Dakar reste sous tension
Jeu de pouvoir
A l’heure où certains pays très pauvres et ceux en développement voient le bout du tunnel, à la faveur de politiques de développement savamment mises en œuvre et sources de croissance économique soutenue et enviable, tragiquement, au Sénégal la paix et la gouvernance démocratique sont à la merci de flambeurs et fêtards incorrigibles taillés dans le granite de la pire race des démolisseurs. Quel cynisme délirant de gens incapable de grands gestes et dont l’incompétence et l’inconvenance sont sans limites ! Fossoyeurs de la démocratie, sans scrupules, assimilables à des vautours, travaillant avec acharnement, au mépris des valeurs à leur projet dévalorisant de dévolution monarchique du pouvoir. Par une cruelle ironie de l’histoire, jadis le premier de la classe en démocratie devient honteusement le dernier.
Le pouvoir absolu a bel et bien un prix à leurs yeux au regard des innombrables délices et merveilles qu’il dévoile, avec un train de vie somptuaire qui contraste indécemment avec la précarité dans laquelle s’enlise le peuple. Incapables d’actes nobles, Ils jouent allègrement avec notre sort dans leurs somptueux bureaux et maisons, alors qu’à côté des morts et des blessés tiennent pignon sur rue devant une vilaine et inopportune répression qui, du reste, ne fait qu’exacerber le mécontentement. Les merveilles éphémères du pouvoir en valent-elles cette chandelle ? Certainement oui pour eux. Car « certains iraient en prison si nous perdons » disait un des leurs.
A quoi joue ce dirigeant véreux, rêveur, à la prolixité foudroyante des campagnes électorales ? S’interroge un pauvre manifestant. Son ami frondeur, empreint de la gravité de l’heure répliqua sans détours qu’au pouvoir, les gens sont comme des mouches sur de la viande, friandes de matière, insoucieuse du préjudice qu’elles nous infligent lorsque cette hideuse bidoche traversera nos organes. Sur fond d’ironie il poursuit, affirmant que la différence entre ces mouches et nos « chers pouvoiristes » résident dans le fait que ces derniers, dotés de raison, déraisonnent gravement sans cesse car revenant résolument aux mêmes bêtises. Alors que ces pauvres animalcules, s’ils étaient avertis n’allaient pas retoucher, après maints coups de fouet, à la viande pour la salir.
Cette métaphore de la politique à la sénégalaise met en évidence, dans toute sa laideur, l’ampleur de la gestion avide du pouvoir et l’indélicatesse avec laquelle les tenants méprisent le peuple en avilissant sa démocratie, au vu de leurs pratiques attentatoires à la paix, à la concorde, et par extension aux aspirations et intérêts des grass roots.
Mamadou FAYE
mafaye3@hotmail.com
‘Candidats’ du M23 : les dessous d’un radicalisme suicidaire (Suite)
Lors de cette table ronde réplique, fort médiatisée, et largement suivie au-delà de nos frontières, le propos d’un des animateurs, en l’occurrence l’éminent constitutionnaliste, le professeur Moustapha Sourang (ancien Doyen de la Faculté des Sciences juridiques, ancien Recteur de l'Université Cheikh Anta Diop et ancien Garde des Sceaux), battant en brèche les thèses des constitutionnalistes anti-Wade, avait particulièrement retenu l’attention de l’assistance. Il synthétisa admirablement ce débat politico-juridique : ‘Le droit d’éligibilité ne peut être dénié à personne. Dans la mesure où il existe une instance habilitée à trancher les éventuelles contestations (…) Il s’y ajoute qu’une parole privée, fut-elle celle d’un chef d’Etat, ne saurait avoir force de loi, pour s’imposer en dehors de tout principe de droit.’ Dans son sillage, l’ancien Procureur général de l’Etat de Géorgie (Usa), Thurber Barker, apporta un éclairage complémentaire : ‘Wade a été élu, pour la première fois, sur la base de la Constitution de 1963. Une loi constitutionnelle légifère pour le présent et pour le futur. Elle ne peut être que prospective et non rétrospective. Donc, son premier mandat, antérieur à la Constitution de 2001, ne saurait entrer en ligne de compte.’
Il est évident qu’il ne s’agissait là que d’avis de professionnels du Droit, livrant librement à l’opinion la religion qu’ils se font des textes à polémique (articles 27 et 104) de notre Loi fondamentale. Mais toujours est-il, qu’au même titre que leurs pairs ayant émis des avis différents, sur la même matière, ils méritent respect et considération. Et non ces jugements à l’emporte-pièce, saugrenus et inélégants, genre : ‘Les mercenaires de Wade ont validé sa candidature’ ! Et l’on daubait à satiété sur de respectables notoriétés scientifiques, simplement parce que leurs ‘attendus’ ne sont pas allés dans un certain sens souhaité !
Quand on s’enorgueillit d’être un démocrate, il faut s’évertuer à le traduire également en actes, en ayant surtout le culte de la tolérance en bandoulière ; en concédant à son vis-à-vis le droit de ne pas avoir le même point de vue que soi : ‘Je n'aime pas vos idées mais je me battrai pour que vous puissiez les exprimer’ (Voltaire).
Cette confrontation de thèses juridiques aura au moins eu le mérite d’avoir permis à de larges franges de l’opinion, auxquelles on a paru un moment imposer des œillères, d’être acquises à l’idée qu’il y avait désormais ‘deux sons de cloche’, relativement à la candidature de Wade. Les travaux de ces spécialistes du Droit, invités par le pouvoir, auront effectivement réussi à briser cet unanimisme béat, qui avait germé de ce fameux forum des constitutionnalistes de l’opposition. Les émissions interactives, organisées à cette occasion par certaines stations Fm, en avaient témoigné largement.
Ce n’est pas le candidat sortant qui a piégé l’opposition !
