gloire et de prestige personnels
Pr Assane Seck se prononce sur les conditions pour l’emergence : « Il faut l’autosuffisance alimentaire, l’éducation et la formation »
L’ancien ministre d’Etat Assane Seck estime que l’autosuffisance alimentaire, la satisfaction des besoins d’éducation et de formation des populations sont les conditions à remplir pour que le Sénégal intègre le cercle des pays émergents.
« Nous sommes à la veille de l’émergence. Et nous y accéderons au moment où nous pourrons, par nous-mêmes, régler nos problèmes fondamentaux d’autosuffisance alimentaire, spirituelle, c’est-à-dire de formation et de recherche », a indiqué le professeur Seck à l’hebdomadaire « Nouvel Horizon ».
« Je crois que cette émergence nous y accéderons d’ici 10 ans », a-t-il insisté. Au rythme où vont les choses, dit-il, « les politiciens sont obligés de répondre aux aspirations des populations. Car celles-ci ont les moyens de pression forts (vives revendications à travers des marches et autres manifestations) pour se faire entendre ».
Dans cet entretien où il jette un regard rétrospectif sur les 50 ans d’indépendance du Sénégal, le Pr Seck estime que « le combat du peuple sénégalais qui, du reste, a beaucoup muri, ne laisse pas de choix aux politiques », relevant que ceci est également un acquis. L’ancien ministre d’Etat dit regretter les violences sous toutes leurs formes et l’enrichissement illicite. Sur ce second point, il a dit : « une poignée de gens qui s’octroient toute la richesse du pays. De toute façon, il ne faut pas s’épancher trop car la Police n’a encore rien dit sur tel ou tel cas, mais c’est grave cette attitude d’accaparement qui fait ressurgir les classes sociales ».
Dans son analyse de la situation du pays, Assane Seck, 91 ans, se réjouit du fait que « le Sénégal d’aujourd’hui est différent de celui d’il y 50 ans, citant les efforts consentis et les progrès réalisés dans le domaine de d’éducation ».
En 1960, « le taux de scolarisation était de 19 ou 20 %, les gens allaient à l’école pieds nus. La population tournait autour de 2,5 à 3 millions d’habitants », rappelle-t-il, relevant que « la priorité que l’on accorde à l’éducation, c’est depuis le début et Wade a su préserver les acquis ».
Il a ajouté : « vous savez, nous avons jeté les bases de la création d’une éducation de masse car le concept de volontaire de l’éducation est lancé avant l’alternance (mars 2000). L’Unesco a choisi de s’installer à Dakar et non au Zaïre (actuelle Rd Congo). »
« La population, qui a atteint 12 millions au lieu des 3 millions à l’époque de l’indépendance, c’est une donne importante qui me donne satisfaction dans la mesure où c’est l’homme qui assure la production en Afrique. Alors qu’elle avait perdu ses forces vives avec la traite négrière (...) », a-t-il poursuivi.
Assane Seck note par ailleurs le fait que des populations, en dehors des partis et autres structures, dans des coins reculés du Sénégal, revendiquent de meilleures conditions d’existence. Il ajoute que cela le pousse à croire que les 50 ans ne sont pas perdus, « ne serait-ce que pour ce combat pour le développement ».
APS
Chers conseillers du CNRA, vos avis servent à quoi ?
Le débat en cours autour du métier de journaliste et des médias en général au Sénégal doit certainement prendre en compte les missions de certaines institutions de régulation comme le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel(CNRA). Il est nécessaire de s’occuper « de certains chiens de garde ». En suivant l’actualité du CNRA on a l’impression qu’il ne sert qu’à publier des avis. Le dernier en date, l’avis du quatrième trimestre 2009. Comme d’habitude le CNRA déplore : « la diffusion de films comportant de séquences obscènes et violents à des heures de grande écoute… ». Et rappelle : « la nécessité d’une protection rigoureuse de l’image des enfants et la préservation de leur anonymat dans les programmes de radio et de télévisions ». Comme d’habitude la presse fait ses comptes rendus et analyses, les coupables se défendent, on tourne la page en attendant le prochain avis. Il en est presque ainsi tout le temps à part la suspension lors des élections locales de quelques heures de la diffusion pour certaines radios communautaires, interdites de débats politiques. D’ailleurs ce problème avec les radios communautaires est en stand bail en attendant une autre élection. Ce n’est pas efficace !
