Réagir ou Périr
Un gaillard en jean bleu, veston en daim de couleur jaune moutarde, un pistolet à chaque main ouvrant le feu sur une foule de nervis. C’est à ce spectacle digne d’un film hollywoodien que les téléspectateurs de TFM ont assisté ce 22 Décembre 2011.
Passés le choc et l’émotion que la vue de ces images a pu susciter, il convient de se livrer à une tentative d’analyse de la situation pour essayer d’en saisir les tenants et les aboutissants.
Il faut de prime abord souligner que la violence quelque soit sa motivation ne peut être préconisée comme solution. On ne règle pas un problème en en créant d’autres. C’est une logique primaire. En choisissant de tirer sur une foule, aussi hostile soit-elle, Jean Paul Dias est certainement allé trop loin. Le Sénégalais n’est pas habitué à voir de telles choses et tous ceux qui ont vu ces images ont dû sursauter.
Cependant, il serait dommage et très hasardeux de se limiter à condamner Dias fils sous prétexte qu’il n’a pas agi en conformité avec nos habitudes et manières de voir et de penser. Qu’est ce qui a poussé le bonhomme à user de son arme ? Qu’aurions nous fait à sa place ? Pouvons-nous continuer à confier notre sécurité à un Etat qui visiblement a monté ses limites sur ce plan ?
Des événements qui ont précédé ce « drame de Mermoz » et qui sont encore frais dans la mémoire des sénégalais peuvent nous aider à mieux comprendre les raisons qui ont poussé Dias à utiliser son arme.
Tout le monde se rappelle du saccage des journaux de l’As et de 24H chrono, de l’agression de Talla Sylla, et si on remonte plus dans le temps l’assassinat de Me Sèye. Récemment dans la capitale du rail, un militant zélé du PDS, dopé par l’impunité criarde qui caractérise notre cher Sénégal-surtout quand on a des accointances avec les hautes pontes de l’Etat- a cru devoir verser de l’essence sur de paisibles citoyens pour les brûler. La liste n’est pas exhaustive.
L’amer constat qu’on peut faire par rapport au traitement de ces différentes affaires est que pas une fois la justice n’a rendu un verdict qui agrée la majorité des sénégalais. Nous savons tous que les enquêtes qui ont été menées conduisent tout droit vers des hautes personnalités de ce pays. Mais c’est comme si au Sénégal il y’avait des personnes qui sont au dessus de la loi. Leur appartenance politique leur procure des droits que la Constitution leur refuse. Ce sont des individus à part, qui vivent dans un Sénégal parallèle à celui des « goorgoorlu ». Dans leur Sénégal, il n’ya pas de famine, les gens vivent dans de très bonnes conditions. Ils n’ont pas de problèmes d’électricité, et tout marche à merveille. Ils peuvent se permettre toutes les folies. Ce qui pour nous Sénégalais constitue un luxe ou quelque chose de superficiel, entre dans le cadre normal des choses pour « eux ». Leur arrogance et leur inculture n’ont d’égales que leur boulimie de parvenus. Ils font la pluie et le beau temps. Ce sont les gens de « l’alternoce », un nouveau type de sénégalais dont l’unité de mesure est le milliard. Riches comme Crésus sans qu’on leur connaisse des activités en mesure de générer autant d’argent, ces messieurs excellent dans le laudatif et la bouffonnerie.
Mais ce qui est vraiment insupportable avec eux, c’est l’impuissance totale des Sénégalais face à leurs dérives. Dans un pays de droit des encagoulés n’auraient jamais pu traverser Dakar en plein jour dans des pick up non immatriculés pour aller commettre leur forfait dans une mairie « entouré » de commissariats et qui de surcroit se situe à quelques jets de pierre de l’école de police sans qu’on les interpelle. Ceci démontre à suffisance le degré d’insécurité dans laquelle nous vivons. Les citoyens sont laissés à eux-mêmes et dans ces conditions ils ne peuvent faire recours qu’à eux mêmes pour se défendre au risque de se mettre en porte à faux avec la loi. L’instinct de survie est une disposition naturelle chez l’être humain et il se manifeste chaque fois que nous nous sentons menacés. Il peut être « disproportionné » ou approprié, il peut se présenter sous forme de légitime défense ou de « meurtre ». Et, entre autre raisons, c’est pour qu’il puisse être canalisé que le Législateur a prévu les polices, les gendarmeries et les armées. C’est pourquoi il est fondamental que l’Etat leur permette de s’acquitter correctement de leur travail en leur donnant la liberté nécessaire. Nous avons une police dont le professionnalisme est indiscutable. De grâce, qu’on cesse de l’instrumentaliser afin qu’elle puisse vraiment jouer le rôle qu’on attend d’elle.