Il n’empêche que les velléités de pronunciamientos, théorisées, sans sourciller, par certains candidats, les aura insidieusement poussés à se faire plus péremptoires, s’ils ne versaient pas tout bonnement dans un inquiétant radicalisme, lors de diatribes acerbes contre le président-candidat. Et ce, jusqu’à la veille du dépôt des candidatures, auprès de la juridiction ad hoc : ‘Le Conseil constitutionnel ne peut prendre de décision autre que celle consistant à invalider la candidature de Wade’ ! Comment peut-on à la fois prétendre accorder du crédit à l’institution judiciaire, censée arbitrer les élections, au point d’avoir librement choisi d’y déposer son dossier de candidature, et en même temps chercher à la discréditer aux yeux de l’opinion, allant même jusqu’à proférer des menaces, à peine voilés, à son égard ? Et ce, avant même qu’elle n’eût entamé la moindre procédure ! Le comble, c’est qu’une fois la liste des compétiteurs officiellement arrêtée et rendue publique, dès l’instant qu’elle n’épousa pas certaines attentes, on a rué à nouveau dans les brancards, piétinant allégrement le sacro-saint principe de ‘l’autorité de la chose jugée’. Comment peut-on prétendre, urbi et orbi, avoir raison sur tout le monde, simplement parce qu’on a été déçu dans ses désidérata ! Au nom de quoi, l’interprétation qu’on prétend se faire de notre Loi fondamentale serait-elle meilleure et supérieure à toutes les autres? Pourquoi une exégèse unique et uniforme de cette loi devrait-elle faire force de loi, et être la seule digne de foi ?
Dans ce fourvoiement étrange, on en est même arrivé à ‘oublier’ que l’on est qu’une (simple) partie prenante du jeu électoral, en serinant à l’opinion cette obsédante ritournelle, frisant parfois la paranoïa, voire le diktat : ‘Wade n’a pas le droit de participer à ces élections, parce que sa candidature est irrecevable.’ Qui l’a déclarée irrecevable ? ‘Le peuple, qui rejette sa candidature’. Quel peuple ? Celui de la Place de l’Obélisque ? Un peu de modestie, voyons ! Pour prétendre parler au nom du Peuple, ne faudrait-il pas d’abord sacrifier à un incontournable préalable : quérir et obtenir la majorité des suffrages de ses concitoyens ? Sinon il serait aisé, pour quiconque, de monter sur un tabouret, de haranguer les passants, en affirmant péremptoirement : ‘Untel ne doit pas être candidat’ ! Au nom de quoi ? Et à quel titre le proclame-t-on, alors qu’on est qu’un simple protagoniste du jeu, d’égale dignité avec tous les autres joueurs du match électoral ? Que deviendrait notre société si de telles bravades faisaient jurisprudence ? Dans quelle jungle plongerait-on notre Nation si n’importe quel quidam pouvait s’arroger le droit de prendre des décisions de justice, de se faire justice soi-même, ou de piétiner comme ça lui chante l’autorité de la chose jugée ; simplement parce qu’on a la dangereuse prétention d’avoir raison sur tout le monde ?
Et, insidieusement, l’on s’emmêla les pinceaux dans des discours dogmatiques, incendiaires, intoxiquant à souhait de frêles esprits, provoquant de nombreux dommages collatéraux dans des consciences juvéniles, et réussissant même la prouesse de fanatiser certaines foules désœuvrées. Lesquelles, chauffées à blanc, sont jetées en pâture aux forces de sécurité, après qu’elles eussent inconsciemment bravé la Loi.
Il est bien heureux que nombre d’observateurs, qui ont su se faire une lecture correcte des enjeux politiques de l’heure, aient réussi, avec toute l’objectivité requise, à démontrer que de larges franges de l’électorat semblent peu à peu reprendre l’initiative. En se ravisant de jour en jour, ces braves compatriotes, un moment abusés, semblent à présent reprendre leurs esprits. Se rendant peu à peu à l’évidence que ce regroupement hétéroclite (M23), au sein duquel ils s’activaient de bonne foi, et après lequel ils courraient, anarchiquement, sans se ménager, se révèle de plus en plus servir de paravent à certains candidats sans illusion, qui trouvent un malin plaisir à y bivouaquer, pratiquement depuis l’ouverture de la campagne, plutôt que d’aller courageusement conquérir l’électorat à la base. Cet électorat qui semble avoir définitivement compris que cette nébuleuse n’a, en fait, pas de candidat, et n’est pas candidat pour un sou !
Cet électorat, qui reprend peu à peu ses esprits, commence à prêter une oreille attentive à ces candidats (rebelles ?), qui font preuve de cohérence, en se détournant de l’activisme et de la violence entretenus dans les faubourgs, en allant hardiment disputer les suffrages des électeurs du Sénégal des profondeurs. Un de ces candidats rebelles semble avoir très tôt saisi l’importance de l’enjeu, en l’occurrence le leader de l’Alliance pour la république (Apr) : ‘Le retrait de la candidature de Wade n’est plus d’actualité (…) On ne peut pas vouloir aller aux élections et vouloir créer une situation de non-élection’ (Le Pays du 11/02/2012). ‘On ne peut pas dire qu’on est candidat dans une élection, déposer sa candidature, la campagne s’ouvre et on dit qu’on ne bat pas campagne. Pour ensuite dire que ceux qui battent campagne sont des alliés du pouvoir’ (L’Observateur du 09/02/2012). La rebuffade du candidat de l’Apr, tout en faisant des émules, semble en même temps sonner le tocsin, pour nombre de candidats de l’opposition, qui avaient failli se laisser séduire par cette stratégie du confinement, quasiment imposée par un petit trio de candidats sans électeurs, qui ne vivent que par la Place de l’Obélisque et, accessoirement, par la Place de l’Indépendance. Ce qui eut pour effet de briser cette ennuyeuse et monotone rengaine du thème monocorde sur la candidature de Wade, qui aura longtemps parasité cette campagne, en exaspérant souvent l’électorat.
