RISQUES DE DESTABILISATION
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CONTRIBUTION J’ACCUSE !!
Article Par Seckène Ndour J., Seckene.ndour@gmail.com,
Paru le Mardi 20 Mai 2008
La société sénégalaise traverse actuellement une crise systémique sans précédent. A commencer par sa classe politique complètement déconnectée des réalités du pays ; ce qui explique son absence de vision, de perspectives, de programme qui peut faire rêver le peuple, conditions sine qua non une mobilisation nationale autour des leaders n’est possible. C’est d’ailleurs un des éléments explicatifs de la place de plus en plus fondamentale qu’occupe l’argent dans le champs politique sénégalais mais aussi du mensonge, de la délation, des combines.
Notre pays est assurément malade de ses élites comme le disait le journaliste Latif Coulibaly dans son récent ouvrage « Une démocratie prise en otage par ses élites ». Qu’il s’agisse de nos élites « politiciennes », syndicales, religieuses, universitaires, de la société civile etc., aucune d’entre elles ne semble réellement se préoccuper de la précarité de nos conditions d’existence. Elles se retrouvent toutes autour d’une réalité objective commune celle de trinquer sur le dos du peuple, qui est, en définitive l’éternel dindon de la farce. Elles ont un mode opératoire unique : exploiter la misère du peuple. Ainsi :
J’accuse Les universitaires : en effet, l’université qui est censée analyser et élaborer les bases théoriques et concevoir les instruments pratiques visant à construire une société développée se morfond dans des contradictions vraisemblablement insolubles avec des querelles de chiffonniers ponctuées de revendications primaires (alimentaires ) oubliant sa vocation première; assurément la pensée a déserté ce temple du savoir, en atteste la passivité et l’incapacité d’indignation qui caractérise nos universitaires face au drame social que vit le peuple. Le silence prolongé de nos universitaires frise le mépris et fait penser qu’ils sont complices d’une vaste combine contre le peuple. Il est inadmissible que face au malheur du peuple, aucune « sommité universitaire » ne montre la plus simple expression de soutien au peuple meurtri. Les universitaires sont comme dans une tour d’ivoire et traitent le peuple avec condescendance. E.ZOLA ne disait pas que « être intellectuel, c’est savoir prendre position » ? (« J’accuse ! »)
J’accuse La société civile : cette dernière donne l’impression d’une entité désincarnée, une « nébuleuse » pour reprendre la célèbre et non moins sarcastique expression du président A. Wade. Personne ne sait qui représente t- elle et de quel côté se trouve t- elle du fait de son yoyo incompréhensible. Elle est constituée en grande partie d’une élite affairiste qui passe son temps dans les salons dorés de colloques internationaux ou entre les avions. Cette élite est plus spécialisée dans la captation des fonds et sert en grande partie les intérêts de lobbies occidentaux qui leurs fournissent leurs thèmes de campagnes et financent leurs projets.
J’accuse Les mouvements consuméristes : ils apparaissent comme des structures de luxe pour meubler le paysage institutionnel du pays et dont l’inutilité n’est plus à démontrer. Ils ignorent royalement le peuple qui les leurs rend très bien ; les vrais problèmes du peuple sont passés sous silence au détriment de thèmes porteurs au travers desquels ils peuvent soutirer de l’argent à l’Etat ou aux entreprises. Entre le peuple et ces mouvements censés parler en son nom c’est du « je t’aime moi non plus ! » ; résultat, ces derniers ne peuvent même pas mobiliser une foule impressionnante pour faire passer leurs revendications. Les conséquences sont dramatiques pour le peuple, livré qu’il est à la merci d’opérateurs économiques sans scrupules qui manipulent les prix selon leurs humeurs avec à la clé des justificatifs fallacieux dont les cours internationaux ont toujours bon dos. La banalisation des augmentations des denrées de première nécessité est telle que personne ne s’en émeut actuellement alors que sous d’autres cieux un franc ajouté au prix du pain peut créer des émeutes indescriptibles. Je rêve du jour où le peuple investira les rues pour crier « du pain ! du pain !.. »
J’accuse les syndicalistes, ils ont beau nous entretenir sur leur patriotisme comme élément de justification de l’abandon du combat syndical et du reniement de leurs plates formes à des étapes cruciales comme les menaces d’année blanche, d’année invalide ou de session unique, ça ne passe pas. Et nous estimons d’ailleurs que ce sont ces reniements répétitifs qui confortent l’état dans l’option des stratégies de pourrissement pour désarçonner leur mouvement. On ne peut pas comprendre que les mêmes revendications fassent l’objet d’une perte minimale de 200 heures de travail pour les élèves par an sans qu’on puisse les satisfaire. Nos syndicalistes doivent opter pour un règlement durable de leurs cahiers de doléances afin de reconquérir leur crédibilité surtout auprès du peuple. Cela passe par des décisions courageuses et des sacrifices humains significatifs et non par une compromission constante.
J’accuse L’élite religieuse, de quelque bord qu’elle soit, celle ci ne considère les fidèles qu’en tant qu’instruments de satisfaction des ambitions personnelles ou familiales. Du bétail politique ! Elle n’apprécie ses rapports avec le peuple qu’au travers de la capacité de ce dernier à participer à la construction d’une fortune acquise à coups de « addiya » ou de denier de culte. A ce niveau aussi nous estimons que l’esprit a déserté certains temples laissant le peuple entre les griffes d’une caste mysticiste à souhait ; au profit de gangsters nichés dans des cartels drapés des oripeaux religieux. Le sénégalais s’est toujours prévalu d’une certaine exception fondée sur le vécu et la présence sous nos terres d’hommes exceptionnels – des saints- à bien des égards de la trempe du Cheikh Ahmadou Bamba, de serigne Abdou Aziz Sy Dabakh, de serigne Baye Niasse, de Monseigneur Thiandoum, de cheikh Omar foutiyou Tall pour ne citer que ceux là. Ces hommes ont su, par leur clairvoyance, leur ascétisme, leur courage, leur foi donner confiance au peuple sénégalais en se maintenant loin des tentations et jouissances temporelles ; toutes choses qui ont fait d’eux des références aussi bien pour le pouvoir que pour le peuple, à telle enseigne que leur simple déclaration remettait de l’ordre et de la tranquillité dans le pays ; ils assuraient et ils rassuraient tout le monde.
Peut on dire aussi bien et de manière sincère de la nomenclature religieuse actuelle ? Je voudrais qu’il en soit ainsi, sérieusement ! sincèrement ! je ne crois pas, pourtant que ce soit ainsi. Dommage pour nous fidèles ! pour eux, nos guides !
Dès lors nous tenons toutes ces espèces pour responsables des soubresauts tragiques qui pourront très prochainement entamer l’intégrité de notre nation et entacher l’histoire politique de notre jeune république qui, sans être une référence démocratique est tout de même un exemple en Afrique. Ils seront responsables et le peuple les condamnera pour non-assistance à personnes en danger; quant au tribunal de l’histoire elle les jugera, sévèrement ! en attendant nous pensons que leur conscience fait un travail de justice dont le repentir devrait se traduire par un meilleur engagement pour le bien être du peuple. Nous l’espérons proprement pour eux et pour le peuple.
J’accuse ces « élites » et j’élis le peuple ! le peuple sénégalais ! la jeunesse sénégalaise ! les femmes sénégalaises ! que tout ce gratin élitiste se le tienne pour dit ! le peuple meurtri et trahi découvrira toujours leur tartufferie. Les jeunes sénégalais peuvent être trompés tout le temps ; on peut tromper les femmes sénégalaises longtemps mais on ne pourra pas tromper les jeunes et les femmes tout le temps ;
Ainsi nous ne perdons pas espoir que les promesses de fleurs faites lors de l’historique « Mercredi noir » (révolte des marchands ambulants) de Dakar déboucheront sur des fruits mûrs sous peu de temps. Notre espoir est enfin grand de voir nos dirigeants qui ne sèment que la parole (salive) récolter inévitablement un torrent de pleurs. Ils l’auront mérité ; Assurément ! Amplement !
Ferloo.com : Mardi 20 Mai 2008
Rewmi durcit le ton et exprime « sa vive préoccupation par rapport à la carence notoire du régime libéral face aux souffrances du peuple »
« Analysant la situation socio-économique nationale, le Secrétariat National (SN) de REWMI qui s’est réuni ce lundi sous la présidence de M. Pape Diouf, Secrétaire national à la Vie Politique a exprimé sa vive préoccupation par rapport à la carence notoire dont fait preuve ce régime face aux souffrances intenables du Peuple Sénégalais ».
« En effet, disent les Rewmistes, la flambée vertigineuse des prix, la crise alimentaire, la crise énergétique, la crise scolaire, le déséquilibre budgétaire, prouvent s’il en est encore besoin, l’essoufflement intellectuel et physique de ces gouvernants, à résoudre efficacement les problèmes des sénégalais ». Par ailleurs, le SN condamne les propos de Me Wade, relatifs à des accusations « infondées » à l’encontre des autorités de certaines Collectivités Locales. Le SN a, aussi, « dénoncé vigoureusement l’intrusion du Président de la République dans les dossiers judiciaires pendants devant le Conseil d’Etat ». Auparavant, les frères de Pape Diouf ont salué la « forte mobilisation » des militantes et militants du parti, lors de la tenue du dernier Secrétariat national élargi et adressé ses « vives félicitations » à tous les responsables des Collectivités locales « injustement dissoutes », d’avoir respecté le mot d’ordre de boycott des prétendues cérémonies de passation de service. Abordant la vie du parti, le SN « demande expressément à toutes les structures départementales, communales ou rurales et celles de l’extérieur, à rester mobilisées et vigilantes dans la perspective de la prise en charge des mots d’ordre de la Direction du Parti ».
AD/FC
SudQuotidien : Mardi 20 Mai 2008
ABDOULAYE DIOP, MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES « La situation est tendue, mais sous contrôle »
Abdoulaye Diop, le ministre d’Etat, ministre de l’Economie et des finances ne s’alarme pas outre mesure. S’il admet qu’il existe une certaine tension budgétaire, c’est pour dire aussitôt que celle-ci est parfaitement maîtrisée. « La situation économique est certes tendue, mais totalement sous contrôle », assure-t-il. Il précise dans l’entretien accordé à Sud Quotidien « qu’il n’y a aucun risque de voir les salaires des fonctionnaires et autres agents de l’Etat impayés »
M. le ministre d’Etat, le représentant résident du Fonds Monétaire International (FMI) au Sénégal a récemment fait une sortie considérée comme très alarmante en ce qui concerne la situation économique et financière du pays. Est-il vrai dans ce cadre, s’agissant des salaires des fonctionnaires, qu’il y a un risque de les voir impayés à la fin du mois ?
Je tiens tout d’abord à rappeler le niveau de recouvrement des recettes fiscales et le niveau de la masse salariale. La masse salariale mensuelle se situe en moyenne à environ 28 milliards FCFA tandis que les recettes fiscales mensuelles s’élèvent à plus de 90 milliards, soit plus de trois fois la masse salariale. Le ratio masse salariale rapporté aux recettes fiscales se situe en moyenne à 30% contre un plafond communautaire de 35%. En tout état de cause, les performances nous permettent de couvrir largement les salaires et de mettre en œuvre le budget voté par le Parlement. Pour répondre nettement à votre question, je dirais qu’il n’y a aucun risque de voir les salaires des fonctionnaires et autres agents de l’Etat impayés.
N’empêche qu’en est t-il exactement de la situation économique et financière du pays ?
Je veux préciser que nos rapports avec le Fmi sont excellents. Ils sont jusqu’ici et fondés sur la franchise et la confiance mutuelle. Maintenant s’agissant de l’économie sénégalaise, elle a connu une croissance assez soutenue ces dernières années. La croissance économique réelle s’est située en effet, en moyenne à plus de 6%, sur la période 2003-2005, dans un contexte de maîtrise de l’inflation et des autres fondamentaux de l’économie. L’inflation moyenne annuelle sur la période s’est située à 1,4%, soit largement en dessous du plafond de 3% fixé dans le cadre des critères de convergence de l’Union économique ouest africaine (Uemoa).
Cependant, en 2006 des difficultés ont commencé à apparaître en raison de l’envolée des prix du baril de pétrole et de la crise des ICS. Cette situation a provoqué un ralentissement de l’activité économique avec une croissance de 2,3% en 2006. L’inflation est restée tout de même contenue à 2,1% en raison, notamment des subventions accordées au secteur énergétique pour un montant estimé à 152 milliards FCFa, soit plus de 3% du PIB. Ces subventions ont conduit à un relèvement du déficit budgétaire qui s’est situé à 5,8% du PIB. Hors subventions, ce déficit serait de 2,8% du PIB.
