Le bien public, un trésor pour tous
Le bien public, un trésor pour tous
La perception du bien public chez certains citoyens est souvent ramenée au simple domaine exclusif de l’Etat. C’est ce qui justifie, d’ailleurs, chez eux, certaines attitudes peu orthodoxes qui font qu’ils n’ont jamais donné de l’importance au bien public ni même le prendre au sérieux. Leurs attitudes parfois délinquantes à l’endroit du bien public posent fondamentalement le problème du comportement civique et celui de la conscience citoyenne chez ces individus mais, au-delà, exhibent une certaine méconnaissance qu’ils ont du concept du bien public lui-même, en général, et de celui de l’Etat, en particulier. Voilà pourquoi, il nous semble nécessaire et opportun de revenir tour à tour sur ces deux concepts c'est-à-dire, le concept du bien public d’abord, ensuite celui de l’Etat. Il faut entendre par bien public, l’ensemble du patrimoine matériel ou immatériel varié et diversifié dont l’Etat est attributaire et comprenant, entre autres, les différents services administratifs, les deniers publics, les infrastructures routières, les infrastructures scolaires et universitaires, les infrastructures sanitaires, les installations publiques d’électrification, les espaces publics aménagés, les installations portuaires et aéroportuaires, les installations hydrauliques, le patrimoine culturel, le patrimoine historique, le foncier, l’immobilier, les ressources financières, les ressources minières, les ressources forestières, les ressources halieutiques…..
Il est fréquent d’entendre certaines personnes dire, surtout lorsqu’ils essaient de justifier leurs actes déviants et répréhensifs face à ce bien public, ‘…ça appartient à l’Etat…’ ou bien, on les entendra dire, quand ils gaspillent de l’électricité ou de l’eau dans un endroit public, lorsqu’ils ne s’en prennent pas à celui-ci, ‘… c’est l’Etat qui paie…’. On voit clairement à quel point ces citoyens peuvent se tromper quant à la signification qu’ils donnent à l’Etat. Dans sa définition la plus simple, l’Etat est un groupement humain vivant sur un territoire déterminé et sur lequel s’exerce une autorité ou institution politique souveraine, c'est-à-dire un gouvernement. On voit que l’un des trois éléments fondamentaux et constitutifs de l’Etat, à côté, bien entendu, du territoire et du gouvernement, c’est le groupement humain c'est-à-dire la population. Et quand on parle de la population, on parle, naturellement, de l’ensemble des habitants qui occupent l’espace territorial national. Par conséquent, ces citoyens font partie de ces habitants sans lesquels l’Etat n’existerait pas. Pour eux, en effet, le bien public est une propriété de l’Etat et n’appartient à personne d’autre. Ils ont toujours considéré l’Etat comme une sorte d’entité intangible qui ne se limite qu’aux simples tenants du pouvoir c'est-à-dire aux gouvernants.
En concevant ainsi le bien public, ces citoyens s’auto-excluent d’emblée d’une affaire dont ils sont eux-mêmes propriétaires. En réalité, ils ne savent pas que le bien public dont ils se distancient et dont ils ont une appréhension très erronée, les concerne directement. Ils ne savent, pas non plus, qu’ils sont des contribuables, c'est-à-dire des citoyens qui participent, de façon directe ou indirecte, par leurs efforts personnels, soit par le biais des impôts ou par celui des taxes à l’obtention, à l’exécution, à l’élaboration, à l’entretien et même à la préservation de cette œuvre ou de ce patrimoine commun appelé bien public. Ils doivent savoir que toute personne qui contribue à l’effort d’une œuvre commune, en est aussi un dépositaire légitime. Autrement dit, ils ne peuvent et ne doivent pas se départir de la chose publique parce qu’elle leur appartient et appartient aussi aux autres citoyens comme eux. C’est ce qui lui vaut l’appellation de bien public parce que collectif, c'est-à-dire qu’il appartient à tous. A ce titre, le contribuable doit se comporter de façon civique et responsable face au bien public et toujours s’efforcer, à chaque fois que nécessaire, de le protéger et le sauvegarder.
Malheureusement, la perception saugrenue que beaucoup de citoyens ont du bien public les amène, très souvent, à adopter des comportements tout à fait inciviques à l’endroit de celui-ci. Et ces comportements se traduisent, hélas, par des actes de vandalisme caractérisé que l’on constate et déplore régulièrement, surtout, dans les grands centres urbains du pays. Il n’est pas rare de voir des citoyens en colère contre une quelconque autorité étatique, de sortir dans la rue, de barricader et d’obstruer les voies publiques pour s’attaquer à des biens, vandalisant tout ce qu’ils trouvent sur leur passage. Ils crient souvent leur ras-le-bol en déversant partout la violence et en semant le désordre total.
