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Les intellectuels et la politique au Sénégal : Quand l’esprit du gladiateur fausse les règles du jeu
Pour être efficace, l’intellectuel qui s’investit en politique au Sénégal doit savoir renoncer à ses ‘réflexions profondes et à son esprit critique’. Tel est, en substance, le sens des propos que nous avons retenus de quelqu’un qui avait visiblement l’étoffe d’un chargé de la propagande d’un parti représentatif, lors d’un débat politique. Comme on pouvait s’y attendre, cette analyse abracadabrante qui se passe de commentaire avait eu l’effet d’un principe directeur à retenir, comme dans un cours de travaux dirigés en sciences politiques, par la bonne dizaine d’auditeurs à la fois éberlués et fascinés par ce franc parler à couper au couteau. Pour notre part, ce bout de phrases a la valeur d’un précis politique incroyablement bien résumé, un véritable bréviaire connu de certains acteurs de la vie politique sénégalaise.
Sans faire un procès d’intention à ce qui serait vraisemblablement la valeur de l’action politique des intellectuels en situation, au regard des ‘règles de jeu’ auxquelles ils sont invités à souscrire, ces propos ont quand même le mérite de susciter l’intérêt à porter un regard critique sur le comportement des acteurs politiques. En effet, le jeu politique sénégalais rappelle un peu le Colisée, sous les empereurs romains Vespasien et Titus, où l’esprit et le trophée du gladiateur lors des duels épiques, à l’issue mortelle, faisaient de la raison et le sens de la mesure dans les actes de cruauté face à l’adversaire les valeurs les moins partagées. Rapporté à la dérive paranoïaque qui saisit l’espace de conquête des suffrages au Sénégal, le triomphe du politicien intellectuel serait alors, dans bien des cas, difficilement autre chose que le sacre d’un renoncement à une mission noble au profit de l’appel d’une arène en folie qui lui tisse une éphémère couronne en lauriers.
Lorsqu’un citoyen se propose de délivrer son peuple de l’étau de la pauvreté et de tous les maux qui assaillent nos fragiles équilibres socioculturels et économiques à travers un projet de société dont il est porteur, il mérite assurément respect et considération pour s’être investi volontairement de l’une des missions les plus nobles de l’humanité. Si cette vision est partagée par des centaines de personnes acceptant toutes de servir leur société avec abnégation, on ne peut logiquement s’attendre qu’à une synergie des efforts parce que le but poursuivi par les uns et les autres reste identique. A la lumière de ce postulat, le sens de l’action politique, souvent exprimé en ces termes par les acteurs du quatrième secteur d’activité, ne saurait s’accommoder de contradictions insolubles et de querelles de positionnement à l’intérieur comme à l’extérieur des partis, sans transformer la société en une véritable arène où règne l’esprit du gladiateur avide de trophée et de gloire populaire.
Le Sénégal fait partie des pays où les intellectuels s’investissent le plus dans la politique. Selon les périodes, de brillants esprits se sont illustrés par leur engagement dans la lutte, à l’échelle de l’Afrique, pour l’affirmation de l’identité culturelle de l’homme noir, puis l’autodétermination qui mit fin aux empires coloniaux des anciennes puissances impérialistes. La mise en place de l’Etat moderne du Sénégal a nécessité, par la suite, la mobilisation d’une partie importante des ressources humaines formées à l’école française constituant progressivement les cadres supérieurs et moyens de l’administration.
Jusqu’à une période récente, l’université de Dakar, actuellement Université Cheikh Anta Diop, a su garder une position d’élite dans le peloton des établissements d’enseignement supérieur les plus prestigieux en Afrique. Les années 1980 ont cependant ouvert une nouvelle ère, celle de la descente massive des universitaires dans l’arène politique. Qu’ils soient scientifiques, historiens, hommes de lettres, juristes, philosophes, sociologues, pour ne citer que ceux-là, beaucoup ont subrepticement quitté l’université pour s’investir dans la politique, sevrant brutalement des générations d’étudiants avides de savoir et de solides repères intellectuels. Au département d’Histoire de la Faculté des Lettres et Sciences humaines que nous connaissons le mieux, les étudiants de notre génération se souviennent encore des professeurs Iba Der Thiam et Abdoulaye Bathily pour la qualité de leurs enseignements et ce qu’ils représentaient dans la formation de nos jeunes esprits face aux grandes idées qui agitent le monde. Dans les autres facultés, ainsi qu’à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, des départs ayant des effets similaires sont enregistrés. Les énormes opportunités de réalisation qu’offrent les universités anglo-américaines et européennes ont, par ailleurs, entraîné une fuite de cerveaux laissant sur place ceux qui ont choisi d’assurer la relève en s’investissant dans la recherche et l’encadrement des étudiants malgré les sollicitations de l’extérieur.
