Le ridicule ne tue plus
Lettre ouverte des diplômés sans emploi au président de la République
‘Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font du mal mais plutôt par ceux qui les laissent faire sans pour autant réagir’ (Jean Paul Sartre)
Face à une cécité qu’ils se sont volontairement créés, nos gouvernants, depuis les indépendances, ont toujours ignoré royalement le sort des diplômés sans emplois du Sénégal. En effet, dominés par l’insouciance, ils n’ont jamais essayé de promouvoir une bonne politique d’insertion professionnelle pour la jeunesse sénégalaise. Aujourd’hui, les structures telles que le Fnpj, l’Anej, l’Ofejban qui devraient prendre en charge l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, sont malheureusement destinées à un clan et ne servent en réalité qu’à entretenir une clientèle politique. C’est ainsi que le recrutement à la Fonction publique se fait aujourd’hui de manière partisane et politique, avec une promotion inacceptable de l’incompétence et de la médiocrité.
En outre, les entreprises publiques, notamment La Poste, sont devenues honteusement le lieu où la clientèle politique des ministres, des parlementaires, des directeurs généraux, entre autres, est casée. Il n’est un secret pour personne aujourd’hui que chaque autorité politique dispose illégalement d’un quota dans les recrutements et dans les concours et, cela au détriment des doctorants et des maîtrisards de plus en plus nombreux. Ce qui constitue une violation flagrante de l’article L.1 du Code du travail qui dispose : ’Le droit au travail est reconnu à chaque citoyen comme un droit sacré. […] L’Etat assure l’égalité de chance et de traitement des citoyens en ce qui concerne l’accès à la formation professionnelle et à l’emploi, sans distinction d’origine, de race, de sexe et de religion’.
Pire encore, les concours administratifs sont systématiquement bloqués par les mêmes autorités (la Police depuis 2004, l’Ena depuis 2007, la Magistrature depuis 2009, le concours de la Poste est devenu une farce de mauvais goût…). Au même moment, on se permet d’acquérir un avion présidentiel à plus de 20 milliards, de construire un monument avec une cinquantaine de milliards, d’organiser un Fesman avec une centaine de milliards, sans compter les centaines de milliards qui seront injectés dans la campagne présidentielle. Pourtant parallèlement, au Cameroun, le président Paul Biya crée 25 000 emplois pour une période 5 ans dont 2 500 recrutements directs à la fonction publique en mars dernier.
Selon les dernières statistiques de l’Ansd, 48 % de la population active sénégalaise (constituée majoritairement de jeunes de moins de 20 ans) sont au chômage. De même, selon le ministère de la Fonction publique et de l’Emploi, il y a environ 400 000 chômeurs au Sénégal, avec 2 000 nouveaux demandeurs d’emploi chaque année. Rien qu’à la Faculté de Droit de l’Ucad, six promotions se sont succédé (2005 à 2010) avec environ 1 500 maîtrisards chômeurs. Il est inadmissible que 40 % du budget de l’Etat soient injectés dans l’Education pour au final ne former que des diplômés chômeurs.
Pour ces raisons et tant d’autres, le Regroupement des diplômés sans emplois du Sénégal (Rdses) s’indigne et s’insurge contre l’inertie coupable de nos gouvernants devant la situation chaotique des diplômés chômeurs. Il lance un appel solennel à toute la jeunesse sénégalaise de se mobiliser pour s’opposer à cette situation dramatique. Il lance un vibrant appel à toutes les personnes éprises de justice, de démocratie et de bonne gouvernance à venir nous soutenir dans ce combat légal, légitime et noble.
Il entend saisir les autorités religieuses du pays, les autorités diplomatiques, la société civile et les organisations de défense des droits de l’Homme afin de les sensibiliser sur la question. Les jeunes sans emplois de ce pays doivent nécessairement se donner la main et se mobiliser pour faire face à cette situation très grave créée et soutenue par nos dirigeants. En tout cas, même si des sacrifices sur notre personne sont nécessaires, on est prêt à les faire car, aujourd’hui, notre avenir est hypothéqué, notre dignité bafouée et notre être blessé au plus profond de nous-mêmes.
Babacar NDOUR Coordonnateur général du Rdses (+221) 77 612 33 21
Le ridicule ne tue pas à Ndoubélane
Le royaume dont il est question n’est autre que celui qui est considéré sur la scène internationale comme l’un des plus démocratiques en Afrique, il s’appelle le Sénégal. Et, ici dans ce beau pays, des femmes et des hommes de grande culture, de bonne gouvernance, c’est-à-dire de décentralisation rodée, des humains ne se gênent guère paradoxalement, de faire comme Bouki partageant la tong tong. Bouki n’avait pas une seule fois hésité à se servir le premier d’abord, prenant la moitié pour son moi, une autre partie du reste pour son Bouki, une autre pour une autre appellation Ndiour. Par la suite, il sert ses amis, ses cousins et les autres membres de sa cour, comprendre les laudateurs, les courtisans, les louangeurs. Quand tous ces derniers sont servis, alors Bouki décide enfin de servir les autres membres de la communauté de Ndoubélane. Ainsi les restes constitués des trippes, des os, de la tête et de la peau sont partagés aux uns et aux autres sans aucun critère, aucune clé de répartition. Le seul mode de partage est celui de l’appartenance. Pour être parmi les premiers à être servis, il faut accepter de s’habiller bleu, de manger de la viande bleue, de voir bleu ce qui est tout rouge, blanc ou vert.