Cette prise de conscience, fut-elle tardive, présage indubitablement de nouvelles reconfigurations, dans le cumulus nimbus électoral sénégalais, en ce mois décisif de février 2012 ! Madiambal Diagne, dans Le Quotidien du 13/02/2012, semble l’avoir très tôt perçu, et l’a affirmé sans ambages : ‘Les leaders de l’opposition ne devraient s’en prendre qu’à eux-mêmes. Ils ont eu cinq années pour préparer 2012 et nul n’a porté le combat de la transparence des élections. C’est comme si leur mauvaise surprise de 2007, avec une victoire de Wade au premier tour, ne les avait pas alertés. Il est donc malvenu d’attendre maintenant pour récuser le Conseil constitutionnel, ou pour douter à nouveau de la fiabilité du fichier électoral. Nul ne doit se prévaloir de sa propre turpitude.’
Toujours est-il que cette option réaliste de certains protagonistes qui, après avoir fait acte de candidature auprès du Conseil constitutionnel, sont allés, en toute logique, battre campagne, n’a pas l’heur de plaire à certains de leurs collègues candidats, adeptes invétérés du cantonnement des agendas de campagne, dans des manifestations initiées par des Rappeurs contestataires.
Les espérances de nombre de compatriotes auront été ainsi dévoyées. Eux qui escomptaient légitimement, à travers ces joutes décisives, assister à une saine émulation de discours programmatiques, susceptibles de leur offrir un éventail de choix, devant leur permettre de se prononcer conséquemment le 26 février prochain. Et leur donner ainsi l’opportunité de contribuer à rapprocher davantage notre système démocratique des normes universelles. En lieu et place, c’est une confusion énorme qu’on a fini d’installer dans leurs esprits. Par l’ambiguïté des démarches, jusque-là adoptées, à mi-parcours de la campagne électorale.
L’antichambre de la capitulation…
Selon le fin politologue, Babacar Justin Ndiaye (Le Pays du 11/02/2012), cette ‘démarche mi-figue mi-raisin’ aura eu pour conséquence immédiate, d’installer ces singuliers candidats ‘dans un cercle (voulu) vicieux. Une attitude que beaucoup d’observateurs assimilent, sans excès de sévérité, à l’antichambre de la capitulation’. Et l’analyste politique de déplorer que, en raison de ce manque de stratégie, ‘ou précisément à cause de cette stratégie clair-obscur, les professions de foi et les propos enflammés ne revêtent aucune valeur programmatique, lors de ces meetings collectifs qui, par ailleurs, masquent mal des clivages tactiques et des rivalités crypto personnelles’. Ainsi, l’opposition semble s’être elle-même embourbée dans un piège, qu’on ne saurait reprocher au candidat Wade de leur avoir tendu ! Lequel Wade a d’ailleurs, depuis belle lurette, pris le large, en allant résolument à l’encontre des électeurs, dès l’ouverture de la campagne.
Le spectre du boycott, un moment agité, n’ayant pas prospéré, au risque de produire un douloureux remake des législatives de 2007, on semble avoir finalement opté, fut-ce à tatillon, de battre campagne… aux côtés du ‘candidat honni’, contre lequel on aura proféré moult fatwa (sentences). Mais le naturel revenant toujours au galop, on se surprend souvent, le soir, à travers la petite lucarne, à continuer de supplier les électeurs de ‘descendre dans la rue’, pour abréger cette candidature cauchemardesque (pourtant juridiquement validée en même temps que les autres). Avant de se ressaisir. Car la logique eût voulu, dès l’instant qu’on a pris sur soi la lourde responsabilité de récuser l’arbitrage du Conseil constitutionnel, que l’on rejetât en même temps toutes les décisions issues de ce mémorable conclave des Juges constitutionnels, le 27 janvier dernier. Et non de procéder par dénie sélectif. Ce n’est pas cohérent.
Alors que faire ? Se résoudre à battre campagne aux côtés de ce candidat, qui cause tant d’insomnies à certains candidats ? Quelle abomination ! Ce serait, de facto, une manière de ‘cautionner’ sa candidature - bien qu’en tant que simple partie prenante des joutes on n’ait absolument aucune prérogative conférant le droit de ‘cautionner’ la candidature de qui que ce soit.
Finalement, invités par l’Union européenne, les Usa, le Khalife général des Mourides, et par bien d’autres responsables nationaux et étrangers soucieux de la stabilité de notre pays, à daigner accepter le verdict du Conseil constitutionnel, et à faire l’effort d’aller à des élections apaisées et transparentes, la majorité des candidats semblent s’être enfin ravisés. Commençant progressivement à se rendre à l’évidence, qu’en terme d’arbitrage électoral, le Juge électoral suprême, n’est en définitive nul autre que l’Electorat lui-même !
Ce sont donc ces 5.103.297 électeurs régulièrement inscrits, qui iront, le 26 février prochain, exprimer librement leurs choix, dans les 11 904 bureaux de votes, répartis sur le territoire national ; sous l’œil vigilant des 18 000 contrôleurs de la Commission électorale nationale autonome (Cena), des 150 observateurs du Collectif des Organisations de la Société civiles, des 850 observateurs de l’Eglise, des 250 magistrats mandatés par le Premier Président de la Cour d’appel, des 90 observateurs de L’Union européenne, des 20 diplomates de la Délégation de l’Ue et du Canada, en poste à Dakar ; auxquels viennent de se joindre une dizaine de parlementaires européens, annoncés la semaine dernière par le chef adjoint de la Mission de l’Ue à Dakar, Tomaso Caprioglio.