L’acte de Dias, aussi horrible et répréhensible, aussi injustifié et disproportionné qu’il puisse être n’en demeure pas moins une expression de cet instinct de survie. Si ceux qui président aux destinées de ce pays s’étaient bien acquittés de leur rôle de garant de la sécurité des biens et des personnes, le gamin du « Far West » n’aurait certainement pas eu à « choisir de vivre ». C’est un peu trop facile de lui jeter l’opprobre tout comme il serait irresponsable de trouver une justification à sa folie . Ce qu’il faut c’est remédier le mal à partir de la source. L’exemple doit venir d’en « haut » et pour cela il faut que la loi retrouve la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Ces incidents ne sont que la suite logique de mauvaises pratiques perpétrées par des gens censés donner le bon exemple mais qui malheureusement sont les premiers à fouler du pied les lois et règlements qui paradoxalement leur ont permis de se hisser au niveau où ils se trouvent. Il est plus que temps de s’arrêter un instant et repenser notre manière de faire. Nous ne sommes plus loin de l’abime et on atteint un stade ou se taire devient de la lâcheté pure et simple.
Cheikh Sadibou Diouf, Professeur d’anglais au Lycée Malick Sy de Thiès.
Tourner la page libérale : une urgence pour la salubrité politique du Sénégal (Suite)
Moustapha Niasse était, de mon point de vue, le candidat le mieux placé en 2007 pour battre Me Wade. Dans une de mes contributions que Wal Fadjri et Nettali avaient publiée sous le titre ‘La Cpa candidature unique ou candidature plurielle’, je disais ceci pour argumenter mon point de vue : ‘Il y a deux facteurs qui peuvent rendre plus facile la crédibilisation des candidatures d'Abdoulaye Bathily et de Moustapha Niasse. Le premier est qu'ils peuvent légitimement demander aux Sénégalaises et Sénégalais qui ont été les actrices et acteurs des deux glorieuses du 27 Février et 19 Mars 2000, mais sont déçus par la manière dont l'ère de l'alternance a été gérée, de leur donner la chance de rectifier le tir. Il n'est pas difficile d'imaginer qu'une suite positive pourra être réservée à cette demande car Moustapha Niasse et Abdoulaye Bathily n'ont jamais cessé de critiquer la manière dont Abdoulaye Wade et le Pds ont non seulement confisqué la victoire de la Ca2000 et du Fal mais aussi renié toutes les promesses qui ont été faites à leurs compatriotes durant la campagne électorale de 2000.’
‘La différence de taille qu'il y aura entre l'effort de crédibilisation de la candidature de Abdoulaye Bathily et Moustapha Niasse sera que le premier et son parti n'ont jamais récolté 10 % du suffrage des Sénégalais alors que le second peut légitimement défendre qu'en 2000, n'eût été le soutien du pôle de Gauche, Abdoulaye Wade ne lui aurait pas damé le pion pour faire face à Abdou Diouf au deuxième tour’.Entre 2007 et 2012 des événements qui ont fait perdre à Moustapha Niasse sa légitimité morale de 2007 se sont passés. D'abord, il y a eu l'élection présidentielle en 2007 à laquelle Niasse a participé. Cette élection de 2007 a vu le poids électoral de Niasse dégringoler de 17 % à moins de 6 %. Pour expliquer cette chute vertigineuse de Niasse, certains accusent Wade et Macky d'avoir pipé les dés. Si tel est le cas, Tanor a certainement dû connaître le même sort que Niasse. Ce qui veut dire mathématiquement que la différence relative entre leurs scores à cette élection reflétait la différence réelle entre leur poids politiques sur le terrain.