En 2007, l’activité économique s’est redressée avec une croissance économique estimée à 4,8%, selon les dernières estimations, à la faveur du dynamisme du secteur tertiaire et de la reprise du secteur secondaire malgré la persistance de la flambée du prix du baril de pétrole.
Cette embellie s’est-elle refusée au secteur primaire ?
Il est vrai que le secteur primaire a enregistré un léger recul en raison notamment de la baisse de la production agricole consécutive au déficit pluviométrique. La persistance en outre de la flambée du prix du baril de pétrole qui a dépassé la barre des 95 dollars à partir de novembre 2007, conjuguée aux tensions sur les prix des produits alimentaires notamment des céréales, suite aux contre-performances enregistrées par les grands pays producteurs (Thailande, Chine, Indonésie, Argentine Brésil etc.) ont provoqué un renchérissement des prix des produits à la consommation.
L’inflation s’est établie à 5,9% en raison de la hausse des prix des produits énergétiques et alimentaires de plus de 7% contre des hausses beaucoup plus marquées de ces produits sur le marché international.
Quelles conséquences sur les finances publiques ?
Pour atténuer la répercussion sur les ménages de ces tensions sur le marché international, le gouvernement a supporté une partie du coût de la facture énergétique et a procédé dès le second semestre, à la suspension des droits de douane et de la Tva sur les quatre principaux produits de consommation que sont le riz, les produits laitiers, le blé et la farine. Ces subventions ont coûté à l’Etat 77 milliards en 2007.
Ces efforts de l’Etat entre 2006 et 2007 pour un montant total de 230 milliards FCFA ne sont pas sans conséquence sur les finances publiques malgré les performances en matière de recouvrement de recettes fiscales. Celles-ci on progressé de plus 9% en moyenne sur les cinq dernières années nonobstant la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés de 33% à 25%. Ainsi, le taux de pression fiscale progresse de 0,1 point par année depuis 2000 passant de 16% en 2000 à environ de 19,6%, soit le plus élevé de la sous région. Ces performances s’expliquent par la mise en place d’un numéro d’identification unique, notamment le NINEA, l’établissement d’un Centre des Grandes Entreprises (CGE) à la DGID, la numérisation des 40 plus grandes zones urbaines, l’instauration d’une brigade spéciale de contrôle des importations et l’informatisation du système de recouvrement de la douane et des impôts. L’interconnexion des trois régies de recettes fiscales et la finalisation de la cartographie numérique permettront de consolider les performances.
Au total, le déficit budgétaire a été contenu à 3,5% du PIB. Toutefois, l’enveloppe des instances de paiement a augmenté pour atteindre 1,8% du PIB et le gouvernement veille à les régulariser entièrement en 2008.
Je dois préciser à cet égard, que le gouvernement et le FMI s’accordent pour définir comme arriérés de paiement intérieurs, les dépenses publiques ordonnancées et impayées dans un délai de 90 jours après la date de l’ordonnancement. Ainsi, toutes les instances de paiement ne correspondent à des arriérés de paiement. Le gouvernement s’attelle néanmoins à régulariser toutes les dépenses publiques échues pour éviter que le secteur privé soit confronté à des difficultés.
Comment comptez-vous résorber cependant les tensions qui pèsent sur l’entreprise du fait de ce que l’Etat lui doit en arriéré de paiement ?
La situation est certes tendue mais elle est totalement sous contrôle. Nous avons élaboré un cadrage avec le FMI et à cet égard, il est prévu des émissions de bons de trésor d’un montant de 110,8 milliards qui devraient nous aider à apurer totalement les factures impayées au secteur privé.
63 milliards seulement sur 75 recherchés, il y a peu. Vous voulez vous retourner encore sur le marché obligataire pour trouver 110 milliards Fcfa. Le Sénégal a-t-il toujours suffisamment de crédit au regard même de la dernière notation de l’Agence Internationale Standard & Poor’s ?
Nous n’éprouverons aucune difficulté à mobiliser cette somme en raison de la solidité des fondamentaux de l’économie et de la qualité de la signature du Sénégal qui demeure bonne comme en atteste l’Agence Internationale Standard & Poor’s qui confirme les notes à long terme « B+ » et à court terme « B » attribuées au Sénégal depuis 2004 et qui sont similaires à celles accordées à certains pays émergents. Cette notation de Standard & Poor’s est favorisée par le niveau soutenable de la dette publique se situant à environ 26% du PIB en 2008 dont 6,8% du PIB de dette intérieure, soit à un niveau plus faible que la moyenne de la dette des pays de la même catégorie (37% du PIB).
Par ailleurs, la finalisation de l’Accord Cadre d’Appuis Budgétaire (ACAB) et la revue du DSRPII devraient permettre d’augmenter la contribution des bailleurs en appuis budgétaires, ce qui va soulager la trésorerie de l’Etat. Les appuis budgétaires sont estimés en effet à 103 milliards en 2008 contre 67 milliards en 2007, soit une hausse de 53,4%.
Est-t-il vrai que nous risquons de revenir à un programme d’ajustement ?
D’abord il faut rappeler que le Sénégal est actuellement sous programme Ispe (Instrument de soutien à la politique économique) depuis le 2 novembre 2007.
C’est quoi l’Ispe et comment est-on arrivé à un tel programme ?
L’Instrument de soutien à la politique économique (Ispe) est un instrument de programme du FMI destiné à accompagner les pays qui ont atteint un niveau élevé de stabilité macroéconomique et qui réalisent des performances macroéconomiques. C’est un programme rigoureux sans décaissement de ressources du FMI et avec des revues très rigoureuses. En définitive, cet instrument permet de donner aux partenaires extérieurs et potentiels investisseurs, un signal fort des bonnes pratiques de l’économie concernée. Actuellement, nous traversons une conjoncture assez difficile, due aux chocs et mesures que j’ai évoqués tantôt. Eu égard aux gros efforts faits en matière de subvention pour soulager les ménages, il convient également d’ajuster les dépenses publiques.
A cet égard, le Premier ministre devrait signer incessamment une circulaire qui plafonnera les dépenses des différents ministères tout en préservant celles à caractère social. Donc, le gouvernement a déjà bien commencé à ajuster les dépenses, en vue de maintenir certaines subventions, mais celles-ci seront mieux ciblées.
Dans ce cadre, nous travaillons avec les partenaires au développement pour un meilleur ciblage et une plus grande efficacité de la subvention qui devrait essentiellement toucher les couches les plus défavorisées et les groupes les plus vulnérables.
Dans cette même dynamique de rationalisation des dépenses publiques que fait-on des institutions considérées comme budgétivores comme par exemple le Sénat ?
Je n’ai pas le sentiment que ces institutions soient budgétivores comme vous dites. Elles ont été mises en place pour parachever l’architecture institutionnelle du pays dans le cadre de la démocratie. L’exemple du Sénégal n’est point un cas isolé dans ce domaine. S’y ajoute que leur utilité comme toutes les autres institutions n’est pas à démontrer. Si la démocratie a un coût, elle n’a pas de prix. Elle vaut par conséquent bien certaines dépenses. En tout état de cause, la préoccupation actuelle est une rationalisation des dépenses publiques pour soutenir la cadence de la croissance gage de notre émergence.
EXERGUES
1/ Il n’y a aucun risque de voir les salaires des fonctionnaires et autres agents de l’Etat impayés. 2/ Les subventions ont conduit à un relèvement du déficit budgétaire qui s’est situé à 5,8% du PIB. Hors subventions, ce déficit serait de 2,8% du PIB.
3/ Eu égard aux gros efforts faits en matière de subvention pour soulager les ménages, il convient également d’ajuster les dépenses publiques
Auteur: Madior FALL
SudQuotidien : Mardi 20 Mai 2008
APRES SES SORTIES CONTRE JACQUES DIOUF DE LA FAO : Me Wade ouvre le front de la diaspora.
Le Sénégal n’est pas à jour de ses cotisations au sein de plusieurs organismes régionaux et internationaux depuis 2006. Il est privé désormais de parole au secrétariat général des Acp (Afrique Caraïbes Pacifique) à Bruxelles. Jacques Diouf n’a jamais été le candidat de Me Wade ». Entre autres révélations. Face aux attaques répétées, essuyées disent-ils, depuis 2000, les fonctionnaires internationaux sénégalais ont décidé de riposter contre le régime libéral et son chef, Me Abdoulaye Wade qu’ils identifient comme leur « ennemi ». Assurant « qu’à la guerre comme à la guerre », certains d’entre eux déclarent qu’ils rendront désormais coup sur coup. Le pouvoir libéral au Sénégal s’offre un front supplémentaire. Cette fois au sein de sa diaspora de fonctionnaires internationaux.
Les dernières sorties du chef de l’Etat sénégalais, Me Abdoulaye Wade à l’encontre de Jacques Diouf et de son organisme, la Fao sont-elles la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? Inquiétude, tristesse et colère semblent en effet être les sentiments les mieux partagés auprès des fonctionnaires internationaux sénégalais disséminés à travers le monde. Vont-ils ainsi passer outre leur devoir de réserve ? Va-t-on vers un « xawi sutura » (déballage des secrets, traduction approximative de l’auteur) de l’Etat et de ses dirigeants actuels ? Tout porte à le croire, si des « Sapeurs pompiers » n’éteignent pas le feu avant qu’il ne consume tout sur son passage. Grâce à leur position, ils sont à un niveau d’information que seule l’obligation de réserve les empêche jusqu’ici de divulguer avec tous les risques de voire une gouvernance mise à nu.
Ils sont très offusqués par ce qui passe à leurs yeux comme une tentative non déguisée de « liquidation » de leur collègue Jacques Diouf de la part du président sénégalais. Selon eux, le président Wade « sait parfaitement que sa voix est epsilon, même pour susciter un quelconque débat au sein de la Fao qui regroupe 190 pays, à fortiori d’amener à la suppression de l’organisation internationale. En s’en prenant ainsi à l’organisme, il a cherché simplement à discréditer son propre compatriote », martèlent-ils. Ils ressassent les griefs à l’encontre d’un pouvoir qui, disent-ils, ne leur fait point cadeau depuis 2000.
Retard de cotisation et sanctions
Les comptes du pays dans les livres des organisations régionales et internationales dont il est membre sous la rubrique cotisation obligatoire sont au rouge. Depuis 2006, confient en effet les mêmes sources, le Sénégal n’est pas à jour de ses cotisations. Qu’il s’agisse de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest et/ou des Acp. Une situation qui entraîne déjà des sanctions « diplomatiques » notamment au niveau des Acp où l’ambassade sénégalaise à Bruxelles ne reçoit plus de documents de l’organisation. Ce qui n’est que la première étape de la gamme des sanctions qui vont crescendo. Le Sénégal s’étant mis dans le régime des sanctions progressives en ne cotisant pas depuis 2006, voit son représentant privé de parole au comité des ambassadeurs. Pis aucun de ses ressortissants ne peut être recruté au niveau du Secrétariat des Acp tant qu’il ne serait pas mis à jour de ses cotisations. Et si la situation persiste, son ministre « compétent », celui du Commerce notamment ne sera pas de la partie au prochain conseil des ministres des Acp, parce qu’il ne sera tout bonnement pas invité. Coup dur pour la diplomatie et l’image du pays.
Que dire maintenant des reversements Cedeao au Sénégal ? Dans quels comptes ont-ils atterri ? De toutes ces questions gérées jusqu’ici à l’insu de l’opinion publique, des fonctionnaires internationaux promettent des révélations croustillantes. Le grand déballage pour nombre de dossiers ?
Du torpillage de la candidature de Ibrahima Fall
À la tentative de liquidation de Jacques Diouf
Ibrahima Fall, l’ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères sous Abdou Diouf avait été pressenti par… le président Obasanjo du Nigeria en 2001 pour conduire aux destinées du Secrétariat général de l’Organisation de l’unité africaine en pleine mutation pour devenir l’Union Africaine dès 2002 à Maputo, au Mozambique.