Dans un Etat comme le nôtre, nous pensons que rien ne peut justifier de telles pratiques iconoclastes qui sont non seulement prohibées par l’éthique, mais aussi par la loi. Si les citoyens ont le droit de revendiquer leurs prérogatives, conformément à la Constitution de la République, notamment en son article 10 qui dispose clairement que ‘Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ses droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public’, ils n’ont pas, en revanche, le droit de s’en prendre au bien public. Lorsqu’ils perpètrent des actes de violence, ils enfreignent ainsi la disposition précitée et portent de graves atteintes à l’ordre public. Ce qui est, évidemment, proscrit et est sévèrement puni par la loi dans toute sa rigueur. Tout citoyen qui s’attaque au bien public, s’attaque à sa propre personne et à celle d’autrui. De la même manière, quand un individu, en pleine voie publique, arrache une ampoule ou des fils électriques d’un lampadaire, cet individu arrache quelque chose à lui-même, aux autres citoyens et au pays tout entier. Un étudiant protestataire et furieux qui se saisit d’une pierre et lapide une infrastructure publique parce qu’il n’a pas reçu sa bourse d’études à temps, détruit son propre patrimoine qu’il était censé défendre et protéger. Ce pauvre étudiant ignore qu’il est un contribuable, à part entière, au même titre que les autres, même s’il est encore sous tutelle parentale c'est-à-dire, sous la responsabilité de ses parents qui, d’ailleurs, lui paient sa part d’impôt.
Le bien public est sacré. Quiconque s’y attaque, le saccage, le pille, le spolie, l’usurpe, le vole, le dérobe ou le détourne, a l’obligation de rendre compte et de répondre pleinement de ses actes devant la loi. On peut revendiquer ses droits à n’importe quelle autorité étatique et à n’importe quel moment sans causer des troubles à l’ordre public ni même saccager des biens appartenant à l’Etat. Lorsque des citoyens s’en prennent aux biens publics, cela engendre souvent des dégâts et des pertes énormes dont la valeur estimée en argent dépasse, parfois, et de très loin d’ailleurs, la valeur de ce qu’ils revendiquent. Et ces pertes et dégâts inestimables causés par ces mains vandales sont souvent réparés aux frais du contribuable, lesquels frais auraient pu servir à ouvrir des postes de santé fonctionnels dans certaines bourgades enclavées et déshéritées du pays pour lutter contre la mortalité maternelle et infantile et d’autres maladies chroniques qui continuent à faire des victimes. Nous ne pouvons pas prétendre aimer notre pays et vouloir le construire en détruisant le peu de biens que l’Etat a pu réaliser avec une économie nationale exsangue qui est encore sous perfusion d’une dette explosive contractée auprès des donateurs internationaux qui ne nous octroient jamais rien pour rien. Revendiquer est un droit mais détruire est un délit. Nous devons trouver d’autres formes appropriées de revendiquer nos droits, des formes pacifiques, non violentes que nous indique, pourtant, notre loi fondamentale.
Il faut reconnaître, en toute honnêteté que, quelque part, les autorités publiques ont toujours eu une grande part de responsabilité lorsque le bien public est saccagé suite à des manifestations. Si les citoyens, en tant que contribuables, ont le droit de faire des réclamations comme le prévoit la loi, pour la prise en charge de leurs préoccupations, les autorités publiques, à leur tour, ont l’obligation et le devoir de les écouter afin d’apporter des solutions appropriées à leurs revendications. On voit que ce n’est souvent pas le cas. Il arrive, et cela est récurrent, que des citoyens posent leurs revendications en bonne et due forme sans trouver aucune autorité en face qui veuille leur répondre. C’est ce qui est souvent perçu par les plaignants comme un manque de respect et de considération à leur endroit. Il faut savoir que si la violence s’exprime et se déverse dans la rue emportant des biens, c’est parce que les citoyens n’ont jamais été écoutés au moment où ils le veulent.
Et quand les citoyens ne sont pas écoutés, ils se sentent méprisés et même blessés dans leur amour-propre. Il est évident qu’au-delà des revendications posées, se pose aussi la question de l’honneur et de la dignité des citoyens. Or, on sait que lorsqu’une personne est touchée dans son amour-propre, elle peut être amenée à faire tout ce qu’elle peut pour sauver son honneur et sa dignité à tout prix. Et c’est, précisément, cela qui pousse les uns et les autres à se révolter pour se faire entendre, surtout lorsqu’ils estiment avoir épuisé toutes les autres voies de recours. Un citoyen à qui l’on ne prête aucune attention, peut devenir un individu potentiellement dangereux, violent voire agressif, parce que courroucé et laissé à lui-même. L’absence d’écoute, de dialogue et de concertation, entre les autorités publiques et les citoyens, a toujours été à l’origine de beaucoup de malentendus et de conflits qui se traduisent, généralement, par des manifestations, des marches ou des grèves violentes au cours desquelles le bien public est saccagé.
Pour prévenir et même éviter les casses, les saccages, les pillages des biens de l’Etat suite à des protestations et autres manifestations violentes, les pouvoirs publics doivent toujours prêter une oreille attentive et trouver des réponses immédiates aux revendications des citoyens qui doivent être perçues comme un réel signal de l’expression d’une demande sociale de plus en plus pesante et pressante. Le bien public est un trésor pour tous, dont l’entretien, la préservation et la protection incombent aussi bien aux contribuables qu’aux pouvoirs publics eux-mêmes.
M. Babou DIATTA, Professeur de Portugais, Au lycée Malick Sy de Thiès, Consultant à l’Université de Thiès/Ufr Ses Département de Langues Etrangères Appliquées (Lea) E-mail : thelougoumba@hotmail.com
De l’ingérence de la France et des Etats-Unis
Après les déclarations des représentants du Département d’Etat des Etats-Unis et celle de M. Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères, on a vu M. Serigne Mbacké Ndiaye, le porte-parole du président Wade, et Me Madické Niang, ministre des Affaires étrangères, se relayer pour fustiger l’ingérence de la France et des Etats-Unis dans le processus électoral au Sénégal et en appeler au ‘patriotisme’ des leaders de l’opposition pour condamner cette ingérence. Me Madické Niang ajoutera même que le Sénégal est un ‘pays souverain’ qui n’acceptera ‘aucun diktat’.