Le CNRA et ses avis c’est toujours presque la même chose dénoncé :
-la diffusion de films violents ou à caractère érotique à des heures de grande écoute
-la propension des télévisions à mettre en exergue des scènes de violence et de blessures lors des combats de lutte avec frappe
-le défilement de SMS au contenu ne respectant pas les règles élémentaires de la décence
-la diffusion de clips obscènes et vulgaires…
Depuis qu’est-ce qui a changé ?
Pourtant l’article 26 de la loi 2006-04 du 04 janvier 2006 portant création du CNRA prévoit : « une amende de deux à dix millions de franc CFA avec une pénalité de cent milles à cinq cent milles franc CFA par jour de retard » mais aussi : « une suspension temporaire de tout ou partie des émissions pour une durée d’un à trois mois ». En perspective des discussions vers un code de la presse, la recherche de l’apaisement entre le gouvernement et la presse suite à la rencontre entre le Chef de l’Etat et le Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse (CDEPS), c’est peut-être incompréhensible d’appeler à l’application rigoureuse de la loi. Mais la loi c’est la loi, elle participe à la bonne organisation du système. Pour une institution qui selon la loi doit : « apporter des réponses pragmatiques face aux défis d’un nouveau paysage audiovisuel et anticiper sur l’évolution qu’un tel système est appelé à connaître », il faut plus de rigueur. Il le faut même si le CNRA dit : « privilégier le dialogue, la concertation et la sensibilisation, gages d’une régulation simple et efficace, au service de la démocratie et de la bonne gouvernance ».
Les plaintes des partis politiques, des syndicats et autres organisations de la société civile relativement à l’attitude de la chaîne de télévision publique ne représentent rien devant ces mauvaises manières de faire dans plusieurs télés et radio. Ces mauvaises manières qui pénètrent et sapent des fondements et des valeurs de notre société. Ces organisations plaignantes ont d’autres plates formes d’expression.
Le combat à mener est claire et c’est de l’urgence !
NDIAGA DIOUF. Journaliste.
ndiagadiouf2005@yahoo.fr
BATHILY FLINGUE LES « MAUVAIS ELEVES » DE BENNO
La Coalition Benno Siggil Sénégal (BSS) est engagée dans une phase de préparation de la prochaine élection présidentielle, prévue en 2012, selon le calendrier républicain. Réussira-t-elle, avant cette date phare, à faire taire les ambitions personnelles de ses leaders ? La candidature unique qui semble être l’hypothèse politique la mieux partagée au sein de Benno, sera-t-elle retenue ? Quel programme commun et quelles balises pour obliger le Président, une fois élu, à se conformer à ses engagements ? Les prochaines rencontres prévues dans ce cadre nous édifieront. Mais en attendant, le leader de la Ligue démocratique (Ld), le Professeur Abdoulaye Bathily élève le ton. Il estime qu’il est temps d’oublier les ambitions personnelles, pour se concentrer sur la plateforme politique inspirée par les conclusions des Assises nationales. Il critique en passant ces leaders politiques qui sont entrés en politique, avec un seul rêve : être président. En même temps qu’il les met en garde contre toute déviance par rapport à la ligne… Benno.
On vous entend souvent dénoncer la violence politique au Sénégal. Dans l’affaire de l’incendie du meeting du Parti socialiste à Thiès, le coupable identifié, Mouhamadou Massaly, a été condamné à deux ans avec sursis dont six mois ferme, que vous inspire ce verdict ?
Massaly aurait dû, en réalité, être jugé par une Cour d’assises parce que l’acte qu’il a commis est un incendie volontaire qui est sévèrement puni par le Code pénal. En réalité, ils ont fait ce procès en catimini, en le transformant en délit ordinaire pour pouvoir, évidemment, le condamner à une peine légère. En fait, six mois ferme et deux ans de sursis, c’est une peine légère parce que des dizaines de gens auraient pu mourir dans cet incendie. C’est là que se trouve encore une fois la manipulation de la justice. D’abord, l’affaire va aller en appel, il faut attendre la suite des évènements. Ensuite, vous savez que parallèlement, ils ont simulé l’incendie d’une voiture au siège du Pds. Une voiture qui était déjà en panne. Cela a été démontré mais ils vont essayer de faire le parallèle entre ces deux affaires. Je pense que ce procès de Massaly n’a pas encore déroulé tous ses tenants et aboutissants. Je sais qu’Abdoulaye Wade veut coûte que coûte, à travers cette condamnation de Massaly, trouver un prétexte de dire : « il y a une justice indépendante dans ce pays ». Alors qu’il y a tellement de cas d’impunité. L’affaire 24 heures Chrono, le saccage des locaux de L’As », l’affaire Kambel Dieng et Karamokho Thioune, le cas Talla Sylla, en sont une preuve évidente.
