2012, un défi à relever pour la presse !
Lettre ouverte à M. le président de la République
M. le Président, c’est en ci¬toyen désabusé et offensé que nous vous écrivons pour la seconde fois.
Je suis un des nombreux déçus de l’Alternance. Notre adynamie nous avait aveuglés et nous avions fait fi des recommandations de nos grands parents. Ils disaient que vous ne seriez pas un bon Président pour le pays. Nous avions cru le contraire. Nous croyions fermement en vos en¬gagements de ne servir que le Sénégal et rien que les Sénégalais, tou¬tes obédiences confondues. Nous sommes allés jusqu’au bout de notre rêve. Celui de vous voir président de la République du Sénégal. Nous avions bravé les obstacles et nos grands frères ont été considérés comme «une jeunesse malsaine» pour avoir cru vous défendre à coup de pierres. Aujourd’hui, vous avez choisi de vous dénaturer et de dénaturer la notion de République. Quand je vous regarde, vous et votre entourage, je ne reconnais plus l’homme que nous avons tant adulé. Nous avons l’impression de regarder un ogre qui déambule au milieu d’au¬tres orgres affamés.
Alors que le coût de la vie devient de plus en plus cher. Alors que l’électricité est rationnée et payée chèrement par le pauvre contribuable, vous méprisez ce peuple qui debout un certain mars 2000 vous a porté à la Magistrature suprême. Vous nous offensez une énième fois. Quarante mi-nistres dont plus d’une di¬zaine d’Etat ne peuvent être considérés comme un acte devant servir les intérêts supérieurs de la Nation. Vous venez de nous froisser une fois de plus.
L’offense est encore plus grande quand vous osez choisir des personnes com-me Aïda Mbodji et Awa Ndiaye pour en faire des ministres d’Etat. Vous galvaudez une fois de plus le mérite sénégalais et érigez l’incompétence comme règle pour siéger dans le gouvernement.
Nous avions cru que vous comprendriez le message après le 22 mars 2009. Mais, vous choisissez de doter votre fils de pouvoirs surdimensionnés en lui confiant la terre, la mer, les eaux et l’énergie du pays. Pis encore, vous choisissez de faire de la danse et de la musique vos priorités, allant jusqu’à donner plus de 48 milliards à votre fille pour le Fesman. Avant ces actes hautement insensés et inopportuns, vous aviez décidé d’ériger un statut à hauteur de 16 milliards et d’acquérir un avion au quadruple. C’est plus qu’un affront quand l’on sait que le litre d’essence frise les 1 000 francs Cfa et le coût de la vie hyper cher.
Vous faites revenir un ministre qui a conseillé le plus vil des dictateurs et vous foulez ainsi du pied la revendication des magistrats hautement légitime. L’indépendance, la liberté de juger qu’ils réclament ne vous intéressent donc guère.
Un homme d’Etat français avait vu juste en déclarant qu’un homme d’Etat pense aux générations futures et un homme politique aux échéances électorales à venir. Vous êtes un homme politique en perpétuelle campagne électorale. Vous n’avez jamais été un homme d’Etat.
Avec ce 25e remaniement, vous prouvez aux Sénégalaises et aux Sénégalais que vous ne vous souciez point de leur sort de plus en plus précaire. Ils s’attendaient à une réduction du coût de la vie, à une diminution du train de vie de l’Etat et non à cette mésestime qui se répète à chaque remaniement.
Sachez, Monsieur le Président, que le peuple saura répondre à l’offense. Déçu, il attend impatiemment la prochaine élection pour se faire entendre et vous faire comprendre qu’un Président est élu par le peuple et doit exercer son mandat pour ce peuple. Vous avez choisi votre camp : la politique politicienne. Nous avons choisi le nôtre : la dignité, même dans la douleur et les difficultés.
M. le Président, nous a¬vons tant patienté, croyant que vous com¬prendriez que le salut d’un homme politique réside en sa faculté à résoudre les problèmes de l’heure et à anticiper sur les difficultés à venir. Mais, vous vous obstinez à ne faire que vous servir et à servir votre clan. Que peut espérer votre jeunesse avec cet éternel recommencement ? Elle est réduite à subir, mais dos au mur comme elle est, cette jeunesse n’a d’autres choix que de se rebiffer. Le Y en a marre quittera les zones périurbaines et viendra vous assaillir, comme avait fait le moustique au Pharaon qui se croyait éternel.