Sans nul doute, la Présidentielle sénégalaise de 2012, est partie pour être l’élection la plus disputée, mais aussi la plus surveillée au monde. Des joutes décisives, constituant un test majeur pour notre jeune démocratie ; et pour lesquelles chacun des acteurs devrait s’évertuer à ne pas paraitre, le cas échéant, mauvais perdant, au risque de devoir porter la responsabilité historique d’avoir, lamentablement et durablement, hissé notre pays au hit-parade des démocraties pourries ! Mais tout porte à croire que notre jeune démocratie sortira, comme d’habitude, grandie de ces épreuves. Car l’histoire du Sénégal ne devrait pas - et ne pourrait pas - s’arrêter le 26 février 2012 ! (FIN)
Mame Mactar GUEYE, Secrétaire général du Rds, Membre du Directoire de campagne des Forces alliées (Fal2012)
Je rejoins le M23
Parce qu'il faut en finir avec cette chienlit causée par un régime ayant détruit toute l'image de marque d'un pays longtemps respecté pour son adhésion aux valeurs pacifiques de la démocratie et de la liberté, et parce que ce régime autiste et autoritaire est incapable même au bord du précipice de comprendre les vertus du dialogue et de la paix, et enfin parce que le moment que vit le Sénégal est historique, il n'est pas possible de rester sur le bas côté de la route. S'engager n'est plus une option. C'est une exigence. J'ai choisi de le faire auprès du M23. Malgré les réserves que m'inspire la présence en son sein de quelques individus ayant des comptes à rendre à la nation du fait de leur rôle dans la prédation de toutes les valeurs, tangibles et intangibles, de notre pays, il me semble que les fondements citoyens et constitutionnels à la base de la création du M23 offrent un lieu de convergences que, faute de mieux, je me réjouis d'intégrer. Ce n'est là que la continuation d'un combat intellectuel qui n'a cessé de s'exprimer sous diverses autres formes, y compris à travers les canaux médiatiques, notamment dans les colonnes de ce journal.
Simple militant de base, je souhaite pouvoir apporter ma pierre à l'édifice de la résistance courageuse qui se structure afin que dans le contexte survolté, insurrectionnel, qui prévaut à travers le Sénégal, le besoin de mettre fin au régime dit libéral et à toutes ses variantes devienne le plus vite une réalité. La rue la veut. Elle l'aura. Il est à souhaiter qu'une transition structurée soit organisée. Pour nous prémunir d'avoir un quelconque ersatz de ce régime comme remplaçant de celui que, je l'espère, notre peuple parviendra à éliminer dans les plus brefs délais. Afin que le projet monarchique entretenu quelque part sur l'Avenue Roume vole définitivement en éclats en même temps que toutes les forfaitures ayant si tragiquement anéanti ce qui faisait la force du label sénégalais : son exception démocratique sur le continent africain !
Adama GAYE, Journaliste et consultant sénégalais
Ps: Je suis heureux de noter que Kadré Désiré Ouédraogo ait été porté à la tête de la Commission de la Cedeao, comme je le proposais ici même dès février 2010 sous le titre: Habemus le Kaki et...Kadré. En espérant que la Cedeao soit mieux inspirée dans ses incursions là où des combats démocratiques sont menés dans notre région Ouest africaine.
SECURISATION DU PROCESSUS ELECTORAL - Posture bien discutable des forces de securite !
Les images défilant en boucle sur les télévisions nationales – désormais accessibles á travers le monde entier – et relatant les actes de violence qui ont marqué le début de la campagne électorale au Sénégal, ne font que corroborer toutes les appréhensions de nombre d’observateurs avisés quant á l’avènement inéluctable d’un processus électoral caractérisé par un climat de violences et de perturbations sociales !
Le ton a été donné par l’attaque délibérée de la commune de Sicap – Mermoz précédée par l’envoi de nervis aux domiciles de leaders de l’opposition …..il ya deux mois environ, mais les événements de ces derniers jours vont bien au delà de simples luttes et bagarres partisanes : á cet égard les medias, toutes catégories confondues, ont fait état de Policier tué par des manifestants á Dakar .
Véhicule de police de type canon à eau fonçant sur la foule jusqu'à causer mort d’homme et de nombreux blessés,
Tirs sur des ambulances d’intervention d’urgence, Jets de grandes lacrymogènes à l’intérieur d’un lieu de culte, particulièrement la zawiya de l’avenue Lamine Gueye,
Gendarme accusé à Podor d’avoir tiré des balles réelles sur la foule sous prétexte que le stock de grenades lacrymogènes est terminé, causant également mort d’hommes,
Accusations d’utilisation excessive et démesurée de la force par la police jusqu’á soulever la colère et la condamnation des organisations des droits de l’homme,
Arrestations jugées arbitraires et accusations de tortures diverses sur les personnes arrêtées par la police, Entraves répétées au droit de manifestations des opposants politiques et des membres de la société civile, Attaques délibérées contre les convois de leaders de l’opposition, à Dakar et dans certaines régions,
Accusations d’attaques délibérées contre des journalistes nationaux ou étrangers,
Ces différents événements ont eu comme conséquences immédiates : d’une part des doutes profonds de la population sur l’impartialité des forces de sécurité en période électorale, et d’autre part une première remise en cause par la communauté internationale de la réputation de professionnalisme et de maitrise des forces de sécurité sénégalaises et de leur non respect des droits de l’homme en matière de maintien de l’ordre .
En réalité ce qui est vraiment en question c’est bien la posture adoptée par les forces de sécurité au cours de cette période électorale. Il convient d’analyser le problème au regard d’une part des textes, règlements et recommandations des institutions que sont l’Union Africaine et la CEDEAO et leurs organes affiliées ou partenaires et d’autre part au regard de l’évolution du concept de sécurité, et particulièrement au niveau des dérapages souvent causés par des forces de sécurité qui confondent sécurité nationale ( national security ) et sécurité du régime en place ( regime security ).
