le peuple
On nous endort
Karim Meïssa Wade (Kmw) et sa ‘Génération du concret’ se sont découvert une nouvelle vocation : parrainer des cérémonies religieuses et distribuer, à l’occasion, des flots de billets pour le pèlerinage à La Mecque ou aux lieux saints de la chrétienté. C’est pratiquement devenu une mode aujourd’hui, une sorte de course-poursuite, de placer les conférences et autres manifestations religieuses sous le parrainage ou la présidence d’honneur de Kmw. Surtout en ce temps de Ramadan. Le journal Le Quotidien a fait état d’une ‘caravane du Ramadan’ en gestation à Thiès, initiée par des imams, des chefs religieux, des responsables de dahiras et des gens de la société civile, caravane qui sera placée sous le parrainage du très couru président de l’Anoci. C’est comme si on voulait, de façon progressive, habile et sournoise, par le biais de la religion, incruster dans notre décor et notre vécu quotidiens, Kmw et sa ‘Génération du concret .
Nous ne sommes vraiment pas dupes. Luy raam ca ñak ba la jëm, dit un proverbe bien de chez nous. Qu’est-ce qui fait courir Karim Wade et son tonitruant entourage ? Adama Bâ, maire de Fass-Gueule Tapée, coordonnateur du mouvement ‘Génération du concret’, lâche (Le Matin du 22 août 2007), sans porter de gants : ‘Le destin présidentiel de Karim est irréversible’. Cette position qui a au moins l’avantage d’être claire, est bruyamment portée en bandoulière par de nombreux autres chevaux de bataille de Kmw, savamment distribués sur l’ensemble du territoire national. D’autres encore, plus raffinés, ne l’expriment pas de façon aussi abrupte, soucieux qu’ils sont de nous rendre la pilule moins amère. C’est certainement le cas de Cheikh Diallo, un très proche collaborateur de Karim. Dans un tout récent Guest éditorial, il s’emploie habilement à nous rassurer, et à nous endormir. D’abord, il brise un tabou : il n’y a aucun ‘délit d’indécence’ à évoquer l’après-Wade. Puis, il se lance dans une longue explication : ‘Karim a un handicap patronymique : Wade. Tout son handicap vient de là et une partie de son atout aussi. Kmw n’a pas de pulsions pour le fauteuil présidentiel.’ Cependant, si l’envie présidentielle lui vient, ‘il n’empruntera ni dédales, ni raccourcis politiques, ni échelles historiques. Aucune haute couture constitutionnelle ne lui sera imaginée.
Citoyen, électeur et éligible (ugh !), si Kmw veut succéder à son père, il ira labourer les circonscriptions électorales avec à ses pieds, la main sur le cœur et plein de projets dans la tête’.
Ce Cheikh Diallo là n’est certainement pas n’importe qui. C’est sûrement en toute connaissance de cause que Kmw en a fait son conseiller en communication. Rappelons qu’il est l’inventeur des slogans très attrayants ‘En route vers le sommet’ et ‘Génération du concret’. Cependant, malgré ses hautes qualités, nous ne serons pas d’accord avec lui sur tout. En particulier, nous affirmons que le patronyme Wade est beaucoup plus un atout qu’un handicap pour Karim.
Avec ce patronyme, il est tout et tout lui est permis. Sans ce patronyme, il n’est pratiquement rien et ne peut atteindre aucun sommet. Nous ne sommes ni en France, ni au Japon, ni aux Usa. Nous sommes en Afrique. Les patronymes Kabila et Eyadema ont été des atouts substantiels pour Joseph et Faure. Le patronyme Wade l’est tout autant pour Karim. Il lui sert aujourd’hui tout sur un plateau d’or.
Kmw n’a pas (pour le moment) de ‘pulsions pour le fauteuil présidentiel’. Mais il pourrait bien en avoir demain, puisqu’il est ‘citoyen, électeur et éligible’. Sans doute, et personne ne peut raisonnablement lui contester ces trois qualités. Karim est citoyen sénégalais comme vous et moi. Rien n’interdit donc qu’il brigue un jour le fauteuil présidentiel. Voilà l’argument-massue que Cheikh Diallo et les autres nous assènent chaque jour qui passe. Oui, Karim est bien un citoyen sénégalais, puisque son président de père est Sénégalais et sa mère Franco-Sénégalaise. Il est même plus que Sénégalais : il est Français, Américain, ajoute-t-on, et peut-être même Juif (1). Oui, Karim est bien citoyen sénégalais, mais il n’est pas un citoyen ordinaire, comme le plus commun des citoyens sénégalais. Il est le fils d’un président africain, qui gère son pays comme son bien exclusif ; un président spécial ne se gargarisant pas de principes et n’étant pas le moins du monde gêné de donner ce conseil particulièrement chargé à un autre fils de président (Faure Eyadema) : ‘Ecoute, il est hors de question que nous te reconnaissions tant que tu ne seras pas soumis aux suffrages des Togolais. Tu as l’appareil d’Etat avec toi, tu as l’armée, le parti et l’argent. Va organiser des élections, gagne-les et le problème de ta légitimité ne se posera plus’ (2). Voilà qui est clair. Me Wade n’étant sûrement pas homme à conseiller le bain et à ne pas se jeter lui-même au bain, nous saisissons parfaitement la portée et la signification de son conseil machiavélique.
On peut d’ores et déjà se faire une idée du plan qui est déroulé devant Kmw. Les tenants de ce plan, très avisés, ne commettront sûrement pas la maladresse d’imaginer ‘une haute couture institutionnelle’ à Kmw. Ce serait trop facile et trop visible. A la place, on lui taille une situation sur mesure, une situation de rente et de rêve beaucoup plus efficace qu’un encombrant article 35. De l’armée, je n’oserai rien avancer. Quant à l’appareil d’Etat, il est déjà largement à la disposition du fils de son père. Le Parti le sera sûrement le moment venu, puisque son président de père en est la seule constante. Kmw est parti également pour devenir un Crésus des temps modernes, si ce n’est déjà fait d’ailleurs. Les chantiers de la très liquide Anoci, l’aéroport Blaise Diagne, les marchés du pétrole et du gaz (le garçon est dans toutes les sauces), les hôtels et palaces en construction sur la Corniche ouest sénégalaise, etc., sont annonciateurs de lendemains qui chantent. Le père et le fils croient à la magie de l’argent, à son infaillibilité sur les Sénégalaises et les Sénégalaises. Dans ce pauvre Sénégal où la nauséabonde gouvernance libérale a fini de détruire tout ce qui nous restait encore de vertu, qui tient la bourse tient le pouvoir. Wade père et Wade fils en sont parfaitement convaincus et y travaillent patiemment. Wade père surtout gère les Sénégalais à partir de leurs plus vilains défauts et dissout sans état d’âme ce qu’ils avaient jusqu’ici de meilleur dans la passion pour l’argent facile et les honneurs.
Rien donc n’est négligé pour que demain, si Kmw avait des pulsions pour le fauteuil présidentiel, tous les atouts soient gracieusement mis à sa disposition. En attendant, ses mille courtisans vantent sa compétence. Son président de père brandit à l’envi son diplôme d’ingénierie financière obtenue à la Sorbonne. Un diplôme d’ingénierie financière ! Combien de jeunes Sénégalaises, qui disposent d’infiniment plus de diplômes sont-ils obligés, en Europe et en Amérique du Nord, de faire office de gardiens d’immeubles pour survivre ? Autre question que nous nous posons légitimement : pourquoi la compétence de Kmw n’est-elle déployée qu’en direction de l’Inde, de la Chine et des monarchies pétrolières du Golfe ? Ce garçon effectuerait en secret et en jets privés beaucoup de voyages en direction de ces pays-là. Pourquoi exclusivement ces pays ? Que ne met-il pas en branle sa légendaire compétence pour décrocher des investissements des grosses entreprises d’Europe et d’Amérique du Nord ? Qu’est-ce qui attire irrésistiblement Karim vers les seuls pays du Sud que nous venons d’évoquer ? Il est vrai que son penchant (et celui de son président de père) pour l’opacité dans la gestion des affaires publiques ne facilite pas un partenariat avec les grosses entreprises des pays occidentaux. Avec les antécédents d’Elf-Aquitaine, celles-ci sont de plus en plus réticentes à donner (facilement) des commissions.