Certes, ces mots, ce cri du cœur, n’y changeront rien, mais nos cartes feront tomber la sentence au mo¬ment opportun. Que votre désinvolture face à ce que nous vivons continue et que notre décision soit comme une nasarde pour vous et votre clan une fois dans l’isoloir. Nous ne sommes plus qu’à quelques mois de 2012. L’année de notre délivrance.
Recevez, M. le Président, toute notre rancœur et notre irritation.
Abdou KEBE
Le déçu de l’alternance
Ainsi vogue notre chère pirogue Sunugaal…
Je voudrais partager une de ces petites réflexions badines que m’ins¬pire souvent l’actualité sénégalaise. Et ces derniers jours, il y a un sujet qui a occupé le devant de la scène médiatique, à savoir le dernier rapport de l’Armp. Le rapport en question a montré des conclusions portant sur les malversations financières de quelques autorités qui, lorsqu’elles achètent avec l’argent de l’Etat, ne font preuve d’aucune mesure comme elles le feraient avec leur propre argent ! Ce qui est grave, puisqu’il ne s’agit pas de leur argent mais de l’argent des Sénégalais, du porteur par exemple qui les aide à transporter leurs articles au supermarché. En effet, le précédent rapport de 2009 avait déjà épinglé d’autres autorités politiques qui s’étaient accordé des libertés considérables dans l’usage de nos maigres ressources financières ! Pourtant, elles sont les premiers quand on leur parle de la situation délétère de l’économie, à nous rappeler que le Sénégal n’a pas été doté par la nature de ressources naturelles ! Mais alors diantre pourquoi vous volez nos chétifs deniers publics ?
Cette attitude n’est point nouvelle de la part de nos chers «alternoceurs» ! Ce qui est étonnant c’est l’indifférence des Sénégalais, de la société civile à l’opposition en passant par le simple citoyen lambda. A part nos généreux «pisse-copies» (excusez du terme) qui ont relayé les conclusions du rapport, c’est l’aphonie qui prédomine. L’homo senegalensis amnésique chronique est déjà passé à autre chose, à la dépense quotidienne ou tiens !, par exemple à la réconciliation tant attendue des deux plus célèbres gladiateurs de l’arène ou de l’amphithéâtre si vous voulez !
Et le nouveau rapport va faire un somme dans les tiroirs de la Ré¬pu¬blique jusqu’au prochain. Les «vo¬leurs de la République» dixit le rappeur Awadi, vont se pavaner li¬bre¬ment, vont même servir de «parrain» pour quelque manifestation, pendant que le simple pickpocket est en train de croupir en prison en ne demandant, non pas sa libération, mais simplement qu’on le juge !
Dans mes instants d’oisiveté, aggravés par un chômage devenu la règle chez les jeunes étudiants di¬plômés comme moi, je me dis que c’est peut-être ainsi que doit voguer notre cher Sunugaal, ou devrais-je dire Sengaal, votre pirogue. Le capitaine du navire ivre de louanges de ses valets qui l’entourent n’en a cure du sort des passagers. Ils ont leur gilet. Mais ce qui est étonnant c’est que les passagers ne semblent pas si préoccupés que cela de leur sort. Pour l’instant.
Un étudiant en droit - Fsjp - Ucad/ babsmania@gmail.com
PRIVATION DU DROIT DE VOTE DES JEUNES : L’aveu du ministre de l’Intérieur
Le ministre de l’Intérieur vient d’annoncer, avec un brin de malice dissimulant mal des arrières pensées, que les jeunes qui ont déposé ou qui déposent des dossiers pour la délivrance de la Carte d’identité nationale pourront désormais, avec le récépissé de dépôt, s’inscrire sur les listes électorales. Cette déclaration tardive, à quelques jours de la clôture des inscriptions, prévue au mois de Juin 2011, a eu au moins le mérite de révéler les difficultés en¬tretenues d’obtention de la Carte d’identité nationale pendant les périodes de révision des listes électorales. Bien entendu, l’objectif des pouvoirs publics, contrairement à leur mission, étant de minimiser quantitativement l’inscription des jeunes en âge de voter sur les listes électorales, après les élections locales de 2009.