C’est d’abord la Déclaration conjointe OUA / Union Africaine de Durban 2002 relative aux Principes Régissant les Elections Démocratiques en Afrique qui situe dans sa section III les responsabilités des états membres, en précisant aux points :
d. « sauvegarder les libertés humaines et civiles de tous les citoyens, y compris les libertés de mouvement / circulation, de réunion, d’association, d’expression et de campagne ….et f… prendre toutes les mesures et précautions pour éviter des fraudes , truquages ou tout autre acte illégal pendant le déroulement du processus électoral , en vue de maintenir la paix et la securite ». Cette même responsabilité est d’ailleurs mise sous surveillance par les Directives pour les Missions d’Observation et de Suivi des Elections de l’Union Africaine de février 2002 qui demandent aux observateurs envoyés dans le pays d’inclure la question de savoir si « les forces de sécurité sont en mesure d’assurer en toute neutralité la sécurité lors des élections » (Section 3.7.v) dans le cadre de la vérification des critères permettant la tenue d’élections libres, crédibles et transparentes.
Faisant suite á la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance de l’Union Africaine, la CEDEAO, dans la Section IV du Protocole A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance revient sur le rôle de l’Armée et des Forces de Sécurité dans la Démocratie en précisant bien á l’article 22 que « l’usage des armes pour la dispersion de réunions ou de manifestations non violentes est interdit. En cas de manifestation violente seul est autorisé le recours á l’usage de la force minimale ou proportionnée »: ce qui de l’avis de tous n’a pas été le cas lors de toutes les manifestations de l’opposition ou de la société civile organisées á ce jour á Dakar.
Les violences électorales survenues au Kenya, au Zimbabwe, au Gabon, au Togo , en Guinée et récemment en Cote d’Ivoire et marquées par des tendances fortes de répressions systématiques des forces de sécurité contre les opposants de tous bords ont alerté nombre d’institutions sur l’instrumentalisation récurrente des forces de sécurité par les pouvoirs en place, particulièrement en période électorale.
Nombre de séminaires et ateliers ont été organisés dans l’espace CEDEAO et des publications faites pour rappeler aux différentes autorités nationales chargées des élections et de la sécurité les règles fondamentales qui régissent la sécurisation d’un processus électoral : force est d’avouer que les archives ne permettent pas de retrouver beaucoup de noms de responsables d’institutions sénégalaises sur les différentes listes de présence ….et c’est bien dommage !
Ces règles fondamentales, rappelées respectivement par le Colloque sur les Elections en Afrique (Accra – Ghana, novembre 2009) et la Déclaration de Praia sur les Elections et la Stabilité en Afrique de l’Ouest (mai 2011) se résument en ces points que nombre de gouvernements soucieux de l’émergence d’une bonne gouvernance électorale commencent á appliquer rigoureusement :
l’état est responsable de la sécurité de chaque candidat présidentiel et doit lui détacher une garde rapprochée pendant la campagne électorale (NB : fait en RDC pendant les élections de novembre 2011),
la sécurisation du processus électoral couvre toutes les phases de la période électorale : avant le scrutin, le jour du scrutin et la période post – électorale : elle doit être inclusive, faisant appel á toutes les parties impliquées dans le processus,
le personnel de sécurité doit rester neutre, impartial et non-partisan pendant tout le processus électoral, et éviter d’intimider les électeurs le jour du scrutin,
la mise en place d’un organe de coordination intégré et impartial chargé de la sécurité pendant les élections, réunissant tous les services de sécurité et autres parties – prenantes du processus : représentants des partis politiques, de la société civile et des medias : communément dénommé Joint Election Operation Center ou Centre Opérationnel Intégré chargé de la Sécurité des Elections (COISE),
La mise en place de mécanismes de coordination et d’information au profit du public et des partis politiques impliqués dans le processus, et décentralisés pour couvrir tout le territoire national ,
Information sur la chaine de commandement de l’organe de coordination intégré, au niveau national et régional,
Formation du personnel de sécurité sur le respect des normes internationales et standards pour le maintien de l’ordre en période électorale, y compris des notions afférentes au respect des droits de l’homme.
Les questions que devaient se poser aujourd’hui chaque candidat comme tout observateur du processus électoral devraient être :
Où se trouve le Centre Opérationnel Intégré chargé de la securite des élections (COISE) ? Qui en assure le commandement ? Quels sont les numéros VERT permettant de le contacter 24h/24 ?
Quelles en sont les démembrements régionaux ? Quels en sont les numéros de contact ?
Y’a-t-il eu un briefing sécurité au profit des candidats présidentiels ? Ou bien une communication radiotélévisée des autorités de sécurité relative aux dispositions de sécurité à travers le pays ?
Quels sont enfin les garanties sécuritaires offertes par l’état aux candidats présidentiels en vue de leur campagne dans le département de Bignona qui est encore le théâtre de violents combats entre militaires et rebelles ? Ou bien les citoyens sénégalais de cette zone n’ont pas besoin de recevoir leurs leaders politiques pour écouter leurs programmes et faire connaitre leurs doléances ?
En lieu et place de tout cela l’option semble être de se préoccuper d’une part de fournir les moyens matériels aux forces de sécurité pour mener á bien la répression contre les manifestants dans le cadre d’opérations dites de maintien de l’ordre et d’autre part de laisser régner un vide communicationnel qui ne dit rien sur la stratégie de sécurisation des élections !
Effectivement les nouveaux équipements et matériels étrennés par les forces de securite – identiques à ceux des FPU ( Formed Police Unit des contingents de police des Nations Unies ) font la satisfaction de tous les spécialistes de la securite mais , comme c’est toujours le cas pour nombre de nouveaux acquéreurs , c’est bien au niveau de l’emploi des forces – á savoir l’utilisation des moyens devant une situation particulière – que de graves dérapages sont constatés . Le cas du camion a eau fonçant sur la foule, répété d’ailleurs lors des manifestations du 15 février á la place de l’indépendance, représente une faute grave qui atteste soit de la méconnaissance des principes d’emploi de cet outil de maintien de l’ordre, soit d’une volonté délibérée de tuer ou de blesser des manifestants.