Une servilité à toute épreuve à l’égard de l’Occident
On peut penser que ces déclarations traduisent la grande amertume que leur patron, le président Wade, a dû ressentir. Voilà un homme, ‘complexé de la tête aux pieds’ comme aime à le dire Amath Dansokho, l’un des hommes politiques sénégalais qui le connaît le mieux, dont tous les faits et gestes, tout le comportement, toutes les déclarations et prises de positions visent à plaire aux dirigeants occidentaux, surtout Obama et Sarkozy.
Tous les prétextes sont bons pour soutenir leurs politiques en Afrique et ailleurs dans le monde, même au détriment des intérêts fondamentaux du Sénégal. En témoignent la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, la position ambiguë du Sénégal sur l’admission de la Palestine à l’Onu, le soutien inconditionnel à Sarkozy dans sa guerre contre le régime de Gbagbo en Côte d’Ivoire. Le cap dans la servilité de Wade sera franchi avec la trahison de Kadhafi et la position de l’Union africaine sur l’agression impérialiste de l’Otan contre la Libye.
Pendant que l’Afrique cherchait à arrêter cette agression, Wade, lui, préféra se mettre au service de celle-ci et trahir Kadhafi dont il fut l’un des courtisans les plus zélés. Le monde se souvient de son voyage à Benghazi pour aller soutenir les ‘rebelles’ libyens alors que l’Otan était en train de détruire la Libye et cherchait à assassiner Kadhafi et sa famille. Le voyage de Benghazi avait été préparé à partir de Paris et Wade et son fils avaient été accompagnés par des avions de combat français. Il est le seul chef d’Etat qui se soit rendu en Libye avant la fin de la guerre !
Allant toujours plus loin dans la servilité à l’égard de ses ‘amis’ occidentaux, Wade avait dit, lors d’un déplacement à Paris, que, contrairement aux autres chefs d’Etat africains, il était pour ‘le droit d’ingérence’ contre les ‘dictateurs’ qui répriment leurs peuples. Tant qu’il s’agissait des autres, tout va bien. Mais voilà que ce ‘droit d’ingérence’ lui tombe sur la tête comme une massue. Comme les autres dictateurs, il est en train de réprimer son peuple qui lui demande tout simplement de respecter la Constitution. Il a déjà sur la conscience la mort de 6 personnes et plusieurs dizaines de blessés. Malgré tout cela, il croyait avoir droit à un traitement ‘spécial’ vu sa carrière de larbin au service de l’Occident. C’est pourquoi Abdoulaye Wade doit certainement ressentir les injonctions de la France et des Etats-Unis comme une véritable ‘trahison’.
Les seuls ‘amis’ de l’impérialisme sont ceux qui servent ses intérêts
Ainsi donc, le président Wade apprend-il, à ses dépens, que l’impérialisme n’a pas d’’amis’, surtout dans les pays dominés. Aussi longtemps qu’il pouvait servir les intérêts géostratégiques, économiques et politiques de la France et des Etats-Unis, il avait droit aux sourires convenus et pouvait prétendre être leur ‘ami’. Mais aujourd’hui qu’il est vomi par la majorité de son peuple, que son régime est à bout de souffle, il ne peut plus leur être utile. C’est pourquoi ils lui montrent la porte dans le but de sauver leurs intérêts au Sénégal et dans la sous-région.
Les Sénégalais ne sont pas dupes et savent bien que les déclarations des Etats-Unis et de la France, demandant le départ de Wade, n’ont rien à voir avec la défense de la démocratie ou des droits de l’homme. Ce qu’ils craignent, c’est la déstabilisation de la sous-région consécutive à de troubles graves qui pourraient se produire au Sénégal suite à l’entêtement de Wade. Une telle déstabilisation pourrait nuire à leurs intérêts. C’est pourquoi ils pensent que la ‘stabilité’ passe par le départ de Wade. Or dans leur jargon, ‘stabilité’ veut tout simplement dire rester dans le giron de l’impérialisme occidental et continuer à servir ses plans géostratégiques.
Comme on le voit, ni au Sénégal ni en Côte d’Ivoire, ni en Libye ni en Egypte, les interventions des Etats-Unis et de la France, tout comme celles des autres pays occidentaux, n’ont été motivées par les ‘droits de l’homme’ ou la ‘démocratie’. L’impérialisme est un système tyrannique et cynique qui n’hésite pas à semer la terreur et la mort partout pour atteindre ses objectifs. Il n’utilise le langage des droits de l’homme et de la démocratie que comme instrument de propagande au service de sa stratégie de domination et de contrôle des ressources de la planète.
Un régime aux abois
Les gesticulations ridicules des porte-parole de Wade traduisent le profond désarroi d’un régime et d’un homme lâché par ses principaux parrains occidentaux. Il avait nourri l’illusion qu’il pouvait obtenir leur soutien ou du moins leur ‘compréhension’ dans son ambition insensée de placer son fils à la tête du Sénégal. C’est l’échec de ce plan qui l’a amené à vouloir violer la Constitution en briguant un troisième mandat. Il croyait pouvoir compter sur Sarkozy et Obama pour faire accepter cette violation et organiser un coup d’Etat électoral pour se maintenir au pouvoir contre la volonté du peuple sénégalais.