La violence physique et verbale est bien perceptible sur la scène politique, ne craignez-vous pas que tout cela aboutisse finalement à un cocktail bien explosif ?
Aucune perspective n’est à écarter aujourd’hui compte tenu de l’entêtement du pouvoir. Abdoulaye Wade veut vaille que vaille s’accrocher au pouvoir. Ce qui provoque une indignation des populations. Et il pose même des actes de violence en permanence. Ce qui fait que, tous ceux qui sont conscients de l’avenir du Sénégal, sont inquiets de la situation actuelle parce que manifestement, je ne vois pas comment on peut éviter la violence. Du côté de l’opposition, on fait tout depuis maintenant dix ans pour éviter un dérapage violent ; mais, eux, ils n’en ont cure. Parce que c’est un système qui fonctionne par la violence, non seulement entre eux-mêmes, mais aussi contre les autres.
Jusqu’où irez-vous dans cette violence, quand on sait qu’on vous reproche constamment du côté du pouvoir, de l’entretenir à défaut de l’installer ?
Le problème, c’est que jusqu’ici, on nous reproche deux choses contradictoires. Les gens disent que jusqu’ici l’opposition est trop timorée, trop pacifique. Et aujourd’hui, on parle de violence verbale. Il est tout à fait normal que les gens s’expriment librement dans un pays où la démocratie n’a pas été gagnée sur un plateau d’argent mais plutôt construite par le débat politique. Ce que je dois dire très clairement, c’est qu’au niveau de l’opposition, nous n’avons jamais été pour la violence parce qu’elle peut accoucher de choses imprévues. On l’a vu dans les autres pays africains. Lorsque le débat politique, le débat de société, le débat démocratique dérape dans la violence physique, personne ne peut arrêter ce processus -là. C’est pourquoi, nous sommes toujours du côté de ceux qui pensent qu’il faut éviter d’en arriver là ; car, une fois que nous basculons dans cette violence, personne ne peut plus l’arrêter. Et, tout le monde sera pris au piège, aussi bien ceux qui l’ont provoquée que ceux qui la subiront, c’est donc le pays qui perdra.
À chaque fois que le pouvoir initie le dialogue politique, vous évoquez souvent la forme ou le contexte si ce n’est le contenu que vous rejetez carrément, jugez-vous cette attitude responsable ?En réalité, c’est Abdoulaye Wade qui n’a jamais pris le dialogue au sérieux. Chaque fois qu’il lance le dialogue, c’est pour manœuvrer simplement et chaque fois que nous déjouons sa manœuvre, ça capote bien évidemment et il se dévoile. Depuis 2006, chaque fois qu’il appelle au dialogue, c’est en des termes injurieux. Et il pose des conditions qui font qu’on ne peut pas y aller. Nous le connaissons très bien, on ne peut pas aller avec quelqu’un qui manœuvre tout le temps. Comme j’ai l’habitude de le dire, il clignote à gauche pour aller à droite. Quand vous avez quelqu’un de cette nature, il faut être méfiant et poser des gardes fous. L’espace politique ne doit pas être un espace de roublardises, de manœuvres et de crocs-en-jambe. A ce jeu-là, on risque de se faire prendre et c’est lui qui s’est fait prendre à ce jeu-là, à force de manœuvrer et de vouloir tromper ici et là. Donc, nous sommes tout à fait sereins ; s’il veut, sérieusement, le dialogue, nous nous y engageront. C’est, pourquoi, chaque fois qu’il nous appelle, nous répondons tout en posant nos conditions…
Comment sortir donc de cet engrenage parce que visiblement, on est dans une crise politique chronique ?
