation et l’engagement sans concession du M23, à défendre la Constitution et à se mettre au service du peuple pour la sauvegarde de ses intérêts supérieurs, est manifeste sur l’ensemble du pays. Et la dernière preuve, en date, est la manifestation largement suivie de Tamba. Il est suffisamment démontré, depuis le 23 juin, qu’une majorité sociologique dont une bonne partie appartient à la jeunesse consciente et patriotique de notre pays, est prête à relever le défi et, à affronter le pouvoir, qui tente de nous étouffer, en nous empêchant d’user de nos droits et d’accomplir nos devoirs.
L’heure est au travail maintenant, de rassembler utilement, après tout ce temps perdu pour un résultat aussi maigre. Ce n’est pas la matière qui manque pour mettre à nu la gestion désastreuse de notre pays par Me Wade. Dès lors, les acteurs politiques de l’opposition, sans distinction, doivent tout faire à présent, pour se hisser à la hauteur du degré de mobilisation et d’engagement des populations et du M23. Il est temps de passer aux actes et de sortir des laboratoires et des salons pour aller vers les populations.
Le temps des conciliabules et des combinaisons interminables est fini maintenant. Alors, il ne faudrait pas donc que l’intérêt général du peuple sénégalais en 2012, soit sacrifié au profit des intérêts particuliers des uns et des autres. Voilà pourquoi, les forces vives, de progrès et patriotiques de l’opposition devraient s’écarter de manière absolue, de cette voie de l’autodestruction ou de l’élimination mutuelle, consistant à mener une guerre fratricide entre opposants du régime, au lieu de diriger tous leurs coups vers le pouvoir en place, principal responsable de la situation que nous vivons.
Déjà, Me Wade pavoise à cause de l’issue qu’a connue le sort du candidat consensuel de Bennoo. Voilà une raison majeure et suffisante pour taire les querelles intestines, non seulement entre Bennoo, mais au sein de l’ensemble de l’opposition patriotique et de l’électorat acquis pour une alternative à l’alternance. Il est quasiment évident que les électeurs, victimes notoires du régime libéral, sont déterminés et prêts à administrer une leçon mémorable, par une défaite cuisante de Me Wade, le 26 février 2012.
Le slogan ‘Tout le monde sauf Wade’ doit être à l’ordre du jour dans la campagne. Certes ceci n’est pas une garantie pour nous assurer le meilleur profil. Mais nous devons, dans tous les cas de figure, procéder par élimination. Pour commencer, dégageons Wade. Un des objectifs de la refondation de la République est de mettre absolument un terme au cycle de ce genre de présidents à la Wade, à savoir : ceux-là qui, une fois installés au pouvoir et sur les institutions de la République, verrouillent toute possibilité de dévolution démocratique du pouvoir. Ce sont les mêmes qui se renient, se dédisent et ne se soucient plus des préoccupations du peuple une fois au pouvoir ni des raisons pour lesquelles ils ont été élus. Les citoyens, patriotes à part entière, électeurs conscients qui ont gagné en maturité au fil du temps, élimineront cette race de chefs d’Etat, à chaque fois qu’ils en rencontreront au cours de l’histoire, jusqu’au jour où ils auront celui qui correspondra effectivement aux aspirations de notre peuple, tant au plan éthique que celui du respect des institutions et de l’engagement vis-à-vis de la nation.Me Wade a révélé en plein jour aux Sénégalais, qu’il était tout sauf ce que même un simple dirigeant ne fallait pas être, à plus forte raison qu’un chef d’Etat !
Ses menaces à la Kadhafi, en direction du peuple qui le conteste, sont des signes manifestes qui ne trompent pas, d’un homme évidemment obsédé par le pouvoir. Et toutes ses dernières déclarations de la dernière période montrent à suffisance sa perte de maitrise et sa volonté démoniaque à demeurer au pouvoir contre vents et marées. Le peuple sénégalais, à travers ses forces vives, doit, à son tour aussi, être animé d’une ferme volonté, mais raisonnée, pour l’empêcher de violer la Constitution et de s’imposer à lui. Le seul moyen pour y arriver, c’est d’unir nos forces dans le seul but de la victoire du peuple et non des individus quels qu’ils soient.