Les mille courtisans de Karim ne cessent donc de se démener comme de beaux diables pour nous convaincre de la pertinence de son éventuelle candidature à la succession de son père. Dans cette perspective, ils nous jettent sans cesse à la figure l’exemple de Bush Jr : comme son père, il est devenu président des Usa. Donc, pourquoi pas Karim après son père ? Les deux cas ne sont évidemment pas comparables. Da ñoo melne Yalla ak Yaali. George Walker Bush est devenu président des Usa en 2001, soit huit ans après que son père a quitté le pouvoir. En outre, il était déjà gouverneur de l’important Etat du Texas, entre 1995 et 2000. Il était donc déjà dans la mêlée et Bush père n’a rien pu faire pour lui. Il ne pouvait rien faire pour lui, même quand il était président. Les Usa ne sont ni le Sénégal, ni le Togo, ni le Congo Kinshasa.
Chez nous, les pouvoirs du président de la République sont quasi illimités.
Dans ce contexte, le sort de Karim est étroitement lié à celui de son père.
Avant le 1er avril 2000, il n’était pratiquement rien et ne pouvait presque rien. Si, pour une raison ou pour une autre, son père de président quittait précipitamment le pouvoir, il retomberait immédiatement dans sa situation d’avant le 1er avril 2000. Il pourrait même tomber bien plus bas encore si, alors, la gouvernance meurtrie et opaque de son père livrait tous ses secrets.
Les mille courtisans de Karim auront donc beau s’agiter, nous ne serons pas dupes : leur champion est incapable d’accéder à la présidence de la République en ne comptant que sur ses qualités intrinsèques. Ils le savent si bien qu’ils font feu de tout bois pour conjurer cette évidence. Ils font feu de tout bois, y compris du bois sacré de l’Islam. Il convient de s’appesantir sur cette dimension de la ‘Génération du concret’ et de la dénoncer sans complaisance. Dans leur ascension vers le sommet, Karim et ses amis ont choisi de mettre en avant la question religieuse et confrérique et de l’exploiter à fond. On nous présente le fils de son père comme un mouride ‘saadix’ alors qu’il n’en est absolument rien. On lui fait parrainer une journée d’assainissement à Touba. A l’occasion, Me Madické Niang et Papa Diop l’introduisent avec beaucoup de bruit chez le khalife général des mourides, puis le conduisent chez Serigne Barra Falilou Mbacké, le plus âgé des petits-fils de Serigne Touba Cheikh Ahmadou Bamba. Comme s’ils voulaient déjà anticiper sur le temps. Quelle indécence ! Les centaines de tonnes de riz, les milliers de litres de carburant et les enveloppes bourrées de fric que Kmw déverse sur la ville sainte dressent alors les initiateurs de la journée d’assainissement les uns contre les autres. C’est à peine s’ils n’en sont pas venus aux mains.
Kmw distribue aussi à la pelle des billets pour le pèlerinage à La Mecque et aux lieux saints de la chrétienté, avec des devises substantielles. Il donne des dizaines de millions pour la construction de mosquées. Sans compter les nombreuses autres aux associations sportives et culturelles. Son collaborateur qui le représente dans les différentes manifestations, surtout religieuses, s’empresse chaque fois de préciser, comme s’il y était obligé, que l’argent ne vient pas de l’Anoci. Nous prenons acte. Qu’il nous dise, cependant, d’où viennent ces centaines de millions que son champion distribue avec autant de ‘générosité’ ? Qui peut lever la main droite et jurer qu’il a reçu de Karim la somme de 50 000 francs avant le 1er avril 2000 ? Le Sénégal est un petit village où tout le monde connaît tout le monde. Cette ‘générosité’ de Karim est sœur jumelle de l’alternance.
Si l’argent que distribue ostensiblement Karim n’est pas celui de l’Anoci, les ‘chefs religieux’ qui ‘grenouillent’ honteusement autour de lui pour en bénéficier, devraient se poser des questions. Ces individus-là, qui se réclament de l’Islam, ont le devoir de s’assurer du caractère licite des sommes d’argent importantes dont ils sont si facilement bénéficiaires. On parle aujourd’hui avec insistance de l’argent de la corruption et de l’argent blanchi qui circule à flots dans notre pays. Nos chefs religieux ne devraient pas perdre de vue, non plus, que les 30, 40 ou 50 millions qu’ils reçoivent individuellement pourraient bien servir à réaliser un centre de santé ou un forage équipé pour un gros village de plus de six mille habitants.
Sans doute, n’aurais-je jamais abordé la religion ou la confrérie de Kmw, si lui-même et ses mille courtisans n’en avaient pas fait indécemment un cheval de bataille. Il a sa vie privée que tout le monde doit respecter. Pour ce qui me concerne, je la respecterai toujours tant que lui-même se garde de mélanger les genres. Le choix confrérique de Wade père et certaines de ses initiatives maladroites en matière de religion nous coûtent déjà trop cher. Nous ne devons pas accepter que Wade fils en rajoute.
Karim est, en outre, libre d’envisager sérieusement de succéder à son père. Personne ne lui conteste ce droit. Pourvu simplement qu’il ne s’appuie pas sur l’Etat et ses attributs pour réaliser son ambition présidentielle.
Mody NIANG e-mail : modyniang@arc.sn 1 - Sait-on jamais ? Si jamais les choses ne se déroulaient pas comme elles sont aujourd’hui programmées, on aurait besoin de disposer de cachettes sûres, pour mettre à l’abri les fruits de plusieurs années de pillage systématique de nos maigres ressources.
2 - Rapporté par Mamadou Oumar Ndiaye, Le Témoin du mardi 27 février 2007.
L’Afp sur les explications du chef de l'Etat : ‘Un conte long et exhaustif servi aux populations’
La récente conférence de presse tenue par le chef de l’Etat n’est rien d’autre aux yeux de l’Afp qu’un ‘conte long et exhaustif servi aux populations’. Et le bureau politique des progressistes note avec humour ‘qu’il ne manquait que la formule initiale traditionnelle qui a été soigneusement éludée : ‘Il était une fois’.
Le Bp de l’Afp estime, au sujet de cette conférence de presse, que ‘le rétablissement des faits et de la vérité des chiffres, en cadrant les priorités de notre pays, constitue une des tâches des patriotes, qui ne doivent pas se lasser de mettre à nu la comédie de fort mauvais goût que le pouvoir de Me Wade sert en permanence au peuple pris sous l’étau d’une misère profonde, qui s’aggrave au fil des jours’. En effet, expliquent les progressistes réunis sous la présidence de Madieyna Diouf, sur le plan de la croissance économique, la situation de notre pays est préoccupante, ‘après la mise en faillite par le régime de Me Wade du système productif du monde rural, de nos principales unités industrielles et la détérioration d’un environnement peu propice aux investissements’. Puis d’affirmer que ‘la réalité qu’aucune gesticulation de prestidigitateur ne peut masquer, c’est que dans le cadre de l’Uemoa, le Sénégal occupe la 5e place sur huit avec un taux de croissance se situant autour de 2 %, devançant seulement trois pays qui ont connu des guerres civiles ou des troubles graves’.
