Tout est bien qui finit… mal
«En tout cas la décision du Président Senghor peut à juste titre être considérée comme une violation de la règle admise comme loi biologique, défendue par Thucydide et Montesquieu, selon laquelle l’homme est naturellement porté vers le pouvoir et plus il avance en âge plus il s’accroche au pouvoir.» Ces propos sont de Jacques Lang. Ils ont été lâchés alors que le Président Senghor venait de se retirer de ses fonctions de président de la République du Sénégal un 31 décembre 1980 dans son discours de fin d’année. C’est à soixante quatorze ans donc que Senghor a eu la grandeur d’esprit républicain pour prendre une retraite méritée et saluée par la communauté internationale. Il a laissé à Abdou Diouf un héritage riche car ce dernier a trouvé en place des institutions solidement organisées, un legs républicain sans faille et une démocratie en chantier.
La gestion de Abdou Diouf n’est certes pas exempte de toute reproche mais lui aussi a tout au moins eu la sagesse de reconnaître la victoire de Abdoulaye Wade en mars 2000. Ce 19 mars de la même année, la chose la mieux partagée fut la fierté. Le Sénégal venait de gagner encore. L’espoir s’en est mêlé à l’euphorie. Dix ans après, la gestion de Wade ressemble plus à un cauchemar institutionnel qu’à un chaos constitutionnel. La République est en danger et cette jeune démocratie étouffée. Le Sénégal est aujourd’hui dans une situation ou chaque sortie du Président est une bombe destructrice. Que de bourdes et de maladresses ont été commises par «son» régime. Mais j’usqu’ici, personne n’avait jamais touché ce qui constitue le socle bâtisseur de la Nation. L’unité nationale pour le cas du Sénégal, c’est l’entente et la cohésion entre ethnies et confessions religieuses. Les appels au secours se multiplient consécutivement aux secousses provoquées par les écarts de langage du Président. Du jamais vu même dans les dictatures les plus féroces. Un chef d’Etat qui revendique publiquement son appartenance à un groupe social bien distingué qu’il met au dessus de tous les autres. Un Président tirant à boulets rouges sur des illustres hommes qui sont des repères et presque des divinités pour son peuple. Une pluie d’injures à l’encontre de religieux. Et j’en passe.
Tout ceci pouvait s’éviter si le Président parlait de moins en moins à défaut de préparer soigneusement ses copies avant de les larguer à tout va, à tout champ.
Depuis quelques temps Abdoulaye Wade heurte les Sénégalais au plus profond de leur dignité à travers ses sorties. Conséquence : celui qui devait être le gage d’une Nation solide apparaît comme un fantôme à craindre, vue la virulence de ses propos. Tout ceci n’est que le résultat d’errements de la République accompagnés d’une dose de sénilité d’un homme, mixte d’un abus de pouvoir. Chaque jour que Dieu fait, le Sénégal avance d’un pas vers la ligne rouge qu’aucun Etat ne souhaite franchir et chaque grain d’espoir suscité se transforme en un pion de désespoir.
Aujourd’hui, Abdoulaye Wade a au moins dix ans de plus que Senghor quand ce dernier quittait le pouvoir. Il annonce sa candidature pour 2012. Montesquieu avait aussi dit que le pouvoir rend fou, le pouvoir absolu rend absolument fou.
Moctar BA - Enseignant /Etudiant en sciences politiques