Un journal sénégalais a dit récemment que le voyage de Benghazi et la trahison de Kadhafi avaient pour contrepartie un tel soutien. Apparemment, il a été floué par ses parrains qui ne veulent plus s’encombrer d’un président et d’un régime au bout du rouleau. Lâché par ses parrains et vomi par la majorité du peuple sénégalais, le président Wade doit se rendre à l’évidence : son régime est fini, bien fini, quoi qu’il arrive, quoi qu’il fasse.
Demba Moussa DEMBELE
Dilemme fatal de candidature au sein du M23
Le combat du M23 est fondamentalement celui de la légalité. Les membres de cette coalition tacite, née d’un soulèvement du peuple contre un projet infâme et anticonstitutionnel du pouvoir, qu’ils soient candidats à la présidentielle ou non, assument leur attachement immuable à la légalité, à moins d’y avoir adhéré par pur opportunisme.Cependant, après la décision nulle et inacceptable du Conseil constitutionnel, les conditions de légalité d’une élection présidentielle ne se retrouvent toujours pas dans le processus des élections du 26 février. Rien n’a donc changé de ce point de vue.Que dire donc de ceux qui se réclament de la légalité par leur appartenance au M23, tout en posant des actes d’illégalité en participant à des joutes électorales anticonstitutionnelles, par eux-mêmes tant décriées ?
Je voudrais comprendre comment un tel reniement de ses propres principes pourrait-il servir tactiquement une stratégie dont la finalité est de gagner la confiance du peuple ?Comment ceux dont la candidature a été curieusement invalidée, devraient-ils apprécier de telles acrobaties fantasmatiques ? Face à de tels comportements, le sens de la responsabilité nous commande, au sein du M23, de nous réunir autour de la problématique de la participation à des élections auprès de Wade. Une occasion d’interroger sans complaisance nos motivations afin de dégager une position consensuelle, alignée aux principes et convictions que nous revendiquons.
De toute façon, il n’échappe à personne que l’on s’achemine vers une parodie macabre d’élection, qui fera de Wade un vainqueur au premier tour. Il faudrait être naïf pour croire que la finalité de la décision hérétique du Conseil constitutionnel n’est que la participation de Wade aux élections, sans aucune garantie de résultat à lui favorable. Sachant cela, lui donner caution en participant avec lui aux élections ne peut être motivé que par des intérêts qui n’auraient rien à voir avec la solidarité avec le peuple, déterminé à barrer la voie à l’illégalité consistant en un troisième mandat.
Que le peuple fasse de l’invalidation de sa candidature illégale une priorité est la preuve, s’il en était besoin, qu’il a mûri et exige que ses valeurs culturelles soient restaurées au niveau des instances qui le gouvernent. Il se bat pour une rupture avec l’opportunisme, le mensonge, le parjure, la corruption, le népotisme et l’arrogance. Il se construit et pas seulement à travers ses infrastructures matérielles, mais surtout au regard de sa conscience citoyenne. Il est prêt à en payer le prix comme tous les peuples plus avancés ont eu à le faire, face à des machines répressives plus sophistiquées et brutales. Il y va de l’espoir de toute sa jeunesse qui rêve de changements salutaires, face à l’obstruction d’un mur de népotisme et de corruption au sommet de l’Etat. En douze ans, le citoyen qui a eu le plus de promotion de toute l’histoire de la nation n’est invraisemblablement autre que le jeune fils du président. De toute l’histoire du Sénégal, aucun ministre n’a jamais eu à concentrer entre ses mains autant de ministères à la fois que lui. L’on comprend aisément, avec tant de partis pris paternels, que les candidatures de jeunes citoyens émérites tels que Kéba Keinde, Abdourahmane Sarr et Youssou Ndour dérangent au point d’être arbitrairement écartées.Tout cela est contraire à la tradition sénégalaise de gouvernance et le peuple dégouté, veut se débarrasser pour de bon de telles pratiques et de ses protagonistes.
Attention aux pièges des tactiques hasardeuses !
Il ne faut pas se méprendre sur les rapports évolutifs entre le pouvoir et le peuple. En l’occurrence avant le 23 juin c’est Wade qui s’obstinait à mettre en œuvre sa stratégie monarchiste du pouvoir et le peuple guidé par ses leaders lui résistait. Le 23 juin, face à la tentative de réaliser son premier objectif, le peuple a engagé la bataille et obtenu une victoire qui, implicitement, lui exprimait une injonction tacite de ne pas ambitionner un troisième mandat. Depuis ce jour, ce n’est plus nous, le peuple, qui sommes en résistance, c’est Wade qui l’est. C’est à lui que le peuple souverain a dénié la légitimité d’un mandat de plus que sied le terme de résistant, pas au peuple qui détient la légitimité et la légalité. Sémantiquement, la différence est d’importance surtout pour ceux qui développent des tactiques. Il est du côté de la délinquance et de l’immoral, là où tout autre candidat de rupture doit se garder de le rejoindre.