Les camarades de Moustapha Niasse invitent donc Me Wade et son régime ‘à descendre rapidement sur terre, parmi nous’, pour traiter des urgences qui ne sauraient être occultées, sans mettre en péril les équilibres déjà fragiles de notre pays. L’Afp fait remarquer à ce sujet que dans le domaine de la santé, la prévalence relative au choléra, au paludisme et à la tuberculose connaît une courbe ascendante, avec des ravages palpables au sein des populations, notamment les plus démunies. ‘Pourtant, le régime en place n’a mis en œuvre aucune politique cohérente, pour régler le grave problème de l’accessibilité et de la qualité de l’eau’, relèvent les progressistes.
En ce qui concerne la production et la distribution de l’électricité, les progressistes soulignent que la Senelec continue, depuis la nationalisation de 2000, ‘d’engloutir des sommes faramineuses, sans que la situation ne s’améliore’. Ainsi, au moment où le chef de l’Etat s’apprête à attribuer à la Senelec un montant de 65 milliards de francs, l’Afp estime qu’un ‘brin de bonne gouvernance implique nécessairement un arrêt impérieux de la mauvaise gestion et une enquête sérieuse sur la gabegie qui a frappé cette société stratégique, qui gère un facteur de production essentiel’. Toutefois, selon toujours le Bp de l’Afp, eu égard aux ‘innombrables turpitudes’ qui jalonnent la conduite d’importants dossiers, ‘nous sommes loin du bout du tunnel’. Qu’il s’agisse du projet relatif à l’aéroport de Ndiass, de l’or de Sabodola, de l’Anoci ou de la troisième licence de téléphonie, ‘les stigmates hideuses de la mal gouvernance sont visibles, avec la grande place, la trop grande place qu’y occupent l’informel, l’incompétence et les chiffres incohérents, avec des variations se situant à hauteur de dizaines, voire de centaines de milliards’.
Une autre constante et pas des moindres, s’indignent les progressistes, ‘c’est le choix opaque des partenaires, sur des bases que seuls les tenants du pouvoir connaissent’. A cet égard, l’Afp trouve ‘inouïes’ les déclarations de Me Wade sur le dossier de la plate-forme de Diamniadio et l’autoroute à péage. ‘Comment un chef d’Etat peut-il assumer, pendant des années, la conduite d’un projet auquel il ne croit pas, en faisant mobiliser des ressources humaines et financières aussi importantes’, s’interrogent les progressistes qui se demandent si les nouveaux projets de Centrale électrique et de cybervillage, sortis hier des manches de Me Wade, ne connaîtront-ils pas le même sort.
L’Afp exige donc du régime de Me Wade l’arrêt immédiat de ces ‘jeux coûteux’ pour la ‘crédibilité’ de notre pays, les deniers du contribuable et l’économie nationale.
Georges Nesta DIOP
POINT DE PRESSE DE ABDOULAYE WADE / CONVICTION - Le Président sur la Plate-forme de Diamniadio : «Ce projet, je l’appelais le serpent de mer»
Un compte-rendu détaillé de ses activités, durant près d’une semaine aux Etats-Unis, c’est ce qu’à voulu faire le président de la République, hier, face à son gouvernement, le corps diplomatique étranger et la presse. En fin de compte, on s’est retrouvé avec des explications sur la léthargie du Nepad, des problèmes environnementaux, la cessation d’actions de l’Etat au secteur privé, le financement de la plate-forme de Diamniadio qui sera alloué à une centrale électrique…
Le Président Abdoulaye Wade s’est retrouvé hier face à la presse pour faire le compte-rendu de sa participation à la 24e session ordinaire des Nations-Unies. Mais très vite, la rencontre va déraper sur d’autres sujets. C’est dans ce cadre qu’il a soutenu, évoquant la Plate-forme de Diamniadio, que l’argent destiné à son financement va être utilisé pour la construction d’une centrale électrique et d’un cyber-village qui aura pour nom Cyber Cité. Toujours à propos de cette plate-forme, le Président Wade va faire une révélation de taille : «Pour l’histoire, je n’ai jamais cru à ce projet de plate-forme de Diamniadio. Je ne l’ai jamais aimé. Je n’ai jamais compris ce qu’il y avait dedans. Je l’appelais le serpent de mer.»
Pour rappel, les Américains se sont retirés de la plate-forme après l’intérêt manifeste de Dubaï de faire pratiquement la même chose sous l’appellation Zone économique intégrée. Mais le Président Wade rassure en soutenant que le financement américain existe toujours. Et la centrale électrique qui sera construite «permettra aux entreprises d’avoir une électricité moins chère».
Auparavant, Abdoulaye Wade avait pris le soin d’annoncer la tenue, le 24 novembre prochain, d’une rencontre sur le Nepad. «On ne parlera plus que de trans-pays, trans-régional. On n’a pas de problèmes de financement. Nous n’avons jamais pris un sou de l’argent qu’on nous a promis.» Et pour utiliser l’argent promis par les pays développés au Nepad, «il faut des projets bancables».
En direction du secteur privé sénégalais, le Président Wade soutient «qu’il va nous arriver de créer de sociétés avec l’Etat comme actionnaire unique parce que le privé est trop timide. Et nous sommes prêts à céder nos actions aux privés. On est prêt demain pour que les gens qui veulent acheter des actions dans l’aéroport, ceux qui veulent acheter des actions se manifestent, pour l’aéroport et pour Dakar Dem-Dikk».
Beaucoup de sujets ont été abordés par Me Wade notamment sur l’environnement, thème central de la 62e session des Nations-Unies. Il s’est agi lors de la session ordinaire, pour laquelle le Président faisait le compte-rendu, de sensibiliser les autres présidents sur la gravité des changements climatiques, les risques et la détérioration des sols. L’organisation des Nations-Unies a envisagé les moyens financiers techniques et technologiques pour sauver la planète avec une mise à jour du protocole de Kyoto. Il a aussi parlé de la «grande muraille verte». Et pour cela, le gouvernement sénégalais va entrer en rapport avec les pays qui bordent le Sahel pour cette muraille qui se tiendra sur 7 000 km de long et 350 km de large. «Il s’agira de sélectionner des plantes qui résistent pour régénérer la faune et la flore. Ce projet africain a été adopté par tout le monde.» Toujours sur le plan de l’environnement, l’initiative pour une haute autorité du désert a été prise. Elle permettra d’exploiter et faire l’inventaire des richesses du désert.
Safiètou KANE
FILIGRANE - Une incrédulité au coût élevé
Il a fallu attendre plusieurs mois après le retrait des Américains sur le financement du projet dans le cadre Millennium challenge corporation (Mcc) de la Plate-forme de Diamniadio, pour cause de double emploi avec le projet de Diass, piloté par les Emiratis de Jafza, pour que l’on apprenne que notre chef d’Etat n’a jamais pris le projet américain au sérieux. L’aveu est important, et fera sans doute plaisir à toutes ces ressources humaines de qualité, que l’on a mobilisé durant quatre longues et pénibles années pour faire aboutir ce projet, sur lequel beaucoup d’espoirs avaient été fondés.
Quelle autorité politique de haut niveau n’a pas senti le besoin, avant que les Américains ne retirent leurs billes, d’évoquer le futur idyllique qui allait s’ouvrir devant le Sénégal, une fois que l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio-Mbour permettra de relier la capitale au nouvel aéroport, en passant par la nouvelle ville qui allait s’établir à Diamniadio, en moins d’une heure de route ?