Alors pour se rendre compte de la ressemblance de Ndoubélane au Sénégal de l’Alternance, faisons un petit effort de lire les correspondances n° 278/ MINT et 259/ RAC/MINT. Aucune explication à donner pour ceux qui savent lire ; il suffit simplement de comparer la commune de Kaolack à celle de Guinguinéo. Kaolack fait au moins 20 fois cette dernière commune dont le Premier ministre du Sénégal est le maire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Kaolack reçoit 94 359 750 F Cfa et Guinguinéo 74 886 380 F Cfa pour les fonds de dotation de décentralisation. La différence tourne autour de vingt millions. Que faut-il comprendre ? Toutes les cogitations, les interrogations et les supputations sont acceptables et compréhensibles, car personne ne pourra rien y comprendre, sauf ceux qui ont eu la charge de partager ces fonds collectés du fruit des durs labeurs de tous les Sénégalais.
Mais le comble du ridicule, du burlesque, de la partialité, du maa taay se trouve dans la répartition des fonds de concours. Retenez votre souffle, le verdict du partage est le suivant pour notre échantillon national : Guinguinéo 75 millions contre 7 millions pour Kaolack. Cette fois-ci, Guinguinéo pèse dix fois plus que Kaolack pour les besoins et les urgences d’investissement.
Ridicule d’oser envoyer un document comme celui-ci dans une démocratie comme le Sénégal. Mais ce qu’ils ignorent ces messieurs de l’alternance, c’est que rien de ces intimidations, de ces manigances, de ces privations ne feront changer les convictions des populations qui ont librement porté à la tête des collectivités de Benno ces présidents de communauté rurale, ces maires et ces présidents de région ; ceux-là qui sont la cible de ceux qui ont la lourde responsabilité de faire de l’alternance, le grand rêve brisé des populations de ce pays. Et pourtant cet entêtement, cet acharnement, cette volonté d’uniformisation des convictions ne pourront rien faire pour empêcher ce vrai changement qui est là et presque irréversible.
Les Sénégalais ont dit en majorité y en a marre, y en a marre des coupures de courant, y en a marre de produire pour s’appauvrir, y en a marre de ces femmes et de ces hommes qui ne font que se servir au lieu de servir le peuple du Sénégal. Si le Côte d’Ivoire a trouvé un dénouement après tout ce sacrifice humain, nous pouvons croire et espérer que le Sénégal n’est pas loin du bout du tunnel par la voie démocratique.
Ibrahima KEBE dit Baye Conseiller municipal Président Commission Communication, Innovation et Tic Mairie de Kaolack
Un bon journalisme d’investigation est-il possible sans crainte d’oppression au Sénégal ?
Dans l’espace d’un an, le journaliste Abdou Latif Coulibaly, Directeur de publication de La Gazette, un hebdomadaire qui fait la part belle à l’investigation au Sénégal, a écopé de deux condamnations. En cause, la diffamation contre des personnalités proches du pouvoir. Le 14 avril 2011, Abdou Latif Coulibaly, a été condamné à trois mois de prison avec sursis et dix millions de francs Cfa d’amende pour «diffamation» après avoir mis à jour une affaire douteuse de transferts de fonds impliquant un industriel Franco-sénégalais, Abbas Jaber, un ami personnel du Président Wade. Une série d’articles concernant la Suneor ont été publiés dans différents numéros de La Gazette souvent accompagnés d’un éditorial. Le principal article incriminé est celui intitulé : En violation du protocole le liant à l’Etat du Sénégal, Abbas Jaber prêt à vendre le foncier de la Suneor à 165 mil¬liards de francs Cfa. Un article signé par les journalistes Bocar Sakho et Baye Makébé Sarr et accompagné d’un éditorial de Abdou Latif Coulibaly. A mon avis, une enquête sérieuse et approfondie. Qui a levé un pan de voile sur la façon dont une niche des riches utilise les entreprises de l’Etat pour des intérêts personnels. Des articles qui offrent aussi un panorama du système qui facilite cet enrichissement facile et sans cause, et propose des pistes de solutions. Dans la foulée du réquisitoire, le procureur reconnaît que «ces articles sont généralement de bonne qualité», mais accuse Abdou Latif Coulibaly d’être allé «trop loin» et «d’avoir franchi la ligne». La prose du journaliste peint l’homme d’affaires comme «un étranger» et assimile ses actes au «cancer».
Coulibaly et ses collaborateurs ont-ils baissé de vigilance en offrant au tribunal un précieux prétexte ? Toujours est-il que, dans cette affaire, le procureur montre ses propres limites en condamnant celles du journaliste. «Votre rôle est d’informer. Quand vous allez au-delà, c’est de l’abus.