Nous voudrions bien faire remarquer à ce propos que la nouvelle mesure est non seulement insuffisante, mais elle reste tardive en raison du délai court qui nous sépare de la clôture des inscriptions sur les listes électorales et au vu de la masse de millions de jeunes demandeurs de la Carte d’identité nationale. Au demeurant, il y a lieu d’indiquer que les délais normaux de l’obtention de la Carte d’identité nationale ne dépassaient pas quinze jours au maximum, à l’époque où le mi¬nistère de l’Intérieur était dirigé par une personnalité indépendante sous l’ancien régime. Aujourd’hui, en plus des complexifications de tous genres pour obtenir ce fameux sésame, le délai peut aller au-delà de six mois, pouvant même décourager les ayant-droits jusqu’au renoncement. Comment se fait-il que pour une simple délivrance d’un document d’identification de la personne humaine exigée partout, il y a autant de problèmes, comme s’il s’agissait de la recherche de visa dans les ambassades de grands pays, encore que, dans ce cas, les délais sont plus courts ?
Si bien que la nouvelle mesure du ministre de l’Intérieur doit être assortie des conditions suivantes :
La clôture des inscriptions sur les listes électorales doit être prolongée au moins de deux mois en raison de la volonté manifeste des pouvoirs publics d’avoir empêché une importante frange de la population de jouir de son droit de vote et de la faiblesse consécutive des inscrits sur les listes électorales.
Le dépôt de dossiers pour la délivrance de la Carte d’identité nationale, surtout en période de révision des listes électorales, ne doit plus être assorti de sommes à payer.
Des commissions itinérantes sur l’ensemble du territoire national en nombre suffisant doivent être instituées pour recueillir les multiples demandes et délivrer des attestations à l’instar des audiences foraines,
Une vaste campagne de sensibilisation et d’information doit être menée en direction de la population
Au besoin, l’Etat doit exploiter la volonté des Etats-Unis et de l’Union européenne de mettre à la disposition de notre pays des aides financières pour couvrir les frais d’inscription des jeunes sur les listes électorales afin d’assurer des élections fiables et transparentes au Sénégal.
De nos jours, à quelque 8 mois de l’élection présidentielle de février 2012, nous pouvons affirmer avec force qu’une situation des plus anormales est volontairement créée sur le registre du répertoire des électeurs, reconnue tardivement, après que les dégâts sont causés, avec la nouvelle mesure incomplète de rattrapage du ministre de l’Intérieur d’autoriser les nouvelles inscriptions sur la base de récépissé de dépôt de la Carte d’identité nationale. Car en fait, depuis les élections locales de 2009, la population électorale qui se situait à environ 5 millions d’électeurs devrait évoluer en 2012 à plus de 7 millions d’électeurs pour une population estimée à 13 millions d’habitants, si l’on admet que le nom¬bre d’inscrits rapporté à la po¬pulation est de 60% qui est la norme africaine. (60% de 13 millions = 7,8 millions). Or, le stock des nouveaux inscrits ne dépasse guère 300 000 entre 2009 et maintenant. C’est dire qu’il se volatilise dans la nature plus de deux millions de jeunes en âge réel de voter (7,8 millions - 5,3 millions = 2,5 millions).
Les germes d’un conflit pré et postélectoral sont déjà posés au Séné¬gal avec la privation d’un nombre important de citoyens sénégalais voulant jouir de leur droit de vo¬te et dont leur intégration complète sur le répertoire des électeurs ne peut se réaliser dans un court délai.
Kadialy GASSAMA - Economiste Rue Faidherbe X Pierre Verger - Rufisque
Candidature plurielle et enjeux de l’élection de 2012
A moins d’un an de l’élection présidentielle, les candidatures ne cessent de se déclarer par des personnalités peu connues de l’opinion pu¬blique. Elles s’attèlent à mettre en va¬leur certains atouts, afin de pouvoir se frayer un chemin dans cette so¬ciété politique dont les logiques de fonctionnement ne sont pas toujours accessibles, surtout aux novices. La question qui vient à l’esprit est de savoir quels sont les fondements de leur motivation et surtout quelles sont les ressources qu’elles comptent mobiliser au service de leur engagement sur le terrain peu ouvert de la politique.