Il est vrai que Niasse bénéficie aujourd'hui du soutien de la Ld.
Même le rajout du score de Bathily en 2007 à celui de Niasse n'empêche pas au poids électoral de Tanor de faire à peu près le double de la somme des poids électoraux de Niasse et Bathily en février 2007. Y a-t-il eu des départs massifs du Ps et des adhésions record à l'Afp pour effacer cette différence? La réponse la plus crédible à cette question est: NON! En fait, si on se fie aux médias sénégalais, le Ps semble avoir attiré vers lui beaucoup de nouvelles adhésions. Des jeunes comme Barthélémy Dias et Malick Noël Seck, des universitaires comme le nouvel agrégé de grammaire Oumar Sangharé, des vétérans de la lutte pour la bonne gouvernance comme Pierre Sané, l'ancien patron d'Amnesty International, ont décidé de venir épauler Ousmane Tanor Dieng. Tout laisse croire que ceci n'est que le ‘tip of the iceberg’ des nouvelles adhésions au Ps ‘New look’. Les personnes qui voteront utile, c'est-à-dire celles dont le choix sera surtout déterminé par ce qu'elles perçoivent comme étant les chances du candidat de sortir vainqueur, vont avoir plus tendance à choisir Tanor au lieu de Niasse.
L'autre évènement qui a fait perdre à Niasse sa légitimité morale de 2007 est la tenue des Assises nationales. La feuille de route qui est issue de cette rencontre a rendu caduque la nécessité de faire de la rectification de l'alternance le point focal d'un programme de développement politique du Sénégal. Parce que, en fait, rectifier l'alternance signifie mettre en œuvre le programme de la Ca2000 qui a été bafoué par Me Wade. Or, ce programme de la Ca2000 est largement inférieur à celui qui est sorti des Assises. Le Spectrum des personnes qui ont participé à son élaboration est de loin supérieur à celui des individus qui avaient contribué à la rédaction du programme de la Ca2000. Il y a eu une plus grande variété aussi bien du point de vue de la couleur idéologique des participants que de leurs domaines d'expertise en matière de développement politique et économique. Niasse et Tanor se sont tous les deux engagés à mettre en œuvre, autant qu'ils le pourront, le programme des Assises nationales. Les feuilles de route qu'ils ont promis de suivre s'ils sont élus sont donc identiques. Parler d'une mission de rectification de l'alternance dont Niasse serait le porteur ou s'arc-bouter à l'idée que, une fois élu, Tanor va ramener les méthodes de gouvernance d'avant 2000 est une aberration. Ce faisant, Moustapha Niasse a aujourd'hui objectivement perdu l'avantage qu'il avait en 2007 sur Ousmane Tanor Dieng.
La dignité avec laquelle Tanor et ses compagnons comme El hadji Mansour Mbaye, Doudou Ndiaye Coumba Rose, Abdoulaye Elimane Kane, Niadiar Sène, Mame Bounama Sall, Aminata Mbengue Ndiaye, Aïssata Tall Sall, Serigne Mbaye Thiam, Khalifa Sall, Abdoulaye Wilane et des milliers d'autres militants Ps ont stoïquement accepté de faire la traversée du désert, honore la classe politique sénégalaise. Nous savons tous que Me Wade et ses partisans n'ont pas lésiné sur les menaces et sur l'offre de moyens alléchants pour les faire plier. Babacar Diagne, Mbaye Jacques Diop, Abdourahime Agne, Mbaye Diouf, Aida Mbodji et plusieurs centaines d'autres qui jettent aujourd'hui leur dévolu sur Me Wade après l'avoir accusé d'être un diable personnifié pour faire plaisir à Abdou Diouf, ne diront pas le contraire. L'illégalité de l'usage des deniers publics du Sénégal pour détruire le Parti socialiste qui leur avait pourtant tout donné et les souffrances de milliers de leurs compatriotes qui auraient pu être abrégées par les millions qu'ils ont reçus du Pape du Sopi ne les ont pas fait hésiter. Il n'est donc pas exagéré de dire que le Ps de 2012 est très différent du Ps de 2000.