Que l’on ne nous oppose pas l’autorité du Conseil constitutionnel en la matière, comme un fait accompli qui clôt tout espoir de vaincre les velléités du président sortant à se représenter. Nous nous trouvons malheureusement dans le même cas de figure que la Côte d’ivoire, où l’on a vu un même président de conseil constitutionnel consacrer, au gré des circonstances, deux présidents qui prétendaient chacun être vainqueur des élections.Si, après avoir vu cela, Wade résiste encore, c’est justement parce qu’il trouve sa motivation dans l’intime conviction que les Sénégalais ne braveront pas ses forces répressives longtemps, que la propagande du pacifisme par des religieux et autres laudateurs à sa solde aura raison de leur pugnacité, que l’ambition voilée de quelques leaders de l’opposition finira par créer une fissure dans le bloc coalisé contre ses prétentions.
Fort de ces convictions, il est indifférent au bilan funèbre qui s’alourdit à mesure qu’il persiste. Il n’est, en cela, point différent du défunt Kadhafi, à qui il était allé prescrire de quitter le pouvoir parce que son peuple ne voulait plus de lui. Aujourd’hui, le Sénégal ne veut plus de lui et surtout pas d’élection où il serait candidat. C’est une question de principe.L’impératif d’une rupture avec le mal gouvernance et la nécessité d’affirmer des valeurs positives exigent de notre nation qu’elle n’autorise personne, a fortiori le premier magistrat du pays, à prévariquer dans ses fonctions et ainsi universaliser un précédent ignominieux. Nous ne devons tolérer qu’une mesquine jurisprudence constitutionnelle échoie dans notre juridiction, pour la sauvegarde d’une paix stable. Restons vigilant et ferme sur notre volonté à ne laisser à Wade quelque possibilité que ça soit de faire prospérer cette forfaiture. Notre pays mérite mieux que ça, il a pour tradition de s’illustrer par des qualités extraordinaires et non médiocres.
Ibe NIANG ARDO, Président du Mouvement citoyen Jog.ci/Civic Email : ibeniang @gmail.com
Quand Cheikh Bamba Dièye propose le report du scrutin…
Le Sénégal a bouclé hier, lundi 13 février le 8éme jour de la campagne électorale pour une présidentielle qui semble être la plus disputée de son histoire. Les 14 candidats en lice se démènent comme ils peuvent pour avoir la faveur des électeurs le 26 février prochain.
A ce jour, ils ne semblent pas avoir encore réussi à emballer cependant l’électorat. Ni les propos, ni les promesses n’ont pas l’air d’apâter les populations en mal d’emplois, de sécurité, d’éducation et de quoi se mettre dans le ventre, par conséquent d’apaiser leur anxiété. Parfois, certains parmi ces candidats sont si imprudents au point de faire les mêmes promesses tenues en 2007 par le président encore en exercice. Lesquelles ne sont toujours pas concrétisées.
D’autres sont si impertinents que l’homme de la rue les accuse de raconter des balivernes si ce ne sont des billevesées, des sornettes quoi ! Panne d’inspiration ou un manque de préparation ? Ils doivent certainement applaudir tous, à la proposition de Cheikh Bamba Dièye qui demande l’arrêt de la campagne électorale et invite ses pairs et le pays tout entier à permettre à Gorgui de continuer jusqu’à terme, le 3 avril prochain, son mandat pour céder le fauteuil au président du Sénat qui, à son tour, va assurer l’intérim et organiser dans les 90 jours au plus tard une nouvelle présidentielle à laquelle, lui ne participera pas.
Si le vœu du député maire de Saint Louis, lui-même candidat se concrétisait, ce serait un fait inédit même si la proposition emporte déjà l’adhésion de tous ceux qui ne sont pas encore convaincus par la campagne actuelle.
Cheikh Bamba Dièye aborde parfois des thèmes fédérateurs et s’intéresse le plus souvent aux préoccupations de beaucoup de Sénégalais. C’est le cas quand il parle de la dilapidation du foncier par le régime en place, de la question de la solidité des institutions et/ou de l’égalité de tous les citoyens devant la loi. Toutes sortes de préoccupations remises récemment au goût de l’actualité par le drame qui a eu lieu à Fanaye dans le département de Podor, la cascade de changements constitutionnels enregistrés ces dix dernières années ainsi que la politique de deux poids deux mesures dans le traitement déséquilibré souvent des justiciables dans une même affaire.
En somme des sujets qui intéressent plusieurs de ses compatriotes. Mais est-ce vraiment le cas avec sa proposition d’arrêter la campagne électorale actuelle d’offrir l’intérim présidentiel à Papa Diop, le président du Sénat et de reculer ainsi le scrutin présidentiel ?
Neuf questions pour l’après Wade
Abdoulaye Wade avait été élu en 2000 sur la promesse de changer le Sénégal et beaucoup avaient espéré qu’il ne s’agirait pas seulement d’un jeu de chaises musicales, que le changement aurait aussi une valeur spirituelle, qu’il serait une révolution qualitative et ferait émerger un Sénégalais nouveau. Hélas, douze ans plus tard, Wade a certes construit des routes, des ponts et des monuments, mais il n’a aboli aucun de nos travers et a même conforté certains de nos défauts ou de nos illusions. Il n’a pas créé un Sénégalais nouveau, il a avachi les Sénégalais en les installant dans la division, le goût du lucre, l’esbroufe et le désarroi. Il a même porté un rude coup à notre table des valeurs, à nos fondements les plus sacrés, en reniant sa parole et ce principe ancré dans notre culture selon lequel la parole d’un homme libre est comme de l’eau : quand elle est jetée elle ne se ramasse plus !Par sa faute les jeunes sénégalais ne croiront plus peut-être à la parole humaine, écrite ou parlée, et c’est comme si le monde s’effondrait sous leurs pieds…
Le Sopi n’a donc pas été réalisé, mais il s’impose plus que jamais et ceux qui hériteront de cette, alternance ratée auront à poser les bases d’une véritable révolution des mentalités. Sauront-ils, pour nous changer, nous tenir le langage de la vérité et avoir le courage et l’abnégation de préférer l’intérêt national à leur survie politique? Sauront-ils façonner un Sénégalais éloigné de l’idée que beaucoup se font de nous aujourd’hui : des hommes à la parole facile, « la bouche sucrée », arrogants, mais qui manquent de rigueur et de conviction? S’ils ne veulent pas être des politiciens fongibles, interchangeables, il leur faudra d’abord répondre aux questions suivantes.