Combien de fois, en public, le président de la République ne s’est-il pas privé d’assurer à ses interlocuteurs et à son peuple, que le projet allait se faire, parce que «son» ami le Président George Bush le lui avait garanti ? C’était l’époque où les journalistes faisaient figure d’oiseaux de mauvais augure, d’antipatriotes, qui ne cherchaient que le mal de leur pays. La preuve que les choses allaient dans le bon sens, c’est l’ancien président de l’Agence pour le projet d’aménagement de la plate-forme de Diamniadio (Ampd) Habib Mbaye, qui la claironnait partout : «Les Américains ont déjà accordé une avance de 4 milliards de francs Cfa sur le projet. Ils ne vont pas se retirer !» Sans préciser que l’argent était destiné à financer des études d’impact…
Aujourd’hui que Wade a avoué son désamour pour ce projet, il ne faudra pas s’étonner de voir tous ces hommes politiques trouver la petite bête à ce projet de Plate-forme de Diamniadio.
Mohamed GUEYE
AEROPORT DE NDIASS, OR DE SABODOLA, ANOCI, TROISIEME LICENCE DE TELEPHONIE
« Les stigmates hideuses de la mal gouvernance », selon l’Afp
Par Ibrahima Lissa FAYE | SUD QUOTIDIEN | mercredi 3 octobre 2007
L’Alliance des forces de progrès (Afp) s’est intéressée aux structures et projets du gouvernement à parfum de scandale. Elle a, lors de sa réunion de bureau politique d’hier, mardi 2 octobre, souligné « les stigmates hideuses de la mal gouvernance » et la gestion informelle de ces dossiers. Les camarades de Moustapha Niasse n’ont pas manqué d’analyser les déclarations du président Abdoulaye Wade qu’ils qualifient « d’inouïes ». Ils ont aussi évoqué la situation économique du pays pour le moins reluisante selon leur communiqué.
Le bureau politique de l’Alliance des forces de progrès (Afp) s’est appesanti sur les projets et agences de l’Etat qui sont actuellement sous le feu de rampe de l’actualité. Ces structures et activités du gouvernement dont la gestion et la conduite sont qualifiées de « scandaleuses et de ténébreuses » par la presse et certains acteurs de la bonne gouvernance. « Qu’il s’agisse du projet relatif à l’aéroport de Ndiass, de l’or de Sabodola, de l’ANOCI ou de la troisième licence de téléphonie, les stigmates hideuses de la mal gouvernance sont visibles, avec la grande place, la trop grande place qu’y occupent l’informel, l’incompétence et les chiffres incohérents, avec des variations se situant à hauteur de dizaines, voire de centaines de milliards » a fait savoir le bureau politique de l’Afp dans un communiqué parvenu hier, mardi 2 octobre à notre rédaction.
Les camarades de Moustapha Niasse ne s’arrêtent pas en si bon chemin. « Une autre constante et pas des moindres, c’est le choix opaque des partenaires, sur des bases que seuls les tenants du pouvoir connaissent », ont-il ajouté. Les « Progressistes » n’ont pu passer sous silence les affirmations du président de la République, Abdoulaye Wade lors de sa conférence de presse de lundi dernier. « Les déclarations de Maître Wade sur le dossier de la plate forme de Diamniadio et l’autoroute à péage sont tout simplement inouïes », ont-ils martelé.
Tout en s’interrogeant sans cesse : « comment un chef d’Etat peut-il assumer, pendant des années, la conduite d’un projet auquel il ne croit pas, en faisant mobiliser des ressources humaines et financières aussi importantes ? Les nouveaux projets de Centrale électrique et de cybervillage, sortis hier des manches de Maître Wade, ne connaîtront-ils pas le même sort ? »
Le Bureau politique de l’Afp a exigé du régime d’Abdoulaye Wade « l’arrêt immédiat de ces jeux coûteux pour la crédibilité » de notre pays, les deniers du contribuable et l’économie nationale.
L’instance de direction de l’Afp a invité le président de la République et son régime à « descendre rapidement sur terre », parmi nous, pour traiter des urgences qui ne sauraient être occultées, sans mettre en péril les équilibres déjà fragiles de notre pays. Le bureau politique de l’Afp a estimé que « la conférence de presse que Maître Abdoulaye Wade a servie aux populations hier est un conte long et exhaustif. Il ne manquait que la formule initiale traditionnelle qui a été soigneusement éludée : « Il était une fois ». Les « Progressistes » ont pensé que « le rétablissement des faits et de la vérité des chiffres, en cadrant les priorités de notre pays, constitue une des tâches des patriotes, qui ne doivent pas se lasser de mettre à nu la comédie de fort mauvais goût que le pouvoir de Maître Wade sert en permanence au peuple pris sous l’étau d’une misère profonde, qui s’aggrave au fil des jours ».
Croissance économique : Sénégal mauvais élève de l’Uemoa
Sur le plan de la croissance économique, la situation de notre pays est, selon le bureau politique de l’Afp, « préoccupante », après « la mise en faillite » par le régime de Maître Wade du système productif du monde rural, de nos principales unités industrielles et la détérioration d’un environnement peu propice aux investissements. « La réalité qu’aucune gesticulation de prestidigitateur ne peut masquer, c’est que dans le cadre de l’UEMOA, le Sénégal occupe la 5ème place sur huit (8) avec un taux de croissance se situant autour de 2 %, devançant seulement trois pays qui ont connu des guerres civiles ou des troubles graves », ont déploré les camarades de Moustapha Niasse .
Dans le domaine de la santé, ils ont indiqué que « la prévalence relative au choléra, au paludisme et à la tuberculose connaît une courbe ascendante, avec des ravages palpables au sein des populations, notamment les plus démunies. Pourtant, le régime en place n’a mis en œuvre aucune politique cohérente, pour régler le grave problème de l’accessibilité et de la qualité de l’eau ».
En ce qui concerne la production et la distribution de l’électricité, la SENELEC continue de l’avis de l’Afp, depuis la nationalisation de 2000, d’engloutir des sommes faramineuses, sans que la situation s’améliore. « Les délestages continuent de plus belle, au moment où le gouvernement de Maître Wade s’apprête à attribuer à la SENELEC un montant de 65 Milliards de francs CFA », a souligné le bureau politique. A ce stade, un brin de bonne gouvernance implique, selon le communiqué, nécessairement un arrêt impérieux de la mauvaise gestion et une enquête sérieuse sur la gabegie qui a frappé cette société stratégique, qui gère un facteur de production essentiel.
LE MAÎTRE DU « JE » !!!
Gorgui a encore parlé, et mis à côté de la plaque. On ne s'attendait pas à ce qu'il cause, il nous a convié à l'écouter, pour au final nous parler de lui, et encore de lui, comme toujours de lui. Pas un seul moment, il ne nous a rassurés sur nos préoccupations qui ont pour noms, énergie, urbanisme, santé, emploi, vie chère et éducation. Non ! « The Teacher » nous a encore dit que son cerveau et son ego étaient les plus surdéveloppés du continent africain, et que les sommités du monde entier succombaient à sa luxuriante et fulgurante intelligence, et se précipitaient vers notre « sunugal » en perdition pour le sauver, à coup de milliards virtuels. Comment se fait-il donc qu'avec cet astre qui nous sert de guide, nous soyons dans un tel pétrin ? Je vous le demande !!! Avant-dernier de l'Uemoa, pas foutus de gagner une finale de basket où nous étions reines, des sommets de l'OCI reportés faute de sérieux, des « Fesnam » ajournés, par manque de vision, le Sénégal n'a plus que son « Presque Dieu » pour encore y croire. Wade fascinait à chacune de ses sorties qui étaient attendues, qui faisaient « événement ». Je vous mets au défi de vous souvenir d'une seule assertion de Gorgui pendant ce pensum radiophonique, rendu indigeste par des préoccupations « ramadantesques ». Le « Maître du JE » est en roue libre… Il n'imprime plus. Il n'impressionne plus. Il ne fait même plus rêver, s'écoutant parler, n'entendant même plus la rumeur de l'ennui. Le Roi est nu. Le Clown est triste. Qu'il se mette un gros nez rouge. Nous essaierons alors de rire. Pour le moment, c'est juste un fou rire qui nous secoue. Et la détresse qui nous étreint. « Wade », en wolof, signifie « tomber »…En désuétude ?