Laissez les commentaires au lecteur», a martelé le juge. Pour¬tant, le tribunal, encore moins le plaignant n’a pas nié la véracité des faits au mépris du principe universel selon lequel «le doute profite au plus faible». Le juge Sénégalais fait preuve d’une conception simpliste et réductrice du rôle de journaliste, incarnation du «quatrième pouvoir». Dans un pays où la plupart des gens sont des analphabètes, aucun journaliste sérieux ne devrait se contenter d’exposer des faits bruts. Le journaliste doit interpréter, donner le sens et le contenu aux informations, afin d’amener le public à se sentir concerné et à exiger des changements. Le journaliste devrait pousser le questionnement plus loin dans sa démarche, en répondant à des questions importantes sur lesquelles des personnes en cause voudraient garder le secret. Il s’agit d’utiliser à bon escient un outil de contre-pouvoir de société, et non de se contenter de relater ou de décrire des faits. Le journaliste d’investigation n’est pas un griot corvéable à souhait. C’est un acteur majeur d’une cause. Il soulève de vraies questions pour de vrais changements.
Dans cette affaire de la Suneor, bien que l’ami personnel du Prési¬dent Wade ait bénéficié d’une importante subvention de l’Etat estimée à des milliards de francs, son entreprise n’est pas parvenue à relancer la filière arachidière, principale mamelle de l’économie nationale. D’un autre côté, il n’a pas redressé l’état financier de cette société qui doit encore plusieurs milliards aux paysans. Toutes choses inscrites dans le protocole qui le lie à l’Etat. Encore une fois, il s’agit de l’un de ces hommes d’affaires controversés qui exploitent les ressources d’un pays africain sans se soucier des intérêts des populations locales. Mais, contre toute attente, l’homme d’affaires profite de sa proximité avec le chef de l’Etat pour tenter d’aliéner, à son seul profit, le patrimoine foncier de l’entreprise sans que le juge Sénégalais n’en soit offusqué.
Au regard de l’article 258 du Code pénal sénégalais, le journaliste peut être condamné nonobstant la véracité des faits relatés tant qu’il s’agira d’une personnalité influente. Certes, le fait de dire la vérité sur des actes répréhensibles d’un homme public peut par définition, porter atteinte à sa réputation. Mais, faudrait-il pour autant sacrifier l’intérêt du public et le droit du peuple à l’information sur l’autel de la dignité d’hommes publics véreux ? L’arrivée au pouvoir, en 2000, de Abdoulaye Wade, un opposant alors sans défaut, qui croulait sous les qualités avait suscité tant d’espoir. Mais, c’était du bluff et de la déception. Le dicton selon lequel «le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument», n’a jamais été autant confirmé. Le Sénégal de Wade qui avait tant fait rêver n’en demeure pas moins un monstre nain en matière de droit d’expression. D’aucuns ont salué le Code de la presse en cours d’élaboration comme «une révolution». En vérité, je vous le dis, il s’agit d’un couteau à double tranchant. Qui sup¬prime les peines privatives de liberté, mais renforce les sanctions pécuniaires en protégeant plus que jamais les hommes publics sans aucun souci de transparence dans leur gestion. Les persécutions répétées à l’encontre de Abdou Latif Coulibaly, un journaliste respecté de ses pairs et jouissant de la légitimité du peuple sénégalais pourraient servir de baromètre du droit d’expression, et par ricochet, de la démocratie sous le régime de Maître Wade. Dans une autre affaire de diffamation qui l’avait opposé, en novembre 2010, à Thierno Ousmane Sy, conseiller du Président Wade et fils de l’actuel (et aussi au moment du pro¬cès) ministre de la Justice, Ab¬dou Latif Coulibaly s’en était sorti avec une condamnation à un mois de prison avec sursis et 20 millions de francs Cfa, l’équivalent de 40 mille dollars américains de dommages et intérêts. Des sommes toujours très disproportionnées pour La Gazette, une entreprise au capital social de 5 millions de francs, soit à peine 10 mille dollars. Une manœuvre d’asphyxie et de contrainte à la disparition du journalisme d’investigation dans le pays. Pourtant, le droit du peuple à s’exprimer à travers une presse libre est une caractéristique de la démocratie.
Le juge, pourtant censé être le défenseur attitré des intérêts de la population ne tient pas compte des difficultés éprouvées par des journalistes dans l’exercice de leur travail, surtout lorsqu’il s’agit de récolter ou de vérifier des informations concernant les hommes au pouvoir et/ou leurs proches, et des domaines à caractère stratégique.
En théorie, la Cons¬titution du Sénégal proclame son attachement à la bonne gouvernance, sœur jumelle de la transparence dans la gestion des affaires publiques. Mais, en pratique se montre protectrice de la «réputation» des mandataires publics et leurs proches soustraits de toute obligation de transparence. La loi sur la diffamation fait du journaliste d’investigation le pire ennemi du procureur, alors qu’ils devraient travailler la main dans la main tant qu’ils sont tous à la recherche de la vérité. Devant d’énormes difficultés du journaliste d’accès aux documents et aux sources officielles d’information, le juge devrait se montrer équilibré dans l’Administration de la justice, autant que le législateur sénégalais devrait abroger les délits de diffamation contre des mandataires publics et leurs proches. En tant que «chiens de garde» de la démocratie, les journalistes d’investigation sont des mages investis d’une mission de dévoiler ceux qui veulent s’enrichir dans le secret, afin de renforcer la gestion orthodoxe des affaires publiques. De même qu’ils dénoncent les abus à l’intérêt public. Des câbles de la diplomatie américaine révélés par Wikileaks en décembre 2010, font état «des soupçons de corruption sur la famille et les proches de Abdoulaye Wade», et décrivent «une atmosphère de fin de règne dominée par le souci d’ouvrir la voie à une succession présidentielle dynastique». Mais l’Admini¬stration américaine «n’est pas parvenu à obtenir» de Abdoulaye Wade «une réaction contre ces allégations». Dès lors, ceux qui ne connaissent pas le Sénégal ne peuvent pas s’imaginer dans quel contexte de pression travaillent ces journalistes, gardiens de la démocratie. Du coup, une vieille question biblique devient une actualité brûlante : «Quis custodiet ipsos custodes ?» traduction du Latin garantie : «Qui gardera les gardiens ?»