L'essentiel des membres de ce parti qui y étaient attirés par la possibilité d'un gain personnel facile, en d'autres termes la mauvaise graine du parti, a aujourd'hui migré vers le camp libéral. Il est impensable que Tanor et les vrais militants socialistes, qui ont accepté de vivre dignement la défaite de 2000, leur rouvrent les portes du parti. Il est tout aussi difficile d'imaginer que, durant cette traversée du désert, Tanor et ses compagnons n'aient pas appris à mieux être en phase avec la volonté du peuple sénégalais.Mon amie Penda Mbow que j'aime appeler la ‘linguère de la République’ justifie son choix pour Niasse en ces termes : ‘Au sein de la large panoplie de candidats, Moustapha Niasse est le mieux placé pour assurer cette transition pacifique et ordonnée vers un Sénégal plus prospère, plus démocratique et plus juste.’ La véracité de cette assertion ne fait pas l'ombre d'un doute si on sort Ousmane Tanor Dieng de l'échantillon à partir duquel le choix est fait. Mais si on se base sur les critères révélés au grand public qui ont été mis en avant par Bennoo et si Ousmane Tanor Dieng fait partie des choix possibles, il est en toute objectivité difficile de ne pas arriver à conclusion que M. Dieng est le mieux placé pour offrir au peuple des Assises nationales l'opportunité de mettre en œuvre leur programme.
Un autre mauvais procès qui est fait à Tanor est l'argument selon lequel on ne peut pas enlever le Ps qui, en 2000, avait bouclé ses 40 ans de pouvoir et le faire revenir de sitôt. Si ceci est le cas, Niasse devrait être exclu des choix possibles. Il a joué, aussi bien du point de vue des responsabilités que de la durée, des rôles plus importants que ceux de Tanor dans le Ps durant ces 40 ans. Il est permis de douter que Niasse aurait quitté le Ps si Diouf l'avait choisi durant ‘un congrès sans débat’ à la place de Tanor. Si travailler pour l'élection de Tanor est considéré comme un effort de faire revenir le Ps, il devrait objectivement en être de même pour Niasse. Les Américains avaient chassé du pouvoir les républicains en 1976 après la rocambolesque affaire du Watergate. Ils avaient choisi ‘Jimmy Who?’ (Jimmy l'inconnu) à la place de Gerald Ford pour sanctionner les violeurs de leur Constitution.Ils ont voté massivement pour Ronald Reagan en 1980. Les républicains qui avaient bien appris leur leçon ont fait un si bon travail aux yeux des Américains qu'ils les ont maintenu au pouvoir de 1980 à 1992.
Le seul pêché d'Ousmane Tanor Dieng est d'avoir hérité de la direction d'un parti politique qui avait trop duré au pouvoir. Beaucoup oublient -ou ne savent pas - que M. Dieng n'a commencé à occuper des fonctions importantes au sein du Parti socialiste qu'au milieu des années 90. Le mérite que toute personne objective doit cependant lui reconnaître, c'est d'avoir transformé le Ps de 2000 en une organisation politique qui attire des intellectuels de haut calibre dont l'engagement pour la cause du socialisme démocratique ne saurait souffrir l'ombre d'un doute objectif. Ousmane Tanor Dieng a un handicap majeur qu'il partage avec Abdoulaye Bathily qui, de mon point de vue, aurait pu être un excellent Président du Sénégal. Il leur manque la capacité de faire transparaître une chaleur humaine durant leur interaction avec le public. Ils sont tous les deux perçus par ceux et celles qui n'ont jamais eu la chance de les avoir approchés, comme des individus froids et distants. Comme je le disais à Pierre Sané dans la note où je le félicitais d'avoir rejoint Tanor, ‘Ousmane Tanor Dieng est un des hommes politiques les plus incompris du Sénégal. Son honnêteté et son style direct s'accommodent très mal avec le masla sénégalais. C'est d'ailleurs pour cela que beaucoup le perçoivent comme un arrogant alors qu'il est bien loin de l'être. Tanor est une des rares personnalités politiques sénégalaises qui ne font jamais des promesses qu'ils ne sont pas sûrs de pouvoir tenir’.