LA DISPERSION DES FORCES
Les formations politiques traditionnelles sont fragmentées sous l’effet des ambitions et des confrontations individuelles, malgré l’émergence du processus de regroupement qui a engendré la mouvance Bennoo. Cette dernière est considérée comme une alternative crédible, au regard des résultats substantiels enregistrés aux dernières élections locales et de la mise sur pied des Assises nationales, avec le concours de la société civile. Cependant, les dissensions internes de cette coalition la discréditent au point que «des mouvements citoyens» prolifèrent. Mais eux aussi, à l’épreuve de la realpolitik, ont montré leurs limites d’autant qu’ils ne peuvent, en aucun cas, se substituer aux partis politiques classiques dans un système multipartite, même si certains ont délibérément choisi de se fondre dans cet espace sans en avoir la vocation.
L’opposition ne parvient donc pas à surmonter ses querelles de personnes pour débusquer parmi ses différents leaders une personnalité susceptible d’agréger les divers courants autour d’un projet commun de gouvernement, ce qui constitue son second handicap. Pourtant, le rapport des Assises nationales pourrait former une base de programme à condition qu’il ne reste pas aux mains d’une élite ; sa diffusion et son appropriation par tous les ci¬to¬yens mériteraient d’être généralisées. Toutefois, le temps et les mo¬yens manquent cruellement pour en faire un outil de référence indiscutable.
Alors, faut-il trouver un chef charismatique capable de fédérer toute la composante Bennoo ou un hom¬me de compromis, mais extérieur à ce monde ?
LES CANDIDATURES INDéPENDANTS ET LEUR INCERTITUDE
Par ailleurs, l’irruption de nouveaux candidats porteurs d’une aura internationale après leur passage dans les organisations internationales (Onu, Fao…) ne risque-t-elle pas de brouiller les cartes de l’opposition peu encline à s’investir dans une candidature hors des partis politiques habituels ?
Même en cas d’unité derrière une telle candidature, rien ne garantit la victoire, car si la possession d’un carnet d’adresses bien rempli et une expérience internationale demeurent un atout, cela peut paraître in¬suffisant pour mener un combat de fond et gagner le cœur des Séné¬galais. Autrement dit, le décalage abyssal entre les conditions de vie des populations, en matière de pouvoir d’achat, d’environnement sociétal (inondation, pauvreté, chômage, coupures intempestives d’électricité…) et celles de quelqu’un qui a vécu longtemps à l’extérieur, ne contribue guère à obtenir l’adhésion des citoyens, méfiants depuis leur déception par le pouvoir issu de l’Alternance politique.
Dans ce contexte général, nul doute que la communication politique devrait jouer un rôle primordial. Mais là aussi, on peut s’interroger sur la pertinence de l’attitude de certains candidats qui, ont déjà consulté des spécialistes, notamment des Français, comme Jacques Séguéla, pour le montage de leur stratégie communicationnelle. Ne serait-ce pas une erreur de leur part de se référer à cette expertise clef en main plutôt contreproductive puisqu’elle ignore complètement le fonctionnement de la représentation du vote dans l’opinion sénégalaise ?
Les expériences du passé ont démontré que les schémas occidentaux ne se révèlent pas toujours pertinents dans la prise en compte des réalités africaines, particulièrement au Sénégal, comme l’a prouvé l’invitation de Séguéla dans la campagne du Président Abdou Diouf en 2000. Une étude sérieuse s’impose afin d’interpréter et de comprendre le sens du vote pour le citoyen sénégalais en zone rurale et urbaine sans tomber dans des conclusions hâtives ou à la commande.
