Me Wade vend l’idée à 7 milliards et demi
Me Wade vend l’idée à 7 milliards et demi.
Très juteuse cagnotte pour le Président et sa famille ! Pendant les mille deux cents (1 200) ans de vie prévue pour le monument de la Renaissance africaine, Me Wade et ses descendants pourront bénéficier des profits générés par le projet sans un sou déboursé. En fin d’après midi du Samedi 1er août 2009, le président de la République a créé la stupéfaction totale en annonçant à la fin de sa visite des chantiers du monument, qu’il s’octroyait 35% des retombées financières du projet en tant qu’auteur.
Opposant, Me Wade a souvent reproché aux régimes de Senghor et de Diouf de lui voler ses idées pour le Sénégal. Aujourd’hui qu’il est élu, payé, logé, nourri, protégé, soigné et transporté aux quatre coins du monde pour les mettre au service de la Nation, il choisit de les vendre à ses électeurs. Prix de cession de ses droits de propriété sur l’idée du monument (il l’a peut-être protégée par un brevet) : sept milliards et demi.
Retenons en effet, qu’en parlant de retombées financières et de mode de répartition, Wade, à la fois chef et associé de l’Etat, a transformé de fait le monument en société où l’Etat, associé majoritaire détient 65% des parts avec comme apport des terrains d’une valeur de 14 milliards, échangés contre le monument et, 2e associé, le président de la République qui détient 35% des parts avec comme apport : l’idée de projet, évaluée à 7,5 milliards. Ainsi les bénéfices futurs seront partagés proportionnellement aux parts. La réunion des apports forme un capital total de 21,5 milliards représentant le montant global supporté par la Nation pour l’érection de l’ouvrage.
Seulement voilà : le chef de l’Etat peut-il garantir l’existence de l’apport qui est la contrepartie de ses parts ? En droit des sociétés, la valeur d’un apport en nature, qu’il soit un bien corporel (comme les terrains de l’Etat) ou un bien incorporel (comme l’idée du Président), doit être déterminée à partir d’un rapport établi par un commissaire aux apports puis inscrite dans les statuts. Un apport fictif ou surévalué peut être frappé de nullité et entraîner une sanction pénale. Finalement, de bout en bout, le projet, comme c’est souvent le cas dans notre pays, manque de transparence (et c’est le moins que l’on puisse dire), aucune information : ni sur les terrains troqués ni sur le mode de choix des Coréens qui réalisent l’ouvrage.
Le Président a prévu que ses revenus attendus du monument et destinés à la construction de Cases des tout-petits, seront gérés par une fondation dite de la Renaissance africaine dirigée par Karim Wade. Il a raison de confier la gestion d’une telle nébuleuse à son fils, comme il a également raison de se préoccuper de son successeur à la tête de l’Etat, car la pérennité de tels intérêts qu’il s’est taillé, dépendra en grande partie de ce dernier.
Ce projet culturel très controversé qui renvoie à une Afrique qui sort dénudée de plusieurs siècles de domination et de pillage pour offrir au monde les seules ressources morales qui lui restent : la dignité de la mère et l’âme de ses fils, fait du Sénégal un vrai cas d’école. Acceptons désormais en toute logique que les ministres se mettent à exiger des commissions sur les résultats des projets initiés dans leur département, sans point s’étonner demain si le chef de l’Etat réclamait sa part sur les recettes attendues de l’autoroute à péage et sur celles escomptées du futur théâtre national. Nous pourrions alors les considérer juste comme des royalties en admettant qu’au fond, nous ne sommes pas loin d’un royaume. Mais l’argent du peuple finira toujours par retourner au peuple.
Abdoulaye BADIANE - Professeur d’économie au Lsll / abadja2@yahoo.