Eric MWAMBA - Journaliste - Président de FAIR et du comité éditorial d’Africamedia21
Spécialiste des médias de l’Afrique de l’Ouest
TRAVERSEE DE LA GAMBIE : Les effets pervers d’un blocus
Au regard de l’état actuel des relations pour le moins anormales entre deux pays frères intimement liés par la culture, l’histoire et la géographie, nous avons comme l’impression que les gouvernements sénégalais et gambien pratiquent mutuellement une politique de fuite en avant, en laissant pourrir une situation aux antipodes du développement économique et des intérêts des populations de l’espace sénégambien. En la matière, la posture responsable d’un gouvernement devrait tendre vers la réalisation d’une coexistence pacifique des peuples et leur émancipation économique. En effet, tout acte gouvernemental tendant à cultiver les antagonismes relève de l’incurie et s’écarte des missions sacerdotales d’un Etat responsable. Car il est inconcevable que depuis bientôt deux longs mois, les transporteurs sénégalais boycottent la traversée de la Gambie par un détour vers l’Est du pays pour atteindre la frange méridionale, sans qu’on perçoive une résolution de nos gouvernants à solutionner ce douloureux problème. Cette situation des plus anachroniques rend plus ardues les conditions de vie et d’existence des populations déjà immergées dans un magma de difficultés. Il s’est avéré que le contournement de la Gambie via Tambacounda occasionne le double du parcours habituel, allant presque de 500 kilomètres à 1 000 kilomètres sur l’axe Dakar-Ziguinchor. L’accroissement subséquent des coûts, du simple au double, devient insupportable pour les agents économiques et dépasse la limite de l’acceptable. Les prix des transports et des denrées de consommation flambent, tandis que la mobilité des personnes et des échanges commerciaux s’amenuise en raison des nouvelles charges et des longs délais. Aujourd’hui, les situations de pénurie de biens de consommation s’aggravent pendant que les produits exotiques et halieutiques en provenance de la région méridionale périssent au cours du long transport, à la grande désillusion des commerçants et entreprises. C’est dire qu’avec le blocus de la Gambie, la Casamance déjà enclavée s’éloigne de plus en plus du reste du Sénégal en plombant son économie ; Si bien que cette situation irrationnelle ne peut plus perdurer et appelle au plus vite des négociations…
Au même moment, le blocus prive la Gambie d’une source importante de devises provenant de l’exploitation des bacs pour la traversée du bras de mer par les automobilistes et voyageurs sénégalais, dans un pays où les exportations de biens tirés de l’économie sont presque nulles. Il est évident que la Gambie qui bat une monnaie locale inconvertible ne peut se passer du Sénégal, de même que le contournement de la Gambie pour se rendre en Casamance n’est pas viable pour le Sénégal. En vérité, c’est à partir de 1994, année de la dévaluation du francs Cfa que l’économie gambienne basée sur la réexportation de produits importés au moyen d’une faible fiscalité de porte, a débuté de connaître de sérieuses difficultés par suite de la modification des prix relatifs rendant compétitifs les produits sénégalais. En effet, depuis la dévaluation du franc Cfa, l’économie gambienne a commencé à connaître des problèmes relatifs à la diminution de ses capacités de paiement, consécutivement à la baisse du volume de ses exportations vers le Sénégal : Il faut noter en outre, que le renchérissement de la facture pétrolière accroît les difficultés de la Gambie de se procurer des devises, du fait de l’inexistence d’une agriculture véritable, de l’absence d’une véritable infrastructure industrielle et de ressources minières à vocation exportatrice. De nos jours, le déficit de la balance des paiements de la Gambie atteint une amplitude qui dépasse la mesure, pour un pays qui n’a que deux instruments de politique économique pouvant servir à renforcer ses capacités de paiement en dehors du tourisme (réexportations de produits importés vers le Sénégal et exploitation des bacs sur la transgambienne). Si l’entrée des produits gambiens au Sénégal a connu un net ralentissement, privant ce pays d’une porte pour faire fonctionner sa machine économique basée sur la réexportation de produits importés, l’arrêt de l’exploitation des bacs vient approfondir une crise économique déjà ancienne. Devrions-nous assister sans réagir à l’écroulement de l’économie gambienne et à l’installation dans ce pays d’une instabilité ?
L’acte unilatéral et incommode du gouvernement gambien relatif à la variation subite des tarifs appliqués sur la traversée du bac à des ni¬veaux déraisonnables, dans l’objectif de renforcement de ses capacités de paiement, vaudrait-il des réactions à la limite irréfléchies du gouvernement sénégalais qui s’adonne à encourager le blocus des transporteurs sénégalais ? Devrions-nous développer la réciprocité, en suivant la Gambie dans ses turpitudes, en lieu et place de la recherche de plages de convergences pour, au moins, restaurer le trafic et obtenir de la Gambie la pratique de prix compatibles aux coûts de revient et la cessation des tracasseries ?