Le Sénégal, de Me Wade contre mauvaise fortune, bon cœur de mener la campagne. Mais, révèlent les mêmes sources, « à un mois du sommet, le président de la République fait retirer la candidature en arguant que les Marocains bien qu’ayant quitté l’Oua depuis longtemps, n’étaient pas favorable à la candidature de Ibrahima Fall qu’ils considéraient comme quelqu’un qui avait pris fait et cause pour les thèses sahraouies. C’est ainsi que l’Ivoirien Amara Essy hérita finalement du poste qu’il céda en 2002 à l’ancien président malien, Alpha Omar Konaré qui devint ainsi le premier président de la Commission de l’Union africaine ». Entre temps, se désolent les mêmes sources, la candidature de Ibrahima Fall était torpillée sans autre forme de procès. Moussa Touré, l’ancien président de la Commission de l’Union économique et monétaire Ouest Africaine (Uemoa) fit ensuite les frais du désintérêt du président Wade pour toute candidature sénégalaise qu’il n’a pas suscitée lui-même.
N’étant pas présenté par son pays, il cède sa place au Malien Soumayla Cissé au sommet de Niamey, malgré les demandes insistantes de tous les autres présidents membres de l’Uemoa. Une première au sein de cette organisation qui voyait par un arrangement non écrit, mais respecté par tous les pays membres, sa présidence toujours confiée à un Sénégalais. Qui avait dit que Abdou Diouf n’était pas son candidat ? Qu’il n’était pas son sergent recruteur ? Pestant de plus fort les mêmes sources de d’informer sur le fait que, « l’élection de Jacques Diouf à la tête de la Fao en 1993 ainsi que sa reconduction ne doivent en rien à la diplomatie libérale.
Treize ambassadeurs et Haut fonctionnaires dont un seul, Alioune Sène nous a quitté depuis, ont fait le lobbying. Parmi ces personnalités de l’époque, les ambassadeurs et haut fonctionnaires Falilou Kane, Pape Abdou Cissé, Moustapha Cissé, Fodé Seck, Amadou Diop, Baba Dioum, Aly Diaw, Kéba Birane Cissé, Moustapha Niasse, Robert Sagna… » Il est donc inexact d’assurer que le pouvoir libéral a aidé à la réélection de Jacques Diouf. Selon les mêmes sources, depuis 2000, les Sénégalais peinent à trouver poste au sein des organisations internationales. « Toutes les candidatures sont torpillées.
Ceux qui sont en poste ne sont plus en sécurité car ils peuvent être vilipendés par leur propre pays », avancent-ils. Et d’ajouter « que le mauvais procès fait contre l’Ascena, cet autre instrument d’intégration » n’arrange pas les choses. Au niveau de l’Union africaine, malgré le fait que leur pays a largement contribué à l’élaboration de la charte et des textes fondateurs, il est encore sans commissaire à la commission africaine. Aucun de ses candidats, candidates plutôt n’a jusqu’ici été admis.
Auteur: Madior FALL
Le Monde : Lundi 19 Mai 2008
[ Document ] " L'Afrique est ruinée ? La Chine est preneuse "
Le dernier acte de la mondialisation se joue loin des yeux occidentaux. Ses acteurs ? Des milliers de migrants chinois qui s'installent partout en Afrique pour construire, produire et commercer. Serge Michel et Michel Beuret, avec le photographe Paolo Woods, sont allés à leur rencontre. Nous publions des extraits du prologue de leur livre, qui paraît mardi 20 mai. La Chinafrique, Pékin à la conquête du continent noir, photographies de Paolo Woods. © Editions Grasset & Fasquelle, 2008.
Ni hao, ni hao." Nous marchions depuis dix minutes dans cette rue de Brazzaville quand une joyeuse pelote de petits Congolais s'est arrêtée de courir après un ballon pour nous saluer. Les Blancs, en Afrique, ont l'habitude des "hello mista !", des "salut toubab !" ou des "Monsieur Monsieur !". Mais ces enfants, alignés et souriants au bord de la rue, ont enrichi le répertoire. Ils ont crié "ni hao, ni hao", bonjour en chinois, avant de reprendre leur jeu. Pour eux, tous les étrangers sont chinois.
Quelques centaines de mètres plus loin, une société chinoise était en train de construire le nouveau siège de la télévision nationale congolaise, un bâtiment de verre et de métal comme tombé du ciel dans ce quartier populaire. Et à l'entrée de la rue, cette même société érigeait une villa somptueuse pour un membre du gouvernement, sans doute en remerciement de l'attribution du chantier de la télévision. En ville, d'autres compagnies chinoises mettaient la dernière main au nouveau ministère des affaires étrangères et de la francophonie et bouchaient les trous d'obus dans les bâtiments touchés par la guerre civile.
A 2 250 km au nord-ouest de là, dans la banlieue de Lagos, au Nigeria, l'usine Newbisco passait pour une malédiction. Fondée par un Britannique avant l'indépendance de 1960, cette unité de production de biscuits secs a changé souvent de mains, aucun propriétaire n'étant capable de la tenir à flot dans un pays où les exportations pétrolières et la corruption étouffent toute autre activité économique. En 2000, son avant-dernier patron, un Indien, a revendu Newbisco en état de ruine à l'homme d'affaires chinois Y. T. Chu. Lorsque nous sommes entrés dans l'usine, un matin d'avril 2007, une odeur de farine et de sucre flottait dans l'air. Les tapis roulants charriaient chaque heure plus de trois tonnes de petits biscuits aussitôt emballés par des dizaines d'ouvrières. "Nous couvrons à peine 1 % des besoins du marché nigérian", a dit Y. T. Chu en souriant. Les reporters rentrent souvent d'Afrique avec des histoires dramatiques d'enfants affamés, de conflits ethniques et de violences incompréhensibles. Nous avons bien sûr été témoins de tout cela lors de nos reportages en Afrique ces dernières années, mais, cette fois, au moment de commencer la rédaction de ce livre, ce sont les images d'une Afrique nouvelle qui nous passent devant les yeux : les enfants de Brazzaville qui saluent en chinois, l'usine de biscuits de Lagos ou encore l'autoroute construite au Soudan, que nous avons empruntée à l'été 2007.
Nous roulions depuis deux heures entre Khartoum et Port-Soudan lorsqu'un passage du livre de Robert Fisk nous est revenu en mémoire. En 1993, c'est dans un village à gauche de cette route que le reporter britannique avait rendez-vous avec Oussama Ben Laden, réfugié au Soudan après avoir appelé à la guerre sainte contre les Américains en Arabie saoudite. Pour remercier ses hôtes soudanais, il a expliqué à Fisk qu'il allait construire une nouvelle route de 800 km entre la capitale et le grand port. En 1996, le terroriste est obligé de fuir à nouveau, cette fois en Afghanistan, où il a développé d'autres projets que le génie civil. Qui allait terminer son chantier ? Les Chinois. Ils prévoient même de le doubler d'une voie de chemin de fer. Arrivées massivement dans le pays dès le milieu des années 1990, les entreprises chinoises y ont déjà investi 15 milliards de dollars, en particulier dans les puits de pétrole qui fournissent aujourd'hui à la Chine jusqu'à 10 % de ses importations.
Pendant plus d'un an, nous avons parcouru des milliers de kilomètres et visité quinze pays pour raconter ce que la Chine fait en Afrique. L'idée nous trottait dans la tête depuis un certain temps, mais elle s'est imposée lors d'une rencontre impromptue avec Lansana Conté, le président de Guinée, à la fin octobre 2006. Cela faisait une dizaine d'années qu'il n'avait pas parlé à la presse étrangère. Pourquoi accepter de nous voir, ce jour-là, dans son village natal, à trois heures de la capitale, Conakry ? Peut-être le besoin de prouver qu'il était encore vif, alors qu'on le disait à l'agonie et que le pays se laissait gagner par le chaos. De fait, la discussion fut assez sombre, malgré le décor ravissant de sa grosse villa donnant sur son lac privé. Le président a traité la plupart de ses ministres de "voleurs" et fustigé les Blancs "qui n'ont jamais cessé de se comporter en colons". Il a fait l'éloge d'une Guinée agricole et a paru accablé par la découverte off-shore de gisements pétroliers qui, à son avis, feront de la Guinée un pays plus corrompu encore.
Une seule fois, le visage présidentiel s'est éclairé : lorsque la discussion a glissé sur les Chinois. "Les Chinois sont incomparables ! s'est exclamé le vieux général. Au moins, ils travaillent ! Ils vivent avec nous dans la boue. Il y en a qui cultivent, comme moi. Je leur ai confié une terre fatiguée, vous devriez voir ce qu'ils en ont fait !"
La présence de Chinois en Afrique n'est plus une surprise. Ces quatre ou cinq dernières années, nous les avions vus progresser un peu partout lors de nos reportages en Angola, au Sénégal, en Côte d'Ivoire ou au Sierra Leone. Mais le phénomène a changé d'échelle. Tout se passe comme s'ils avaient d'un coup décuplé leurs efforts au point de pénétrer l'imaginaire de tout un continent, du vieux président guinéen, qui ne voyage plus que pour se faire soigner en Suisse, aux petits Congolais trop jeunes pour distinguer un Européen d'un Asiatique.
En quelques années, la Chine en Afrique est passée de sujet pointu pour spécialistes en géopolitique à un thème central dans les relations internationales et la vie quotidienne du continent. Et pourtant, chercheurs et journalistes continuent de brasser les mêmes chiffres macro-économiques : le commerce bilatéral entre les deux régions a été multiplié par cinquante entre 1980 et 2005. Il a quintuplé entre 2000 et 2006, passant de 10 à 55 milliards, et devrait atteindre 100 milliards en 2010. Il y aurait déjà 900 entreprises chinoises sur le sol africain. En 2007, la Chine aurait pris la place de la France comme second plus gros partenaire commercial de l'Afrique.
Ce sont là des chiffres officiels, qui ne prennent pas en compte les investissements de tous les migrants. D'ailleurs, combien sont-ils ? Un séminaire universitaire organisé à la fin 2006 en Afrique du Sud, où la communauté chinoise est la plus nombreuse, avance le chiffre de 750 000 pour tout le continent. Les journaux africains, eux, se laissent parfois aller à évoquer "des millions" de Chinois. Du côté chinois, l'estimation la plus haute vient du vice-président de l'Association de l'amitié des peuples chinois et africains, Huang Zequan, qui a parcouru 33 des 53 pays africains. Dans une interview au Journal du commerce chinois en 2007, il estime que 500 000 de ses compatriotes vivent en Afrique (contre 250 000 Libanais et moins de 110 000 Français).
Tout ces migrants-là, comme s'ils n'étaient qu'une armée de fourmis, n'ont pas de nom, pas de visage et restent muets. Le plus souvent, les journalistes se plaignent qu'ils refusent de parler. Et le ton des articles pour les décrire est inquiet, voire alarmiste, comme si l'arrivée d'une nouvelle puissance n'était qu'une calamité de plus pour le continent noir, aux souffrances déjà infinies.
Voyons les choses d'une autre façon. L'entrée de la Chine sur la scène africaine pourrait bien représenter, pour Pékin, son couronnement de superpuissance mondiale, capable de miracles aussi bien chez elle que sur les terres les plus ingrates de la planète. Et, pour l'Afrique, cette rencontre marque peut-être le rebondissement tant attendu depuis la décolonisation des années 1960, de son heure qui sonne enfin, du dernier espoir du président guinéen mais aussi des 900 millions d'Africains, le signal que plus rien ne sera comme avant. Passons les acteurs en revue.
Les Chinois d'abord. L'histoire, telle qu'on la raconte en Occident, veut qu'ils vivent depuis des millénaires une aventure tragique, essentiellement collective et confinée à l'intérieur de leurs immenses frontières. Un jour de décembre 1978, alors que l'empire du Milieu se remettait à peine des affres de la révolution culturelle, Deng Xiaoping leur a lancé un slogan révolutionnaire : "Enrichissez-vous". Vingt ans plus tard, c'est devenu le credo d'un milliard 300 millions de Chinois et, pour une partie d'entre eux, c'est chose faite. Pour les autres, les ruraux surtout, la vie est devenue impossible. Depuis la nuit des temps en Chine, cette catégorie-là cherche à quitter sa terre pour un monde meilleur. La diaspora chinoise, dit-on, est la plus nombreuse au monde, avec 100 millions de personnes, et la plus riche. (...) Jusqu'en 2000, Pékin tentait encore de freiner le mouvement, afin de ne pas entacher l'image du régime. Aujourd'hui, il l'encourage, en particulier pour les braves qui veulent tenter leur chance en Afrique. Dans l'esprit des dirigeants chinois, et singulièrement dans celui du président, surnommé parfois Hu Jintao l'Africain, l'immigration est même devenue une partie de la solution pour faire baisser la pression démographique, la surchauffe économique, la pollution. "Nous avons 600 rivières en Chine, 400 sont mortes de pollution, affirmait un scientifique dans Le Figaro, sous couvert de l'anonymat. On ne s'en tirera pas sans envoyer 300 millions de personnes en Afrique !"