( Mor Todjangué)
HOMMAGE
Par | | mardi 2 octobre 2007
Aux 23 illustres fils d’Afrique signataires du manifeste du Parti Africain de l’Indépendance (PAI) du 15 Septembre 1957 :
1. Mme Felicia Basse pharmacienne à Thiès
2. Issa Basse chirurgien dentiste à Thiès
3. Coupet Camara technicien à Rufisque
4. Seydou Cissokho instituteur à Thiès
5. Adama Diagne attaché DN à Thiès
6. Diallo Oumar centralisateur DN Thiès
7. Birahim Diawara agent tech DN à Thiès
8. Majhemout Diop publiciste Dakar
9. Bouna Fall topographe TP Kaolack
10. Ka Abdou (Anta) artiste Dakar
11. Alioune Camara Etudiant Thiès
12. Malick Kamara Enregistrement Dakar
13. Khaly Basile Camara Etudiant Dakar
14. Ly Tidiane Baïdy Etudiant Dakar
15. Abdou Moumouni, professeur agrégé Dakar
16. Abdoulaye Ndiaye Typographe Rufisque
17. Samba Ndiaye Etudiant Kaolack
18. Samba Niang Service des mines Thiès
19. Kalilou Sall Ingénieur DN Thiès
20. Ousmane Santara chef station DN Guinguinéo
21. Bachirou Sarr Typographe Rufisque
22. Seck Moussé Guéye Maître ouvrier dépôt DN Dakar
23. Touré Sékou Maître ouvrier DN Thiès
A tous les militants de la gauche historique, ceux-là qui, adhérant aux idées propagées par le manifeste ‘‘ de Thiès ’’, ont tant sacrifié de leur vie pour l’indépendance nationale, les libertés individuelles et publiques, l’unité africaine et le socialisme.
A tous les militants, morts ou vivants, d’obédience marxiste, toutes sensibilités confondues, chevaliers de l’indépendance nationale qui, avec conviction et abnégation, assiduité, intelligence et fidélité, ont maintenu, malgré les erreurs et fautes, l’activité révolutionnaire permanente au cours de ces cinquante années de luttes tumultueuses.
A tous ceux qui, s’inscrivant de façon indélébile dans la marche de l’histoire de nos peuples et qui ont fait notre fierté, comme, entre autres, Samory Touré, Mamadou Lamine Dramé, Alboury Ndiaye, El Hadj Oumar, Lat Dior Diop, Maba Diakhou, Aline Sitoé Diatta, Cheikh Ahmadou Bamba et d’autres précurseurs nationalistes tels :
• Le togolais Hunkarin, instituteur, ancien combattant de la guerre 1914-1918. qui organisa et dirigea de 1922 à 1923, des manifestations populaires contre l’impôt et les taxes imposés par l’administration coloniale et fut arrêté et déporté en Mauritanie.
• Le congolais André Natsawa né en 1889, ancien combattant 14-18 et 1924-1925 au Maroc, qui, après avoir revendiqué le droit de citoyenneté, tenta de créer un syndicat et fut arrêté avec plusieurs de ses camarades et condamné à trois ans de prison.Il mourut plus tard en prison en 1942 à la suite de sévices au cours de sa détention.
• Le sénégalais Lamine Senghor, ancien combattant et mutilé de guerre (14-18), résidant à Paris pour poursuivre ses études à la Sorbonne, animateur du « comité de défense de la race négre », panégriste déterminé, fut le premier porte drapeau de l’Afrique Noire aspirant à sa libération nationale et sociale, est l’un des pionniers de la diffusion du marxisme en Afrique avec so ami Garan Kouyaté.
• Le malien Thiémoko Garan Kouyaté mort à Paris le 20 Décembre 1945, fut l’un des fervents militants de la cause africaine des années 30-40 a animé à Paris la ligue universelle pour la défense de la race négre et fut l’éditeur de la « Revue Race negre ».
• Le Sénégalais Cheikh Anta Diop, né le 29 Décembre 1923 à Caytou où il repose depuis sa mort le 07 Février 1986 Il reste un des historiens le plus dense de notre temps qui nous a fait découvrir par son œuvre magistrale, « Nations négres et cultures », l’origine africaine et négroïde de l’humanité, de la civilisation égyto-nubienne, l’identification des grands courants migratoires et la formation des ethnies africaines. Il fut l’un des pères du nationalisme militant africain qu’il fonda sur la nécessité de l’indépendance de l’Afrique s’appuyant sur la création d’un Etat fédéral continental. Mais selon le manifeste de Thiès « …. Son livre Nations Négres et Cultures » constitue ainsi une arme efficace dans la prise de conscience nationale. Toutefois c’est une arme culturelle et non le programme, la structure, la stratégie et la tactique du parti de l’indépendance. Moins encore il ne pouvait poser la question du socialisme ».
• Le Camerounais Ruben Umnyobé, Secrétaire Général de l’Union des Populations Camerounaises (UPC) tombé dans le maquis arme à la main le 13 Juin 1956 à Boumnyebel.
• Le Congolais Patrice Lumumba atrocement assassiné en 1960 par Mobutu, bras armé des impérialistes français, belges et américains.
• Le Camerounais Osendé Afana fusillé le 15 mars 1966 par Ahmadou Ahidjo, fut dirigeant de la FEANF et responsable du PAI en France.
• Le Camerounais Félix Moumié Président de l’UPC assassiné le 15 novembre 1966 à Genève par les services secrets français.
• Le Tchadien Otel Bono, dirigeant de la FEANF et d’une section du PAI en France, assassiné à Paris le 27 Août 1973.
• Le Guinéen Almamy Fofana militant du PAI pendu par le régime de Sékou Touré sous le pont du 28 Septembre à Conakry en 1970.
• Le Malien Ibrahima Ly, Professeur de mathématiques militant du PAI mort au Sénégal des suites de sa détention arbitraire par Moussa Traoré et enterré à Kayes.
• Et tant d’autres dignes fils de l’Afrique. Nous n’oublierons pas de garder une pensée pieuse pour les sénégalaises qui discrètement et efficacement, ont apporté le plus grand soutien pendant les années de braise, nos épouses et sœurs, militantes comme Thioumbé Samb et Mame Khar Ndiaye parmi tant d’autres, et nos mères parmi lesquelles on citera Feue Moussoukora Sakho à Saint Louis qui logea clandestinement et assuré la sécurité, deux ans durant les camarades Seydou Cissokho, Madické Wade, Alla Kane et Babacar Sy dit Baléva ainsi que feue Fatou Niang, mère du camarade Samba Diouldé Thiam qui a tant donné, à ses risques et périls, pour couvrir nos camarades, nos activités et mêmes celles de nos amis africains telle que la tenue du congrès clandestin de l’ADEMA qui a eu comme dirigeant Alpha Oumar Konaré.
• Le Sénégalais Abdoulaye Ly né le 25 Février 1919 à St Louis du Sénégal, Docteur ES lettres, qui a été de toutes les batailles qu’a eu à mener le peuple sénégalais depuis la fin de la 2e guerre mondiale, pour son accession à l’indépendance et son émancipation. De l’UPS au PRA Sénégal, il s’est entièrement donné aux côtés des autres patriotes.
• Bien d’autres de la même trempe, méritent d’être cités comme Doudou Guéye et leurs contemporains.
• Dans la même lancée, nous évoquerons la partition des courageux avocats, Me Fadilou Diop et Me Caldor du Barreau de Paris qui ont défendu nos camarades de 1959 à 1966 et aussi Me Abdoulaye Wade devant le tribunal de Dakar en 1965.