La participation aux opérations des missions de paix au sein des Nations Unies ne devrait pas être seulement des opportunités de mise à niveau logistique ou de gain de primes individuelles, mais surtout l’occasion unique d’acquérir des compétences permettant aux personnels et à leurs formations respectives d’opérer désormais selon des normes internationales qui respectent les fondamentaux de la sécurité humaine.
A cet égard tous les reportages télévisés quotidiens de manifestations á travers l’Europe prouvent bien que le camion canon á eau sert á garder á distance les manifestants …en les neutralisant par l’envoi de rafales d’eau chaude ou froide á très haute pression : les organisations des droits de l’homme et les partis politiques concernés sont bien dans leur droit pour réclamer une commission d’enquête afin de déterminer le ou les responsables et exiger des sanctions.
L’emploi des équipements, rudimentaires ou sophistiqués, des forces de sécurité se fait selon des règles d’engagement (rules of engagement) bien précises, définies par le fabricant et dont le non-respect engage totalement la responsabilité de l’utilisateur ou / et du commanditaire : oser déclarer que l’accident mortel de l’obélisque est juste un accident normal de la circulation, malgré ce que toutes les télévisions du monde ont montré, n’est certainement pas une excuse que les experts et spécialistes de la sécurité et des droits de l’homme vont prendre au sérieux pour disculper la police nationale .
La gestion des manifestations et des foules a des règles d’engagement bien précises : protection des sites vulnérables, encadrement des marches et sit-in, discussions et ententes avec les manifestants sur les horaires et les circuits, emploi mesure de la force, éviter de provoquer les foules ….toute une batterie de mesures existent pour gérer et manager les manifestations publiques !
Le cas de Podor, comme celui du policier tué par les manifestants á Dakar doivent tous faire l’objet de commissions d’enquête dont les résultats doivent être portés objectivement á la connaissance du public : toute gestion non-équitable de ces trois cas ne fera que renforcer auprès de l’opinion nationale et internationale le manque de transparence et de redevabilité (accountability ) des autorités sénégalaises de sécurité .
L’autre paramètre, également important, d’appréciation de cette posture des forces de sécurité au cours du processus électoral demeure l’évolution du concept de sécurité depuis l’acceptation a travers le monde entier du concept de Sécurité Humaine ( PNUD , 1994 ) qui a permis de bien clarifier progressivement les différents volets de la notion de sécurité , entre :
Sécurité nationale (national security) destinée a la protection des installations officielles, des biens et des personnes, ainsi que des frontières nationales avec l’implication de l’Armée,
Sécurité du citoyen (Citizen security) destinée en premier lieu á la protection des droits fondamentaux du citoyen et de son intégrité physique,
Enfin Sécurité collective qui fait appel aux efforts de coopération régionale ou continentale en matière de sécurité. Mais ce sont bien les dérapages des forces de sécurité dans l’exercice de leur mission première de sécurité nationale en période électorale , causés soit par leur instrumentalisation par le pouvoir en place , soit par leur attitude partisane au profit de ce même pouvoir , qui ont amené l’émergence du concept de « Regime security » ou « sécurité du regime » pour qualifier toute posture des forces de securite tendant á enfreindre l’exercice des libertés fondamentales des citoyens ou opposants par la répression et l’usage démesuré de la force, et ce en violation des conventions et résolutions des institutions régionales , continentales ou mondiales .
Cette dérive délibérée du concept de sécurité nationale vers celle de sécurité primordiale et exclusive du régime en place est généralement attribuée en premier lieu aux responsables des forces de sécurité du fait de leur affaissement devant la volonté et les choix discutables du pouvoir politique. Cette attitude est encore malheureusement bien ancrée dans certaines pseudo-démocraties africaines : les dérapages de la FOSEP (Force Securite Election Présidentielle) lors des élections togolaises de 2010, identiques á tous points de vue á ceux de leurs homologues guinéens de la FOSSEPEL (Force Speciale de Sécurisation du Processus Electoral), prouvent bien que les forces de sécurité francophones n’ont pas encore bien assimilé ni intégré dans leurs modes opératoires droits de l’homme et réforme du secteur de la sécurité.
L’option d’exécuter « sans état d’âme, ni murmure » est totalement dépassée depuis longtemps : l’anticipation et le partage de l’information juste avec le chef politique pour l’amener á prendre des décisions conformes aux lois et règlements du pays, aux engagements internationaux et á la sauvegarde des droits fondamentaux du citoyen constituent les fondements modernes de l’interface politico-sécuritaire au sommet de l’état.
Les adeptes de la bonne vielle école devront certainement se rappeler que les généraux Dogbo Blé et Gue Bi Poin aussi évoquaient il y’a un an environ l’absence d’état d’âme pour justifier leurs actes : bien avant eux, les généraux togolais et guinéens s’étaient distingués dans le même moule , alors que chez nous il serait bien sage de se souvenir de la situation après service de responsables de sécurité qui avaient porter attente á l’époque á l’intégrité physique d’un certain opposant politique nommé Abdoulaye Wade ….!
Dans un document de référence et encore d’actualité publié par le PNUD et intitulé « Elections et Prévention de conflit » les experts de l’organisation précisaient que l’un des risques majeurs de la sécurisation du processus électoral provient très souvent du fait que « les forces de sécurité ne font pas leur travail du fait que le secteur de la sécurité est fortement politisé : ce qui veut dire que cadres et troupe des forces de sécurité manquent á leur devoir d’agir en toute neutralité ( i.e. leur mandat de protéger la société et les lois constitutionnelles) car ils agissent au nom du gouvernement en place ou de factions spécifiques ».
Quels enseignements retenir de cette posture ?