Ils sont pour l'instant des centaines de milliers à avoir fait le grand saut.
Et c'est ainsi que s'achève, dans le plus grand silence, l'une des dernières étapes de la mondialisation et la rencontre des deux cultures les plus éloignées que la terre puisse porter. En Afrique, leur nouveau Far West, les Chinois découvrent à tâtons les grands espaces, l'exotisme, le rejet, le racisme, l'aventure individuelle - voire intérieure. Ils comprennent que le monde est plus complexe que ne le décrit le Quotidien du peuple. Ces migrants-là se retrouvent tantôt prédateurs, tantôt héros de leur propre histoire, conquistadors ou samaritains. Ils ont, bien sûr, tendance à rester entre eux, à manger comme chez eux, ils ne font pas l'effort d'apprendre les langues autochtones ni même le français ou l'anglais et affichent souvent une moue de dégoût à l'idée d'épouser les coutumes locales, sans parler d'une femme africaine !
A force de s'être enfermés derrière leurs grandes murailles durant des millénaires, les Chinois auraient perdu l'envie de s'adapter aux autres civilisations ou de cohabiter avec elles. Mais aucun ne reviendra indemne d'Afrique. Leurs voyages, leurs découvertes ébranlent désormais l'inertie de la Chine autant qu'a pu le faire, dans les années 1980, sa conversion au capitalisme. Ces Chinois-là feront naître de nouvelles idées, de nouvelles ambitions.
D'ailleurs, leur gouvernement, lui aussi, change depuis qu'il a intensifié sa présence en Afrique. Très attaché à sa devise de "non-ingérence" dans les affaires intérieures, il se rend compte progressivement qu'un soutien trop affiché à certains dictateurs peut lui causer un tort considérable. C'est ainsi que Pékin, après avoir été le plus sûr allié de Khartoum ou de Harare, tente aujourd'hui de freiner l'élan guerrier du Soudan au Darfour et n'aide plus Robert Mugabe, le dictateur zimbabwéen, qu'au compte-gouttes.
L'Afrique, ensuite. Les puissances coloniales l'ont pillée jusqu'en 1960, avant de pérenniser leurs intérêts en y soutenant ses régimes les plus brutaux. L'aide, que l'on estime à 400 milliards de dollars pour toute la période 1960-2000 (400 milliards, c'est l'équivalent du PNB de la Turquie en 2007, mais aussi des fonds que l'élite africaine aurait cachés dans les banques occidentales), n'a pas produit l'effet escompté et aurait même, selon une théorie en vogue, empiré les choses. Il n'empêche, l'Afrique n'a survécu que grâce au sentiment de culpabilité des Occidentaux, qu'elle a fini par décourager. En faisant échouer tous les programmes de développement, en restant la victime éternelle des ténèbres, des dictatures, des génocides, des guerres, des épidémies et de l'avancée des déserts, elle se montre incapable de participer un jour au festin de la mondialisation. "Depuis l'indépendance, l'Afrique travaille à sa recolonisation. Du moins, si c'était le but, elle ne s'y prendrait pas autrement", écrit Stephen Smith dans Négrologie. Avant de poursuivre avec ces mots terribles : "Seulement, même en cela, le continent échoue. Plus personne n'est preneur."
Erreur, la Chine est preneuse. Pour alimenter sa croissance démesurée, la République populaire a un besoin vital en matières premières dont le continent regorge : le pétrole, les minerais, mais aussi le bois, le poisson et les produits agricoles. Elle n'est pas rebutée par l'absence de démocratie ni par la corruption. Ses fantassins ont l'habitude de dormir sur une natte, de ne pas manger de la viande tous les jours. Ils trouvent des opportunités là où d'autres ne voient que de l'inconfort ou du gaspillage. Ils persévèrent là où les Occidentaux ont baissé les bras pour un profit plus sûr. La Chine voit plus loin. Ses objectifs dépassent les anciens prés carrés coloniaux et déploient une vision continentale à long terme. Certains n'y voient qu'une stratégie, apprise de Sun Tsu : "Pour battre ton ennemi, il faut d'abord le soutenir pour qu'il relâche sa vigilance ; pour prendre, il faut d'abord donner." D'autres croient sincèrement aux partenariats "gagnant-gagnant", ce leitmotiv de la propagande de Pékin. De fait, la Chine ne fait pas que s'emparer des matières premières africaines. Elle écoule aussi ses produits simples et bon marché, retape les routes, les voies ferrées, les bâtiments officiels. Manque d'énergie ? Elle construit des barrages au Congo, au Soudan, en Ethiopie, et s'apprête à aider l'Egypte à relancer son programme nucléaire civil. Besoin de téléphone ? Elle équipe toute l'Afrique de réseaux sans fil et de fibres optiques. Les populations locales sont réticentes ? Elle ouvre un hôpital, un dispensaire ou un orphelinat. Le Blanc était condescendant et m'as-tu-vu ? Le Chinois reste humble et discret. Les Africains sont impressionnés. Plusieurs milliers parlent ou apprennent aujourd'hui le chinois. Beaucoup d'autres admirent leur persévérance, leur courage et leur efficacité. Et toute l'Afrique se réjouit de cette concurrence qui casse les monopoles des commerçants occidentaux, libanais et indiens. (...)
La Chine en Afrique est donc plus qu'une parabole de la mondialisation, c'est son parachèvement, un basculement des équilibres internationaux, un tremblement de terre géopolitique. S'y installe-t-elle au détriment définitif de l'Occident ? Sera-t-elle pour le continent des ténèbres la lumière providentielle ? L'aidera-t-elle à prendre enfin sa destinée en main ? Pour répondre à ces questions, nous le savions, quelques articles ne suffiraient pas. Il fallait aller sur place, sillonner l'Afrique de part en part, aller à la rencontre des Chinois et des Africains, se mettre dans la peau des uns et des autres ; il fallait écrire ce livre...
Auteur: LeMonde
Ferloo.com: Dimanche 18 Mai 2008
Après avoir peint un tableau sombre de l’économie sénégalaise : Mamadou Lamine Diallo prédit le kilo de riz à 1000 francs d’ici la fin de l’année.
Les spéculations et autres supputations sur la question du riz continuent de plus belle. C’est ainsi que le leader du mouvement Tekki, Mamadou Lamine Diallo s’est invité dans le débat en prédisant le prix du kilo de riz à 1000 francs Cfa d’ici la fin de l’année. Et ce, après avoir peint un sombre tableau de l’économie sénégalaise.
La question de la flambée des prix des denrées de première nécessité principalement du riz continue toujours d’occuper le cœur de l’actualité. S’invitant dans ce débat, la tête de file du mouvement Tekki, Mamadou Lamine Diallo n’inscrit pas sa démarche dans une logique optimiste allant dans le sens d’un soulagement des ménages sénégalais. Ainsi, il n’hésitera pas de faire dans les prévisions sombres en annonçant « le prix du kilo de riz qui pourrait atteindre la barre des 1000 francs d’ici la fin de l’année ». « Si on ne prend garde le prix du riz peut se retrouver à 1000 francs le kilogramme d’ici la fin de l’année », avance M. Diallo qui fonde sa thèse sur l’impossibilité du gouvernement de continuer à subventionner cette denrée ultra-importante dans les habitudes de consommation des Sénégalais. Estimant la subvention de l’Etat entre 150 et 200 milliards l’année sur le riz, le chef de file du mouvement Tekki croit surtout que c’est cette situation qui inquiète le représentant du Fmi au Sénégal. Convaincu que Me Wade et le Pds sont plutôt intéressés par la création d’une nouvelle classe bourgeoise, Mamadou Lamine Diallo pense savoir que la meilleur formule du développement du Sénégal reste adossée à l’organisation du pays, en pôles régionaux de développement avec des spécialités bien ciblées, comme il l’avait écrit dans sa profession de foi en 2007.
HS/FC
Auteur: Ferloo.com
Ferloo.com: Dimanche 18 Mai 2008
Jacques Faye, Expert en agriculture : « Le mal de l’agriculture sénégalaise vient des « borom barké » »
En conférence publique organisée par le mouvement Tekki, l’expert en agriculture, Jacques Faye n’a pas mis de gants pour dire tout haut que « le mal de l’agriculture sénégalaise reste lié à la pregnance des « borom barké » et à la politique agricole coloniale ».
Scrutant de long et de large, la question des politiques agricoles appliquées au Sénégal depuis toujours, l’expert Jacques Faye a fini par fonder sa religion sur l’échec de l’agriculture sénégalaise. Et il met cet échec sur le compte de ceux qu’il appelle les « borom barké » (ndrl : les religieux s’entend). « Les Borom barké » s’enrichissent sur le dos de la grande masse de paysans qui restent piégés dans une structure rigide », tranche d’emblée, Jacques Faye qui demande au gouvernement « d’arrêter de nous tympaniser avec la grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana) que l’on n’entendra plus, l’année prochaine ». Une manière à lui de dire qu’il est loin d’être convaincu par cette initiative du Chef de l’Etat et qu’il reste sceptique quant à la volonté des autorités du pays à s’occuper sérieusement de la question agricole. « On ne peut pas réussir ne bonne politique agricole sans impliquer les principaux acteurs. Or ,tel n’a pas été le cas dans le cadre de la Goana que je souhaite voir réuissir », estime M. Faye qui croit en une nécessaire rupture par changer la donne dans le domaine agricole. Et la seule tentative de rupture qui a été énoncée reste celle du Président Mamadou Dia qui a échoué à cause des intérêts coloniaux et maraboutiques (religieux). « Si le Président de la République veut augmenter la production du riz dans la vallée, il devrait commencer d’abord, par annuler la dette des paysans et remettre en cause, la structure foncière de la Saed », pense Jacques Faye, estimant qu’il faut qu’on soit capable de penser notre propre développement. « Et malheureusement, poursuit-il, il n’y a pas un seul homme politique de l’opposition ou du pouvoir, capable de penser sur la question du développement du Sénégal ». « La seule chose qu’ils disent (les hommes politiques de l’opposition actuelle ou ancienne) c’est d’être plus vertueux que la classe gouvernante », fait-il remarquer. Et d’indiquer que la seule solution de sortie du sous-développement reste l’opération d’une véritable rupture.
HS/FC
Auteur: Ferloo.com
20 MAI 2008 |
Vision socialiste : « Contre le gouffre que nous promettent l’incurie et le cynisme d’Abdoulaye Wade »
« La toxicité du régime libéral, après avoir ravagé les valeurs sociales, morales, religieuses et républicaines, perverti le modèle démocratique, détruit le cadre macro économique et ruiné tous les secteurs de production de notre économie, confirme sa véritable face prédatrice sous les atours d’un libéralisme tropical ». C’est la certitude de Vision socialiste.
Les sauvageons d’Ousmane Tanor Dieng n’apprécient guère ce que fait le régime libéral. Pour eux, « la seule vraie question est de savoir jusqu’à quand les Sénégalais demeureront les victimes de l’imposture amplifiée par les mensonges récurrents d’un Etat dont l’impotence est aujourd’hui largement établie par son incapacité à trouver de véritables solutions à la crise actuelle ».
« Plutôt que de dénoncer et de s’indigner des pratiques du régime d’Abdoulaye Wade », Vision Socialiste en appelle à la responsabilité des Sénégalaises et des Sénégalais « afin de construire un sursaut citoyen contre les dérives du pouvoir actuel dont les effets déjà fortement éprouvants sur le quotidien des populations, seront plus désastreux sur l’avenir de notre pays ».
Et de préconiser une lutte contre « le gouffre que nous promettent l’incurie et le cynisme d’Abdoulaye Wade ». Selon Barthélemy Dias et Cie : « Il y a urgence à engager un combat citoyen débarrassé de tout opportunisme et de tout calcul politicien afin qu’ensemble, les patriotes, décidés à mettre notre pays sur la voie d’un redressement salutaire et salvateur, puissent créer la force de l’élan nécessaire pour en finir avec ce régime abject ».