Les motivations profondes de ceux qui sont descendus dans l’arène politique sont certainement fondées sur de fortes convictions au regard de leur statut d’élite reconnu par leurs pairs. Beaucoup ont en effet senti à travers les discours de ces porte-étendards des creusets de bouillonnement intellectuel que sont les universités, la ferme volonté de participer à la vie politique nationale dans l’espoir de faire partager la vision de leurs projets de société. L’ouverture démocratique qui avait, quelques années auparavant, permis aux courants de pensées non-conformistes de sortir de la clandestinité, avait déjà créé les conditions de l’élargissement de l’espace d’expression politique plurielle.
Les deux décennies qui nous séparaient de la fin du second millénaire, furent marquées par les dures années de la période d’ajustement structurel, l’affermissement du régime socialiste défiant un front social contestataire de plus en plus organisé, la politisation à l’extrême des hautes sphères de l’Etat, le rôle déterminant du pouvoir de l’argent en tant qu’instrument de contrôle d’une bonne partie de l’électorat et les contradictions fatales entre les héritiers de Senghor. Dans ce contexte politique particulier où règne déjà en maître l’esprit du gladiateur intraitable, les intellectuels qui ont seulement en bandoulière leur savoir académique et leurs réflexions critiques caractéristiques des milieux universitaires, étaient loin de disposer des ‘armes conventionnelles’ en usage pour tirer leur épingle du jeu.
Dans l’âpre compétition pour la conquête et le contrôle du pouvoir, l’opportunisme et la ruse politique se sont progressivement substitués à l’éthique dans les rapports humains et les bonnes manières que l’on exige tant à la jeunesse devenue rebelle parce que désemparée. On n’oubliera pas de sitôt l’image de ce président de groupe parlementaire qui esquissa ce fameux pas de danse de trop à l’annonce du verdict de l’infortune de la victime du jour de l’arène politique. Devant le sarcasme et l’acte outrageux de vengeance, le devoir de justice venait de perdre tout son sens en suscitant la répugnance et l’indifférence. Le plus grave est que des milliers de jeunes Sénégalais et d’ailleurs se sont parfaitement retrouvés dans la symbolique de ce type de geste bien connu de leurs petits espaces de jeux, lorsqu’ils font la fête à un de leurs camarades en mauvaise posture. L’imagination fertile des enfants n’a certainement pas manqué de conclure que le monde des adultes a aussi ses moments de jeu, avec cette différence de taille que celui-ci se passe ici au niveau de l’espace politique d’où sortent les élus occupant le sommet des institutions de la République.
L’image peu reluisante du jeu politique sénégalais dessert en vérité l’intellectuel qui veut rester soi-même, parce que forcément désarçonné par la bassesse de certaines pratiques et la nature des discours versant dans l’invective. Une seule alternative s’offre alors à lui, faire comme tout le monde et être comme tout le monde pour s’adapter, ou se retirer de cet espace de compétition permanente qui n’est pas le sien, afin de garder sa position d’avant-poste dans la production du savoir et la réflexion profonde et libre sur les tares de sa société. Evidemment, cette seconde option est celle de l’intellectuel qui se remet sur son piédestal en renonçant courageusement aux postes de privilèges et aux profits faciles, souvent sources de gros ennuis.
Les acteurs de la classe politique, qui créent et entretiennent les conflits par la surenchère dans le seul but de contrôler la situation afin de négocier en position de force, brillent à chaque fois par leur incapacité à surmonter, à l’interne, leurs propres contradictions. Malgré sa façade lustrée, la démocratie sénégalaise reste encore limitée dans la production, par elle-même, de puissants mécanismes d’autorégulation nécessaires à la réalisation de grands consensus pour la sauvegarde des intérêts supérieurs de la nation. Sous le régime socialiste de Diouf comme celui libéral de Wade, ce sont les milieux religieux qui jouent le rôle de régulateurs sociaux lors des crises politiques graves, en puisant dans nos ressorts culturels et spirituels les éléments de persuasion capables de faire fléchir les positions partisanes des protagonistes. Les intellectuels qui sont au cœur de la mêlée de la scène politique, perdant de fait le statut prestigieux du médiateur impartial, sont les grands absents de ces cadres supérieurs de concertation et de réconciliation nationale.
L’une des plus grosses déceptions que le peuple sénégalais a connues, a été les contradictions internes qui ont fait voler en éclat la cohésion de l’équipe victorieuse ayant permis l’alternance en mars 2000. Peu importe les raisons avancées par les uns et les autres pour faire endosser la responsabilité de la rupture au camp adverse. Pour les citoyens qui ont accordé leurs suffrages à l’opposition triomphante, l’alternance politique n’avait de sens que par ce qu’elle pouvait apporter aux populations en souffrance en termes de réduction de la pauvreté, sous son expression la plus large, et de stabilité, gage d’un développement harmonieux et durable.