Mandiaye GAYE, Gaye_mandiaye@hotmail.
A propos du Bulletin unique
La Commission technique chargée de la revue du Code électoral (Ctrce) a remis son Rapport au chef de l’Etat, le jeudi 10 Novembre 2011, au Palais de la République. Au cours de cette cérémonie officielle qui a vu la participation du Premier ministre, des ministres d’Etat Habib Sy et Diakaria Diaw, du ministre chargé des Elections, Cheikh Gueye et d’autres proches collaborateurs du président de la République, M. Wade et son Premier Ministre ont rejeté le Bulletin unique pour l’élection présidentielle de février 2012. Ils ont proposé l’expérimentation de celui-ci pour les prochaines locales prévues en 2014.Deux arguments principaux ont été avancés pour justifier le rejet du Bulletin unique pour la présidentielle de 2012.
- Premièrement, les délais trop courts qui nous séparent de ce scrutin et qui ne permettent pas une bonne sensibilisation des populations pour une maîtrise parfaite de cette nouvelle procédure de vote, avec le risque de se retrouver avec un nombre très important de bulletins nuls.
- Deuxièmement, la tradition électorale séculaire de notre pays basée sur le vote avec des bulletins multiples, et qui ne saurait être abandonnée du jour au lendemain.
Avant de revenir en détail sur ces arguments, il convient de faire observer que cette position est absolument incompréhensible. Durant toute la période des travaux de la Ctrce, (du 27 juillet au 23 septembre 2011), les représentants de l’Ast/Fal 2012, qui ont assisté à toutes les réunions, n’ont, à aucun moment, exprimé les réserves exprimées par la mouvance présidentielle et son chef, M. Wade, sur le Bulletin unique. Pourtant, dès la première réunion du Ctrce, les règles du jeu étaient clairement définies et acceptées par toutes les parties prenantes, pour ce qui concerne le cadre et la méthodologie d’approche. Examinons brièvement chacun de ces points.
Le Cadre
Jusqu’ici, les travaux de la Ctrce se faisaient avec la participation de l’ensemble des partis politiques légalement constitués, sous la présidence du ministère de l’Intérieur. C’est ainsi que du 01 au 05 décembre 2009, s’est tenue à l’Ecole nationale de police, la dernière réunion du Ctrce sous le format ci-dessus évoqué. Mais, cette rencontre n’a pu aller jusqu’à son terme, suite à des divergences profondes entre la Coalition Front Siggil Senegaal et la mouvance présidentielle sur un certain nombre de questions.
La Coalition Fss s’est retirée des concertations, d’autres coalitions de partis se sont retirées quelques jours plus tard. Cela a conduit à l’échec pur et simple de la concertation sur la réforme du Code électoral. C’était sous le magistère du ministre d’Etat Bécaye Diop. Avec l’avènement du Comité de veille, qui est une recommandation de la Mission d’audit du fichier électoral (Mafe) dont les travaux se sont déroulés du 13 octobre au 30 décembre 2010, un nouveau cadre a vu le jour, et qui offrait l’avantage d’être plus souple et plus opérationnel pour un travail de réflexion et de toilettage des textes. Ce cadre offrait également l’avantage de regrouper d’autres acteurs intéressés par le processus électoral, mais qui ne participaient pas aux concertations entre les partis politiques.C’est ainsi que (8) huit catégories d’acteurs sont membres du Comité de Veille
a) Les acteurs institutionnels :
- Ministère Chargé des Elections (Mce) ;
- Ministère de l’Intérieur (Mint) ;
- Ministère des Affaires Etrangères (Mae) ;
- Ministère de Sénégalais de l’Extérieur (Mse)
b) La Commission électorale nationale autonome (Cena)
c) La Commission nationale de régulation de l’audiovisuel (Cnra)
d) La Justice (Cour suprême, Cour d’appel de Dakar et Tribunaux départementaux)
e) Les autorités administratives déconcentrées (Gouverneurs, Préfets et sous-préfets)
f) La Société civile
g) Les Partenaires techniques et financiers (Ptf) qui ont appuyé la Mafe, (l’Union européenne, les Usa, l’Allemagne). Ces Ptf avaient un statut d’observateur.