« C’est, d’ailleurs, dans ce cadre qu’il faut analyser, après la mise à sac des ICS par les lobbies affairistes du régime, la décision absurde de céder les actions de l’Etat dans la SONATEL qui, en plus de priver l’Etat de plus de 20 Milliards de Francs CFA de dividendes annuels, va empêcher notre pays d’influer sur les orientations de la société qui présente un volume d’investissement de 85 milliards de Francs CFA en 2007 et contribue avec plus de 60 Milliards de Francs CFA au chiffre d’affaire de 966 PME/PMI sénégalaises. Dès lors, cette décision risque d’avoir non seulement des conséquences fâcheuses pour notre économie mais également des effets dramatiques sur la situation des PME/PMI et de leurs salariés », estiment les camarades de Barthélemy Dias.
Et de poursuivre : « Parallèlement à cet affairisme ambiant, le régime en place continue de s’attaquer au pouvoir d’achat des ménages. En effet, au moment où la hausse vertigineuse des prix des denrées, produits et services de grande consommation a enfermé les populations dans la spirale infernale d’un quotidien insupportable, le régime d’Abdoulaye Wade se signale, une fois encore, par la hausse, dans des proportions inouïes, des prix à la pompe du super et du gasoil sans compter celle encore insidieuse du gaz butane. S’agissant des hydrocarbures où le niveau de taxation particulièrement élevé explique la cherté du prix à la pompe, l’Etat a engrangé 57,1 Milliards au titre de la TVA import pétrole et 21,5 Milliards au titre des droits de porte en 2007 compte non tenu des 28,2 Milliards au titre du Fonds de Sécurisation des Importations des Produits Pétroliers, des 20,8 Milliards au titre de la TVA intérieure pétrole, des 89,8 Milliards au titre de la taxe spécifique sur le pétrole générés entre janvier 2007 et mars 2008 ».
A les en croire : « Cette nouvelle hausse sur les prix des hydrocarbures et les appels pathétiques d’Abdoulaye Wade pour le financement de la GOANA confirment la faillite de l’Etat obligé de solliciter du secteur bancaire des titres re-finançables sur 6 mois pour tenter d’apurer les déficits accumulés à cause du train de vie insolemment dispendieux du régime libéral. A ce sujet, les banques, déjà fortement fragilisées par la dette des ICS et par les effets induits de la dette intérieure de l’Etat, montrent une réticence à suivre le gouvernement dans sa fuite en avant.
Enfin, Vision socialiste assimile les prises de position des organisations socio-professionnelles et des autorités religieuses, ainsi que les déclarations des représentants des institutions financières internationales à « un appel à témoin face à l’impasse inéluctable vers laquelle, nous conduit la gouvernance inique et cynique du régime libéral ».
AD/FC
REGARD DE FALLOU Civilisation ou Barbarie ?
Article Par Fallou Mbacké Diallo, fmdiallo1@yahoo.fr,
Paru le Lundi 19 Mai 2008
Lorsque la nature se déchaîne, et que les hommes sont prisonniers de leurs passions, on s’aperçoit, comme dans un cauchemar, que le monde, ayant eu un commencement, aura nécessairement une fin. C’est ainsi que, presque simultanément, en Chine la terre a tremblé. En Birmanie, le cyclone Nargis a tout ravagé. Faisant des milliers de morts, des millions de sinistrés. Pourtant, le mal est moins dans ce bilan macabre que dans le comportement des hommes face à cette «belle horreur». Car, en cette occurrence eschatologique, les autorités chinoises jouent le jeu des Jeux olympiques. Plus préoccupées à soigner leur image, qu’à secourir les victimes et reconnaître les défaillances techniques qui ont accentué cette hécatombe. En Birmanie, raide dans ses bottes, la junte au pouvoir marche sur les cadavres, et «autorise» les survivants à mourir autrement. En leur refusant toute assistance extérieure. Au nom de son propre pouvoir ! Sur un autre registre, Joseph Fritzl, citoyen autrichien, a nié sa nature humaine, et avec elle, tout le genre humain. En séquestrant sa propre fille durant 24 ans. Pour concevoir avec elle 7 «bouts-de-bois-du-diable» ! Mais là aussi, hélas, le mal est moins dans l’infamie de Fritzl que dans ses conditions de possibilité. En effet, de tels abus ne sont possibles que dans des sociétés totalement individualistes. Où on peut s’affranchir de sa propre communauté et mener une existence qui n’a de compte à rendre ni aux parents, ni aux amis… De plus, l’affaire a été réduite à un simple cas clinico-judiciaire, surmédiatisé dans l’immédiateté de son surgissement macabre. Sans s’apercevoir que c’est la société elle-même, qui à travers ce triomphe du sordide, est en train de donner raison à Roger Garaudy, en sécrétant ainsi les germes de son propre anéantissement : «L’occident est un accident, sa culture une anomalie», dit le philosophe. Pourtant, dans le processus des déterminations historiques de la conscience occidentale, le héros tragique de Sophocle est contemporain du sage tel que représenté par Platon à travers la figure de Socrate. De fait, le travail de conceptualisation du philosophe sur les sentiers de la sagesse, n’est que la valence spirituelle des combats que livre le héros tragique sur le terrain de la bravoure. L’un et l’autre sont l’incarnation éclatée de l’idéal antique d’un esprit sain dans un corps sain. Aujourd’hui, par contre, l’esprit et le corps, l’individu et la société, l’Etat et ses démembrements… tracent des voies parallèles et solitaires, toutes au service d’une société de consommation uniquement soucieuse de son rendement. En effet, nous sommes «(…) tellement fascinés par le rendement de l’outil, que nous en avons perdu de vue l’immensité infini du chantier». Du chantier de l’humain. Où se construit ce supplément d’âme qui fait de l’homme autre chose qu’un accident de la nature. Dans une telle société, on ne va plus à l’école pour que pour être diplômé et non pour se former. C’est précisément ce culte du diplôme, qui a récemment poussé le chef de l’Etat à taxer les leaders de l’opposition de «non diplômés». Incapables, pour cette seule raison, de diriger le pays ! En vérité, cette affirmation n’est que politique. Or, la politique, c’est le domaine de tous les écarts, où les discours et les comportements n’ont pour référent ni la vérité, ni l’éthique, encore mois la morale. Finalement, comme le remarque Edgar Morin, «(…) il est clair que le développement technique n’est pas uniquement progressif ; il comporte et produit des régressions spécifiques». Au Sénégal, c’est dans le domaine de l’éducation plus qu’ailleurs, que l’on observe cette régression. Or, prévient Madani Tall : «Quand une nation accepte que ses enfants perdent annuellement le tiers de l’instruction que leur doivent ses enseignants, c’est son déclin à long terme qu’elle construit». Car, précise Cheikh Hamidou Kane : «Une plaie qu’on néglige ne guérit pas, mais s’infecte jusqu’à la gangrène. Un enfant qu’on n’éduque pas, régresse. Une société qu’on ne gouverne pas se détruit». Aujourd’hui, hélas, nous en sommes à ce point : Œdipe n’est pas mort, ses enfants incestueux infestent toujours la terre des hommes. Fritzl n’est donc pas un cas isolé. En définitive, entre l’apogée technologique et la décadence morale actuelles, on pourrait se demander si nous sommes en…Civilisation ou Barbarie ?
La Francophonie économique en question
L’Organisation internationale de la Francophonie (Oif) compte 55 Etats et gouvernements membres et 13 observateurs répartis sur les cinq continents, regroupant plus de 800 millions de personnes, soit le tiers des pays du monde et un peu moins de 13% de la population du globe.
En outre, selon les statistiques officielles, l’ensemble francophone représente, aujourd’hui, 18,9% des exportations et 19% des importations mondiales ; les échanges commerciaux entre les pays francophones totalisent près de 700 milliards de dollars américains (soit le quart de leur commerce mondial total) ; les investissements effectués par les pays francophones atteignent 170 milliards de dollars américains (soit 26% du total des investissements mondiaux).
Il s’agit donc d’un ensemble doté d’un poids majeur dans l’économie mondiale, riche de sa diversité géographique et culturelle, et partageant une langue commune.
Malgré tout, les statistiques précitées représentent-elles plus qu’une simple agrégation de données sans fondement économique tangible ? En d’autres termes, est-il vraiment possible de parler d’Espace économique en ce qui concerne les pays francophones ?
Une question d’opportunité se pose aussi. L’Oif doit-elle forcément chercher à mettre au même plan l’intégration économique des pays membres et l’exigence de promotion de la culture francophone?
Mettre en valeur l’apport culturel francophone dans l’ensemble mondial est, indiscutablement, une haute priorité pour l’Oif, en raison de la richesse du patrimoine francophone, aujourd’hui menacé par la progression fulgurante de l’anglais, en particulier dans les inforoutes, et dont la disparition serait une perte pour la culture mondiale qui doit converger vers une civilisation de l’universel, chère à Senghor, riche de sa diversité, où chaque sensibilité culturelle apporterait dans la calebasse ce qu’elle a de meilleur.
L’objectif de construire un espace économique francophone intégré doit-il recevoir la même priorité ? La langue doit-elle être une variable-clé dans l’insertion dans l’économie, désormais, mondialisée ? Mettre en avant la langue n’aurait-il pas que des effets positifs, et ne réduirait-il pas le potentiel de coopération, de commerce et d’attraction d’investissements et de technologies pour les pays en développement qui gagnent à chercher des partenariats tous azimuts ? La Francophonie engendrerait-elle une création de commerce ou un détournement de commerce ? Le monde ne réduirait-il pas globalement son potentiel de croissance et de bien-être si, au lieu de s’ouvrir pleinement, chaque espace linguistique chercherait d’abord et avant tout à s’unir économiquement ? Tous les pays, ayant rejoint l’Oif (dont un quart seulement de la population parle français), accepteraient-ils unanimement d’accélérer la marche vers l’intégration économique ?
Voilà autant de questions qui prouvent la sensibilité de la problématique de la promotion d’un espace économique francophone. Et le tout est de trouver le juste équilibre entre l’urgence de renforcer la dimension économique de la Francophonie et la nécessité de tenir compte des réalités économiques mondiales. En attendant qu’un débat sur la question soit engagé au niveau le plus élevé de l’Organisation et que des décisions soient prises, il est possible d’esquisser quelques constats et quelques pistes de solutions : a) Le développement de la dimension économique au sein de la Francophonie se justifie du point de vue de la légalité et de l’efficacité économique ;
b) l’Oif, sans pouvoir être le moteur du développement des pays membres, pourrait mieux accompagner les réformes et le développement des échanges commerciaux et les investissements entre les acteurs privés.
Le développement de la dimension économique au sein de la Francophonie se justifie du point de vue de la légalité et de l’efficacité économique.
L’Oif est d’abord et avant tout une organisation politique qui œuvre en faveur de la paix, de la démocratie et des droits de l’Homme dans le monde. Mais, elle a également pour mission, en vertu de la Charte adoptée en 2005, de contribuer au «renforcement de la solidarité entre les pays membres, par des actions de coopération multilatérale, en vue de favoriser l’essor de leurs économies».
C’est la raison pour laquelle le Cadre stratégique décennal 2005-2014 de l’Oif, adopté lors de la Xe Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage, réunie à Ouagadougou au Burkina Faso, les 26 et 27 novembre 2004, indique que «la Francophonie doit agir pour le développement durable, en appuyant, notamment dans les pays du Sud, membres de l’Organisation, l’amélioration de la gouvernance économique, le renforcement des capacités, la concertation et la recherche de stratégies communes dans les grandes négociations internationales».
Cette solidarité entre pays membres est un principe fondateur de la communauté francophone, en raison de la di-versité des situations de ses membres – pays moins avancés, pays pauvres très endettés, petits Etats insulaires en développement, pays enclavés. Elle s’impose d’autant plus que les populations, dont la langue maternelle n’est pas le français, et qui proviennent de presque tous les pays membres de l’Oif autres que la France, le Canada, la Belgique et la Suisse, n’ont a priori aucune raison de faire de la défense de la langue française, un impératif à long terme. La promotion de leur propre langue et de leur propre culture nationale étant, en principe, leur priorité absolue. Le refus de l’Algérie de se joindre à l’Oif, exacerbé par les péripéties historiques vécues entre ce pays et la France, s’explique ainsi.
Il s’y ajoute que, dans la plupart des pays francophones africains, les jeunes parlent, en dehors du français, plusieurs autres langues étrangères. Personnellement, je pratique l’anglais et l’arabe, et possède quelques connaissances en allemand. D’autres jeunes Sénégalais parlent chinois, japonais, italien ou espagnol. Comment donc les convaincre que leur horizon réside forcément dans l’ensemble francophone, si l’on ne leur propose pas un agenda conforme aux objectifs de développement de leur pays et à leur ambition de réussite personnelle ?