1. Pourquoi nos politiques, nos « communicateurs », et plus généralement la partie visible et audible de notre société, ont-ils subitement érigé en vertu cardinale, en symbole culturel de l’homo-senegalensis, ce qu’ils appellent le « massala » et qui, souvent, tient plus du compromis, plus ou moins boiteux, voire de la magouille politique, que de la prouesse diplomatique? Le « massala » à la sauce sénégalaise n’est pas fondé sur l’aveu ou la reconnaissance de la vérité mais sur son omission consensuelle, sur une connivence sociale rassurante mais factice. Tous les Sénégalais sont devenus ainsi des médiateurs en puissance et l’on a vu le Premier Ministre et même le Président de la République, revêtus de « ngimbs » virtuels, s’échiner à réconcilier des lutteurs, comme si le sort du pays se jouait dans l’arène, ou le ministre des affaires étrangères user ses talents de diplomate pour arrêter le pugilat verbal opposant deux parlementaires! Toutes ces bonnes volontés semblent oublier que si, comme le dit l’adage, un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès, seuls durent les arrangements fondés sur la reconnaissance de la vérité. Ce n’est pas un hasard si la conférence instituée par Nelson Mandela pour éviter la déségrégation de l’Afrique du Sud et toutes celles qui se sont inspirées de ce modèle, portent en exergue le mot « VERITE » à côté de termes comme dialogue ou réconciliation. Si Benno Siggil Sénégal a fini en fiasco, c’est parce qu’il a préféré les conciliabules longs et vaseux aux explications directes et franches. Nos déboires avec nos voisins, et notamment avec la Gambie et la Mauritanie, viennent de ce constat qu’en cinquante ans d’indépendance, nous n’avons jamais su tisser avec eux un dialogue fondé sur la réciprocité en matière de relations internationales. Le « massala » sénégalais est envahissant parce qu’il est à la fois un comportement individuel, une option politique et une culture d’état.
2. Pourquoi nous, Sénégalais, croyons-nous que notre pays est, seul au monde, béni des dieux, qu’il échappe à tous les désastres et catastrophes, aux violences populaires, au motif que des êtres d’exception, voire des saints, sont nés sur son territoire ? S’il en était ainsi le Hedjaz n’aurait pas connu les attentats de La Mecque, la Palestine, terre sainte des trois religions révélées, n’aurait pas été en guerre depuis soixante ans, et nous-mêmes n’aurions pas subi l’accident le plus meurtrier de l’histoire maritime. Aucun pays n’est en vérité immunisé contre la violence et ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire pendant des années, ce qui s’est passé récemment au Mali, pourraient bien survenir au Sénégal parce qu’en matière de paix et de sécurité rien n’est jamais acquis de façon définitive, que la paix se cultive, qu’elle ne peut être garantie sans la tolérance et la justice. La morne France de mars 1968 n’avait pas vu venir les troubles de mai, la paisible et paradisiaque Tunisie n’a pas échappé à la Révolution de Jasmin et en 1989 on a vu de quelles violences était capable le Sénégalais ordinaire.
3. Pourquoi nous obstinons-nous à afficher cette autre prétention selon laquelle nous serions, en Afrique, la référence absolue en démocratie et qu’en matière d’expression par le suffrage universel nous aurions pratiquement un siècle d’avance sur nos voisins? Nous convoquons l’histoire, notre prétendue participation aux Etats Généraux de 1789, l’élection d’un « député du Sénégal » au parlement français dès 1848, sans préciser que les cahiers de doléances des « Habitants de Saint-Louis » étaient l’œuvre d’un marchand négrier et que pendant cinquante ans les députés du Sénégal étaient des « députés absents » au service des maisons de commerce bordelaises. De toutes façons, même si elle a été plus ancienne qu’ailleurs, l’histoire électorale du Sénégal n’a jamais échappé ni aux fraudes ou aux manipulations, ni aux violences physiques, voire aux guets-apens. A quoi d’ailleurs nous a servi cette avance puisqu’en cinquante ans d’indépendance une seule de nos élections a été reconnue transparente par toutes les parties en cause, que nous avons été parmi les derniers à accepter l’usage d’isoloirs dans les bureaux de vote et, que pour l’élection présidentielle de 2012,Wade et son parti ont récusé le bulletin unique que la RDC, qui compte 60 millions d’habitants et ne vote que depuis dix ans à peine, a accepté sans difficultés ?