Tanor est victime de son background culturel sérère. Sa ligne de conduite est dictée au quotidien par les philosophies serer du ‘Caaxaan faaxee’ et du ‘o koor jom fo fula’.Georges Clemenceau disait que ‘la politique, c'est l'art du possible’. Le seul candidat qui a aujourd'hui à sa disposition un appareil politique capable de faire face au Pds et Me Wade est Ousmane Tanor Dieng. La présence du Ps dans tous les recoins du pays donne à M. Dieng les moyens de pouvoir bénéficier du ‘Vote utile’ de ceux et celles qui en ont marre de voir le Sénégal continuer sa chute libre vers l'incertain. Ceux et celles qui ont pratiqué Ousmane Tanor Dieng savent qu'il est loyal dans ses engagements et va plutôt préférer mourir que décevoir si les Sénégalaises et Sénégalais lui confient la responsabilité de présider les destinées de notre pays. Ce que je connais personnellement de ce fils de Nguéniène me laisse croire qu'il fera de l'accomplissement de cette mission sa raison de vivre. C'est un homme de devoir et de responsabilité. Le Jom sénégalais, fortement ancré en lui, sera le phare qui va guider le choix du comportement qu'il va exiger des membres de l'équipe qu'il va diriger. (FIN)
Diomaye (Ndongo) FAYE, Ancien coordinateur du directoire de Campagne de la Ca2000/Fal en Amérique du Nord, Ancien Coordinateur du Mouvement pour les Assises de la Gauche (Mag), Membre du Directoire de campagne d'Abdoulaye Bathily en 2007, Chercheur en stratégie de développement politique New Jersey, USA
Cilawkuut@cs.com
La dernière carte
"Sanni taccu", cela signifie en Wolof la toute dernière chance qui reste à quelqu'un qui cherche désespérément à atteindre un objectif et dont toutes les tentatives antérieures sont demeurées vaines. Tout a été fait et dit par le parti au pouvoir pour imposer aux Sénégalais la candidature de celui-là même qui avait avoué à la face du monde que "sa" Constitution lui interdisait de se représenter à la magistrature suprême; dans cette optique, la communauté internationale, particulièrement les partenaires techniques et financiers du Sénégal, a été vainement courtisée.
Il restait alors la dernière carte: un congrès d'investiture avec une forte présence de badauds, payés pour venir grossir les rangs, afin de mettre les partenaires sceptiques devant le fait accompli; mais c'était sans compter avec la principale force d'opposition à cette candidature "indécente ", le M23 qui a encore une fois montré sa capacité de mobilisation contre toute violation de la Charte fondamentale.
Devant l'échec des subterfuges, artifices juridiques et machinations, il n'y a plus que l'intimidation : recruter des nervis pour dissuader les résistants de se mettre en travers de cette candidature. C'est ainsi que ce que tout le monde redoutait arriva: le jeudi 22 décembre 2011, une horde de nervis descendit au domicile d'Abdoulaye Bathily pour lui laisser un message d'intimidation et se rendit aussitôt à la mairie de Mermoz-Sacré-Cœur, certainement pas pour chanter une sérénade au maire et aux membres du conseil municipal. Malheureusement l'affaire prit une tournure dramatique et un des assaillants fut mortellement atteint.