L’actuelle équipe dirigeante a certes fait des résultats, mais la participation de tous ceux qui se sont retrouvés dans l’opposition, de manière compréhensible, aurait permis des avancées plus significatives dans l’œuvre de construction nationale.
Les perdants des déchirements politiques, ce ne sont assurément pas les cadres supérieurs ou moyens qui sont déjà des privilégiés. Les ‘professionnels’ du secteur, même non lettrés, parviennent eux aussi à tirer leurs marrons du feu, en faisant chanter à volonté le leader politique local dopé par le mirage de ses ambitions, et à qui ils soutirent un peu ‘de ce qui appartient à tout le monde’, pour reprendre la célèbre formule en usage dans ces milieux. Les véritables sinistrés de l’arène politique, c’est le monde rural de manière générale, les populations déshéritées des banlieues des grandes villes et les milliers de jeunes qui bravent la haute mer, comme si l’Europe s’était par enchantement rapprochée du continent africain.
L’observation du paysage politique sénégalais nous renvoie en définitive l’image d’un champ de bataille où les acteurs, hommes et femmes de tous les âges, s’affrontent sans concession pour des honneurs et des carrières professionnelles jamais stabilisées. Il n’y a pas de régions ou de localités significatives au Sénégal où les politiciens ne se signalent par le choc de leurs ambitions, provoquant souvent de profonds déchirements jusque dans les familles. Sous le prétexte commode de servir la société, chacun essaie de se tailler un destin fabuleux comme dans des époques hors temps en tentant de surclasser, d’une manière ou d’une autre, ses adversaires.
Sans prêcher l’inertie et encore moins le fatalisme stoïcien, il est quand même raisonnable que l’on se rende à l’évidence que la bonne centaine de présidents ou de secrétaires généraux de partis politiques qui aspirent à la magistrature suprême ne peuvent mathématiquement pas y accéder tous. Y renoncer pour certains, par réalisme, ne suffit pas pour nous préserver des conséquences de la surenchère politique. Car les pièges à éléphants courants que les partis se tendent, souvent à perte dans le jeu des alliances à ruptures programmées, font encore le lit de la transhumance politique et des échecs retentissants soldés par des actes d’allégeance avilissants pour sauver la mise.
Les acteurs politiques doivent revoir leurs comportements observables et arrêter de s’offrir en spectacle, car aucun de leurs faits et gestes n’échappe aux citoyens grâce aux moyens modernes de diffusion et de communication de masse. L’espace d’animation du jeu politique ne saurait s’identifier au Colisée de l’antiquité romaine où le roi se voyait souvent réclamer, par son peuple, du pain et surtout des jeux à l’honneur de l’esprit guerrier ambiant dont il était lui-même le premier adepte.
Ousmane NGUEME Inspecteur de l’Enseignement Doctorant en Histoire Ide de Bakel nguemeousmane@yahoo.fr
L’ÉTAT CÈDE SES ACTIONS DANS DES ENTREPRISES NATIONALES
Les opposants pensent que l’Etat a un besoin urgent d’argent
jeudi 13 septembre 2007, par Nettali /
Le Populaire. L’option prise depuis quelque temps par l’État de vendre les actions qu’il détient dans certaines entreprises nationales comme les Industries chimiques du Sénégal (Ics), la Société nationale des télécommunications (Sonatel), la Société africaine de raffinage (Sar) ne laisse pas indifférents certains opposants qui chargent le régime libéral accusé d’avoir mal géré les ressources financières du pays.