Le jeune originaire du Québec, de la France, de la Wallonie ou de la Suisse romande ne se pose pas cette problématique, car pour lui, la défense du français procède d’une question de survie identitaire.
Pour que les populations africaines, asiatiques ou de l’Europe centrale et orientale s’identifient, sans contrainte et de manière enthousiaste, à l’espace francophone, il y faut donc plus que la promotion du patrimoine culturel et linguistique francophone, en faisant de celui-ci- un levier de croissance économique et de développement durable et solidaire.
Très clairement donc, la Francophonie économique possède un fondement légal et légitime à la fois. C’est ce qui fait dire au Secrétaire général de la Francophonie, le Président Abdou Diouf, que «la Francophonie est dans son rôle lorsqu’elle s’occupe de l’économie». Mais, tout en étant juridiquement et politiquement fondée, la Francophonie économique en serait-elle pour autant justifiée du point de vue de l’efficacité économique ? Plusieurs considérations permettent de répondre par l’affirmative.
D’abord, la diversité géographique des pays membres de l’Oif est un facteur de compétitivité internationale dans le nouvel environnement de la mondialisation. Car, elle développe la curiosité et pousse à rechercher une meilleure connaissance des marchés régionaux qui sont en train de se constituer dans toutes les sphères du globe.
Ensuite, un pays francophone donné, exploitant opportunément les affinités dérivées du partage d’une langue et de l’appartenance à une organisation internationale commune, possède a priori, dans un autre pays francophone, toutes choses égales, par ailleurs, un avantage compétitif par rapport à un pays tiers non francophone, dans la concurrence pour l’accès au commerce et à l’investissement.
Au surplus, l’augmentation des possibilités de commerce et d’investissement (y compris dans les téléservices), que génère potentiellement l’appartenance à l’ensemble francophone, améliore le bien-être des pays du Sud (qui peuvent capter des technologies nouvelles et des délocalisations d’entreprises) comme des pays du Nord membres de la Francophonie (qui s’ouvrent ainsi des opportunités d’exportation de biens et services).
De surcroît, la présence, au sein de l’Oif, de pays très avancés ou à revenu intermédiaire joue le rôle d’ancrage et exerce un effet positif sur l’amélioration de la gouvernance économique des pays moins développés qui, bon gré mal gré, sont influencés par la diffusion des expériences et pratiques en vigueur chez les premiers.
Enfin, la diversité des pays membres de l’Oif prépare leurs citoyens à mieux tenir compte des relations inter-culturelles lorsqu’ils font des affaires avec le reste du monde. De ce fait, elle favorise, à travers les échanges économiques, une meilleure compréhension et un meilleur respect entre les peuples du monde, ainsi qu’un meilleur humanisme.
Au total donc, l’appartenance à la Francophonie confère un certain avantage, dans le contexte de la mondialisation. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’attractivité qu’exerce l’Oif auprès des nombreux pays qui veulent la rejoindre.
Reste à savoir comment exploiter et optimiser cet avantage potentiel de l’espace économique francophone. C’est l’objet des développements qui suivent.
L’Oif, sans pouvoir être le moteur du développement des pays membres, pourrait mieux accompagner les réformes et le développement des échanges commerciaux et les investissements entre les acteurs privés. Comment donc optimiser l’espace économique francophone en puissance ? D’abord, un constat. Aujourd’hui, beaucoup parmi les pays membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif) continuent d’être comptés parmi les pays pauvres. En Afrique, en particulier, la croissance amorce, certes, une tendance haussière depuis quelques années, dépassant 5% par an en moyenne, grâce aux progrès enregistrés dans la mise en œuvre des réformes, couplés, dans certains cas, avec l’exploitation des ressources pétrolières. Cependant, le niveau de croissance de-meure encore insuffisant pour permettre à la plupart des pays d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (Omd) fixés pour 2015. Cette situation découle de plusieurs handicaps structurels : mauvaise spécialisation internationale, faible productivité, infrastructures physiques inappropriées, absence d’entrepreneurs et d’un secteur privé performant.
Relever ce défi de la pauvreté et du sous-développement est devenu une nécessité, pour permettre aux pays membres de la Francophonie de bénéficier des opportunités nouvelles qu’offre la mondialisation.
L’Oif doit non seulement travailler à comprendre la cause des difficultés vécues par plusieurs de ses pays membres, mais aussi apporter son appui pour leur prise en charge effective, à travers la bonne gouvernance et la promotion des opportunités offertes par l’Espace économique que constituent potentiellement les pays francophones.
Le document de Cadre stratégique de l’Oif a bien pris en compte cet impératif en insistant, toutefois, sur le rôle propre des Etats qui doivent chercher à «rendre compatibles leur intégration à l’économie mondiale et la lutte efficace contre la pauvreté, élément de leur stratégie nationale de développement durable».
En d’autres termes, la Francophonie institutionnelle doit, certes, accompagner le développement des pays membres, mais elle ne peut en être le moteur. Car la complexité des chantiers de l’émergence de la pauvreté fait que leur pilotage est rendu plus efficace si les pays déclinent eux-même leur propre vision et leurs propres stratégies articulées avec des plans d’actions appropriés, et, surtout, s’évertuent à être des champions de la réforme, qui sachent convaincre leurs populations de soutenir les projets de réforme.
Pour sa part, la Francophonie peut et doit agir à plusieurs niveaux : promouvoir la bonne gouvernance et les bonnes pratiques ; soutenir les partenariats d’affaires et l’insertion des pays pauvres dans l’économie mondiale ; appuyer le financement d’initiatives de développement ; contribuer au développement de l’entrepreneuriat au sein de la Francophonie.
Premièrement, l’Oif doit faire un vrai plaidoyer pour la réforme et pour la bonne gouvernance politique et économique qui constitue le préalable et la première étape de la marche vers l’émergence et le développement. Partageant des valeurs fortes, ancrées sur un passé commun et sur une langue qui facilite le dialogue mutuel et l’esprit de camaraderie, les pays francophones devraient mettre en place un processus de Revue entre les Pairs en matière de gouvernance politique, de démocratie et de respect des droits de l’Homme. Ceci viendrait compléter le travail déjà notable effectué par l’Oif à travers les missions de paix et d’observation des élections. La conclusion d’un partenariat entre l’Oif et l’Institut africain de la Gouvernance, récemment créé, est également à recommander.
Dans le domaine de la gouvernance économique, la promotion de la lutte contre la corruption, sous toutes ses formes, la modernisation et la rationalisation du droit des affaires, la simplification des procédures administratives doivent, entre autres chantiers, recevoir l’attention de l’Oif. Le soutien apporté à l’Ohada trouve là tout son intérêt. L’Oif pourrait, également, bâtir des indicateurs de gouvernance, exploitant les multiples données déjà disponibles dans les autres institutions internationales (ex : Doing Business, Indice de Gouvernance, Indice de compétitivité globale de l’Imd, etc.), comparant les différents pays de l’Organisation et les autres pays du monde, publier un classement annuel des pays francophones et appuyer les pays à améliorer leurs performances.
Le second axe d’intervention potentiel de la Francophonie institutionnelle, c’est le soutien des partenariats d’affaires et des efforts d’insertion des pays pauvres dans l’économie mondiale. Présentement, l’Oif, en collaboration avec ses partenaires privés comme le Réseau des Chambres consulaires francophones, déploie plusieurs programmes qui méritent d’être consolidés et renforcés.
Le programme de mise en place d’une plate-forme d’experts en négociations d’accords de partenariat économique (Acp/Ue) et l’accompagnement des efforts de développement du commerce et de l’investissement des organisations régionales (telles que la Cemac, l’Uemoa, la Coi et la Cedeao) méritent d’être poursuivis, en y associant davantage les milieux d’affaires.
En sus, la Francophonie pourrait considérer les actions supplémentaires ci-après :
a. l’organisation d’une Foire commerciale de la Francophonie, une fois tous les deux ans, en marge de la Francophonie, afin de faire du Sommet l’affaire du secteur privé. La Rife pourrait être institutionnalisée et se tenir en même temps que la Foire. Des prix de l’innovation en entrepreneuriat dans l’espace francophone pourraient être distribués à la même occasion ;
b) la rationalisation du site web www.espace-economique-francophone.com pour y inclure une base de données des exportateurs francophones, organisés selon les secteurs et les groupes de produits, et une base sur les opportunités commerciales et d’investissement dans les pays francophones ;
c) la refonte de l’action d’appui aux marchés publics internationaux, en effectuant la collecte, la traduction et la publication sur le site www.espace-economique-francophone.com des principaux appels d’offres lancés dans les différents pays du monde ;
d) la transformation de la Direction du Développement durable et de la Solidarité de l’OIF en un institut francophone du développement économique, chargé de piloter la dimension économique de la Francophonie et doté de moyens conséquents ;
e) la publication annuelle d’un Annuaire statistique de la Francophonie, incluant des données macroéconomiques et des chiffres clés concernant les échanges économiques des pays membres ;
f) la création d’un grand marché francophone du travail, favorisant, de manière équilibrée, la mobilité des experts et cadres dans l’espace francophone ;
g) la consécration officielle du rôle des Chambres consulaires dans l’animation du réseau des gens d’affaires francophones et dans la jonction avec la Francophonie institutionnelle. Ceci permettra d’éviter la cacophonie dans la mobilisation du secteur privé francophone.
En matière de financement innovant et de développement de l’entrepreneuriat, l’Oif pourrait créer un Fonds francophone de l’entrepreneuriat, abondé par les Etats membres et par le secteur privé, et dont la gestion serait confiée, après appel d’offres, à une structure privée, selon un cahier de charges défini au préalable. Ce fonds pourrait, notamment, refinancer les institutions de micro-finance des pays pauvres et prendre des participations, sous forme de capital investissement, dans quelques projets innovants et porteurs.
Dans le domaine du renforcement des capacités, il faudrait étudier les moyens de démultiplier les modules de l’Institut francophone de l’entrepreneuriat au sein même des pays membres, en signant des protocoles avec des écoles et universités locales.
L’ensemble de ces idées et d’autres encore pourraient être approfondies par l’Oif, dans le cadre d’un travail d’élaboration d’un Livre blanc sur la Francophonie économique, en gardant scrupuleusement à l’esprit les cinq principes directeurs qui guident l’Organisation dans le choix de ses priorités et de ses actions : la subsidiarité, l’intégration, la pertinence, le partenariat et la mesurabilité.
Moubarack LO - Président de l’Institut de l’Emergence / lo.emergence@sentoo.sn
RECETTES DU FMI / REMEDES - Suppression des subventions sur les produits de base : Attention à l’ordonnance du Dr Segura !
Créateur de tensions eu égard aux crises économiques et sociales qu’il a suscitées dans le Tiers-monde, le Fmi s’attele à rétablir un malade budgétaire nommé Sénégal. Sa recette, moitié pertinente moitié cynique et dangereuse, risque d’accentuer la pauvreté générale, sans que les couches riches de la population en souffrent.
Après l’interview fracassante du représentant-résidant du Fonds monétaire international au Sénégal et en Gambie, l’on est convaincu encore une fois que l’Etat du Sénégal vit au-dessus de ses moyens, qu’il doit se discipliner au plan budgétaire par la réduction drastique de son train de vie insupportable. Par prudence autant que par retenue diplomatique, le fonctionnaire international n’a jamais usé du vocable «train de vie de l’Etat». Mais, tout le monde a compris que cette préoccupation était fondamentale chez lui. «Il y a un peu de gaspillage dans le système», dit-il.