4. Pourquoi, cinquante ans après notre indépendance, gardons –nous encore une conception coloniale des rapports entre le pouvoir et le citoyen ? Pour nous le Président de la République, même élu au suffrage universel, reste « Buur », le roi, et, à ce titre, il peut disposer à loisir des ressources du pays, donc de nos impôts, et jamais un chef d’état sénégalais n’a autant que Wade usé et abusé de ces prérogatives. Pire, son fils, ses ministres, les chefs de service, qui tous, à notre connaissance ne disposent pas de fonds secrets, se livrent à la même gabegie, avec le même manque de discernement. Les dégâts faits par l’argent de Wade dans nos consciences seront-ils jamais réparables ? Le paradoxe c’est que la plupart des Sénégalais ne sont même pas choqués qu’il comble d’argent public un fonctionnaire international qui gagne plusieurs millions par mois, qu’il enrichisse les agents privilégiés de l’état, qu’il remplisse les poches de visiteurs plus obséquieux que nécessiteux. Ce qu’ils regrettent c’est que leur tour tarde à venir. Beaucoup louent même sa générosité, alors que donner ce qui ne vous appartient pas s’apparente plutôt à un vol ; quand les bénéficiaires sont exclusivement de votre clan c’est de la concussion ; quand on prend aux plus pauvres pour donner aux nantis et aux oisifs, c’est tout simplement un crime !
5. Pourquoi avons-nous autant de mépris pour le silence et le recueillement et accompagnons-nous toutes nos activités de bruits et de clameurs, les plus gaies comme les tristes, les profanes comme les religieuses ? Quel droit peuvent opposer le voisin, le malade, le vieillard, le nourrisson, soucieux de quiétude, aux décibels qui se déversent de tous les lieux pour célébrer les mariages, les baptêmes, les décès, les invocations religieuses, avec souvent le même ton et la même outrance ? Quel besoin a-t-on d’appeler les fidèles, par haut parleur, à 4h30 du matin, quand la prière n’a lieu qu’à 5h40, d’user du même instrument pour psalmodier des cantiques, surérogatoires, devant dix personnes quand celles qui sont hors de la mosquée ne peuvent ni vous suivre ni en profiter ? Dieu n’écoute –t-il donc pas les cœurs et n’entend-il que les cris ?
6. Pourquoi sommes nous le seul pays sur la planète à fêter à la fois et à considérer comme jours fériés toutes les dates remarquables des calendriers musulman et chrétien, ce qui, ajouté aux fêtes républicaines et autres innovations conjoncturelles, fait de notre pays l’un de ceux où l’on travaille le moins au monde ?N‘est-il pas paradoxal que les Sénégalais chôment le jour de l’Ascension, qui n’est férié ni en Italie ni en Espagne, pays catholiques s’il en est, ou l’Assomption qui est un jour de travail dans tous les pays scandinaves. ? Tout comme la justice, la vérité aussi s’impose à tous et c’est faire mauvais usage du « massala »que de se soustraire à ce nécessaire équilibre qui permettrait de donner à chacun la part qui lui revient, toute la part, rien que la part.
7. Pourquoi la religion est de plus en plus ce qui divise les Sénégalais et non ce qui les unit, même quand ils professent la même foi ? Les musulmans sénégalais ont de plus en plus tendance à mettre les confréries au-dessus des écoles juridiques, les initiatives de leurs guides au-dessus des enseignements du Prophète et de la parole de Dieu. Celui qui conteste cette vision des choses est désormais menacé de mort et en l’espace de quelques mois on a assisté au saccage de plusieurs mosquées par d’autres musulmans , des journalistes, enseignants, chroniqueurs ou hommes politiques n’ont échappé au vandalisme et au lynchage que grâce à la vigilance de certains chefs religieux avisés .Après la menace qui pèse sur la laïcité, ces querelles de clocher seraient-elles l’amorce d’une véritable guerre religieuse ?Ce serait un désastre car les guerres intestines ont toujours été fatales.
8. Le Sénégal, si pauvre en ressources naturelles, peut-il aspirer à devenir un pays émergent, riche et prospère, si nous continuons à cultiver ces deux tares du sous-développement : le gaspillage et l’indiscipline ? Le gaspillage est peut-être plus ruineux que la corruption parce qu’il ne profite à personne et nous en donnons l’illustration en faisant ripaille pendant quelques jours tandis que la disette règne le reste de l’année, en distribuant dans les « xewaare »des sommes qui auraient permis à d’autres de vivre dans la dignité. Les Nations-Unies estiment aujourd’hui que 800 000 sénégalais sont menacés de famine dans cinq régions, et pourtant il y a quelques semaines on jetait à la poubelle des reliefs de plantureux festins. Quant à l’indiscipline, le jour où nous nous aurons appris à faire la queue devant les guichets, à céder la voie à ceux qui ont priorité sur nous, à libérer les trottoirs au seul profit des piétons, nous aurons fait un grand pas vers le développement. N’oublions pas enfin que c’est notre indiscipline qui a été à l’origine de ce qui est désormais considéré comme la plus grande catastrophe maritime en temps de paix : le naufrage du Joola !