Bien sûr, il faut qu’il se rende compte qu’il est en face d’acteurs politiques dans l’opposition qu’il ne peut pas manœuvrer. Abdoulaye Wade ne peut pas manœuvrer Abdoulaye Bathily, ce n’est pas possible. Toutes les recettes qu’il peut mettre en œuvre, je les connais. On a été ensemble, je sais comment il fonctionne. Tous les acteurs politiques qui sont actuellement là ont suffisamment d’expérience. Wade ne peut manœuvrer personne. Donc s’il veut sérieusement le dialogue, il l’aura. Mais s’il ne le veut pas, advienne que pourra. Il faut que cela soit clair, nous ne pouvons pas renoncer à nos droits.
Ce climat de « ni guerre ni paix » porte gravement préjudice aux sénégalais et ne favorise guère la confiance des investisseurs étrangers ?
Quand on est au pouvoir, on doit être, quand même, très responsable, conscient de l’intérêt général. Ce climat délétère est très nocif aux investissements et ce n’est même pas l’intérêt du pouvoir en place. Voilà un pouvoir qui non seulement ne s’intéresse pas aux investissements parce qu’ils passent tout leur temps à piller les rares ressources disponibles, le rapport de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) sur les passations des marchés vient de l’illustrer abondamment. Ce sont des gens qui sont au pouvoir pour piller. Rien que ça, c’est une atmosphère délétère pour les investissements. Deuxièmement, lorsque le pouvoir lui-même secrète directement la violence à travers le saccage des locaux de journaux, à travers des agressions physiques contre des journalistes, c’est un tel pouvoir qui secrète cette ambiance -là. Qu’est-ce que vous voulez que les citoyens fassent devant une situation comme celle-là ? Ils sont obligés de se défendre parce que la liberté n’a pas de prix. Notre démocratie a été acquise au prix de luttes âpres. Senghor n’a pas réussi à nous plier, Abdou Diouf non plus, ce n’est pas Abdoulaye Wade que nous avons aidé à arriver au pouvoir qui y parviendra. C’est une diversion, il y a des forces dans les mouvements politiques, civils, des personnalités et des individus qui resteront fidèles contre vents et marées à leur idéal de liberté et se battront quel qu’en soit le prix pour que cette liberté ne leur soit pas confisquée. Si Wade le comprend ainsi, le dialogue pourra se faire sans difficulté. Le pouvoir politique, la vie politique, c’est une négociation en permanence. Mais si on refuse la négociation, on va vers le chaos.
Vous avez fait allusion aux rapports de l’ARMP, il y a eu des audits antérieurs qui n’ont rien donné, pensez-vous que cette fois-ci, les coupables seront punis ?
Non, l’impunité est dans l’essence du pouvoir de Wade. Il porte l’impunité en lui comme la nuée porte l’orage. C’est ça la vérité car, chaque jour, il y a un nouveau scandale et au plus haut sommet de l’Etat. Quand, un Président de la république est pris la main dans le sac pour des faits de corruption, qu’est ce que vous pouvez attendre des rapports. Dans l’affaire Ségura, le rapport du FMI (Fonds monétaire international) a clairement indiqué que c’est Wade, en personne, qui a remis l’argent à Alex Ségura et non son aide de camp comme il a voulu le faire croire. Dans un pays sérieux, le chef de l’Etat aurait dû démissionner.
Vous reprochez au régime de faire dans la cacophonie. On peut vous faire aussi le même reproche à Benno Siggil Sénégal. On a l’impression que vous êtes comme une armée mexicaine, chacun se déclarant candidat à la présidentielle de 2012. Autant le pouvoir ne semble pas rassurer, comme vous le dites, les Sénégalais, autant la confusion règne dans vos rangs. A quel saint finalement les citoyens peuvent-ils se fier ?
Il faut d’abord savoir que Benno est issu d’un large rassemblement de l’opposition, rassemblement construit, pour l’essentiel, en 2007, à la suite d’élections frauduleuses. Nous avons travaillé ensemble dans le cadre du « Front Siggil Senegaal ». Et nous avons réussi à organiser le boycott des élections et à réaliser une grande victoire qui a créé une nouvelle ambiance dans le pays. Nous avons estimé alors qu’il ne fallait pas se limiter seulement aux partis d’opposition mais intégrer l’ensemble des forces vives de la nation. C’est de là que nous avons lancé l’idée des Assises nationales. On est allé avec d’autres forces dans ce processus qui a débouché sur un succès éclatant parce que ça ne se limitait plus aux partis politiques. D’autres forces conscientes du danger qui guette le pays se sont aussi lancées à la recherche de solutions de sortie de crise, des solutions nationales et consensuelles. Par la suite, nous sommes allés, à la veille des élections locales, à un plus grand rassemblement au sein du Front Siggil Senegaal avec l’intégration de nouvelles forces, alors que beaucoup s’attendaient à une implosion, nous avons fini par remporter la victoire. À force de ténacité, les uns et les autres ont compris que sans l’unité, sans l’union, nous ne pouvions rien faire. Si nous étions dispersés, nous allions donner au Pds le loisir de remporter toutes les élections. Donc, c’est avec ce sursaut que nous sommes arrivés à la victoire.