• Nous les confondons tous dans ce même hommage.
Chers camarades,
En ce siècle où le libéralisme triomphant et arrogant déroule sa politique d’exploitation et d’exclusion, la tâche primordiale de toutes les forces progressistes et démocratiques consiste à sauvegarder la vérité de l’histoire, à réfléchir en profondeur sur l’expérience des luttes révolutionnaires et de libération nationale et sur leur fondement théorique. Ce, surtout aujourd’hui où la perversion, la perte des repères, l’obscurantisme idéologique et la faiblesse des partis de gauche, sont les maux qui obstruent l’évolution des peuples, l’approfondissement des libertés et de la démocratie.
Il est impératif de permettre aux générations montantes, en leur transmettant cette riche expérience comme une valeur chèrement acquise, comme une référence et un repère, de puiser des forces pour résoudre les problèmes actuels du pays.
Chers compatriotes,
Le but poursuivi par notre présente démarche de commémoration du cinquantième anniversaire est d’abord, par devoir de mémoire, de justice et de vérité, de rendre un vibrant hommage en présence des survivants des 23 signataires ou leurs représentants et que sont : Khalilou Sall, Malick Kamara, Samba Niang, Adama Diagne, Seck Moussé Guéye, vivant au Sénégal et Sékou Touré au Mali.
Nous prions et leur souhaitons une santé de fer et une longue vie. Le manifeste de Thiès marque d’une pierre noire notre continent et ceux qui ont participé à la rédaction de cet acte fondateur, ouvriers et intellectuels, sont entrés dans l’histoire par la grande porte. C’est à eux que nous rendons un hommage solennel et mérité, quel que fut par ailleurs le destin politique de chacun d’entre eux.
Ce n’est là que justice au regard du contexte international et africain dans lequel ce manifeste apparaît pour indiquer clairement l’état de maturation de leur conscience nationaliste et patriotique. Nous rappellerons ici leur propre analyse de cette époque, reflétant les idées motrices dont plusieurs générations de militants se sont appropriées. En effet selon le manifeste de Thiès : « Après la deuxième guerre mondiale avec l’apparition du Camp du Socialisme sur un tiers du globe, une immense vague démocratique a déferlé sur le monde entraînant tous les peuples dans la lutte pour le socialisme, l’indépendance nationale et la paix. C’est ainsi que la Chine Populaire instaurait le socialisme pour 600 millions d’hommes, que le Vietnam, l’Inde, l’Indochine, la Syrie, et le Liban secouaient pour toujours le joug des impérialistes étrangers.
Pendant que tous nos principaux partis africains devenaient de simples appendices et des réserves électorales des partis métropolitains, ratant ainsi leur rôle historique de partis nationaux africains, l’anticolonialisme se précisait à l’échelle mondiale. En effet, en 1955 se tint à Bandoeng la très importante conférence Afro-Asiatique qui, en scellant définitivement la solidarité anticoloniale des peuples colonisés, ouvrit des perspectives claires pour l’accession de tous les pays à l’indépendance nationale.
Entre 1950 et l’heure actuelle, la chaîne des indépendances africaines a prouvé que notre pays n’était pas à l’écart des grands courants de pensée mondiaux. En 1951 la Libye est indépendante. En 1954 l’Egypte. En 1955 la Tunisie et le soudan (ex –ANGLO-ÉGYPTIEN). En 1956 le Maroc, le 6 mars 1957 le Ghana. Avec le soudan et le Ghana, c’est l’Afrique Noire elle-même qui bouge.
La guerre d’Algérie est là pour prouver d’autre part à ceux qui veulent rester sourds aux enseignements de l’histoire, qu’une issue de secours existe toujours pour les peuples asservis. Avec l’indépendance de l’Algérie, celle du Nigeria projetée pour 1960, l’Afrique noire sous domination française sera coincée entre deux blocs Nord et sud très importants stratégiquement, plus peuplés et acquis fatalement aux principes de Bandoeng.
Ce sera la rupture de l’encerclement impérialiste et ni l’organisation commune des Régions Sahariennes, ni aucun verrouillage de frontière ne sauront empêcher le « voyage sans passeport » des idées et quand elles pénétreront les masses, la transformation de ces idées en force matérielle…. Alors que les grands partis politiques tergiversaient depuis 1950, incapables de poser ce mot d’ordre, que l’histoire exige, alors qu’ils acceptent dans les faits la balkanisation de L’Afrique noire (c’est–à–dire le rejet de l’unité nationale) les organisations de masse se chargent des tâches politiques et s’organisent vers leur résolution correcte. C’est de cette manière que les travailleurs ont fait à la conférence intersyndicale de la Loi-cadre.
C’est de cette manière que les jeunes mettaient sur pied le conseil Fédéral où les intolérables hésitations du début furent vite vaincues.
A l’heure actuelle, l’Union des Populations Camerounaises, l’Union Générale des Etudiants d’Afrique Occidentale, la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France se sont constituées sur des bases fédérales. Ces deux derniers mouvements, ainsi que le R.J.D.A n’ont pas craint de poser le mot d’ordre d’indépendance nationale.
Nous nous trouvons donc en face d’un retard considérable des partis politiques africains au regard des luttes des masses : travailleurs, jeunes, etc.…
Les ouvriers sont privés d’un guide politique. Les paysans qui forment l’énorme majorité de la population n’ont ni organisateur ni allié capable de liquider, ensemble avec eux, la féodalité et promouvoir les transformations urgentes à la campagne. Les masses sont frustrées d’un parti d’avant-garde inspirant et soutenant les revendications des jeunes, des étudiants, des femmes.
Il n’était que temps que naisse un parti pareil. C’est l’histoire qui l’appelle. C’est l’histoire qui aura à assurer son développement. » Plus loin, s’agissant de la question de l’unité dans la lutte pour l’indépendance le manifeste écrit « La Gauche a choisi de rompre avec une « fusion » qui est intégration pure et simple à un parti où il n’est permis d’avoir voix au chapitre qu’en se faisant délivrer un certificat d’assimilation et de soumission à la droite réactionnaire…… la gauche pose le vrai problème : unité d’action pour l’indépendance nationale et le socialisme….. Pour la conquête totale du pouvoir politique au moyen de l’indépendance nationale pour la remise des biens sociaux à ceux qui produisent ces biens, au moyen du socialisme, il est devenu une nécessité historique de créer un parti de type nouveau. »
Et pour ce faire, nos braves, courageux et intelligents initiateurs –anciens membres des Groupes d’Etudes Communistes GEC et/ou militants de l’UDS- Entreprirent de développer une intense activité de popularisation des idées et promotion des conditions de création d’un parti pour l’indépendance nationale et les libertés. Dans cette dynamique, ils décidèrent d’organiser des séries de conférences publiques en s’appuyant sur le RJDA et avec exigence pour tout conférencier de conclure sur l’indépendance immédiate. Le pays fut plongé dans une effervescence intellectuelle et politique, impulsant l’éveil de conscience des masses populaires. Dans ce climat apparaît donc « le manifeste » le 15 Septembre 1957 et le PAI sera créé le 17 Septembre 1957.
Pour les signataires du manifeste, l’accession à l’indépendance et au pouvoir politique aux moyens de celle-ci n’était point une fin en soi et ils expliquent « … Cependant arriver à définir notre position pour l’indépendance, nous oblige à poser que cette indépendance n’est pas un but mais un moyen d’améliorer le niveau de vie matériel et culturel des masses africaines. Et il n’y a pas mille moyens de promouvoir ce mieux- être. Il existe qu’une voie : la réorganisation rationnelle de l’économie en vue de l’augmentation du pouvoir d’achat des masses.