« Si le libéralisme signifie une vente aux enchères, les Sénégalais doivent prendre toutes leurs responsabilités, avant que le pays ne soit transformé en ‘’luuma’’ (ndlr : marché hebdomadaire) ». Voilà comment le Secrétaire général de Naxx Jarinu/Mouvement pour l’alternance générationnelle, Cheikh Sarr, caricature la décision de l’Etat de céder ses actions dans nombre de grandes sociétés où il était actionnaire. « Nous sommes en présence d’un pouvoir composé d’affairistes. Ces affairistes ne sont personne d’autres que Karim Wade et les gens qui l’entourent, avec la bénédiction du président Wade », dit-il. Le jeune leader politique d’attirer l’attention sur le fait que « dans l’affaire de la Plateforme de Diamniadio, l’Etat a renoncé à une aide pour accepter un prêt. Le Terminal à conteneurs du Port de Dakar a été cédé dans des conditions nébuleuses. Il paraît même que la troisième licence de téléphonie a été octroyée à Sudatel parce que Wade a des connexions au Soudan ». Sur sa lancée, Cheikh Sarr souligne, pour s’en offusquer, que « chaque fois qu’il y a des commissions à prendre, le gouvernement donne des marchés. Ils se battent pour des intérêts personnels. C’est un affairisme d’Etat qui est en train de se faire jour au Sénégal. Il y a un groupe de Sénégalais qui croient qu’ils doivent s’enrichir coûte que coûte ». Même son de cloche du côté de Massène Niang, Coordonnateur national du Mouvement pour le socialisme et l’unité (Msu) : « Le pouvoir a des problèmes financiers. Ils ont un besoin urgent d’argent, c’est pourquoi ils sont en train de brader le patrimoine industriel du pays. C’est la conséquence de la mal-gouvernance financière. Quand Wade prenait le pouvoir, tous les clignotants étaient au vert, mais aujourd’hui, tous les clignotants sont au rouge. Ils ont mal géré le patrimoine financier du pays. Les corps de contrôle sont phagocytés par l’État. Les institutions de contre-pouvoir comme l’Assemblée nationale ne fonctionnent plus. Notre pays est aujourd’hui presque à genoux. Cette situation risque de nous conduire vers une catastrophe nationale ». El Hadj Momar Samb, Secrétaire général du Rassemblement des travailleurs africains/Sénégal (Rta/S), abonde dans le même sens : « Je pense que la situation est extrêmement grave, voire très inquiétante. Cette politique de bradage va enlever notre souveraineté sur toutes les sociétés nationales rentables. Elle va approfondir la dépendance de notre pays ». Selon M. Samb si « l’État est en train de brader ses actions, c’est parce qu’il est en banqueroute. Il a une crise de trésorerie qui lui fait obligation de vendre ses parts dans certaines entreprises nationales, mais également de faire des emprunts obligataires sur le marché ». El Hadj Momar Samb de prévenir : « Nous sommes en présence d’un État budgétivore qui mène une politique antinationale. Nos terres vont être vendues comme nos sociétés. Toutes nos richesses risquent d’être bradées ». Lors de sa conférence de presse d’hier, Mamour Cissé, Secrétaire général du Psd/Jant bi a montré son désaccord et estime que les secteurs stratégiques ne doivent pas échapper au giron de l’Etat. Ce qui lui dérange le plus, c’est le fait que l’Etat se désengage de la Sonatel au regard des bénéfices de l’entreprise. Toutefois, il tolère le fait que les Iraniens prennent la société africaine de raffinage (Sar) qui selon lui, permettra de sécuriser l’approvisionnement énergétique du pays.
Le Ps dénonce un bradage des « bijoux de famille » pour encaisser des milliards
« Ce qui peut sembler être une démarche insensée correspond à une option dangereuse, consistant, après avoir vidé les caisses de l’Etat et accumulé les déficits, à brader les ‘bijoux de famille’ pour encaisser les milliards destinés au financement des dépenses de prestige d’un régime budgétivore ». Voilà comment le Parti socialiste analyse, dans la déclaration qu’il a sortie hier, la cession par l’Etat de ses participations dans les sociétés nationales. « Dans la série des affaires nébuleuses, le régime d’Abdoulaye Wade se signale une nouvelle fois avec le bradage des richesses nationales. En effet, après le patrimoine foncier et immobilier, le pouvoir libéral s’attaque maintenant à la participation de l’Etat dans le capital des entreprises majeures de notre pays. Cette nouvelle tournure dans la gestion de biens publics rend sceptique sur la capacité et même sur la volonté du régime libéral à préserver les intérêts nationaux. Elle soulève également de légitimes interrogations sur la logique économique et financière du gouvernement ». Car, poursuivent les socialistes, « la décision prêtée à l’Etat de vouloir céder la totalité de ses actions dans le capital de la Sonatel ne manquerait pas de heurter le bon sens, quand on sait que cette société rapporte à l’Etat chaque année 24 milliards de dividendes. Point n’est besoin d’être économiste pour comprendre que le prix de cession avancé correspond à un certain nombre d’années de dividendes pour solde de tout compte. La vente envisagée des actions de l’Etat dans la Sar obéit aux mêmes desseins. C’est avec les mêmes réserves que le Parti socialiste apprécie la récente convention d’actionnaires des Ics dans laquelle l’Etat du Sénégal consent, contre tout bon sens, à renoncer, sans contrepartie financière, à 37% de sa part de capital au profit du consortium Iffco ». Et dans ce qu’ils qualifient de « catalogue des mauvaises affaires ou des affaires fumeuses », les socialistes évoquent « la procédure insolite et pour le moins cavalière qui a abouti à l’attribution d’une licence de téléphonie globale à Sudatel ». Verdict du Ps : « Dans cette nouvelle affaire comme dans celle de la cession des actions de la Sonatel, le pouvoir libéral n’a d’yeux que pour les milliards qui pourraient rentrer dans ses caisses. Et c’est bien le paradoxe avec ce régime qui, à coup de milliards, préfère entretenir des institutions inutiles et des courtisans au lieu d’apporter des réponses urgentes aux attentes pressantes des Sénégalais ». Mais, pour Ousmane Tanor Dieng et ses camarades, « le pire reste à venir, car, après avoir mené notre économie à la faillite, le régime d’Abdoulaye Wade est en train de compromettre le destin des générations futures, non seulement en les privant des richesses nationales, mais également en les obligeant à payer, par des emprunts obligataires destinés à financer un déficit, la facture du train de vie dispendieux d’un pouvoir uniquement soucieux de son confort ».