Mais aujourd’hui, cette machine manifeste des signes de fatigue
Attendez, j’en viens. Aujourd’hui, qu’est-ce qui se passe ? Il y a un débat et tant qu’il reste à un niveau acceptable, je trouve que c’est normal. Après notre séminaire du 02 août 2009, il a été demandé à chaque parti de proposer par écrit des perspectives stratégiques pour Benno. La quasi-totalité des organisations ont participé à cet exercice, chacun a donné son point de vue. On a mis en place une commission de synthèse qui a pratiquement fini le travail. Nous avons retenu de retourner la synthèse aux partis, une fois qu’elle sera terminée et nous donner une date pour se rencontrer et en discuter pour arriver à un consensus. Pour moi, c’est ça qui est fondamental. Maintenant, à côté, et ça, je le déplore, il y a eu beaucoup d’enfantillages.
Desenfantillages?
Parce qu’il y a des propos que j’entends et qui n’ont pas de sens. Il y a également, à mon avis, un manque de hauteur et de responsabilité dans l’abord de ces questions-là. Fondamentalement aujourd’hui, je constate qu’il y a des gens qui sont entrés en politique uniquement pour devenir Président de la république. Tout ce qui importe pour eux, c’est d’être Président de la République. Ils pensent qu’ils ne peuvent pas exister en en dehors de la fonction présidentielle. Ils estiment être venus au monde pour être président de la République. C’est comme si la politique n’avait pas d’autre sens. Et ça, je le déplore fortement. Les gens de ma génération, qui ont articulé leur combat autour des valeurs fortes, depuis 40 ans, sont affligés par de tels comportements. Nous sommes en train de pleurer sur les ruines du présidentialisme tels que secrétés aujourd’hui par Wade, et il y a des gens qui veulent que tout le débat soit centré sur : « je veux être Président de la république, il ne faut pas que d’autres le soient ».
Et finalement donc les ambitions individuelles semblent prendre le dessus sur le Benno…
Je trouve ça monstrueux dans la vie politique. Donc, pour nous à la Ligue démocratique, c’est un faux débat, c’est un débat de diversion, un débat qui est nocif pour le pays. Moi, Abdoulaye Bathily, je trouve beaucoup de bonheur dans la politique en dehors d’être député, ministre, Premier ministre, Président. Ce sont des idées que j’ai défendues depuis 40 ans et je veux que ces idées triomphent à travers les transformations économiques et culturelles pour le Sénégal. Mais aujourd’hui, on a l’impression qu’il y a une génération qui vient en politique que pour être président. C’est tout ! Alors que justement, l’esprit des Assises nationales, c’est quoi ? Si vous relisez la charte de la gouvernance démocratique, elle veut instaurer très clairement une nouvelle République au Sénégal, de nouvelles institutions fortes mais pas des individus qui seront là pour seulement assouvir leur ambition de Président.
Pensez-vous à Tanor et Niasse sans les citer ?
Non, ils ne sont pas les seuls, vous entendez et écoutez ; d’ailleurs, eux ne parlent pas de ça. Du moins pas publiquement. Mais je parle de ceux qui disent : « c’est un tel qui sera candidat ou tel autre ». En quoi tel ou tel peut régler les problèmes du Sénégal. Fondamentalement, ce que le pays veut, c’est d’abord que nous de Benno, disions très clairement à travers une plate-forme très précise, voilà ce que nous allons faire de l’économie du Sénégal pour sortir du chaos dans lequel la politique de Wade nous a entraîné. Ce que nous allons faire de l’éducation, de la santé…
Est-ce que finalement la coalition Benno Siggil Senegaal n’est pas aujourd’hui menacée d’implosion ?
