l’ethnicisation des questions politiques !
J’ai lu votre contribution dans la rubrique «Opinions-Débats» du Quotidien n° 2009 en date du mardi 22 septembre 2009, intitulée «le petit toubab au cœur de la République» (p. 13).
Je suis d’accord avec l’essentiel des analyses que vous y développez, relativement à celui que vous appelez «K» et sa gestion calamiteuse de l’Anoci. Il reste que vous y avancez une opinion fort dangereuse et qui, si elle se multiplie sans être dénoncée, risque de nous entraîner dans des problèmes bien plus catastrophiques que des dépenses de quelques centaines de milliards de francs mal justifiées ou en mal de justificatifs.
On a eu déjà quelques alertes du genre, et certains y ont répondu, sans doute en vain, dès lors que l’on voit encore une fois un esprit aussi subtil et aussi républicain que le vôtre, se laisser aller à des stigmatisations liées à la race ou à l’ethnie. La «question casamançaise» qui nous empêche de dormir, depuis plus d’un quart de siècle, n’a pas eu au fond d’autres causes que le mépris culturel qu’impliquent des propos tels que les vôtres, et le Sénégal n’a aucun intérêt à tomber, après un Charybde Mfdc, dans un Scylla «Mfdf».
Vous écrivez ceci : «Et ce gamin est tombé dans le piège tendu par ce clan essentiellement «pulaar» (c’est moi qui souligne). Regardez bien les têtes pensantes et particulièrement dangereuses et je suis en phase avec Ahmed Khalifa Niass à ce sujet.»
Ce sont là de dangereux amalgames, et je vous laisse vos références idéologiques à ce sujet. Pour ma part, j’en ai d’autres, beaucoup plus recommandables. Si le «clan» que vous dénoncez, sans doute à juste titre, est essentiellement composé de Pulaar, quelles conclusions ou conséquences, voulez-vous en tirer ? Que, par essence, les Pulaar sont particulièrement dangereux ? Pourtant, ni «K», ni son père ni sa mère ne sont des «Pulaar». Et, si l’entourage de «K» comporte une majorité de Pulaar, on ne doit en voir la raison que des données intrinsèques à ces personnes-là, compte tenu de leur histoire personnelle, de leurs ambitions et de leurs caractéristiques morales.
Et pourquoi, si l’on entre dans votre logique essentialiste, ne pas se demander ce qui justifie le choix (encore une fois, c’est dans le droit fil de votre «raisonnement») de Pulaar de la part d’un non «Pulaar» qui a des ambitions politiques ? Et si c’était une question (toute subjective) de confiance et de bonne foi ?
Car enfin, être Pulaar (ou Séréer, ou Wolof, ou Joola, ou Baynuk…) ne prédispose en rien l’individu à être dangereux ou bénéfique pour sa société. L’histoire de ce pays, aux plans politique et religieux est, à bien des égards, marquée par les «Pulaar». Il n’est pas nécessaire, pour le moment, d’entrer dans les détails pour appuyer cette assertion.
En résumé, j’espère bien, M. Salif Ndiaye, que vous êtes peut-être un Séréer, ou un Joola, ou un Mandinka, pour vous autoriser à globaliser à toute une ethnie un jugement négatif porté sur quelques individus. Sinon, j’espère que la plume vous a fourché, et que vous ne pensiez pas à faire mal. Autrement, pauvre Sénégal, où l’intelligentsia a des idées aussi peu ragoûtantes…
Amadouly02@yahoo.fr