La Ld/Mpt exprime son indignation devant une « recherche effrénée d’argent liquide »
La cession tous azimuts des actions de l’Etat dans certaines entreprises a été hier au cœur du Secrétariat permanent de la Ligue démocratique/Mouvement pour le parti du travail (Ld/Mpt). Les camarades du professeur Abdoulaye Bathily, qui parlent de « recherche effrénée d’argent liquide », expriment toute leur indignation.
« Comme toute l’opinion publique nationale, le Secrétariat permanent constate avec indignation que le régime de Abdoulaye Wade est en train de brader de manière frénétique nos richesses nationales les plus précieuses. Hier, c’était les Ics, aujourd’hui c’est l’hôtel Méridien, les actions de l’Etat au niveau de la Sonatel et de la Sar, en plus de la vente de la 3e licence à l’obscure Sudatel etc. Cette vente systématique de nos fleurons s’accompagne d’un bradage de notre patrimoine foncier », dénonce l’instance dirigeante des « jallarbistes ». Analysant ce qu’elle considère comme « une recherche effrénée d’argent liquide », la Ld/Mpt indique que « d’une part, les caisses de l’État ont été vidées par 7 ans d’un train de vie dispendieux, des institutions et des chantiers aussi inutiles que budgétivores, et un affairisme dont le niveau n’a jamais été atteint dans notre pays. D’autre part, il est remarquable de constater que les acheteurs sont non seulement peu connus sur le marché financier international, mais en plus, les conditions d’octroi de ces marchés sont d’une opacité totale ». Ce qui, selon les camarades du professeur Bathily, « crée un environnement qui favorise un affairisme des plus abjects, mais aussi et surtout la possibilité de ‘prête-nom’ qui permettrait à des caciques du régime de mettre la main sur les richesses nationales pour se prémunir par rapport à un avenir qui s’annonce sombre pour eux ». Pour Abdoulaye Bathily et ses camarades, « ce climat de bradage et d’affairisme au sommet de l’Etat coïncide avec une détresse de plus en plus profonde à la base. Les inondations à Matam, Diawara (département de Bakel), Nganda (département de Kaffrine) qui viennent s’ajouter à la famine qui sévit dans plusieurs localités du monde rural et à la hausse généralisée des denrées de première nécessité en cette veille de Ramadan jettent des couches importantes de notre peuple dans une misère profonde ».
SONATEL
L’Etat va vendre ses parts
mardi 11 septembre 2007, par Nettali /
NETTALI - L’Etat du Sénégal va vendre les actions qu’il détient à la Société nationale des télécommunications (Sonatel). Le populaire qui donne l’information en citant des sources dignes de foi ajoute que le dossier est sur la table de la Banque mondiale.
L’Etat du Sénégal détient déjà 27,67% du capital de la première société de téléphonie du Sénégal alors que France Télécom en contrôle 42,33%. Ce qui fait de la société française la première entreprise en termes de nombre d’actions. Le reste du capital, 30% précisément, est réparti entre les Institutions, le Grand public, le personnel et les anciens salariés (30%).
Créée en 1985, la société est présente dans beaucoup de pays de la sous-région comme la Guinée Bissau, la Guinée, le Mali etc. Elle a réalisé pour l’année 2006 un bénéfice de l’ordre de 146,6 milliards. Soit une hausse de 26% par rapport à 2005. Le chiffre d’affaire de la Sonatel publié en novembre 2006 est de 398 milliards, (42% de plus par rapport à l’année précédente). La Sonatel compte plus de 2 millions d’abonnés et bénéficient d’une situation de monopole sur le téléphone fixe.
Les usagers se plaignent cependant de la défectuosité de son réseau. Des problèmes techniques qui lui ont d’ailleurs valu une condamnation par l’Agence de régulation des télécommunications (Artp) à payer 3 milliards de francs Cfa au Trésor public. Une sanction qui a été frappée d’appel au niveau de la cour d’appel mais qui a été confirmée par cette juridiction.