Non, jusqu’à preuve du contraire, en tout cas, nous, à la Ligue démocratique, travaillons pour que les gens prennent conscience de leurs responsabilités parce que la situation du pays est trop grave.
Le malaise à Benno ne résulte-t-il pas de sa composition trop hétéroclite ?
Justement, c’est parce que nous avons tiré les leçons de ce qui nous est arrivé en 2000. D’où la nécessité, pour qu’aujourd’hui, le débat ne soit plus centré sur des enfantillages. Ce serait une faute politique grave, qu’on fasse élire un homme qui va, comme Wade le fait, manipuler les institutions à sa guise sans qu’il n’y ait de gardes fous. Qu’on réédite donc la même erreur, ça, on ne peut pas l’accepter.
Quels mécanismes internes avez-vous mis en place pour éviter le désordre qui pourrait découler d’un présidentialisme fort ?
Si vous lisez bien les conclusions des Assises, il y a des mécanismes qui sont prévus. La question, pour nous, ce serait d’approfondir ces conclusions pour voir par exemple dans le cadre de la Constitution d’une nouvelle république au Sénégal, nous allons mettre en place ce dispositif. Il faut une nouvelle Constitution qui va procéder au re-dimensionnement de la fonction présidentielle, qui va donner suffisamment d’autorité à l’institution parlementaire ; l’Assemblée nationale devenant le centre de la vie politique nationale et non le Palais présidentiel. Il faut un système judiciaire réellement indépendant avec des mécanismes de nomination des juges qui ne permettent plus la main mise de l’exécutif sur le judiciaire. Une Cour constitutionnelle qui soit vraiment indépendante.
L’absence de leadership et d’un pouvoir de coercition au sein de Benno ne sont-ils pas finalement des freins à son efficacité ?
Il ne peut pas y avoir de pouvoir coercitif. Le seul pouvoir coercitif qui pèse sur Benno, c’est la conscience populaire. Partout où je vais dans le pays et à l’étranger, les Sénégalais nous disent « Benno rek laniou xam (on ne connaît que Benno). Nous voulons Benno, restez Benno, tant que vous êtes Benno, nous serons avec vous. Si vous n’êtes pas Benno, vous ferez ce que vous voulez, mais nous ne serons pas avec vous ». Voilà une force morale dont tout le monde est conscient. Aucun d’entre nous, ni le Ps, ni la Ligue démocratique, ni l’Afp, aucun de ces partis n’auraient pu avoir une seule mairie. C’est l’unité qui a fait notre force. Me Wade et son pouvoir sont décidés à frauder les élections, c’est une illusion de penser qu’ils vont maintenir le deuxième tour, même s’il est maintenu officiellement. Comme ils l’ont fait le 25 février 2007, ils vont se proclamer vainqueur après 22heures, en usant de lacrymogènes et autres. Devant un pouvoir comme ça, c’est se bercer d’illusions que de dire : « je vais aller au deuxième tour après je vais négocier ». Abdoulaye Wade n’est pas Abdou Diouf. Et 2000 n’est pas 2012. Est-ce qu’on va même y arriver ? Il y a un d’eux qui a dit très clairement : « si nous perdions les élections, nous irons tous en prison ». Ils sont prêts à rester au pouvoir pour ne pas aller en prison. Alors, devant un tel pouvoir, il est irresponsable à rester là à ergoter sur le deuxième tour. Ou de dire : il faut que je me présente
Finalement, ne craignez-vous pas que les hypothèses fortes sur lesquelles vous travaillez ne tombent à l’eau ?
En tout cas, nous, au niveau de la Ligue démocratique, travaillons à l’unité de Benno. Je pense aussi qu’il y a, dans Benno, beaucoup de leaders et de responsables qui sont conscients de cette donne et qui y travaillent au quotidien. Mais avec la pression du peuple et l’unité affichée, nous arrivons à des résultats positifs. Mais je ne peux pas garantir que tout le monde restera parce que, de petites ambitions, il y en aura toujours dans le cheminement politique. C’est inévitable. Je souhaite et je travaille à ce que l’essentiel des forces aille ensemble à toutes les batailles électorales. Dans la désunion, Wade remportera largement les élections ; il dira ceci : « l’opposition n’est pas unie. Qu’est-ce que vous voulez ? Comme au Gabon, l’opposition a présenté cinquante candidats. Et ça paraîtra plausible aux yeux de la communauté internationale. Mais, si nous sommes ensemble, nous contrôlerons tous les bureaux de vote, nous imposerons notre loi sur le terrain politique comme on l’a fait le 22 mars. Avec l’unité, il n’aura aucun prétexte, aucun moyen de donner des résultats fallacieux. Il ne pourra que s’incliner devant le verdict.