L’on a compris, également, que la feuille de route, dont les termes ont été rappelés au Premier ministre Hadjibou Soumaré, au lendemain de l’entrevue de M. Alex Segura avec Le Quotidien, sous prétexte de mettre en œuvre une correction budgétaire, renvoit simplement à l’application d’un Programme d’ajustement structurel différent de celui des Socialistes dans les années 80 sur deux points : le Sénégal de 2008 supporte un endettement beaucoup plus faible, son économie est encadrée par des fondamentaux jugés bons. S’il est donc plus que souhaitable que Wade et son équipe reviennent à la modestie dépensière et arrêtent d’asphyxier les entreprises du secteur privé, en libérant les créances qu’ils doivent à celles-ci, il est essentiel que le gouvernement assume, dès à présent, les conséquences politiques de l’autre volet budgétaire préconisé par le Fonds monétaire international : la suppression des subventions sur les produits pétroliers et alimentaires surtout. Ce qui captive le Fmi dans le cas d’espèce, ce ne sont pas exactement les retombées sociales (bonnes ou mauvaises) de ces subventions d’Etat. M. Segura le dit sans ambages. «Ce qui nous intéresse, c’est que les factures impayées au secteur privé soient éliminées. Et il y a plusieurs façons de le faire.» Il ne s’attarde pas sur le contenu des «alternatives», c’est au gouvernement de les trouver ! Mais, conscient du danger social porté par cette traque annoncée contre ces subventions, il s’en lave aussitôt les mains par une double pirouette. D’abord, «c’est aux autorités, qui ont connaissance de la situation politique, de savoir si c’est faisable ou pas». Ensuite, «on peut mettre en place des mesures concrètes pour aider les populations. On peut limiter les subventions à une denrée, comme le riz par exemple». Mais en tous les cas, l’ajustement exigé et obtenu par l’institution de Bretton Woods se fera, contre les subventions ou «ailleurs».
Tout le Fmi est là, en condensé, dans ces deux exigences «sacrées» qui contraignent l’Etat à soutenir le secteur privé – ce qui est sensé - et à se désengager des secteurs sociaux – ce qui est dangereux. Il véhicule – avec sa «jumelle», la Banque mondiale - une vision et une pratique libérales de l’économie qui tirent leur substance de présupposés idéologiques arc-boutés, depuis plus de soixante ans, sur la «supériorité» intrinsèque des lois du marché. L’image du Fonds monétaire international est indissociable des crises et soubresauts dramatiques constatés depuis presque trente ans, dans les pays pauvres d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie – le Tiers-monde en résumé – car ceux-ci résultent, pour l’essentiel, des politiques économiques socialement désastreuses sorties des bureaux d’experts de son siège de Washington. Indifférent à la pauvreté et à ses conséquences, notamment le besoin de stabilité des Etats encore fragiles de l’Hémisphère Sud, il a fait du principe de «conditionnalité» la voie sine qua non pour apporter son «appui» aux pays en difficulté –démocratiques ou dictatoriaux confondus. La règle de base, c’est que les secteurs sociaux non «rentables» mais à partir desquels la majorité des populations tirent leur subsistance, n’asphyxient pas les autres domaines créateurs de richesses. On le voit bien aujourd’hui : le Fmi a demandé l’arrêt des subventions d’Etat sur les produits alimentaires de base et suggéré l’orientation des maigres subsides du budget à la démultiplication de cantines scolaires – ce qui rejoint une préoccupation de la Banque mondiale.
RISQUES DE DESTABILISATION
Le Sénégal pense ne pas avoir le choix même s’il s’est donné un peu de marge de manœuvre, en optant pour une coopération sans décaissement. Ainsi, l’Etat va, en principe, laisser filer les prix des denrées de base, l’arbitre étant le marché de l’offre et de la demande, en même temps qu’il va subir un ajustement budgétaire impitoyable dont les populations défavorisées feront les frais. La précarité est déjà omniprésente, elle risque de s’accentuer et de créer les conditions d’une dégradation encore plus pernicieuse des conditions de vie des gens fragiles. Le Fmi et la Banque mondiale sont présents en Afrique depuis tant d’année, il n’empêche que plus de 200 millions de personnes souffrent de la faim sur le continent, et dans la plupart des pays, l’espérance de vie atteint exceptionnellement 50 ans, selon des études du Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-monde (Cadtm).
Les experts de Bretton Woods se sont déjà trompés mille fois à travers le monde, causant révoltes sociales, désordres politiques et, incidemment, déstabilisations. Mais ils sont toujours là ! Dans l’interview accordée, la semaine dernière, au quotidien Le Parisien, le Président Abdoulaye Wade semblait conscient du danger encouru par lui-même et par d’autres chefs d’Etat, en reconnaissant que les émeutes de la faim sont porteuses de déstabilisation politique. Avant lui, Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds, considérait la famine comme plus dangereuse que le scandale des subprimes (prêts immobiliers hypothécaires) éclaté aux Etats-Unis l’année dernière, avec des conséquences financières graves dans le secteur bancaire en France (Société générale), en Suisse (Ubs), en Angleterre (nationalisation de la Northern bank)…
Pour la présente crise alimentaire, qui secoue les pays du Tiers-monde avec son cortège d’émeutes et de manifestations, le Fmi et la Banque mondiale ont tenté de prendre les devants en préconisant, dans une déclaration commune publiée le 12 avril dernier, une intervention financière mondiale pour contenir le désastre. C’est un aveu de culpabilité, car les deux institutions ont conscience de porter une nette part de responsabilité dans la destruction des capacités de production des paysans dont ceux du Sénégal. A la place des cultures vivrières qui font vivre des centaines de millions de personnes, en dépit de conditions techniques archaïques, les institutions de Breton Woods ont quasi imposé – aux Etats qui acceptent paresseusement les conditions draconiennes de son intervention - une agriculture spéculative qui rapporte immédiatement des devises et permettant de rembourser… l’aide.
Au Sénégal, le gouvernement a décidé de respecter à la lettre les exigences du Fonds monétaire international. On espère simplement qu’il a pris la mesure de la gravité et de la brutalité de l’ordonnance de M. Alex Segura. Les tensions sociales qui n’ont jamais été aussi fortes depuis l’an 2000, la grogne des secteurs sociaux frustrés de n’avoir pas profité des années de croissance passées, la rupture du dialogue politique, et l’alternative qui est en voie d’être proposée par le Front Siggil Senegaal, constituent déjà des menaces contre la pérennité du système Wade. Le vrai ennemi, ce n’est peut-être pas la Fao et Jacques Diouf.
Momar DIENG
CONF’ A PARIS - Aïssata Tall Sall, sur la situation alarmante de l’hôpital Aristide Le Dantec : «Une stratégie de l’Etat visant à céder le site à des prédateurs immobiliers»
La situation alarmante de l’hôpital Aristide Le Dantec ne serait que la conséquence d’une volonté politique. Lors de sa conférence publique tenue dimanche 11 mai 2008 à Paris, la socialiste Aïssata Tall Sall a clairement accusé l’Etat de laisser «pourrir» le site pour pouvoir le céder à des spéculateurs fonciers.
Sortie fracassante, le 11 mai 2008, à Paris, au cours d’une conférence de presse. Le tableau qu’elle a dressé de l’hôpital Aristide Le Dantec, est tout simplement alarmant. Des locaux vétustes, une maternité fermée, fonctionnement au ralenti des autres services de santé, des conditions de travail difficiles pour les praticiens, des factures avoisinant les 300 millions impayées, une dette estimée à plus d’un milliard. C’est la sortie fracassante du porte-parole du Parti socialiste …Depuis quelques années, l’hôpital Aristide Le Dantec est plus malade que ses patients. Il s’endort dans un coma profond, sans aucune assistance de l’Etat. Et c’est, justement, cette indifférence des autorités qui intrigue au plus haut niveau, car ce centre de référence accueille quotidiennement des milliers de patients venus de Dakar, la capitale, des lieux les plus reculés du pays, mais aussi de la sous- région. Sans compter les élèves-infirmiers et autres étudiants en médecine encadrés par les professionnels de l’hôpital Le Dantec. C’est dire donc que cette non-assistance à hôpital en danger n’est pas sans risque. Au-delà des pertes en vie humaines qu’engendre cet «abandon», c’est l’avenir même de la formation des personnels de santé qui est en jeu. Du coup, les questions relatives à cette situation coulent de source. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi l’Etat reste-t-il sourd aux cris d’alarme de l’opinion publique et, surtout, des professionnels de l’établissement ? Pour répondre à cette dernière question, les rumeurs les plus folles courent depuis quelque temps. Il se susurre, en effet, que l’Etat laisse délibérément se dégrader la situation de l’hôpital. Est-ce pour faciliter la délocalisation du site dont le projet est connu de tous ? Non, mais plutôt pour une histoire de spéculation foncière, selon Me Aïssatou Tall Sall. «Selon des sources concordantes, il y a des prédateurs immobiliers qui ont un projet sur l’hôpital», révèle la porte-parole du Parti socialiste (Ps). Aux yeux de la «Pasionaria» du Podor, il n’y a donc aucun doute : «Wade a une responsabilité dans le pourrissement» de l’institution. Dans son diagnostic des maux de cet hôpital, Me Sall énumère notamment un «personnel pléthorique.» Pour elle, cela est dû au fait que les gens ont été recrutés selon leur affinité politique. C’est «tout cela (qui) a plombé les comptes de l’hôpital, parce que ça a accru la masse salariale, une masse salariale dont il aurait pu se passer», affirme la socialiste. Qui enfonce : «Nous pensons à juste raison, qu’il y a une stratégie de pourrissement qui est mise en place pour laisser Le Dantec mourir de sa belle mort.» Avant de regretter : «On ne peut pas comprendre, alors que Le Dantec est une structure sanitaire indispensable et même centrale dans le dispositif sanitaire de notre pays, qu’on puisse laisser cette structure à l’abandon.» Dans son argumentaire, la porte-parole des Verts de Colobane a révélé que le régime socialiste avait connu une surenchère similaire. «Lorsque nous étions aux affaires, il y avait un projet de cette dimension, où des gens nous avaient proposé de récupérer le patrimoine foncier de l’hôpital Le Dantec contre la construction clés en main d’un hôpital ; ce que le Président Diouf et le gouvernement avaient catégoriquement refusé.»
Selon Me Sall, le régime libéral ne doit en aucun cas «brader» Le Dantec. D’où cet appel au secours: «Il faut sauver Le Dantec parce que, en plus d’être hôpital, c’est une institution où toutes les recherches et les formations pédagogiques des médecins sont concentrées. Il faut faire circuler une pétition à l’intérieur du Sénégal pour que, par cette initiative large et partagée, le gouvernement revienne sur le projet de cession de le Dantec, si ce projet est réel.»
Par Thierno DIALLO - Correspondant permanent en France
ETAT DES LIEUX - Confronté à des difficultés de tous ordres : Le Dantec sous perfusion
Jadis, cité comme l’une des références parmi les structures hospitalières, l’hôpital Aristide Le Dantec est en train de mourir de sa belle mort, du fait d’un manque de moyens décrié par le personnel et qui déteint sur la qualité de service.
Visage blafard, cet homme d’une cinquantaine d’années, sorti du service d’Orthopédie de l’hôpital Le Dantec où il vient de recevoir ses soins, marche difficilement. Vêtu d’un caftan bleu foncé qui cache mal son physique frêle, foulard blanc autour du cou, ce malade est aidé par deux jeunes garçons au moment où son épouse, elle, cherche un taxi. Ils sont très nombreux, ce matin, à être dans cette situation. L’ambiance est quasiment la même au niveau des 47 services que compte Le Dantec, qui ne désemplit pas (1 700 malades par jour). Les espaces verts sont pris d’assaut par les accompagnateurs des patients qui, par escouades, en ont fait leur tinette. Affalés sur des nattes, certains devisent, tandis que d’autres affichent leur anxiété.
Construit en 1913, Le Dantec, jadis structure sanitaire de référence de par la qualité de son personnel (une soixantaine de professeurs en médecine, 200 assistants de Facultés, 360 médecins et étudiants en spécialités), est en train de mourir de sa belle mort à cause du manque criard de moyens. Ce, au grand dam des «cas sociaux» qui, à cause de la modicité du coût des soins, ont fini par faire de Le Dantec leur bouée de sauvetage. D’où la sortie de la Commission médicale, le 29 avril 2008, qui dénonce «le refus des autorités de sauver cet hôpital, qui est devenu plus malade que ses patients».
Composée, entre autres, du Pr Serigne Abdou Bâ, chef du service cardiologie, du Pr Cissé, chef du service gynécologie, de Thérèse Moreira, chef du service médecine interne, la Commission avaient étalé les difficultés que rencontrent certains services tels que les services de la chirurgie et ceux des diagnostics qui fonctionnent, disent-ils, au ralenti et parfois, sont en arrêt de fonctionnement. Sans parler de la rupture récurrente de stocks de consommables qui «déteint sur le fonctionnement de tous les services».