PAR MAMOUDOU IBRA KANE DIRECTEUR DE LA RFM
Attention, un train peut en cacher un autre : TGV, le Très Grand V(W)ADE a parlé !
mercredi 12 septembre 2007, par Nettali /
Enlevons le double V(W) de WADE pour le remplacer par un seul V, cela donne VADE, comme dirait Abdourahim AGNE. C’est ainsi que l’ancien porte-parole du Parti Socialiste et actuel ministre dans le gouvernement libéral appelait l’adversaire le plus irréductible du défunt régime de DIOUF. TGV, finalement, n’est pas seulement l’acronyme du Train à Grande Vitesse, c’est aussi et surtout les initiales de notre Président de la République, le Très Grand… VADE !
En annonçant, depuis Touba où il était parti présenter ses condoléances, aux Sénégalais, tenaillés par la faim et non « famine », pour éviter une vaine polémique avec le ministre de l’Agriculture, et pris dans un tourbillon de hausse sans fin des prix des denrées -même le passeport, pourtant boudé par les candidats à l’émigration par la mer, ne va y échapper au nom d’une certaine révolution numérique- le chef de l’Etat passe, à la vitesse du TGV, d’un silence bruissant à un vacarme ahurissant.
Le peuple, et surtout la presse qui raffole de WADE, exigeaient qu’il parlât à son retour de vacances, eh bien ils sont servis. Il a rompu le silence. Et de quelle manière ! Puisqu’il l’a fait tout simplement à la vitesse du fameux Train qui roule très vite. Quand on connaît l’homme, il fallait s’y attendre. WADE, hier dans l’opposition comme aujourd’hui au pouvoir, « un opposant au pouvoir » alors, pour reprendre le mal pensant de confrère Abdou Latif COULIBALY, a souvent pris le contre-pied de son peuple, tout en réussissant, paradoxalement, à faire rêver ce même peuple. Amath DANSOKHO, l’homme politique sénégalais qui fait partie de ceux qui connaissent le mieux notre Président, n’a que trop raison de dire qu’il sait jouer avec l’imaginaire du peuple sénégalais. Avouez qu’il l’a encore fait avec maestria. On a voulu qu’il se prononçât, hic et nunc, sur l’augmentation des prix des produits de première nécessité, des coupures de courant, des inondations au Nord du pays (Matam et Podor), de la soudure dans le monde rural –chut ! il ne faut surtout pas parler de famine- il nous sort de son chapeau de magicien de la parole un TVG à sept, et non à un, embranchements. C’est du WADE, ça. Du WADE tout craché. Ceux qui le suivent depuis très longtemps, depuis qu’il est en tout cas le Pape du Sopi, ne sont certainement pas surpris tant ils s’attendaient à ce que le redoutable communicateur politique qu’il est, jetât encore à la meute un os, gros comme ça, à ronger. Et hop ! La presse, l’intelligentsia et le bas peuple s’y accrochèrent. Tels des affamés. C’est vrai qu’il y a très longtemps, un long mois de… diète médiatique, que nous étions sevrés des paroles appétissantes du Maître. Malheureusement, encore une fois, les naïfs sont tombés dans le piège. Et le tour wadien est joué ! Au grand dam des masses populaires qui voulaient l’entendre parler du concret et non d’un virtuel TGV.
Au bout du compte, la question qu’on peut et doit se poser est finalement de savoir s’il fallait l’obliger à sortir de son mutisme ? En tout cas, la façon à Très Grande Vitesse dont il a brisé le silence nous laisse sur notre faim pour ne pas dire sur le quai. Il ne s’agit pas de s’interdire de rêver de TGV avec le Très Grand VADE, car notre conviction est que le Manager d’aujourd’hui, notamment celui qui est au sommet d’un Etat, doit rêver et faire rêver, à charge pour les opérationnels (ses collaborateurs) de traduire ses rêves en réalités tangibles. Toutefois, nous estimons que la conjoncture économique, politique et surtout sociale ne se prête pas aux rêves, fussent-ils présidentiels et les plus fous. Attention, le cauchemar est vite arrivé ! Et ce qui devait arriver arriva, puisque notre réveil a été brutal en entendant celui que nous avons élu, donc censé de nous dire des choses ayant prises sur les réalités de l’heure, nous entraîner dans un train de rêves. Mais puisqu’il nous installe confortablement dans le wagon, allons-y avec lui. Monsieur le Président, savez-vous dans quel état se trouve le chemin de fer sénégalais ? Et bien ceux qui vous informent à coup de bulletins de renseignements auraient dû vous dire