du 03 Juin 2007
Législatives du 3 juin : Une campagne sans éclats
A quelques jours seulement du scrutin du 3 juin, la campagne pour les élections législatives se déroule, ou du moins dans la zone qui nous concerne, dans un climat de morosité et d’indifférence générale de la population qui vaque tranquillement à ses propres occupations. Qu’est-ce qui peut alors justifier une telle situation qui dépare nettement avec l’engouement suscité par l’élection présidentielle du 25 février 2007 ? De mon point de vue personnel, il existe une conjonction de facteurs qui ont contribué à la désaffection de l’électorat par rapport au discours politique en général et à la campagne électorale en particulier. L’environnement socio-économique difficile caractérisé par une flambée sans précédent des prix des denrées de consommation courante et des produits énergétiques est une des principales causes qui expliquent le dépit de la population par rapport à une campagne électorale menée dans un contexte où l’étau de la demande sociale se ressert de plus en plus autour des Sénégalais. On comprend alors aisément qu’une population absorbée par la recherche de moyens quotidiens de survie soit de moins en moins disposée à prêter une oreille attentive à des discours en langue de bois d’autant plus improductifs qu’ils n’embraient nullement sur les préoccupations immédiates des citoyens. Les querelles byzantines et les divisions subalternes, dont l’enjeu est souvent le mode de partage de la cagnotte électorale, ne sont pas également de nature à stimuler l’électorat qui se détourne d’une campagne cacophonique menée en rangs dispersés par des colistiers qui se regardent en chiens de faïence. De tels comportements déroutants de la part de partenaires naturels, dont les destinées sont intimement liées, procèdent de la démarche contradictoire de personnes qui se conduisent de manière à scier la branche sur laquelle ils sont tous assis.
Il s’y ajoute que la liste départementale du Pds renferme des candidats peu attractifs et charismatiques, à la limite même exécrés par des pans entiers de populations et dont la base sociale, contrairement à une idée faussement répandue, se rétrécit comme une peau de chagrin. Sous ce dernier rapport, il est de la plus haute importance que le Pds procède, à l’avenir, au nettoiement des écuries d’Augias de façon à renouveler son personnel politique dirigeant local dont certains affectés par l’usure du temps sont aujourd’hui bons pour la casse. Cette donnée est d’autant plus essentielle que le scrutin majoritaire départemental procède d’une élection de proximité, le background et le coefficient personnel de notoriété du candidat sont des éléments qui entrent dans la grille de lecture de l’électeur. Dans ce cas précis, l’élection est comparable à un marché où le candidat est le produit et l’électeur le client. Sous cet éclairage, il faut faire en sorte que l’offre présentée soit d’une qualité à peu près conforme à la demande de l’acheteur. Ce qui n’est pas souvent le cas avec des investitures faites sur une base de copinage et selon la tête du client et les humeurs des décideurs politiques d’en haut.
La multiplicité des scrutins et leur proximité administrent également un ‘overdose électoral’ qui ne manque pas d’entraîner des effets anesthésiants sur le comportement d’un électorat en proie à la lassitude. Pour emprunter une formule en usage ailleurs : ‘Trop d’élections finit aussi par tuer l’élection.’
Même si le boycott de l’opposition, décrété in vitro par l’Etat-major du Front ‘Siggil Sénégal’, est venu d’en haut tel un cheveu dans la soupe, ce mot d’ordre n’en comporte pas moins des effets pernicieux et dissuasifs qui risquent même de plomber l’ardeur de l’électorat. Déjà, l’opinion publique se répand en analyses, pour le moins réductrices selon lesquelles les élections législatives ne comportent aucun enjeu particulier puisqu’il ne s’agit que d’un combat sans périls entre David et Goliath qui tournera, sans aucun doute, à l’avantage du géant Pds dont l’entrée dans l’arène va sonner le glas des nains de la scène électorale.
Cette approche simpliste est d’autant plus dangereuse qu’il s’agit d’élections de la confirmation de l’éclatante victoire à la présidentielle du 25 février 2007. En effet, nous n’avons pas le droit de réaliser moins que le taux de 84,4 % engrangé à la présidentielle au risque même de verser de l’eau au moulin de l’opposition qui va s’accrocher, toute affaire cessante, à tous les arguments spécieux qui peuvent justifier le succès de son mot d’ordre de boycott. Or, au rythme où vont les choses et si la tendance actuelle se maintenait, on s’achemine lentement mais sûrement vers une chute drastique du score électoral réalisé à la présidentielle du 25 Février 2007.
Par ailleurs, il faut reconnaître honnêtement que notre démocratie marcherait sur des béquilles si elle était privée d’une opposition forte, crédible et responsable capable de combiner, selon les circonstances, les formes parlementaires et extraparlementaires de la lutte politique et ce, dans le strict respect de la légalité républicaine. Sinon, on ne sait pas trop ce qui pourrait advenir demain, si toutefois, les sénégalais se défiaient des pratiques et procédures démocratiques de conquête du pouvoir. Le Sénégal est un pays de longues traditions électorales et démocratiques dont les ancrages historiques remontent très loin dans le passé de notre peuple.
L’unique voie de salut de notre pays est que les conditions soient toujours réunies pour que l’élection demeure encore et toujours la seule modalité démocratique de dévolution du pouvoir. C’est un acquis précieux que nul n’a le droit de remettre en question et dont la consolidation et la pérennisation incombent à tous les détachements de la classe politique opposition et majorité confondues.
Youssoupha BABOU Membre du Pds Mbacké