Mais dans un pays colonial, à l’époque de la deuxième phase de la crise générale du capitalisme, il n’y a qu’une issue unique pour l’économie. Cette issue c’est le socialisme….Une vérité est devenue patente et pourrait s’exprimer en deux mots forces : Indépendance et Socialisme ; deux mots liés et devenus inséparables.
Par indépendance, il faut entendre la conquête totale du pouvoir politique à l’échelle de l’Afrique noire sous domination française. Ce qui implique la lutte contre le micro nationalisme à base territoriale et même fédérale, jusqu’à nouvel ordre, Par socialisme nous n’entendons pas un capitalisme d’Etat comme paraît le préconiser le leader du B.P.S. dans une déclaration reprise par le Paris –Dakar du 19 Octobre 1956.
Mais, d’autre part, reconnaissant une voie spécifique de l’Afrique vers le socialisme, nous nions que cette voie puisse être déterminée à l’avance par la réflexion d’un seul homme. Nous nions que cette voie puisse être déjà tracée comme étant une voie moyenne entre celle de l’Inde et celle de la Chine.
En effet seul les éléments de notre indépendance (la situation internationale, le rapport et la nature des forces en présence) peuvent déterminer ce socialisme à la veille de l’indépendance.
Une voie spécifique de l’Afrique vers le socialisme, éventuellement même pacifique, ne peut pas exclure, mais au contraire, appelle le contenu universel du socialisme ; la remise des usines aux travailleurs organisés, la remise de la terre aux paysans qui la travaillent.
En d’autres termes, la suppression de l’exploitation de l’homme par l’homme.
Les étapes éventuelles et les modalités de ce changement radical ne peuvent être définies que par le contexte historique réel. » Chers compatriotes, voilà donc, pour la première fois en Afrique de l’Ouest, associer indépendance et socialisme comme programme d’un parti politique. C’est là toute la profondeur, la grandeur, toute l’originalité de cette magnifique intuition des signataires d’il y a cinquante ans. Sans nul doute ces idées géniales sont encore actuelles et nous interpellent. Le Manifeste de Thiès définit clairement les grands axes programmatiques de la marche vers le socialisme. Et nous citons encore le Manifeste « Ce parti devra, du point de vue économique, socialiser l’économie, industrialiser complètement le pays, collectiviser et mécaniser totalement l’agriculture. Dans l’immédiat, il faut sur le plan industriel promouvoir une juste politique d’investissement sans calculs machiavéliques mais en établissant un système rigoureux d’avantages réciproques. A la campagne, il faudra organiser les masses paysannes sous des formes dynamiques multiples. Sur le plan social, le parti soutiendra totalement sans réserve aucune et par tous les moyens, les revendications des travailleurs ; il s’identifiera à l’avant–garde de ces travailleurs. Le parti se fait le champion de l’éducation scolaire et parascolaire. Pour la liquidation de l’analphabétisme et l’acculturation des masses, il se propose de développer des campagnes nationales.
Le développement sanitaire, la mise à la disposition des travailleurs des établissements sanitaires, des lieux de repos et de plaisance seront inscrits au programme du parti.
Partout et toujours, le parti soutiendra, avec la dernière énergie, tous les partis politiques, tous les groupes sociaux, toutes les organisations des masses, de femmes, ou de jeunes, toutes associations confessionnelles ou non, toutes les personnalités qui présentent des revendications progressistes, en engageant à quelque niveau que ce soit la lutte contre les forces réactionnaires et obscurantistes, la lutte contre l’impérialisme. » Fin de citations
Le n° 1 de l’organe central du PAI « La lutte » du 12 Octobre 1957 résume brillamment le manifeste dans l’Editorial : Toute l’histoire du Parti Africain de l’Indépendance (PAI) faite de hauts et de bas témoigne de la fidélité de ses militants à ses idéaux au prix d’énormes sacrifices matériels et humains (tortures à l’électricité et à l’eau, licenciements abusifs, emprisonnements et assassinats politiques) tant sur le plan national que sur le plan africain dont la manifestation concrète restera le soutien apporté à la Guinée de Sékou Touré au lendemain du « NON » historique de 1958. Sur le plan international le PAI a assumé ses positions et sa place dans le concert de l’internationale prolétarienne. Ainsi donc, ces quelques idées fortes citées du Manifeste et autres qu’il propage, le développement futur des luttes et la naissance de divers courants de gauche d’obédience marxiste , sont tant de motifs entre autres, qui confortent l’initiative de commémoration du Comité national préparatoire du cinquantième anniversaire dudit document . Epris de justice, nous n’avons pas le droit de laisser effacer cette page mémorable de l’histoire de nos peuples dans leurs luttes pour leur libération, le développement économique et social à laquelle vous avez grandement contribué à écrire, vous, signataires du Manifestes et tous ceux qui s’engagèrent pour la réalisation des idées portées par votre intuition durant ce demi siècle d’actions politiques.
Il est donc logique, d’associer à l’hommage que nous vous rendons aujourd’hui, tous les marxistes, patriotes sénégalais et africains qui ont et continuent de maintenir fermement et intelligemment l’activité permanente au service de la nation et des masses populaires depuis l’interdiction du PAI par décret N° 60-267 du 1er Août 1960 ouvrant une vaste période de chasse aux militants du PAI, devenu un parti dans la clandestinité vingt ans durant, expérience unique en Afrique de l’Ouest. Cela justifie et reflète toute l’importance de l’exposition que nous organisons depuis ce matin. Vos témoignages enregistrés et filmés constitueront mieux que toute autre relation les matériaux d’éclairage sur la vie du PAI, ses difficultés et faiblesses, sur les responsabilités individuelles et collectives.
Mesdames et Messieurs,
Au moment où est tragiquement agitée « la fin des idéologies » et où le puissant socle des mouvements de libération, le camp socialiste, a éclaté, commémorer le cinquantième anniversaire du manifeste du PAI, acte fondateur et de construction de la famille de gauche, d’obédience marxiste en Afrique de l’Ouest, est sans nul doute un symbole, un événement important qui témoigne de l’encrage des idéaux du marxisme-léninisme dans notre continent.
Notre initiative originale et inédite a été entreprise et soutenue par des hommes et des femmes de diverses périodes de militantisme, représentatifs de l’ensemble des forces patriotiques du Sénégal et africaines. Il en est ainsi parce que l’expérience de lutte des militants de ce demi siècle, dans le sillage des « groupes d’études communistes » (GEC) des années quarante (40) est un élément essentiel du patrimoine de résistance, de courage et de patriotisme de nos pays d’Afrique.
Le Parti Africain de l’Indépendance (PAI) né le 17 Septembre 57 a été le premier parti flambeau et porte drapeau de la lutte pour l’indépendance le socialisme et les libertés dans cette partie africaine de l’empire colonial français et qui indiqua, par son programme, les objectifs et la voie à suivre à tous les peuples ouest africains sous domination française.
Certes, le Sénégal d’aujourd’hui ne correspond nullement à celui dont nous rêvions. Mais il va de soi que nous avons le mérite d’avoir semé la graine pour les générations présentes et futures. L’orientation et nos mots d’ordre de Mom Sa Rew, Bok Sa Rew, Défar Sa Rew, demeurent toujours actuels. Il ne nous reste plus qu’à léguer aux nouvelles générations cette expérience de lutte du PAI historique avec ses erreurs, ses échecs et ses réussites. Nous devons nous acquitter de cet ultime devoir comme une tache de lutte, car les tentatives multiples et acharnées d’effacer de la mémoire collective les noms du PAI, de ses héros, de ses martyrs et de ses actions inégalés et inégalables dans l’histoire contemporaine du Sénégal s’amplifient. Pour qu’il en soit ainsi, il incombe aux signataires et militants, à la fois acteurs et témoins de jeter un regard nouveau et critique sur ce passé de cinquante années de luttes, en attendant que les experts en sciences sociales, les historiens de métier, ne les restituent dans les règles de leur art aux jeunes générations qui y puiseront comme d’un réservoir de repères et de références.