Cela dit, le principal défi à relever consiste à concevoir un projet de société capable de répondre aux angoisses des Sénégalais et de le valider, à travers un débat de fond pour convaincre les populations au-delà des promesses de campagne, vite oubliées après le vote. Là aussi, l’environnement pour ce type d’e¬xercice est défavorable en raison des enjeux et des contraintes d’accès aux divers espaces de médiation, configurés selon les attentes d’une certaine clientèle politique (chefs religieux, imams…).
En tout état de cause, la prochaine élection présidentielle ne sera pas facile à gagner pour l’opposition com¬me pour le pouvoir en place, mê¬me si la plupart des citoyens at¬ten¬dent un soulagement de leurs souffrances et des perspectives pour l’avenir des jeunes. Qui plus est, les affaires et la corruption, l’enlisement du parti majoritaire dans des guerres de positionnement, ont quelque peu assombri le bilan. Mal¬gré cela, reconnaissons des réalisations indispensables en matière d’in¬frastructures et d’aménagement urbain. Dans le domaine purement politique, le Président Wade, grand connaisseur de la société sénégalaise, par sa longue expérience politique et son appartenance à ce «microcosme», comme dirait feu Raymond Barre, est encore doté de ressources lui permettant de retourner la situation en sa faveur, dans un contexte où l’opposition peine à re¬trouver une cohérence sans laquelle elle ne peut prétendre à une future victoire, démocratiquement acquise.
Moussa DIAW - Enseignant-Chercheur en Science politique Université Gaston Berger de Saint-Louis _ diawmoussafr@yahoo.fr
2012, un défi à relever pour la presse !
Messieurs les patrons de presse, Messieurs et Mesdames les journalistes, Messieurs les analystes politiques, Messieurs les éditorialistes, Messieurs les consultants. Votre mérite ne fait l’objet d’aucun doute. En 2000, les Sénégalais et autres étrangers, unanimement, ont salué votre rôle déterminant dans l’avènement de l’alternance démocratique au Sénégal. Cette dernière consacre non seulement l’aboutissement de la démocratie mais aussi le couronnement d’un long combat de 26 ans de l’opposant Abdoulaye Wade.
Pour rappel, c’est grâce aux débats contradictoires riches et variés, que vous avez permis aux Sénégalais d’apprécier les programmes des uns et des autres. De même, debout comme des sentinelles de la démocratie, vous avez véritablement participé, en direct sur les ondes des radios, à la publication des vrais résultats, bureau par bureau et circonscription par circonscription. En homme intelligent et démocrate, le président Abdou Diouf a accepté patriotiquement sa défaite et félicité son challenger, Me Wade, et évitant majestueusement des troubles post-électoraux au Sénégal. Le monde entier avait, d’une seule voix, magnifié la démocratie sénégalaise et cité notre cher pays comme exemple à suivre.
De la même manière, se basant sur deux principes sacro-saints de votre métier à savoir la déontologie et l’éthique, vous avez joué le même rôle en 2007 : animer le débat démocratique, donner les vrais résultats issus des urnes et, par la suite, jouer votre rôle d’alerte et de contre-pouvoir. S’il en était besoin, les dernières élections locales ont prouvé la maturité et de la presse et des citoyens sénégalais. C’est ainsi que le parti au pouvoir (Pds) et ses principaux alliés ont été laminés par l’opposition. Le président Wade, en homme rusé et démocrate, avait félicité l’opposition regroupée au sein de Benno Siggil Senegaal pour sa percée dans la quasi-totalité des grandes villes du pays. Par ailleurs, une ville aussi historique et symbolique que Dakar a cristallisé beaucoup d’attention. Elle a vu le fils du président Wade et sa Génération du concret, en l’occurrence Karim, battus à plate couture par Khalifa Sall and co. Par conséquent, la succession dynastique théorisée par certains esprits égarés et inconscients de l’héritage culturel et démocratique des Sénégalais est renvoyée aux calendes grecques. A l’instar des grandes démocraties, au Sénégal le pouvoir ne s’hérite pas, il se mérite ! Laissons donc à Karim le temps de le mériter, il en a le droit ! Ce projet de dévolution monarchique du pouvoir prêté au président Wade a été l’objet d’un rejet vigoureux et cinglant pour plusieurs raisons. D’une part, la perte de Dakar est liée, selon certains observateurs de la scène politique, à l’implication personnelle du président de la République et de son fils, à la division et aux guéguerres des libéraux, et à la conjoncture économique d’alors (délestages, pénurie de gaz, cherté des produits pétroliers et de la vie…).