qu’à Saint-Louis, la première capitale de notre pays, la gare ferroviaire qui faisait naguère la fierté des filles et fils de Ndar, est occupée par des vendeuses de cacahuètes et non par des trains. Ahurissant ! Ils auraient dû vous dire aussi, ces renseignements, que Thiès, la capitale du rail, porte mal aujourd’hui son nom. Il faut savoir, Monsieur le Président, puisque vous voulez remettre le train sénégalais… sur les rails, que les déraillements sont très fréquents entre Dakar et la « ville aux deux gares ». La cause, des rails dont l’état reste à désirer et des trains eux-mêmes dans un état loin d’être reluisant. Dans cette même capitale du rail, les Canadiens qui avaient repris la SNCS (Société Nationale des Chemins de Fer) sont partis sans y investir le moindre kopeck pour acheter le moindre écrou. Les Belges, qui sont arrivés depuis quelque temps, ont arrêté le wagon de licenciements certes, mais ils n’y vont pas à Très Grande Vitesse pour remettre définitivement le train sur les rails du développement. Il faut savoir enfin, Monsieur le Président, que, dans la région de Kaolack où le train ne siffle même pas une fois depuis belle lurette, le chemin de fer y est mort de sa belle mort. Voyez, Monsieur le Président, puisque, apparemment, on ne vous renseigne pas convenablement, sinon vous n’auriez pas sorti un TGV comme ça, le Sénégal est à mille (cent) lieues du Train à Grande Vitesse. La manipulation ou au moins la tentative de manipulation de la plus haute autorité de ce pays par de faux bulletins de renseignements ne pue t-elle pas à mille lieues d’ici quand cette même autorité, alertée par une main manipulatrice située quelque pat au sommet de l’Etat, s’est sentie obligée de mobiliser toutes les forces de sécurité du pays pour faire face à un prétendu soulèvement populaire ? Soulèvement, les faits l’ont démontré à suffisance, qui n’existait en réalité que dans la tête du grand manipulateur… Trêve de divagation à la TGV !
La solution à nos problèmes, nous sommes tous d’accord, n’est pas de dormir et de s’interdire tout rêve, mais nous pensons que des préalables doivent être mis en place avant toute autre chose. Autrement, nous risquons encore d’attendre Godot, comme ce fut le cas au sujet de la construction d’un tramway en deux temps trois mouvements. Et si le TGV ne marche que dans un pays où l’électricité ne coupe pas, sinon que d’une extrême rareté, alors nous mesurons aisément la distance qui nous sépare du TGV même si le volontarisme de notre Président est de nous forcer à filer à très grande vitesse.
Le second axe de cette réflexion est que Me Abdoulaye WADE, maître dans l’art de communiquer, a pêché cette fois dans sa communication. Il a montré par lui-même les limites du Tout communication. Il a tellement communiqué, tellement manœuvré, ce qui va de pair d’ailleurs avec l’exercice du pouvoir, qu’il a fini par rayer lui-même le disque. Cette fois, « on n’a tout compris », pour faire chorus avec le chanteur. Nous concédons tous que le Président WADE avait su manœuvrer et bien manœuvrer pour se tirer d’affaire devant des centaines de personnes, toutes parents de victimes inconsolables du naufrage du bateau Le Joola en septembre 2002 (le triste anniversaire, c’est le 26 prochain. Paix à leur âme !), en trouvant les mots justes là où d’autres chefs d’Etats auraient pris la fuite et, par conséquent, perdu le pouvoir. Malheureusement pour le fin dribbleur politique qu’il est, l’annonce fracassante du TGV, pour une fois, n’a pas réussi à détourner les Sénégalais de l’essentiel. L’essentiel, ici et pour eux, ce sont les dures réalités qu’ils vivent quotidiennement. Le Très Grand VADE était attendu sur le réel et non sur le virtuel. Son discours a complètement déraillé face à la demande sociale actuelle et il donne l’impression d’être encore en vacances du pays. En déclarant qu’il va rompre prochainement le silence sur la fameuse DQ, le chef de l’Etat reconnaît lui-même son… hors sujet social. Il promet de parler des problèmes de l’heure à son retour du petit pèlerinage (Umra) à la Mecque. Prions pour qu’il en soit ainsi. En attendant, silence, le Président prie ! Silence mais vigilance car en matière de TGV aussi, un train peut en cacher un autre. Attention, le Très Grand Vade arrive !