L’économie gambienne est entièrement dépendante de l’économie sénégalaise par le fait géographi¬que, de sorte que l’ensemble sénégambien constitue une même entité naturelle que les colonisations ont artificiellement séparée. Ce lien naturel devrait conduire à l’intégration économique véritable des deux ensembles politiques. Les accords économiques pour la réalisation d’un marché commun des Etats de la Cedeao, en relation à la création d’une monnaie commune, à la libre circulation des biens et personnes et à l’harmonisation de la législation des affaires et de la fiscalité intérieure et de porte, devraient inciter nos gouvernants actuels à l’anticipation vers l’union économique et monétaire entre nos deux pays.
Si l’on n’y prend garde, la grave crise économique qui sévit en Gambie mènera ce pays vers une déstabilisation certaine et compromettra davantage la paix et le développement économique en Casa¬man¬ce. Le bon voisinage et la paix n’ont pas de prix et les blocus ou autres querelles byzantines nous éloignent du dialogue des cultures et de la coexistence pacifique.
Kadialy GASSAMA - Economiste - Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque
Insulter ou nier l’autre pour exister, c’est triste
Ecouter l’une de ces émissions du dimanche m’a souvent inspirée. Ecœurée d’abord ; jusqu’à la nausée. Puis inspirée. Je ne me suis pas toujours donné la peine de l’écrire, ou en tout cas de franchir le pas de la publication, balançant entre mépris et envie de mise au point. Si je franchis le pas aujourd’hui, c’est sans doute grâce au «y en a marre» ambiant, en tout cas à ce ras-le-bol caractéristique de la période de fortes enchères que nous vivons, surtout de la part d’individus qui, passant en particulier de la ma¬nipulation de labos, s’en vont avec beaucoup de dégâts manipuler des concepts dont je ne suis pas sûre qu’ils en ont bien saisi les subtilités.
Qu’on s’entende bien : chacun est libre de prendre part au débat ; surtout au débat citoyen, même si l’espace qui en a été l’expression la plus achevée ces dernières années, les Assises nationales, est également injustement agressé.
J’entends de plus en plus de personnes traiter les politiques de «politiciens» et les partis de «Gie» pour m’en référer aux injures les plus récentes, puisque je passe sur la disqualification des hommes politiques qui seraient le plus souvent incrédibles, dépassés et vieillots. Je défie ces critiques du dimanche de prouver qu’ils ont plus de mérite qu’eux et leur rappelle que, de notre point de vue, on a l’âge de ses idées. Et il se trouve que la plupart du temps, les idées de ces hommes-là sont généreuses pour le pays et n’ont pris aucune ride ! Ces gens, fussent-ils des syndicalistes, ne me semblent pas plus méritants. Qui plus est, beaucoup de ceux qu’ils insultent l’ont été avant eux et ont conquis les avantages dans lesquels ils se vautrent aujourd’hui ; dans des conditions de décence et de respect autrement plus honorables. Ils parcouraient le pays et partageaient le dénuement des camarades à une époque où les cotisations normées et acceptées des militants ne servaient pas à payer des perdiem et autres retraites grassement rémunérés à des pontes que les cellules de ba¬se ne rencontrent que sur les mé¬dia.
Ces politiques, avec humilité, ont donné les plus belles années de leur vie à la lutte pour la liberté, la justice et le progrès, à des moments où beaucoup de ceux qui s’improvisent donneurs de leçons préféraient gérer leur carrière et leur famille, con¬sidérant ces combattants com¬me des «écervelés» ou des «rê-veurs». Je me rappelle mon premier salaire de professeur à 67 000 francs Cfa avec un Bac+5 sans l’indemnité de logement qui fut justement une conquête de la lutte du Sudes de 1980. A cette époque-là, c’était la clandestinité pour la plupart des patriotes et il fallait avoir du cran et beaucoup de générosité pour se battre sans aucune perspective au bout, sinon la liberté pour tous ; au bu-reau, dans les classes comme dans les amphis. Ayant été acteurs de l’époque où nous arrivions en plus de cet engagement à être d’excellents élèves, étudiants ou travailleurs, nous n’accepterons pas d’être insultés.
Soyons justes ! Que les bien-nommés «insulteurs du dimanche» expliquent aux Sénégalais pourquoi nous serions disqualifiés et réduits à des has been, juste parce que nous nous sommes engagés très tôt et que nous refusons de nous faire enterrer avec des idées si actuelles : lutter pour le progrès et la justice sociale, des idées auxquelles nous avons essayé de conformer nos actions et notre pratique quotidienne, privée comme publique.
Pour le reste et pour ce qui est d’avoir fricoté avec le pouvoir, les personnes qui nous ont mandatés à chaque fois et à qui nous avons régulièrement rendu compte (et par delà elles, de larges franges de Sénégalaises et de Sénégalais), nous ont donné quitus de notre action. Toujours principalement au service de l’intérêt général. Sous le magistère de nos différents camarades (parce que j’ai le bonheur et la fierté d’appartenir à la Ld), on peut considérer que la République a été rarement aussi bien servie. C’est pourquoi, nous ne développons au¬cun complexe. C’est pourquoi aussi, sans doute, nous nous interdisons l’envie et la haine pour ne faire con¬fiance qu’à l’effort et au mérite. A la dignité surtout, en toutes circonstances.