Une enquête fut ouverte, et selon des indiscrétions, une haute autorité de l'Etat aurait été citée parmi les commanditaires. L'enquête dévoilera peut-être son identité, mais il est fort à craindre que ce dernier ne soit qu'un homme de paille; dans ce parti-Etat qui nous gouverne, ses membres qui se définissent eux-mêmes comme des "variables "ne font presque jamais rien de leur propre chef. Les morts ont tort, dit le proverbe, ils ne sont plus là pour se défendre et confondre les marchands de guerre, mais les vivants pourront au moins tirer la leçon et refuser à l'avenir de servir de chair à canon à ceux qui mettent leur fils à l'abri des coups -et du besoin-pour se tourner vers les fils d'autrui.
Plus que le lâche commanditaire de cette attaque de la mairie, ce sont les causes de cette fusillade qu'il faudrait chercher ailleurs, car si toute la lumière avait été faite sur la mort de Balla GAYE, si les assassins de Me Babacar SEYE n'avaient pas été graciés et amnistiés, si les agresseurs de Talla SYLLA, connus et identifiés, avaient été arrêtés, si les meurtriers d'Abdoulaye Wade YENGHOU et celui de Malick BA avaient été mis aux arrêts, si les saccageurs de l'AS et de 24 H n'avaient pas été graciés, si ceux qui ont attenté à la vie d'Alioune TINE le 23 juin 2011et ceux qui ont attaqué le domicile de la militante du MPC à Bambey avaient été condamnés, si le pyromane du meeting des socialistes à Thiès avait été envoyé en cours d'assises, si nos très républicaines autorités policières n'avaient pas été sourdes et aveugles devant la présence de nervis avec des chiens d'attaque aux abords des domiciles des leaders de l'opposition, alors cette fusillade n'aurait jamais eu lieu. Quand des gens se déplacent avec des armes pour attaquer, c'est pour s'en servir et quand ils s'en servent, tout peut arriver.
S'il est établi que les assaillants étaient armés et qu'il y ait eu échange de tirs, alors ce qui est arrivé était prévisible et n'importe qui pouvait en être la victime.
Dans un hadith d'Abu Hourayrata rapporté par Mouslim, un homme demanda au Prophète (PSL) "Si quelqu'un m'agresse avec une arme pour prendre mon bien, que dois-je faire? "
"Défends-toi ", lui répondit-il
"Et s'il insiste?"
"Alors, riposte"
"Et s'il me tue?"
"Tu seras alors du nombre des martyrs."
Aucune religion ne cautionne l'agression et si Molière était parmi nous, il se serait demandé ce que ces nervis étaient allés faire dans cette galère…
Yatma DIEYE, professeur d'anglais,
Rufisque-yatmadieye@orange.sn
De l’incertitude d’une Présidentielle de février 2012 paisible
La détermination du siège de l’autorité du pouvoir politique se réalisant dans toutes les démocraties modernes par le droit de vote, il faut dire que les questions qui entourent l’expression de ce suffrage ne sont pas sans source de conflits ou de crises dans beaucoup de pays du continent noir.
Et ces crises ont fini d’installer dans bon nombre d’Etats africains, une véritable rupture de l’équilibre interne, avec des conséquences humanitaires et économiques incalculables. Ce qui fait que l’Afrique a fini de battre tous les records de réfugiés et de personnes déplacées. Situation qui a d’ailleurs contribué à sa condition de continent le plus pauvre de la planète, à cause notamment, des enjeux d’accession à la «chance de puissance» pour paraphraser Max Weber.
Les principales causes de ces problèmes ont pour noms : le refus catégorique d’une alternance démocratique, les révisions constitutionnelles en vue de se maintenir au pouvoir, la politisation effrénée de l’Administration électorale, l’absence de dialogue politique, la non-acceptation des résultats issus des urnes, la récurrence des fraudes électorales, l’auto-proclamation des résultats avant le Conseil constitutionnel etc.
Et le Sénégal a pu, très admirablement dans son passé, éviter cette maudite réalité devenue tristement africaine liée à la conquête du pouvoir. Et c’est justement entre autres paramètres, sa sérénité, longtemps jalousement et fièrement gardée, qui lui a valu sans conteste, la renommée de vitrine de la démocratie en Afrique de l’ouest.