h) Les Coalitions de partis
• Alliance Sopi pour toujours (Ast/Fal 2012)
• Bennoo Siggil Senegaal (Bss)
• Bennoo Taxawal Senegaal (Bts)
• Les Non-alignés (Cpna)
• Les Indépendants (Cpi)
A ces coalitions de partis, s’est ajoutée une autre entité composée de partis non membres du Comité de Veille, appelée coalition des partis non-inscrits. Cela a permis d’avoir un panorama complet de l’ensemble des 173 (cent soixante treize) partis légalement constitués, regroupés en 6 (six) coalitions. C’est dans ce cadre appelé Commission technique chargée de la revue du Code électoral (Ctrce), et qui a regroupé au total, une trentaine de membres, que la Revue du Code électoral s’est déroulée.
Il convient de signaler qu’en plus des représentants de la mouvance présidentielle (Ast/Fal 2012), le Gouvernement était représenté par le ministère chargé des Elections, à travers ses 4 (quatre) directions impliquées dans le processus électoral, à savoir la Direction Générale des Elections (Dge), la Direction de l’automatisation du fichier (Daf), la Direction des opérations électorales (Doe) et la Direction de la formation de la communication (Dfc).
La diversité des secteurs qui ont pris part à la Ctrce et la qualité de leurs représentants ont permis d’aboutir à des résultats très positifs dans des délais relativement courts. C’est ici le lieu de remercier les Partenaires au développement qui ont appuyé au plan financier les activités du Ctrce et du Comité de Veille, mais aussi de rendre hommage à tous les membres du Ctrce qui ont travaillé dans un esprit constructif et de dépassement.
C’est ainsi qu’au plan des statistiques, le Rapport final révèle que, s’agissant des propositions du Mce (Ministère chargé des Elections), le nombre d’articles concernés se chiffrent à 101 (cent un) dont 68 (soixante huit), dans la partie législative et 33 (trente trois) dans la partie réglementaire.Concernant la Cena, la Cour d’appel et le Cnra, les propositions sont au nombre de 26 (vingt six)
Pour ce qui est des coalitions politiques, leurs propositions sont au nombre de 133 (cent trente trois) dont 118 (cent dix huit) dans la partie législative et 15 (quinze) dans la partie réglementaire. Le nombre total de propositions est de 275 (deux cent soixante quinze) et concernent 156 (cent cinquante six) articles du Code électoral dont 114 (cent quatorze) dans la partie législative et 42 (quarante-deux) dans la partie réglementaire, sur 298 (deux cent quatre vingt dix huit) et 111 (cent onze) articles que comptent respectivement la partie législative et celle Réglementaire du Code électoral.
Notons que des articles ont été touchés du fait de l’impact des nouvelles dispositions, notamment l’adoption du Bulletin unique. Les articles concernés sont au nombre de 15 (quinze).
• Le nombre de propositions retirées est de 40 (quarante)
• Les points de désaccords sont au nombre de 15 (quinze)
• Les réservés émises sont au nombre de 3 (trois)
• Les Recommandations sont au nombre de 19 (dix neuf)
• Les points de consensus, considérés comme des avancées majeures, sont au nombre de 26 (vingt six)
Le plus important à retenir, c’est que parmi les 26 (vingt six) points consensuels considérés comme des avancées majeures dans notre dispositif électoral, un seul point à fait l’unanimité, c’est le Bulletin Unique.
Les termes du Rapport final, élaboré par la Direction de la Formation et de la Communication (Dfc) du Ministère de chargé des Elections, qui assurait les fonctions de Secrétaire du Ctrce, sont sans équivoque.
‘La Révolution, c’est l’adoption unanime du Bulletin unique, avec tirage au sort, pour déterminer la position des candidats, sur ledit bulletin. Les bulletins seront sécurisés et leurs dimensions seront déterminées par arrêté du Ministère chargé des Elections’. Méthodologie d’approche.