D’autre part, si le parti au pouvoir a perdu Dakar, ce n’est guère du fait du bilan de l’ex-maire Pape Diop qui, plus est, est largement positif. Mais certains analystes politiques pensent que cette cuisante défaite est due aux ambitions prêtées à Karim Wade de diriger la mairie de Dakar. De facto, ces élections locales se sont transformées en un référendum dont la question sous-jacente serait la suivante : êtes-vous d’accord pour une dévolution monarchique du pouvoir oui ou non ? La réponse de l’écrasante majorité des Sénégalais est donc sans ambages : nous ne voulons pas d’une dévolution monarchique du pouvoir !
Dans la perspective de l’élection présidentielle 2012, votre rôle sera une fois de plus déterminant et les citoyens que nous sommes attendent plus de vous. En effet, nous attendons des débats de fond et programmatiques sur les secteurs tels que l’économie, l’énergie, le social, l’éducation, la santé, la laïcité de l’Etat… Il s’agira d’une part de permettre au président sortant et à ses alliés, comptables d’un bilan positif ou négatif, de le défendre et de dégager des perspectives pour le pays. Il appartiendra aux citoyens sénégalais d’apprécier à leur guise ce bilan et de se prononcer par le biais des urnes.
S’agissant de l’opposition, les Sénégalais attendront, à coup sûr, un programme alternatif et crédible. Que l’opposition se le tienne pour dit : programme alternatif ne veut point dire promettre des monts et merveilles aux Sénégalais. Il faudrait certes nous faire rêver par des programmes concrets et réalisables mais aussi nous épargner des promesses mirifiques et démagogiques. J’ai envie de dire aux journalistes : épargnez-nous des débats où l’on invite des marchands d’illusions qui promettent des éléphants blancs !
Pour la première fois au Sénégal, la pléthore des mouvements citoyens a pris une ampleur jamais égalée. Faillite de l’élite politique ou non ? Toujours est-il que les mouvements citoyens auront droit au chapitre et joueront, à mon humble avis, un rôle crucial. Votre rôle sera de permettre à ces gens, qui ne se reconnaissent pas dans la politique politicienne, d’exposer leurs visions ‘nouvelles et novatrices’ du Sénégal. L’électorat sénégalais, très averti, donnera son oreille attentive.
En définitive, Messieurs les journalistes, vous avez un rôle, plus ou moins, d’arbitre et de metteur en scène à jouer. En 2000, vous n’aviez pas de télévision et l’internet et la presse online n’était pas aussi développée qu’actuellement. Cela ne vous a pas empêché de faire un travail remarquable et salué de tous. Pour certains d’entre vous, la couverture d’une élection n’a aucun mystère car ce sera la troisième fois qu’ils couvriront une élection présidentielle. Certains groupes de presse ont fêté récemment leurs 25 ans. L’aide à la presse a sensiblement augmenté et dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012, nous citoyens, attendons de l’Etat qu’il double ses efforts et qu’il participe à l’accomplissement de votre travail.
Le code de la presse rédigé par des professionnels sera adopté sous peu. La liberté de presse et d’expression est réelle et elle est garantie par la Constitution. Bientôt, vous allez étrenner la Maison de la presse sise à la belle Corniche…Last but not least, les médias sociaux, comme facebook et twitter, vont jouer sans l’ombre d’un doute un rôle déterminant. En effet, ces médias interactifs qui suscitent un réel engouement au niveau des internautes en général et plus particulièrement des jeunes, donnent de larges possibilités aux citoyens de participer à l’offre d’information. Elles vous permettent, vous journalistes, d’impliquer ceux qui s’intéressent à ce que vous faites et partant de créer un lien de proximité et de confiance.
Pour toutes ces raisons évoquées ci-dessus, et pour l’attente grandissime du public, nous disons, ‘citoyennement’ et cordialement, à la presse sénégalaise : 2012, un défi à relever !
Bassirou MBACKE, Expert en management et en communication