Mais cette remarque mérite d’être nuancée, du fait de quelques crises survenues dans son histoire politique récente et liées à la conquête de l’appareil d’Etat. A ce titre l’on peut noter la crise électorale de 1988 particulièrement marquée par une violence d’une rareté excessive. En effet après la proclamation des résultats attribuant au candidat socialiste Abdou Diouf 73,20%, contre 25,80% pour l’opposant historique Me Abdoulaye Wade, le pays est entré brusquement dans une crise intense. Et l’état d’urgence fut même décrété à la suite de violents incendies qui suivirent la contestation des résultats par l’opposition.
Au chapitre de ces crises déplorables, est aussi à ranger, l’élection présidentielle du 21 février 1993 qui a abouti au blocage institutionnel, particulièrement de la machine judiciaire avec l’assassinat de Me Babacar Sèye le 15 mai 1993. Et c’est le moment de noter, que les évènements récents du jeudi 23 juin 2011 et l’attaque contre la mairie de la Commune d’arrondissement Mermoz-Sacré Cœur ce jeudi 22 décembre et ses conséquences dramatiques, sont un mauvais présage. Et sonnent incontestablement comme un avertissement sévère pour tous les hommes politiques sages, avisés et non somnambuliques ; qu’ils soient du pouvoir comme des camps adverses.
Et nous ne voudrions pas que de telles situations fort regrettables se reproduisent dans notre pays. Nous ne souhaitons pas non plus l’hypothèse kenyane qui a prévalu au lendemain des élections du 27 décembre 2008 opposant Mwai Kibaki et Raila Odinga, dans ce pays longtemps considéré comme l’un des plus stables en Afrique. Et bannissons farouchement toute possibilité de mimétisme de la fournaise ivoirienne partie du malheureux second tour du 21 novembre 2010, faisant un bilan macabre de plus de 3 000 morts. Aboutissant à l’emprisonnement du «boulanger» et sa bande, dans ce pays jadis étalon de l’économie ouest africaine. Parce qu’aussi le Sénégal ne mérite pas la confirmation de la jurisprudence Mamadou Tandja, qui a payé entre les mains des bérets verts par un coup d’Etat dans l’après-midi du jeudi 18 février 2010, le prix de sa stupide obstination à gouverner de «force» ce pauvre pays.
Au titre de ces exemples fâcheux, de ces craintes et considérations qui sont irréfutablement chargés de valeurs hautement pédagogiques, tout le peuple sénégalais - les acteurs politiques et leaders d’opinion au premier chef - doit se mobiliser. Œuvrer brillamment et de manière exemplaire, de sorte qu’après l’élection présidentielle du 26 février 2012, on n’ait nullement besoin ni d’une mission de facilitation, ni médiation de la communauté internationale, encore moins de sanctions ou de Forces de maintien de la paix. Et ce sera justement, une magnifique occasion pour notre pays d’étaler toute sa noblesse, de montrer sa grandeur, son élégance, sa maturité politique. Mais aussi d’administrer magistralement la preuve de la majorité de sa démocratie. Ceci à travers une élection sincère, libre, démocratique, transparente et paisible, sanctionnée par une «dédramatisation de la chose électorale» et l’«anti-catastrophisation de la défaite», par les principaux acteurs du jeu politique. Le tout, couronné par le calme et la sérénité légendaires de sa population. Agir de sorte qu’au lendemain du scrutin, chaque citoyen n’ait aucunement crainte, ni pour sa personne, ni pour ses biens. Ce sera justement l’occasion de réaffirmer notre volonté de préservation du principe sacro-saint de l’unité nationale et de démontrer, encore une fois, le savoir-faire politique du génie sénégalais, tant loué depuis son accession à la souveraineté internationale, à préserver sa renommée d’havre de paix et de jardin de la démocratie.
Et tous ces mots, pour que le puits ne soit pas à sec, pour qu’on attire toutes les attentions sur la valeur de l’eau. Pour que l’assertion «Valérienne» qui voudrait «que l’histoire apprenne aux hommes, que les hommes n’ont rien appris de l’histoire», ne soit pas vraie au pays de la téranga.
pathebateps@yahoo.fr