L’émiettement et l’état d’hibernation du mouvement marxiste, les déviationnismes et les reniements s’accentuent, compliquent et différent les solutions historiquement nécessaires et inéluctables. Mais il n’y a pas à désespérer car notre foi en l’avenir et aux générations montantes reste intacte. Certes l’objectif que nous nous étions fixé, l’objectif majeur, n’est pas encore atteint. Malgré tout des acquis importants existent. Il revient aux générations montantes de s’approprier cette expérience de cinquante années, et d’assumer toutes leurs responsabilités devant l’histoire. Il va s’en dire que nous sommes conscients que, tant que nous resterons en vie, nous lutterons à leurs cotés dans la dignité et les traditions culturelles et morales de nos peuples en refusant de vendre nos âmes au diable. Voilà, chers camarades, il ne nous reste plus qu’à vous remercier de votre exemplarité, de votre engagement et de votre fidélité. Votre présence en ce jour mémorable et en ce lieu de transmission du savoir est pleine de signification et est gage de continuité car il appartiendra à la jeunesse de construire, demain, le socialisme pour arrêter les affres imposées à nos peuples. Avec vous camarades, nous disons, haut et fort, que nous resterons fidèles à nous-mêmes, à l’esprit du « Manifeste du PAI ». Reprenant le camarade Madickè Wade nous clamons « …au nom de tous les anciens membres du PAI restés là où ils étaient…je déclare que si c’était à refaire nous recommencerions le même processus. Nous restons responsables de tous nos actes de tous nos mots que nous avons exécutés ou prononcés. » Encore une fois, merci à tous et à toutes, et surtout aux enfants, aux conjointes et conjoints des camarades disparus, qui, avec certainement beaucoup d’émotion nous ont honorés de leur présence, de même nos remerciements aux travailleurs des villes et des campagnes, aux personnalités de l’Etat, aux responsables syndicaux, aux universitaires et autres personnes qui ont et qui auront brillamment animé les conférences programmées dans le cadre des manifestations de la commémoration. Merci aux hommes de la presse, maillons essentiels et sentinelles de la démocratie et de la solidarité humaine.
Nous réitérons toute notre satisfaction et notre reconnaissance à tous ceux qui par leur générosité, en posant l’acte utile, ont permis de réaliser la présente initiative qui, elle aussi marquera date dans les annales de l’histoire et, à ce titre nous décernons une mention spéciale au doyen de la FASTEF (ex Ecole Normale Supérieure) à ses collaborateurs et aux responsables de l’UCAD, particulièrement au chef du département de l’histoire, aussi et surtout à Monsieur Moussa Guèye Directeur du Média Centre et toute son équipe.
Merci à tous et merci de votre attention
Message du Vatican à l'occasion du ramadan : Chrétiens et musulmans appelés à promouvoir une culture de la paix
Le Vatican, par la voix du Cardinal Jean-Louis Tauran, président du conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, a adressé une lettre aux musulmans du monde entier pour leur souhaiter une bonne fin de Ramadan et une joyeuse fête d’Aïd al-Fitr. Dans ce message, le Vatican rappelle que chrétiens et musulmans sont appelés à promouvoir une culture de la paix.
‘Il m’est particulièrement agréable de vous présenter pour la première fois les vœux amicaux et chaleureux du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux en votre joyeuse fête de ‘Id al-Fitr’, qui conclut le chemin parcouru durant le mois de jeûne et de prière du Ramadan’, indique d’emblée le Cardinal Jean Louis Tauran. Cette démarche, poursuit le prélat, ‘est un temps fort pour la vie de la communauté musulmane et donne à chacun une force nouvelle pour son existence personnelle, familiale et sociale. Il importe en effet que chacun rende témoignage au message religieux par une vie toujours plus intègre et plus conforme au plan du Créateur, dans le souci du service de ses frères et dans une solidarité et une fraternité toujours plus grandes avec les membres des autres religions et avec tous les hommes de bonne volonté, dans le désir de travailler ensemble au bien commun’.
Dans la période troublée que nous traversons, souligne le président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, ‘les membres des religions ont par-dessus tout le devoir d’œuvrer, en tant que serviteurs du Tout-Puissant, en faveur de la paix, qui passe par le respect des convictions personnelles et communautaires de chacun, ainsi que par la liberté de la pratique religieuse’. Car pour Mgr Jean Louis Tauran, la liberté de religion, qui ne se réduit pas à la simple liberté de culte, est un des aspects essentiels de la liberté de conscience, qui est le fait de toute personne et qui est la pierre d’angle des droits humains. ‘C’est en prenant en compte cette exigence que pourra être édifiée une culture de la paix et de la solidarité entre les hommes, et que tous pourront s’engager résolument pour construire une société toujours plus fraternelle, faisant tout ce qui est en leur pouvoir pour refuser la violence quelle qu’elle soit, pour dénoncer et pour récuser tout recours à la violence, qui ne peut jamais avoir de motivation religieuse, car elle blesse en l’homme l’image de Dieu’, prêche le cardinal Tauran. Puis d’affirmer que ‘nous savons tous que la violence, notamment le terrorisme qui frappe aveuglément et qui fait de nombreuses victimes surtout parmi les innocents, est incapable de résoudre les conflits, et qu’elle ne peut que susciter l’engrenage mortifère de la haine destructrice, au détriment de l’homme et des sociétés’.
En tant que personnes religieuses, ajoute le président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, ‘il nous revient à tous d’être avant tout des éducateurs de la paix, des Droits de l’homme, d’une liberté respectueuse de chacun, mais aussi d’une vie sociale toujours plus forte, car l’homme doit prendre soin de ses frères et sœurs en humanité, sans discrimination aucune’. Tous ensemble, affirme-t-il, ‘membres de traditions religieuses différentes, nous sommes appelés à diffuser un enseignement qui honore toute créature humaine, un message d’amour entre les personnes et entre les peuples’. Selon le prélat, il revient donc aux chefs religieux en particulier, de former dans cet esprit les jeunes générations qui auront en charge le monde de demain… ’Il est donc plus que jamais urgent d’enseigner aux nouvelles générations les valeurs humaines, morales et civiques fondamentales, nécessaires tant à la vie personnelle qu’à la vie commune. Toute incivilité doit être l’occasion de rappeler aux jeunes ce que l’on attend d’eux dans la vie sociale’.
Dans cet esprit, poursuit toujours le Cardinal Tauran dans sa lettre à la communauté musulmane, ‘il faut considérer comme importantes la poursuite et l’intensification du dialogue entre chrétiens et musulmans, dans sa dimension éducatrice et culturelle, pour que se mobilisent toutes les forces au service de l’homme et de l’humanité, pour que les jeunes générations ne se constituent pas en blocs culturels ou religieux les uns contre les autres, mais en authentiques frères et sœurs en humanité’. Mgr Tauran estime que le dialogue est un instrument ‘qui peut nous aider à sortir de la spirale sans fin des conflits et des tensions multiples qui traversent nos sociétés, pour que tous les peuples puissent vivre dans la sérénité et la paix, dans le respect mutuel et la bonne entente entre leurs différentes composantes’. Pour ce faire, le président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux appelle de tous ses vœux l’attention de tous, pour que, à travers des rencontres et des échanges, ‘chrétiens et musulmans travaillent ensemble, dans l’estime mutuelle, en vue de la paix et d’un avenir meilleur pour tous les hommes’. Le Vatican souhaite que chrétiens et musulmans développent toujours davantage ‘des relations amicales et constructives pour partager leurs richesses spécifiques, et qu’ils veillent tout particulièrement à la qualité de leur témoignage de croyants !’
Georges Nesta DIOP