9.Comment être une nation unie, forte et solidaire, et certains diront que c’est une obsession chez moi, si nous ne fondons pas la gestion des affaires publiques sur le respect des différences et sur la reconnaissance des mêmes droits à tous les citoyens ?Le Président de la République, symbole de l’unité nationale ,a été le premier à violer ce principe et à faire une distinction entre ses concitoyens en affirmant qu’il mettait une communauté au-dessus des autres, au motif qu’il lui devrait son élection. C’est à la fois une injustice et une faute : imagine-t-on Mandela, lors de sa première élection à la tête de l’Afrique du Sud, proclamer que la communauté blanche comptait peu à ses yeux parce qu’elle n’avait pas voté pour lui ! Mais le parti pris de Wade n’est que le reflet d’une politique d’état : nous avons encore beaucoup à faire pour garantir à tous les citoyens les mêmes droits à l’information, le même accès aux médias publics, le respect de leurs cultures, la reconnaissance de leurs particularismes. De toute évidence, pour certains, le temps où un chrétien pouvait être élu à la tête du Sénégal est révolu…
Ces questions ne sont probablement pas celles auxquelles les programmes de campagne des candidats à l’élection présidentielle tenteront de donner une réponse, peut-être parce qu’elles se prêtent peu à la comptabilité et à la mise en scène .Nous pouvons certes continuer à vivre en les ignorant, mais c’est une illusion de croire qu’on « peut arriver au but sans faire le chemin ».La route vers le développement et la paix sociale passe par ces serpents de mer : si nous ne répondons pas aujourd’hui à ces questions, nous pourrions demain mettre en péril notre cadre de vie, voire notre identité et, à terme, notre propre existence…
Fadel Dia
Appel à tous les patriotes africains contre le coup d’Etat constitutionnel de Wade !
Le Conseil constitutionnel sénégalais vient, le 27 janvier 2012 de considérer la candidature de Wade à l’élection présidentielle du Sénégal comme valide. Cette validation a été confirmée dans la nuit du 29 au 30 janvier par le rejet de tous les recours contre cette candidature illégale, illégitime, immorale. Il s’agit-là d’une décision inique et indigne d’une institution dont le rôle est de protéger la démocratie et les libertés publiques. Tous les Africains qui ont combattu les coups de force référendaire et constitutionnel de Tanja et de Gbagbo se retrouvent dans le combat auquel le peuple sénégalais doit faire face cette fois-ci.
Il faut rappeler que le Président Wade, 86 ans officiellement, après deux mandats, soit 12 ans à la tête de l’Etat souhaite briguer un troisième mandat de 7 ans (devant expirer quand il aura 93 ans !) alors que la Constitution de 2001 qu’il a lui-même fait voter (modifiée plus de 17 fois en 11 ans) limite les mandats à deux. Au-delà de la forfaiture juridique, c’est une dérive politique de plus, un naufrage moral pour un homme qui pourtant, un temps, a été le porte-voix des espoirs de la jeunesse sénégalaise. Le débat s’est déplacé sur le terrain politique bien avant cette décision que l’histoire rangera sans doute dans les poubelles bien remplies du droit constitutionnel africain. Cette situation, sans être une surprise, nous frappe en pleine figure et nous éjecte à jamais de notre fantasmagorique «exception» sénégalaise dans un océan de malheurs africains. Longtemps, trop longtemps, ce pays a cru être le seul peuple béni, voire «élu» du fait de la présence de «Saints», oubliant que «Dieu n’aime pas plus le Sénégal que le Rwanda ou l’Irak» (Emmanuel Ndiaye). Donc le pire peut arriver (le décompte a déjà commencé) même si aucune personne censée ne le souhaite. Certains, sous prétexte de vouloir la «paix» veulent engager le Sénégal dans la voie de la résignation contre cette forfaiture. D’autres, espérant tirer profit de cette situation de précampagne, veulent que nous passions par pertes et profits ce viol constitutionnel et éthique. Et nombreux parmi ceux qui émettent l’idée de paix sont disqualifiés par leur silence, leur attitude morale vis-à-vis de ce régime moribond - révélateur de tares de la société sénégalaise -. Qui cherche la guerre entre ceux qui manifestent pacifiquement contre une décision inique ou ceux qui ont tordu les règles pour leur dessein personnel et familial et qui mettent les policiers contre leur peuple qui a envie d’être débout ? Un minimum de justice est une condition sine qua non pour une véritable paix. La paix ce n’est pas le calme plat ni l’absence de tensions. La véritable paix a un prix, elle est une dynamique et elle se prépare avec une colonne vertébrale de principes.
Par cette crise qui est la marque des régimes finissant, Wade offre aux Sénégalais une opportunité historique de refonder une société démocratique nouvelle et durable. Pour ce faire, le peuple sénégalais tout entier doit se lever comme un seul être et faire front à ce hold-up constitutionnel, qui prépare un coup d’Etat électoral, prélude à la dévolution monarchique du pouvoir au rejeton Wade. Le Sénégal sera-t-il en mesure de relever ce défi qui ne peut que le grandir ? Les propos de l’avocat sénégalais Mbaye Dieng, il y a près de 20 ans, soulignant que «chaque peuple supportera son sort aussi longtemps qu’il ne pourra y mettre fin», sont d’une terrible actualité. J’ose espérer que le Sénégal, en particulier sa jeunesse, saura être à la hauteur des enjeux car «il est (…) des circonstances où le respect de soi exige de prendre le risque de ne pas survivre (…) pour être digne de vivre» (J. Attali). Dans ce combat dont l’issue incertaine peut être grave pour notre sous-région, le Sénégal a besoin de tous les Africains, du contient comme de la diaspora afin de pouvoir terrasser l’hideux monstre anti-démocratique qu’est devenu Abdoulaye Wade. C’est cette Afrique nouvelle que tous les patriotes s’engagent à construire ensemble.
• Momar MBENGUE - Bamako