Tous ceux qu’on présente comme intellectuels ou qui s’autoproclament tels, devraient s’imposer plus d’humilité, de rigueur dans la manipulation des concepts et appeler les Sénégalaises et les Sénégalais à un débat serein et fertile sur les idées, à un jugement différencié et moins englobant sur les acteurs du champ politique.
Comme disait quelqu’un : «Diakka ja ngook, ku man na nodd.» Les aspirants hommes politiques et non politiciens (comme si le tigre avait besoin de crier sa tigritude) doivent pouvoir chercher à exister sans insulter quiconque.
Personnellement et sans prétention aucune, je me pose comme acteur politique qui s’assume, à l’écoute des populations, assez fière de tous ses parcours et prête à débattre. Des idées.
Khoudia MBAYE - Présidente nationale du Mouvement - des Femmes de la Ligue Démocratique
POUR EN FINIR AVEC LES CHALUTIERS PELAGIQUES CONGELATEURS ETRANGERS AUTORISES ILLEGALEMENT A PECHER DANS LES EAUX SENEGALAISES ET SE PROJETER VERS L’AVENIR.
« Une mauvaise réponse à de vraies interrogations »
En ce début du mois de mai 2011, les chalutiers pélagiques étrangers qui pêchent dans les eaux sous juridiction sénégalaises depuis plusieurs mois ont dû les quitter, il paraitrait que l’assurance en avait été donnée aux organisations professionnelles du secteur. Ces bateaux doivent absolument partir parce que, les mois de mai et juin correspondent, avec le réchauffement des eaux, à un des deux pics de ponte des sardinelles adultes. Pour la préservation des ressources halieutiques sénégalaises, la parole qui aurait été donnée devrait, cette fois-ci, être respectée afin de favoriser la restauration d’un climat de confiance entre le ministère de l’économie maritime et les professionnels du secteur.
Rappel
Des chalutiers pélagiques étrangers ont été autorisés à pêcher dans la ZEE du Sénégal en violation des dispositions de la loi 98-32 du 14 avril 1998 et de celles de son décret d’application 98-498 du 10 juin 1998. Les petits pélagiques côtiers effectuent des migrations déterminées essentiellement par la reproduction du sud du Maroc à la Guinée Bissau. Le phénomène migratoire a été mal compris par ceux qui ont autorisé la pêche des petits pélagiques par des chalutiers congélateurs étrangers. La ponte du sous-stock adulte doit absolument être sauvegardée en ces mois de mai et juin pour permettre le recrutement des deux autres qui comprennent respectivement des jeunes reproducteurs et des juvéniles. Le Sénégal n’a donc pas intérêt à laisser se poursuivre les activités des chalutiers étrangers dans ses eaux notamment pour les raisons suivantes : une des deux nourriceries est localisée sur la Petite côte, il a une tradition maritime avérée, une pêche artisanale très active, une population qui consomme 26 kg de poisson par habitant et par an, alors que la moyenne mondiale est d’environ 16 kg.
Le représentant du CRODT à la Commission Consultative d’Attribution des Licences de Pêche (CCALP), se fondant sur les résultats des travaux de recherches scientifiques effectuées depuis plus de 40 ans, avait émis un avis défavorable à la délivrance d’autorisations de pêche aux bateaux concernés et l’avis de la recherche est fondamental. Nonobstant l’avis négatif motivé du CRODT, le gouvernement a été engagé dans un projet pour lequel, aucune étude préalable n’a été menée. Il a seulement été soutenu que l’avis de la CCALP n’engageait pas le ministre chargé de la pêche en oubliant que celui-ci n’a pas le pouvoir de prendre un acte contraire aux dispositions du code de la pêche maritime. Les sénégalais doivent comprendre que le point fondamental à retenir est que les espèces pélagiques côtières ne sont pas strictement cantonnées au-delà des 20 milles marins, elles séjournent également dans des zones situées en deçà de cette limite où, elles sont poursuivies par les chalutiers que les pêcheurs sénégalais croisent en mer et photographient tandis que les populations peuvent les apercevoir de la plage. En termes simples, le Sénégal ne subit des dommages que lorsque, suite à une surexploitation des adultes par les énormes chalutiers étrangers, la protection de la ponte et le renouvellement des ressources ne sont pas assurés.
Interrogations
Les ressources pélagiques côtières présentes au large des côtes sénégalaises sont, certes, insuffisamment exploitées par les armements de pêche nationaux ; elles constituent un stock « partagé » entre 5 pays. Ces caractéristiques justifient-elles, pour autant, le recours à des armements étrangers ? Il ne viendrait à l’esprit de personne de confier à des sociétés étrangères, le transport urbain à Dakar, au motif que les nationaux n’ont pas les moyens de mettre en circulation des véhicules performants, circulant à des heures régulières. Il va sans dire que, le transport urbain actuel fait perdre à l’économie sénégalaise beaucoup d’heures de travail et elle subissait ce faisant un manque à gagner important. Pourquoi a-t-on estimé, s’agissant de la pêche que le recours à des étrangers était la solution appropriée?