D’abord en refusant de designer des personnels chargés de la sécurité rapprochée de chaque candidat présidentiel, l’état a favorisé la prolifération de véritables milices politiques recrutées principalement dans le vivier des lutteurs qui sont totalement instrumentalisés,
Ensuite les forces de sécurité du Sénégal ont désormais toutes les chances d’être classées au rang peu honorable de « sécurité du regime » (regime security) pour rejoindre leurs homologues de la RDC, du Togo ou de la Guinée Conakry.
Une conséquence bien possible de leur posture actuelle pourra bien être leur disqualification, á titre individuel ou collectif, á être accepter désormais au sein de nouvelles missions de paix des opérations des Nations Unies : qu’elles ne soient pas surprises de retrouver les organisations des droits de l’homme et les institutions internationales de sécurité mener ce combat au niveau de l’instance mondiale.
Enfin les partis politiques sénégalais vont désormais comprendre que l’impartialité des forces de sécurité en période électorale n’est ni automatique, ni acquise : la posture des forces de sécurité au cours du processus électoral doit être un point de négociation du code électoral afin d’arriver á un accord inclusif et transparent de sécurisation comme recommande par les documents de la CEDEAO et de l’Union Africaine.
Cependant , pour nombre d’observateurs africains de la gouvernance électorale la posture des forces de sécurité et leur acharnement démesuré contre les manifestants ne peut surprendre que les sénégalais …car la mise en place d’un ministère chargé des élections dépourvue de ses responsabilités de sécurisation du processus électoral en lieu et place d’une Commission Electorale Indépendante consensuelle habilitée á superviser la globalité du processus est bien une stratégie délibérée pour laisser au ministère de l’intérieur toute latitude de porter en temps opportun l’estocade contre les partis politiques et les représentants de la société civile sous le prétexte d’une soi-disant exécution de sa mission régalienne d’assurer la sécurité publique. Le fait d’avoir le service informatique chargé du décompte des voix logé au même ministère ne rassure évidemment pas dans la recherche d’une transparence qui risque bien d’être difficile á partager après le 26 février !
Ceux qui qualifient le processus électoral de système vicié dans toutes ses dimensions n’ont certainement pas tord mais ne manqueront pas de donner des thèmes de recherche et d’études aux experts des droits de l’homme, de la sécurité et de la gouvernance électorale en général : le cas sénégalais se révèle assurément particulier, voire atypique dans le concert des nations !
Mais l’histoire est en cours ….et l’avenir est bien devant nous ! Que Dieu protège le Sénégal.
Alioune Diop, Colonel en retraite
Ancien Conseiller Principal Sécurité des Nations Unies - Expert, Sécurité, Defense , Réinsertion. - Mail : aldiop30@gmail.com
CONTRE LA CANDIDATURE DE ABDOULAYE WADE
Le M23 met le feu sur Dakar
Des sénégalais ont vécu un vendredi noir, hier principalement dans la capitale, Dakar, avec la manifestation forcée du mouvement des forces vives du 23 juin. Prévue à la place de l'Indépendance après la prière de 14 heures, la rencontre a dégénéré avec des accrochages entre policiers et populations.
La place de l'Indépendance n'a pas été le théâtre de manifestation de l'opposition. Cette dernière a été quadrillée par la police qui a vidé les lieux avec un lourd dispositif sécuritaire. Les leaders qui se sont retrouvés aux hôtels Pulman et Croix Sud, ont cherché à braver l'interdiction préfectorale. La foule qui n'a pas pu accéder au site, a pris d'assaut les différentes artères de la ville. De petits groupes ont commencé à se constituer et des stratégies mises en place. L'Avenue Ponty va accueillir les premières lacrymogènes. Les explosions tonnent de partout. La fumée pollue l'air et disperse les foules qui cherchent refuge chez les riverains. Les manifestants ripostent avec les moyens du bord. Pierres, poubelles, rien n'est laissé en rade pour s'opposer aux forces de l'ordre.
Devant l'entêtement du M23, à rejoindre la place de l'Indépendance, la police multiplie les ripostes. Les lacrymogènes explosent de partout. La chasse à l'homme est lancée dans les différentes artères de la capitale. Les protestataires contre la candidature de Abdoulaye Wade mettent du feu dans chaque intersection du centre ville. Toutes les ruelles sont assiégées. La police a du mal à se faufiler dans certains angles de Dakar. Le marché Sandaga rend également difficile le travail de la sécurité.
Certains marchands ferment boutiques et cantines. D'autres, plus «courageux» vaquent à leurs activités tout en étant attentif au déroulement des manifestants qui se déploient sous leurs yeux. La tension reste vive partout et même au alentours de la ville. Les manifestants multiplient les tentatives et essaient de tenir en échec les forces de sécuritaire. Au niveau du Rond Point Sandaga, les étables des vendeurs ont été utilisés pour ralentir la circulation et retarder l'intervention de la police. Les quatre axes sous le contrôle des manifestants qui ont trouvé des masques pour contrecarrer les lacrymogènes.
Zawiya El Hadji Malick Sy attaquée
La mosquée Zawiya El Hadji Malick Sy a été le théâtre d'accrochage entre les forces de l'ordre et les fidèles venus s'acquitter de leur devoir religieux. Une situation causée par une grenade lacrymogène qui est tombée dans l'enceinte du lieu de culte et qui a blessé un vieux d'une soixantaine d'année.
La police devant les faits accomplis, a baissé la garde devant la colère des fidèles. Ce qui a accentué les manifestations.
La situation s'est envenimée. Des fidèles furieux, ont ainsi pris leurs nattes, pour les mettre dehors afin d'exécuter la prière pour le départ de Wade du pouvoir. Chapelets, récital de Coran, rien n'a été laissé en rade pour manifester la désapprobation.
Les forces de sécurité après plusieurs tentatives pacifiques pour libérer la voirie, on fini par utiliser des lacrymogènes. La situation dégénère !
