IDRISSA SECK, LA DERNIÈRE CARTE DE WADE
IDRISSA SECK, LA DERNIÈRE CARTE DE WADE
Après avoir réalisé que le plan Karim ne passera pas, voilà Wade qui déroule sous nos yeux son prochain plan consistant à vouloir introniser Idi. Les deux hommes nous ont habitué aux négociations sournoises dont l’objectif final est pour Wade de choisir son successeur à notre place. Il faut se mettre à l’évidence, Wade n’a aujourd’hui personne dans son parti qui est présidentiable mais, il veut pourtant que son parti reste au pouvoir pendant 50 ans. Tâche difficile. Wade lui-même ne prendra pas le risque de se présenter au suffrage des sénégalais/es, sa déclaration de candidature n’ayant pour objectif que de ne pas faire imploser son parti.
Au regard de la dernière visite de Wade à Thiès, il semble que les choses vont s’accélérer, la famille libérale n’aura d’autres choix que de s’organiser autour de Idi (des combats futiles à venir). J’ai été triste d’entendre le discours de ce dernier, et cela m’a renforcé dans la croyance qu’il sera un choix dangereux pour le Sénégal. Les deux hommes, après nous avoir plongé dans une des sagas les plus tristes de l’histoire de notre pays (le président avait mis son 1er ministre en prison pour des histoires de sous toujours pas élucidées), les voilà, comme si de rien n’était, entrain de monter leur plan ourdi sur le dos du peuple sénégalais.
Idi n’a d’autres ambitions que de devenir notre 4ème président (son droit le plus absolu), mais conscient qu’il ne pourra le faire avec REWMI, il veut passer par la porte arrière. Il est donc prêt à se faire égorger pour y parvenir. Le poste de Vice-président serait ainsi le tremplin qui lui permettra (sous le contrôle de Wade) de reconstituer la famille libérale, le temps d’essayer de lui organiser constitutionnellement une prise de pouvoir anticipée (déjà vu ?). Ce calcul de Wade ne tient pas compte de la maturité politique du peuple Sénégalais.
À Thiès, Idi nous a parlé du bilan positif de Wade. De quel bilan s’agit-il ? D’abord j’aimerai rendre à César ce qui est à César. Wade a eu de l’ambition pour le Sénégal (il n’est pas fou comme le pense Aminata Tall), la plupart de ses grands projets sont pertinents et inévitables pour sortir le Sénégal du sous-développement. Les projets de chemin de fer, de nouvel aéroport, et d’infrastructures sont essentiels pour notre pays. D’autres, tels que l’augmentation du budget de l’Éducation ( ?), la mobilité urbaine, le développement de petites industries de montage de voitures, la GOANA sont tous importants pour le devenir de notre pays. Cependant, il faut se rappeler que parmi les quelques projets réalisés, la plupart l’ont été sans prioriser, et dans les règles les plus obscures de la bonne gouvernance. Les chantiers de Thiès et l’ANOCI, pour ne citer que ceux-là, ont été accompagnés de scandales et d’abus qui ont dépassé l’entendement. La question de l’éducation et de l’énergie n’est toujours pas réglés, le monde rural a encore aujourd’hui de la peine à survivre, et la Casamance n’en parlons pas. Oui c’est bien ça le bilan.
La partie du bilan de Wade la plus déplorable se situe au niveau de nos institutions. Nous avons assisté ces dix dernières années à la dévalorisation de la fonction de 1er ministre et de ministres, au renforcement de la politique confrérique dans l’État, à la banalisation de notre texte constitutionnel, à la création d’institutions budgétivores et inutiles, et à la généralisation de la corruption (saluer au passage le courage de Mgr Theodore Sarr pour s’être prononcé sur la corruption. Où sont nos marabouts ?). Des criminels sont en liberté, les deniers publics sont dilapidés aux yeux de tous par des arrivistes, notre démocratie à reculer, la violence politique est devenue un fait divers, et les journalistes sont régulièrement emprisonnés. Tous, des problèmes que les sénégalais/es avaient espéré régler en votant pour l’alternance. Oui, c’est ça le bilan.
L’erreur de Wade vient de deux faits, d’abord il nous a prouvé que malgré sa vision, son intelligence et ses diplômes, il ne sait pas gouverner. Le leadership n’est pas une question de diplômes. Les changements continus de 1er ministre et de ministres montrent son incapacité à choisir les personnes compétentes capables de mettre en œuvre sa vision. La deuxième erreur est de penser que la mise en place d’infrastructures est plus importante que la bonne gouvernance, ce qui n’est pas le cas. Lorsqu’on veut construire un État de droit, la première responsabilité est de mettre en place des institutions solides basées sur la transparence, le respect des lois, et la recherche de politiques consensuelles (on n’a pas besoin d’Obama pour nous le rappeler). Tous, des domaines dans lesquels Wade à échouer.
Aussi, miser le succès de son mandat sur les infrastructures au détriment de la bonne gouvernance n’est pas un gage de sécurité à long terme (Côte d’Ivoire, Kenya ?). Le bilan principal de Wade est surtout d’avoir déçu l’immense espoir de nouvelle gouvernance placé en lui, c’est à dire de faire la politique autrement, de renforcer notre démocratie, de lutter contre la corruption, et de créer le cadre légal pour la mise en place des bonnes infrastructures, là ou les besoins existent, et avec des coûts raisonnables. Le monde change et Wade doit savoir que nous avons des exigences du 3ème millénaire et que son bilan sera comparé aux engagements pris en 2000 avec le peuple, et en fonction du stade où le Sénégal devrait être aujourd’hui.
Quant à Idi, il est disqualifié pour plusieurs raisons, la gestion de notre État n’est pas une question de père et de fils (biologique ou non), ni de métaphore religieuse, on attend plus de notre prochain président. L’Afrique a aujourd’hui besoin d’un nouveau type de leadership pour s’arrimer à la mondialisation. Nous exigeons la transparence avec le peuple, l’éthique dans l’engagement politique, et une approche inclusive et consensuelle sur les questions de développement ; nous refuserons par contre la sournoiserie, la tricherie, l’arrogance, l’incompétence, le mensonge, le détournement de deniers publics et la corruption.
Vigilants, comme nous l’avons été contre le plan Karim, nous nous opposerons aussi à cette forme de passation de pouvoir. Tout ce que nous attendons de Wade c’est l’organisation d’élections transparentes, et cela ne sera pas négociable. Salam.
Dr. Lamine Diallo
Wilfrid Laurier University, Canada
lamine@rogers.com