Deuxième question : quel intérêt le Sénégal a de voir ses ressources dilapidées sans retombées réelles pour son économie ? Les bateaux étrangers concernés ne débarquent pas leurs captures auprès des usines locales, n’embarquent pas de marins sénégalais, ne paient pas de redevances portuaires, ne recourent pas aux services des dockers du port, ne s’avitaillent pas à Dakar en vivres, carburants, lubrifiants, ne font pas faire leurs réparations à Dakar. Ils n’apportent donc aucune valeur ajoutée au pays, contrairement aux assertions de ceux qui les ont autorisés à pêcher dans la ZEE sénégalaise moyennant le paiement de 35 $ US la tonne de poissons pêchés (17 FCFA/kg). En outre, les captures congelées et conditionnées à bord de ces chalutiers concurrencent sur leurs marchés traditionnels, les produits traités et exportés par les usines sénégalaises. Il s’y ajoute, que ces bateaux sont autorisés à pêcher avec un chalut de 70 mm avec une tolérance de 10% qui fait, qu’ils peuvent pêcher avec des filets de 63 mm de maille, faveur dont ne bénéficie aucun armateur sénégalais. Pour preuve, le 8 avril 2005, un chalutier sénégalais a été arraisonné à quai et consigné, près d’une semaine, pour détention d’un chalut dont la moyenne des mailles mesurait 69,68 mm.
Troisième interrogation, est-il logique de faire d’importants investissements en infrastructures et en entrepôts frigorifiques en faisant, en même temps, ne pas se soucier de la préservation des ressources halieutiques et prendre le risque de réduire les possibilités de pêche des artisans sénégalais dont les prises sont débarquées sur le territoire national ?
Observations
La FAO a déjà attiré l’attention sur la surexploitation des petits pélagiques et recommandé la réduction d’au moins 50% de l’effort de pêche et les tendances futures de l’offre et de la demande de poisson à l’échelle de la région, révèlent un déficit de plus en plus important qui atteindrait, selon certaines estimations, 3 millions de tonnes à l’horizon 2015. La sécurité alimentaire des pays de la région devrait impérativement être prise en compte dans les politiques d’aménagement (source Mariama D. BARRY, CRODT).
Avant de reprocher aux armateurs nationaux de n’être pas en mesure d’exploiter des ressources pélagiques côtières se trouvant en très haute mer, n’état-il pas plus logique d’essayer d’abord, de connaître les causes de la disparition des sardiniers dakarois? Engager le gouvernement, sans étude préalable, dans une aventure qui a amené tous les acteurs du secteur à se dresser contre l’autorité de tutelle qui a autorisé des congélateurs étrangers à opérer à leur place, n’était sûrement pas, la réponse appropriée.
S’agissant de l’absence de sardiniers au Sénégal, il convient de signaler que dans une publication intitulée l’exploitation des petits pélagiques côtiers au Sénégal : réponse de la recherche à la crise sardinière, Moustapha DEME et J. J. LEVENEZ du CRODT, ont apporté des éléments de réponse pertinents. Le coût d’achat d’un sardinier correspondait à celui de 35 unités d’unités de pêche à la senne tournante et de trois fois plus d’unités de filets maillants encerclants, que les coûts moyens annuels d’exploitation des unités artisanales sont nettement plus faibles que ceux des sardiniers qui, en plus, sont assujettis au paiement d’un ensemble de taxes et redevances ( licences de pêche, patentes, frais de débarquement), de frais financiers, d’assurances, d’amortissement et de personnels très élevés. Le coût de production d’une tonne de poisson est quatre fois inférieur en pêche artisanale qu’en pêche sardinière, que les sardiniers ont des difficultés d’accès au crédit dont les taux d’intérêt sont élevés et plafonnés à environ 50% de la valeur de l’investissement. Les prêts remboursables dans de courts délais et assujettis à des garanties difficiles à fournir par les armateurs. En outre, la vétusté, le manque d’entretien courant et le sous équipement des sardiniers ainsi que leur mauvaise gestion avec des immobilisations, à quai, fréquentes ont été notés. Telles sont les informations pouvant expliquer la disparition de la pêche sardinière au Sénégal.
N’était-il pas plus pertinent de se pencher sur la relance de la pêche sardinière accuser de désinformation les acteurs de la pêche et céder à vil prix des ressources qui appartiennent à tous les sénégalais ? En se référant aux accords de pêche, on signalera qu’ils sont négociés par des délégations officielles avec la participation active des acteurs du secteur. Le document formalisant les engagements des parties, après sa signature, est adopté par l’Assemblée nationale, promulgué par décret par le président de la République puis publié au journal officiel. Par contre, avec le protocole signé le 11 mars 2011, l’Etat a été engagé sans qu’il ne soit envisagé de suivre aucune des étapes de la procédure précitée.
Quelles sont les réponses qui auraient pu être envisagées pour promouvoir l’exploitation des petits poissons pélagiques côtiers par les artisans et armateurs du Sénégal?
Au niveau national, il s’agit de tenir compte du fait que la pêche industrielle nécessite des financements adaptés pour la réalisation d’investissements lourds tels que : la modernisation des industries, le renouvellement de la flotte, la réalisation d’infrastructures pour l’aquaculture. Les montants financiers à mobiliser très élevés, conduisent les prêteurs à exiger un apport personnel conséquent et des garanties importantes. A cet égard, la mise en place de fonds de garanties, de fonds de bonifications de taux d’intérêt et de prises de participation sous forme de portage ainsi que des crédits de campagne ainsi que le financement du fonds de roulement, s’avèrent nécessaires.