C'est à cet instant que des chefs religieux tidianes sont venus pour apaiser la tension. Un des fidèles témoigne : "les grenades lacrymogène nous ont trouvé juste là où nous étions. On a enregistré des blessés et des évanouissements. Et c'est une personne de troisième âge qui en a payé les frais malheureusement. Une situation que nous déplorons".
Et un autre de renchérir «le gouvernement a touché le fond. Trop c'est trop ! Si les forces de l'ordre s'en prennent aujourd'hui aux lieux de cultes, il y a lieu de s'interroger et de manifester pour dire :plus jamais plus ça !"
Les échafaudés se sont poursuivis juste tard dans la nuit.
BILAN D'UNE CHAUDE SOIREE
Evanouissements, déboitements, blessés
Le bilan de la manifestation du M23 a été très lourd du coté des manifestants. Beaucoup de blessés ont été notés. Certains ont eu quelques égratignures au moment où ils déviaient les obstacles. D'autres moins chanceux se sont retrouvés avec des orteils cassés, des déboitements. Des cas d'évanouissements ont été plus visibles et beaucoup des confrères ne s'y sont pas échappés. La croix rouge et les autres éléments de la santé ont été très présents dans les lieux. Du coté des forces de l'ordre, un blessé grave a été acheminé à l'hôpital principal et un autre moins grave, resté au soin à bord de la voiture. Aucun cas de décès n'a été signalé.
Denise ZAROUR MEDANG
Dakar reste sous tension à 5 jours de la présidentielle
Une dizaine de policiers devant les grilles d’une grande maison… Casques sur la tête, boucliers dans la main, bombes lacrymogènes à la ceinture… La photo est Une de Wal-fadjri, avec ce titre« les autorités se barricadent chez elles ». Le quotidien sénégalais raconte comment les plus hauts représentants de la République ont pris leur précaution pour ne pas que « leurs domiciles ne fassent l’objet de casse ou de saccage. Partout des agents de sécurité armée jusqu’aux dents assurent la garde ». L’effectif des forces de sécurité a ainsi doublé devant la résidence du ministre de la Justice tandis que devant celle du ministre de l’Intérieur, le nombre de policiers est passé de 2 à 8 en quelques jours. Le quotidien parle de « paranoïa sécuritaire ».
Le ras-le-bol des commerçants
Le climat actuel n’est pas bon aussi pour les affaires dans la capitale. C’est une autre conséquence des manifestations de ces derniers jours, à Dakar, les commerçants ont de plus en plus de mal « à écouler leurs marchandises ».
Reportage au marché de Sandaga, à lire également dans Wal-fadjri. « Je n’ai rien contre les gens qui manifestent, affirme ce vendeur d’articles scolaires, mais ils doivent savoir raison garder et nous laisser faire notre travail. Je ne gagne même pas la moitié de ce que je vendais avant ».
Un représentant des commerçants renchérit : « Les clients ne viennent plus parce qu’ils ont peur d’être coincés en ville ». Les commerçants « ne formulent donc qu’un vœu, écrit le journal, celui de voir les élections passer dans le calme pour que les choses redeviennent normales ».
Scenes insolites à Dakar
Les vendeurs ambulants - de leur côté - en ont marre « de voir leurs tables servir de barricades » pendant les affrontements. C’est La Tribune qui nous raconte cet épisode. Hier sur l’avenue Ponty, quand ils ont vu arriver des manifestants, certains ambulants « se sont munis de barre de fer […] défiant quiconque oserait s’en prendre à leur outil de travail ».
La presse sénégalaise regorge ce matin de petites histoires qui nous permettent de saisir l’ambiance dans la capitale à 5 jours du scrutin.
Avec encore cette scène insolite à lire dans La Tribune : hier soir des jeunes ont filtré les voitures au rond-point du Sacré Cœur en leur demandant de l’argent. Ceux qui refusaient « ont vu des pierres s’abattre sur leurs véhicules ». Principales cibles : « les chauffeurs de taxis ». « Voilà une scène de vrai banditisme qui en dit long sur la situation actuelle » dans le pays, conclue La Tribune.
« Théorie du complot »
Côté politique, le journal revient sur les accusations venues du camp d’Abdoulaye Wade…Le porte-parole du président Wade a accusé certains candidats de l’opposition de vouloir orchestrer le chaos. « On l’attendait cette théorie du complot » s’amuse La Tribune.
Voilà le scénario : « Un des candidats aurait recruté un colonel à la retraite et 200 mercenaires qui auraient eux-mêmes trompé tous les jeunes que l’on voit manifester dans les rues ». C’est « du délire », écrit La Tribune, aucune « sincérité dans cet exposé hâtif et sans imagination. […] Il n’y a pas de complot, nous dit encore le journal, il n’y a que les gesticulations d’un régime qui a peur de la défaite et la sent proche ».
Clivage réligieux
Guinée Conakry Info n’est pas tendre également avec les autorités sénégalaises. Le site d’informations en ligne pointe du doigt leur réaction trop calculée à l’incident de vendredi dans une mosquée de la confrérie des Tidianes. Le gouvernement a présenté ses excuses. Mais elles n’étaient dictées que par une « visée politicienne » selon Guinée Conakry Info, car « Abdoulaye Wade sait qu’il suffit d’une consigne émise par le leader de la confrérie pour que ses espoirs politiques se transforment en désespoirs ».
Le site n’épargne pas aussi l’attitude de l’opposition qui semble « vouloir surfer sur cet incident pour jouer son ultime baroud d’honneur. Une attitude d’autant plus irresponsable que l’idée qui la sous-tend est de mettre à profit la subtile rivalité entre Mourides et Tidianes ». Attention, prévient Guinée Conakry Info, « les clivages religieux sont en embuscade. […] On a l’impression qu’à la violence intrinsèquement politique, pourraient s’ajouter des contradictions confessionnelles qui sonneraient alors le glas des derniers espoirs de voir ce pays éviter le pire »
anthony-lattier