D’un commun accord, il avait été décidé que, pour rationaliser le travail, toutes propositions de réforme ou de modifications des dispositions du Code électoral, devaient faire l’objet d’une contribution écrite à partager avec tous les membres de la Ctrce. Cette démarche avait comme avantage de permettre à tous d’être informés à l’avance des propositions des uns et des autres, et par conséquent d’y réfléchir et faire, au besoin, des contre-propositions lors des discussions.
Ainsi, chaque membre de la structure avait la latitude de rendre compte à ceux qui les ont mandatés, et faire part de leur approbation ou désapprobation de telle ou telle proposition. C’est cette méthodologie d’approche qui explique le fait que le calendrier des travaux de la Ctrce était élaboré de telle sorte que les représentants des entités qui siègent dans la dite structure, avaient la possibilité après chaque séance de discussion, de rendre compte à ceux qui les ont mandatés, avant validation des propositions par la Ctrce. (A suivre)
Ousmane BADIANE, Secrétaire national adjoint de la Ld, chargé des Elections et des Elus Email : bousmane2006@yahoo.fr
Projet de réforme de la Cour des comptes : Une tentative de mettre à genoux l’organe de contrôle externe du Sénégal
La Cour, créée en 1999 conformément au Traité de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) exerce un contrôle juridictionnel des comptes des comptables publics, un contrôle de l’exécution des lois de finances, un contrôle de la gestion des organismes publics et du secteur parapublic. Ces larges compétences engendrent assurément un important volume de travail. C’est ainsi qu’il faut contrôler près de 515 comptes de gestion des comptables publics, 135 entités du secteur parapublic, de nombreux services administratifs centraux et déconcentrés et sans compter toutes les collectivités locales.
La situation actuelle des ressources humaines de la Cour des comptes et la lourdeur de ses procédures ne lui permettent pas de faire face à ses obligations avec toute l’efficacité requise. En effet, l’effectif actuel, constitué d’une vingtaine de magistrats contrôleurs et de deux membres du Parquet (par où passent tous les rapports produits) est nettement en deçà du niveau souhaité pour couvrir toutes les attributions de l’institution.
Ces considérations ont amené la Cour à envisager, depuis 2005, la réforme de ses textes pour rendre ses procédures moins lourdes et l’institution plus efficace.
Au regard des compétences de la Cour et de ses objectifs de performance, je suis surpris, en ma qualité de Sénégalais intéressé aux Finances publiques, du projet de loi finalement proposé par l’Exécutif pour réformer la loi organique n° 99-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes.
Ce projet de l’Exécutif appelle de ma part les observations suivantes.
Une réforme non-conforme à la transparence et à la bonne gouvernance. L’article premier de ce projet de réforme dispose en ses alinéas 2 et 3 : «La Cour des comptes remet au chef de l’Etat une copie du rapport général, huit (08) jours avant l’audience de remise.
Elle peut ensuite s’adresser à la presse par l’intermédiaire de son président mais sans citer le nom de personnes.»
Par cette disposition nouvelle dans la loi organique sur la Cour des comptes, le rapport public disparaît. Ce rapport public, jusque-là moyen de communication de la Cour avec les citoyens contribuables, permettait non seulement à cette institution de rendre compte de sa mission de contrôle des Finances publiques conférée par la Constitution mais au citoyen et au contribuable d’être informés de l’utilisation des deniers publics. Par cette nouvelle disposition, l’Exécutif veut priver le peuple de son droit de regard sur les Finances publiques.
La lecture de l’aliéna 3 m’amène à me poser la question suivante : qui veut-on protéger en demandant à la Cour des comptes de ne plus publier son rapport d’activités et de ne plus citer de nom face à la presse ?
Si, dans toutes les démocraties, la sortie du rapport public de l’institution externe de contrôle des Finances publiques est un grand rendez-vous pour le contribuable, elle constitue également un moment d’inquiétude pour les gestionnaires aux pratiques peu orthodoxes. Le seul fait de rendre publics les résultats des audits effectués par cette institution peut avoir des effets dissuasifs pour les malintentionnés.