Mais le plus incompréhensible dans tout cela, c’est la fermeture de la maternité depuis plusieurs années ; une maternité «dont la crédibilité faisait la fierté de la structure». Située à l’extrême droite de l’entrée de l’hôpital, la maternité à l’architecture pittoresque, n’est que l’ombre d’elle-même. Badigeon décrépi, mur lézardé, la bâtisse se distingue par sa tranquillité. Une tranquillité, par moments, perturbée par les gazouillements des oiseaux qui y ont élu, d’ailleurs, domicile. Une situation qui indispose les médecins, «obligés d’aller coloniser d’autres services dans les autres services», confie l’un d’eux.
Ces complaintes, les médecins de Le Dantec les partagent avec les patients. Parmi eux, Khoudia Ndiaye, une jeune femme trouvée devant le service de gynécologie pour faire ses consultations. Vêtue d’une taille basse en brodé vert clair, assortie d’un foulard blanc couvrant son ventre arrondi, la trentaine, cette femme déplore «l’attente trop longue» notée au niveau de ce service bondé de monde. «Je suis là depuis ce matin, et jusqu’à présent, je ne parviens pas à me faire consulter. C’est vraiment dur», gémit Khoudia, qui plaide pour une augmentation du nombre de gynécologues.
Cette même attente est notée au service des Urgences. Amadou Diop, un homme d’une trentaine d’années, venu accompagner son père «interné aux Urgences depuis hier», raconte : «Nous (lui et sa mère) sommes arrivés, hier, vers 13 h, mais nous avons mis du temps avant de lui trouver une salle qui est d’ailleurs provisoire.» Vêtu d’un tee-shirt bleu, teint noir, Amadou, visiblement dépité, pou suit : «Lorsque nous leur avons demandé : «Quand-est-ce que le médecin sera là ?», ils nous disent qu’ils n’en savent rien». Mais ce n’est pas tout, puisque Amadou déplore, outre l’attente jugée trop longue, l’insalubrité qui règne au service des Urgences : «Les salles ne sont pas hygiéniques, alors que le malade a besoin d’un espace salubre.»
En tout cas, au vu de «l’indifférence» dont fait montre l’Etat face à la «crise» que traverse Le Dantec, on est en droit d’affirmer que le sort de cet hôpital est scellé depuis belle lurette. D’autant que le transfert vers Golf Nord (banlieue des Guédiawaye) avait été évoqué par les autorités. De quoi alimenter les suspicions sur la volonté des autorités de céder cet espace à des affairistes opérant dans l’immobilier.
Daouda GBAYA
COMMENTAIRE DU JOUR
Holà, M. Segura !
Par Moustapha THIANDOUM | SUD QUOTIDIEN | mardi 20 mai 2008
Il faudrait être aveugle sourd et muet pour ne pas le voir, l’entendre et, le nier ou le taire serait grave. C’est vrai, la situation économique et financière du pays est plutôt inquiétante. Seulement, dans ce contexte, il y a une autre donne plus grave encore et qui prend une ampleur progressivement dangereuse. C’est la trop grande liberté de ton avec laquelle les responsables résidents d’institutions comme le FMI ou la Banque mondiale se croient subitement et de plus en plus investies pour brocarder sans cesse et ce depuis quelques temps, la gestion du pays.
Cette gestion gabegique à souhait, nous en convenons et ne saurions la défendre d’autant plus que nous en dénonçons, à longueur de journaux, les tares et en subissons les avatars. Toutefois, ce contexte sulfureux ne nous obscurcit pas au point de ne pas faire preuve de discernement.
L’ « accompagnement » forcé du FMI et de la Banque mondiale, ces institutions financières dites de Bretton woods, ne justifie tout de même pas que leurs représentants résidents, comme s’ils s’étaient donnés le mot, se permettent soudain de s’épancher comme ils le font, dans une nouvelle stratégie de communication agresssive. Il ya là quelque chose de malsain. D’abord parce qu’à contrario de Tiken Jah Fakoly, leur statut de résidents les soumet à un certain devoir de réserve, ensuite parce que les institutions qu’ils représentent sont en grande partie comptables de la situation socio-économique dans laquelle se trouve le Sénégal en particulier et pas mal de pays pauvres en général qui dépendent étroitement de leurs financements.
Mais restons sur le sol sénégalais pour rappeler que ces institutions ont souvent fermé les yeux sur pas mal de dérives budgétaires, se bornant à travers leurs représentants, à tenir des déclarations clairs-obscures. Pour ne citer que cet exemple, le Fmi et la Banque mondiale n’ont-ils pas donné leur quitus au Sénégal, alors en plein « chantiers de Thiès » avec les fameux « 40 milliards » de FCfa qui, d’ailleurs, n’ont toujours pas livré leur secret, en lui renouvelant confiance et satisfecit ?
La « bonne gouvernance » si chère au FMI et à la Banque mondiale et censée prouver une prise de conscience des erreurs passées, pouvait être écrasée, ce n’est pas grave, n’est-ce pas ?
Gestion pour gestion, les institutions de Bretton woods devraient balayer devant leurs portes avant de mettre des poubelles devant celles des autres. La légitimité-même de ces institutions qui se drapent des visées impérialistes dans un manteau de bons samaritains, étant entamée par leur relative incapacité à lutter contre les crises financières des dernières années, leurs « rhétoriques » masquent en fait une absence de réflexion sur le développement économique et social et l’accroissement des inégalités dans le monde.
« Institutions opaques qui échappent traditionnellement au contrôle démocratique, résultats peu convaincants, orientations discutables », ou même « cheval de Troie des Etats-Unis », disait le député socialiste français, Yves Tavernier, auteur d’un rapport au nom de la très sérieuse commission des finances de l’Assemblée nationale.
Une commission présidée par un universitaire américain, Allan Meltzer, a évalué à 73% l’échec des programmes de la Banque mondiale dans les pays africains. Quant aux activités du FMI, elles auraient eu pour conséquences la fuite de l’épargne, la perturbation des marchés naissants, la hausse du chômage et auraient encouragé des pratiques dangereuses de financement. Stiglitz enfonce le clou en soutenant que cette même Fmi « fait de la mauvaise économie » parce qu’animée par une idéologie et non pas par une analyse scientifique. Idéologie qui est « le fanatisme du marché », c’est-à-dire une croyance qui n’a pas besoin d’être démontrée, que les marchés fonctionnent correctement et trouvent toujours les meilleures solutions, pour peu qu’on les « libère » de leurs entraves.
La liaison étroite entre cette idéologie, les intérêts qu’il sert objectivement (« on trouve des milliards pour tirer d’affaire les banques, mais pas les quelques sous nécessaires pour soutenir les prix alimentaires à l’intention de ceux que les plans du FMI ont privés d’emploi »), et son mode d’organisation ( domination des pays riches du Nord et notamment des Etats-Unis, représentation par des fonctionnaires des Ministères des Finances ou d’anciens banquiers habitués à la non transparence, à la culture du secret, à la non obligation de rendre des comptes à une instance démocratique, ayant un sentiment d’infaillibilité, non informé des recherches économiques récentes et appliquant donc des modèles dépassés), explique en partie cet échec du Fmi, créé au départ sous l’impulsion de Keynes pour corriger les imperfections du marché international, suite aux analyses sur la grande dépression, et qui a abandonné son rôle et s’est transformé en chantre « fanatique » du libéralisme.
Les échecs du FMI et leurs conséquences dramatiques, à la fois économiques mais aussi sociales et politiques sont patents. En fait, le FMI fait plutôt partie du problème que des solutions. Ce n’est pas pour rien que Strauss-Kahn, le nouveau patron de M. Segura, déclare vouloir une politique du FMI « adaptée aux pays africains. » Reste à savoir dans quelles mesures et effectivité la réforme tant attendue du FMI se fera. Si tant est qu’elle se fasse, d’ailleurs.
En attendant, revenons aux principes directeurs de notre propos, pour dire, encore une fois, que ce ne sont pas les statistiques avancées et autre gestion décriée tantôt par M. Segura qui nous émoussent, loin s’en faut. Encore que si tant est que « dire la vérité » est de la responsabilité de son institution, on est tenté de se demander « quelle vérité », à la lumière des récentes déclarations de M. Johannes Mueller, chef de mission au département Afrique du Fmi qui se disait ‘impressionné’ par le travail accompli par l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique (Anoci), avant que le représentant résidant M. Segura Ubiergo n’entonna le même refrain : « Nous sortons avec une très bonne impression sur le travail de l’Anoci. Grâce à cette rencontre, nous avons pu constater que la totalité des marchés de l’Anoci sont passés après un appel à la concurrence », alors que par ailleurs, nous n’avons pas fini d’épiloguer sur ces fameux chantiers.
Non, monsieur Segura, il s’agit ni plus ni moins d’une question de forme, pour un bon respect des principes.
COMMENTAIRE DU JOUR
Lèse souveraineté nationale
Par Madior FALL | SUD QUOTIDIEN | mardi 20 mai 2008
On s’est ému et l’on s’émeut encore dans certains cercles proches du pouvoir comme au sein d’une frange de l’opinion nationale (voire le papier ci-contre de notre confrère Moustapha THIANDOUM) de la liberté de ton du « diplomate » des puissances d’argent. Le « Lombard », Catalan de souche, devrons-nous dire peut-être en parlant du représentant résident du Fonds monétaire international (Fmi) qui a osé affirmer qu’on allait vers la banqueroute si l’on ne corrigeait pas à temps les dérapages budgétaires dûment constatés. Il a ainsi commis, aux yeux de certains affidés du régime un crime de lèse souveraineté nationale. Crime qui ne saurait rester impuni. Persona non grata crie-t-on à la meute ! On eut préféré certainement, qu’il s’en limitât à ses fonctions de plénipotentiaire à l’usage consommé de la langue de bois.
Le pouvoir politico-exécutifico-administratif s’accommodant difficilement de la transparence à laquelle il a semblé vouloir convier les autorités du pays dans la conduite des affaires de la République par… ses sorties publiques intempestives. Pourtant, le représentant du Fmi invitait seulement au respect des règles de comptabilité publique, au cadrage « contractuel » macro-économique souscrit et à la transparence dans la gestion des biens publics.
Or cette transparence est une nécessité absolue. En République et en démocratie. Les députés, ces représentants du peuple souverain, peuvent-ils continuer de voter des budgets sans connaître la destination exacte des crédits qu’ils décident d’octroyer ni l’utilisation précise des emplois publics qu’ils autorisent ? Vont-ils toujours s’asseoir sur leur devoir de contrôler l’Exécutif, tout l’Exécutif tout en regardant dans le blanc des yeux leurs mandants ? L’argent du grand nombre peut-il être dépensé sans que l’on rende compte ? Que l’on soit même dispensé de rendre compte ? Les ministres peuvent-ils conduire des politiques publiques à la méconnaissance parfois totale des conditions d’emploi et de rémunération des agents placés sous leur autorité ? De l’existence de crédits budgétaires sans lesquels, aucune dépense publique n’est en principe possible, ou légalement admise ? Les citoyens peuvent-ils se passer d’une information qui leur permette d’apprécier, de façon éclairée, l’efficacité de la dépense publique et de juger de l’accomplissement par les services publics de leurs missions ?
C’est à cet ensemble de questions que les sorties jugées tonitruantes des représentants des Institutions de Bretton Wood convient assurément dans le fond. Non pas pour des réponses à consommer sans modération parce qu’injonctions du Fmi et de la Banque mondiale. Mais simplement avec le souci de fournir des éléments d’appréciation indispensables aux pouvoirs publics, aux élus, et donc à l’opinion. Le combat pour la transparence démocratique est un combat éternel. Exigeant et essoufflant, mais indispensable.
N’est-il pas temps maintenant de revenir à la norme au Sénégal après avoir bousculé ces huit ans de magistère libéral, souvent salutairement, il est vrai, l’ordre des choses, mais la plupart du temps en occasionnant déséquilibre préjudiciable d’une nation pourtant encore très fragile ? Que ne fait-on pas seulement comme on fait en pays organisé, en nation civilisée ? Faire les choses comme il se doit en étant convaincu que nous n’avons pas inventé la roue, celle-ci ayant connu depuis longtemps brevet enregistré.
Que ceux et celles qui ont été élus ou désignés s’occupent de remplir leur fonction avec le souci non point de plaire, encore moins de déplaire, mais d’être efficace et agissant. La clé de voûte de notre système institutionnel est le président de la République. C’est à lui et à lui seul qu’il revient de donner des ordres tirés de la légitimité publique et de la légalité républicaine. Toute personne qui s’adjuge les prérogatives présidentielles n’est qu’un usurpateur qu’il urge de remettre à sa véritable place.