La pêche artisanale, également, est confrontée à des difficultés d’accès au crédit pour l’acquisition de pirogues avec un coût du bois de plus en plus élevé, l’achat de moteurs de plus en plus puissants eu égard à l’éloignement des zones de pêche, ainsi celui des autres équipements. Les lignes de financement adéquates devraient être à moyen et long terme, avec des taux d’intérêt réduits et un différé de remboursement suffisant. Moustapha Dème et Moustapha Kébé (CRODT) ont bien étudié l’investissement dans le sous secteur pêche artisanale.
En attendant la mise en place de structures financières répondant aux conditions susmentionnées, on pourrait opter pour la mobilisation de lignes de crédit logées dans les structures bancaires existantes, outillées pour apprécier la faisabilité des projets et à prendre un risque en conséquence, à des conditions acceptées d’accord-parties, entre l’Etat et les acteurs privés. Certes, il ne revient pas à l’Etat de financer les opérateurs privés, toutefois, il lui appartient de créer les conditions favorables à l’investissement.
Tenant compte des réalités suivantes : les ressources halieutiques présentes dans les eaux sénégalaises sont, à 71-72%, constituées d’espèces pélagiques côtières et que 70 à 80% des protéines animales consommées par les sénégalais proviennent du poisson, ne convenait-il pas de penser à la relance des idées relatives à l’instauration d’une pêche artisanale moderne marquant le passage de la pêche artisanale à un palier supérieur, que d’aucuns appellent pêche artisanale moderne ou pêche semi-industrielle? La taille de certaines pirogues a atteint une limite qu’il ne serait pas raisonnable de dépasser et la pêche artisanale sénégalaise n’est pas appelée, jusqu’à le fin des temps, à être pratiquée uniquement avec des pirogues en bois.
A cet égard, les autorités compétentes seraient bien avisées en accordant un rang de priorité élevé au règlement du problème du financement des activités de pêche en commanditant à cet égard, en concertation avec les acteurs du secteur et élaboration en collaboration avec eux des termes de référence d’une étude exhaustive sur ce sujet. Il faut souligner que le marché chinois, par exemple, absorbe de plus en plus des petits pélagiques, c’est ce qui expliquerait le rush vers la Mauritanie et le Sénégal d’armateurs basés dans des paradis fiscaux dont le seul objectif est d’accroître leurs gains propres. Le Sénégal devrait se positionner, dès maintenant, sur le marché précité, avec sa propre flotte au lieu de favoriser l’enrichissement d’affairistes étrangers. Peut-on objectivement reprocher aux acteurs sénégalais de n’être mus que par leurs intérêts personnels et en même temps aider un affairiste qui, au lieu de relancer les activités de son usine, a préféré faire de l’intermédiation et ce faisant s’enrichir sans cause?
Pour ce qui est du niveau sous-régional, il faudrait engager un chantier ambitieux à la hauteur du rang de notre pays ; il s’agit dans le cadre de la Commission Sous Régionale des Pêches (CSRP) d’amener les pays partageant le stock de pélagiques côtiers à en assurer la gestion en commun, puis la CSRP ferait procéder sur une base scientifique à l’évaluation du stock partagé à faire déterminer le volume des captures admissibles sur toute l’aire d’évolution des petits pélagiques, sans compromettre le renouvellement des stocks. Sur cette base, il serait possible de négocier, au nom des Etats riverains, des accords de pêche, contrats ou autres protocoles entre des affréteurs originaires des pays partageant le stock de pélagiques côtiers et des armements étrangers. La CSRP veillerait à ce que chaque pays, en fonction des prélèvements effectués dans ses eaux, tire profit de la compensation financière globale versée par les flottes étrangères.
Conclusion
L’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie dans son rapport pour 2009 portant sur la situation économique et sociale du Sénégal a conclu que s’agissant de la pêche maritime : «le Sénégal dispose d’importants atouts pour un développement viable du secteur de la pêche ; les nouvelles politiques appliquées semblent commencer à porter des résultats avec une évolution favorable du secteur en termes de production et d’exportation. Cependant, les initiatives gagneraient à être poursuivies et consolidées pour pouvoir assurer : une bonne restauration des ressources halieutiques et de leurs habitats, l’amélioration de la satisfaction de la demande nationale, la valorisation optimale des ressources ».
Par conséquent, se lancer dans une aventure lourde de menaces pour les ressources halieutiques n’est pas logique. Il ne faudrait donc plus que se reproduise, les accords secrets de 1991 à 1999 et encore moins, ce qui est en cours, parait-il, depuis le mois de mars 2010, avec un « protocole autorisant des navires étrangers à exploiter les ressources pélagiques migratrices présentes au large des côtes du Sénégal », non prévu par aucun des 116 articles du code de la pêche ; protocole du reste mal rédigé, signé entre un opérateur privé récidiviste et le ministère de l’économie maritime « demeurant » au 4ème étage du building administratif. La durée dudit protocole et les quantités à pêcher sont indicatives, les transbordements sont effectués en rade ou au port sans la présence de la douane, le calendrier d’exécution imprécis court, pour chaque bateau, à partir de sa date d’entrée dans les eaux sénégalaises. «Lii lann lagneka warr touddé» ?
Dr Sogui DIOUF
Vétérinaire
d.sogui@yahoo.fr