En supprimant le rapport public de la Cour des comptes, l’Exécutif veut faire obstacle au droit du citoyen et transformer cette institution en Inspection générale d’Etat bis, si l’on sait le sort réservé aux rapports de ce service de la présidence de la République.
L’Exécutif méconnaît, ainsi, le Code de transparence de l’Uemoa qui rend obligatoire la publication de «l’ensemble des informations et documents relatifs aux Finances publiques … et qui prévoit également la publication des décisions particulières de la Cour des comptes sur son site web ou et dans au moins deux grands journaux nationaux de grande diffusion».
Les nouvelles dispositions de l’article premier du projet de l’Exécutif sont contraires aux principes de transparence et de bonne gouvernance reconnus par l’Uemoa et les associations internationales d’institutions supérieures de contrôle des Finances publiques.
Une réforme anticonstitutionnelle
En son article 5 aliéna 4 le projet dispose : «En cas de paralysie de l’institution du fait de désaccord de ses membres, le président de la République, garant du fonctionnement des institutions, prend toutes les mesures nécessaires à la reprise du fonctionnement et à la continuité du service public.»
L’Exécutif confond la légalité d’exception qui s’applique à l’Etat dans des situations de grave crise et les opinions contraires au sein d’une instance juridictionnelle. Par cette disposition, le pouvoir exécutif se donne la possibilité de s’immiscer dans le fonctionnement de la Cour des comptes qui, rappelons-le, relève du pouvoir judiciaire. En cela, il est en contradiction avec l’aliéna 1 de l’article 88 de la Constitution qui pose l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif.
Les décisions étant prises en collégialité au niveau des Chambres, nous pensons qu’il est nécessaire et souhaitable qu’il y ait des avis différents au cours des discussions de ses membres pour que jaillisse la vérité. Pour cela, des mécanismes sont prévus pour départager les magistrats en cas d’égalité des voix.
De plus, les Chambres réunies sont une formation qui tranche toutes les questions de droit réglées de façon divergente par les différentes Chambres.
Je ne peux donc comprendre l’intérêt de cette nouvelle disposition dangereuse pour notre démocratie. Dangereuse, parce que donnant l’occasion au pouvoir exécutif, sous prétexte de désaccord des membres de l’institution, de mettre en place «une délégation spéciale» à l’instar de certaines collectivités locales gagnées par l’opposition.
En outre, en son article 29 aliéna premier, le projet dispose : «Tout comptable public doit rendre compte de sa gestion.» Cette nouvelle disposition ne permet pas de répondre à la question suivante : devant qui le comptable public doit-il rendre compte de sa gestion ? Question fondamentale pour une gestion transparente des deniers publics. Nous pensons que seul un organe juridictionnel, externe à l’Exécutif, doit effectuer le jugement des comptes des comptables, derniers intervenants de la chaîne des dépenses publiques, sous réserve d’aménagements prévus par la loi.
En effet la Constitution, en son article 92, consacre le jugement des comptes des comptables publics comme une compétence réservée à la Cour des comptes. Cette disposition de la Constitution fait du jugement des comptes une compétence d’ordre public nonobstant la possibilité des autres organes de contrôle de l’Exécutif de vérifier les comptes des comptables publics sans les juger.
En rédigeant ainsi la nouvelle disposition, l’Exécutif prévoit la possibilité qu’un comptable public ne puisse rendre compte de sa gestion devant la Cour, mais au profit d’un autre organe de contrôle. Lequel ? Peut-être l’Inspection générale d’Etat dont l’Exécutif ne cesse d’élargir les compétences. Ce serait une vraie aberration et une première dans l’histoire que de confier le jugement des comptes à un organe de contrôle dont l’inféodation à l’Exécutif n’est plus à démontrer.
Nous pensons que pour se conformer à la Constitution, les rédacteurs du nouveau texte devraient garder la disposition telle qu’elle est dans l’article 34 de la loi organique n° 99-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes : «Tout comptable public doit rendre compte de sa gestion devant la Cour des comptes.»
A l’évidence, le projet de l’Exécutif constitue une tentative de rétrécissement des pouvoirs de la Cour des comptes.
A suivre