Quand vous réunirez-vous pour l’étude de la plate-forme et régler tous ces problèmes ?
Le document est pratiquement terminé, il reste à le finaliser et à le donner, peut-être dans deux semaines, aux partis. Les leaders se réuniront pour décider de la date à accorder aux partis pour l’étude de la plate-forme.
Le temps ne vous est-il pas compté ?
Non, le temps ne nous est pas compté. Je pense que dans cette matière-là, c’est le travail le plus sérieux qu’une opposition ait pu faire jusqu’ici, parce que les gens débattaient sur qui va être candidat, qui ne le sera pas, en oubliant tout le reste, c’est-à-dire l’essentiel. Et même, malgré notre expérience, tous les efforts qu’on a faits autour de la Coalition alternative 2000, du Front pour l’alternance, on n’a pas accordé tout le sérieux par exemple aux mécanismes institutionnels, à la mise en place du régime parlementaire, aux questions économiques. Quand vous regardez les conclusions des Assises, il y a des choses extraordinaires. Donc, je crois que c’est ce travail qu’il faut faire sérieusement et ne pas l’escamoter. Une fois qu’on se sera mis d’accord sur ça, les fondements de la nouvelle République au Sénégal, fondements politiques, économiques, sociaux et culturels, à partir de ce moment-là, les gens ne vont plus se chamailler pour dire que je serai candidat à la présidentielle.
Sur un autre plan, on sent bien souvent que vous craignez beaucoup l’instrumentalisation des forces de l’ordre dans un horizon proche ?
L’armée, la police et la justice n’ont jamais été aussi instrumentalisées que sous Wade. Aujourd’hui, vous regardez dans toutes les affaires, toutes les institutions sont concernées comme l’ont montré les rapports d’audits de l’Armp, par exemple sur l’armée. Regardez la justice ! Me Mame Adama Guèye a dit, et tout le monde est d’accord avec lui, que la justice est sous l’emprise de la corruption. Les citoyens n’ont plus confiance en leur justice. Il y a de très bons magistrats mais aujourd’hui, le système est gangrené. Il y a des scandales tous les jours qui le montrent. Comme le régime est à bout de souffle, l’instrumentalisation ira crescendo car ils sont tous conscients qu’ils ne gagneront pas si les élections sont normales. Donc ils ne comptent que sur la force pour s’imposer. Ce n’est pas pour rien qu’ils veulent interdire à la presse de publier les résultats avant 22 heures. Se faisant ils auront pris toutes leurs dispositions en postant les forces de l’ordre à tous les endroits stratégiques pour proclamer Wade vainqueur des élections. Ils vont vite en besogne car on ne sait pas si Wade sera d’ailleurs là, on ne sait jamais. C’est une hypothèse, Wade n’est pas éternel, tout le monde le sait ; je lui souhaite encore longue vie, mais en politique et dans l’ordre naturel des choses, on peut supposer que des choses peuvent se passer. C’est une hypothèse que tout le monde inscrit aujourd’hui.
Cette perspective effrayante peut conduire le pays au chaos ?
C’est justement à cause de ces deux hypothèses que je pose : la déraison accentuée de Wade va installer le chaos dans un proche avenir. Qui dirige le Palais aujourd’hui ? Tous les signes indiquent que toutes les décisions sont prises en faveur d’un individu à savoir son fils Karim et son camp. Sachant que Wade a perdu la raison, ce groupe familial impose sa loi au pays, ses intérêts à l’Etat et ça, c’est une source de chaos. La seconde source de chaos, c’est qu’avec son âge avancé, il peut s’écrouler à tout moment.
Ce sont ces inquiétudes qui vous ont poussé à saisir le Conseil constitutionnel pour « déposer » Wade ?
Bien sûr, je le dis maintenant depuis cinq ans, cet homme a perdu la raison. Beaucoup de décisions qu’il prend aujourd’hui le confirment et c’est normal pour un homme qui a presque 86 ans. Il ne peut pas avoir toutes ses facultés mentales, c’est impossible. Ce n’est pas la première fois qu’on voit ça dans l’histoire. En Tunisie quand Bourguiba a commencé à divaguer en nommant n’importe qui ministre n’importe quand - c’est son milieu familial qui dirigeait le pays -, il a fallu que les gens au sein de l’appareil d’Etat se rendent compte que le pays va dos au mur. C’était le sens du coup d’Etat de Ben Ali. Et c’est ça qui a permis à la Tunisie d’échapper au chaos. Après cela, ils ont construit un Etat économiquement réussi dans la région malgré les problèmes de droits de l’homme qui sont réels. Mais d’un point de vue économique, on peut parler d’une dictature non pas positive, car une dictature ne l’est jamais, mais un système qui a économiquement réussi, mieux qu’ailleurs. Le Sénégal est dans une situation pire car, ce que Wade pose comme actes, c’est pire que ce que Bourguiba a pu faire. Parce que cette valse des gouvernements, ce niveau inégalé de corruption, de pillage des ressources allant crescendo, sont intolérables. Beaucoup d’entre eux se sont d’ailleurs rendu compte que le système est terminé et ils s’organisent à la fois financièrement et par tous les moyens. Ce sont des gens qui ne vont pas se laisser faire. Donc, le chaos, en leur sein, risque de s’installer mais également dans le pays. C’est pourquoi, il nous faut au niveau de Benno prendre conscience de la gravité de la situation, prendre nos responsabilités, préparer sérieusement l’alternative.
Journal »l’Observateur »
MAMOUDOU WANE et IBRAHIMA DIAKHABY (STAGIAIRE)
Notre ‘séisme’ à nous, c’est vous
La décision unilatérale du président de la République ou son souhait de ponctionner les salaires des fonctionnaires ou agents de l’Etat dans un élan de solidarité à l’endroit du peuple haïtien, n’est pas pour plaire. Ils seraient nombreux, si on avait consulté les concernés, à refuser cette forme de solidarité imposée. Nous compatissons certes avec le peuple meurtri d’Haïti, mais qu’on ne nous oblige pas à secourir le lointain voisin lorsque notre case à nous brûle.
Aujourd’hui, malgré tout le tapage médiatique autour du projet Jaxaay, de nombreuses familles restent ‘jaaxlé’, inquiètes, et pataugent encore dans les eaux ; des familles éclatent du fait de la cherté des denrées alimentaires, des factures d’eau et d’électricité, du prix du gaz butane, dont la bouteille moyenne est cédée dans les commerces à 3 200 F Cfa alors qu’en l’an 2000, cette même bouteille ne coûtait que 1 200 F Cfa, pour ne citer que cet exemple.
Les fonctionnaires sénégalais vivent de découverts : ils sont nombreux à se bousculer aux guichets des banques usurières dès que les salaires sont positionnés. Ces agents de l’Etat, ’goorgoorlus’, comme la plupart des sinistrés de la banlieue dakaroise et de l’intérieur du pays, comme nos parents paysans dont les produits pourrissent à chaque récolte sur place faute d’écoulement, ont plus besoin d’aide que n’importe qui.
Je ne dirais pas que le peuple meurtri d’Haïti ne mérite pas notre solidarité, mais ‘mbaay, sa wée wou tank’, charité bien ordonnée commence par soi-même pour traduire ce proverbe wolof. Leur racine africaine, personne n’en doute, mais on peut se demander si ces Haïtiens se sentent africains.
Ce projet utopique est à mettre sur le compte de la recherche de gloire et de prestige personnels du maître du ‘Je’. Je me demande si, vraiment, le sort des Haïtiens l’intéresse : des Haïtiens vivent misérablement au Sénégal sans que le président Wade ne se soit jamais préoccupé de leur situation ; certains ont eu à demander l’asile sans succès. Nous, ses compatriotes, Dieu nous a préservés, pour le moment, de ces cataclysmes naturels dont les séismes, mais notre sort est bien triste à cause de l’indifférence et du mépris du pouvoir libéral face aux difficultés du peuple sénégalais. En outre, bien des actes posés par le président Abdoulaye Wade, tel un ‘séisme’, ont déstabilisé la vie des ménages, choqué les croyances, ébranlé les fondements des institutions, mis l’Etat en lambeaux et sapé l’unité nationale.
Bira SALL Quartier Ndoutt/Tivaouane sallbira@yahoo.fr