Mamoudou Ibra KANE Directeur de la radio RFM
ALIOUNE TINE, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA RADDHO
« Wade réincarne Senghor, mais avec beaucoup de grossièretés »
mardi 11 septembre 2007, par Nettali /
Le Populaire.C’est à un diagnostic sans complaisance de la situation politique, sociale et économique que le Secrétaire général de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho), Alioune Tine s’est livré dans l’entretien qu’il nous a accordé. De la succession du président Wade, aux ambitions présidentielles prêtées à Karim Wade, en passant par la panne du dialogue politique, la gestion des fonds de l’Anoci, les saisies record de drogue dure, le blanchiment d’argent, sans pour autant oublier ses démêlées avec la justice, le droit-de-l’hommiste crache ses vérités
Me Wade avait accusé Idrissa Seck, Premier ministre à l’époque, d’être en villégiature en Afrique du Sud, alors qu’il y avait la famine au Sénégal. Est-ce qu’il est normal que le président Wade soit aux abonnés absents pendant presque un mois, au moment où le peuple ploie sous la misère et la flambée des prix ? Je pense qu’un président a le droit de prendre des vacances. Les présidents prennent des vacances. Je me demande même d’ailleurs pourquoi il n’y a pas eu de l’information sur les vacances du président. Généralement, quand ils sont en vacances, dans tel hôtel, quand ils sont au bord de la mer où quand ils sortent, les gens filment, on dit : « Tiens, il a pris un yacht, il est parti à tel endroit ». C’est de l’information pour le peuple. C’est une bonne chose. Maintenant, ce qu’il y a dans les vacances de Wade, c’est qu’il y a très peu d’informations qui filtrent là-dessus. Il se repose, c’est tant mieux. Il faut lui reconnaître le droit de prendre des vacances en tant que travailleur. Le président est très pris, il travaille beaucoup. Je pense même qu’il ne prend pas totalement des vacances car il est obligé de surveiller ce qui se passe comme du lait sur le feu.
Comment analysez-vous les absences répétitives du président Wade ? C’est vrai, il voyage beaucoup. C’est peut-être par rapport aux relations internationales. Les gens disent aussi qu’il en profite pour aller se soigner. Pourquoi pas ? Moi aussi, si j’ai l’opportunité de sortir, de pouvoir me soigner, je sors, je me soigne, je reviens. L’essentiel, c’est que ça ne porte pas préjudice au bon fonctionnement des institutions, au bon fonctionnement de l’Etat. Il y a même des voyages qui permettent de tirer beaucoup de profits pour l’économie, pour les relations sociales, pour l’image du Sénégal. Ça, c’est le travail d’un président de la République. Je pense qu’un président doit bouger. Mais un président doit aussi être là pour voir ce qui se passe. Je pense qu’il faut avoir un dosage et un bon équilibre.
Le dialogue politique est en panne. A qui imputez-vous ce blocage ? Je pense qu’il y a eu une espèce d’escalade et de confrontation continue, avant les élections, pendant les élections et après les élections. Et je pense que l’effet négatif que cela a eu pour la démocratie du Sénégal est difficile à évaluer pour le moment. Nous avons toute l’opposition significative en dehors des institutions. Je pense que c’est extrêmement lourd pour le bon fonctionnement des institutions, pour également la légitimité des institutions, des institutions reconnues par tous. Et également le bon fonctionnement de la démocratie. Je pense que ça incombe au président de la République, en premier lieu. Il me semble qu’on aurait pu éviter le boycott des élections, si au moment où la plupart des personnalités demandaient le dialogue politique, il avait reçu l’opposition. S’il l’avait fait, je pense qu’on n’en serait pas là. L’opposition porte aussi une responsabilité dans ce boycott. Parce qu’il est évident aujourd’hui qu’on n’a plus d’opposition à l’Assemblée nationale. Ça, c’est un gros handicap pour la démocratie sénégalaise et pour son image. Je pense aussi que les autres Sénégalais ont également une responsabilité. Est-ce qu’on a fait ce qu’il fallait faire ? Aujourd’hui, il y a une forte demande de désescalade, que ce soit au niveau politique, au niveau social, au niveau même spirituel. Aujourd’hui, tout le monde demande le dialogue, y compris même au sein des proches du président de la République, comme le professeur Iba Der Thiam. On s’en réjouit. Donc, je pense qu’aujourd’hui, il faut amorcer la désescalade et s’engager vers le dialogue. Il y a une nécessité absolue de renégocier ce qu’on appelle le contrat social entre Sénégalais. Quand on écoute aujourd’hui les discours et les revendications, il est évident qu’il y a beaucoup de ruptures dans ce cadre. Donc, quand les gens parlent de Pacte républicain, c’est de renégocier le contrat social. Quand les gens parlent d’Assises nationales, c’est de renégocier le contrat social. Quand on parle de dialogue politique, c’est de renégocier le contrat social. Donc, je pense qu’aujourd’hui il faut absolument y aller vers le dialogue de la façon la plus sereine, de la façon la plus lucide et de la façon la plus tranquille.
Pensez-vous alors que les Assises nationales que prônent le « Front Siggil Sénégal » soient une bonne chose ? À mon avis, oui. Vous savez, si vous lisez notre rapport (ndlr : de la Raddho) sur les élections présidentielles, notre rapport sur les élections législatives que vous avez d’ailleurs publié presque entièrement au « Populaire », le maître mot, c’est le dialogue. Parce qu’il y a un essoufflement de la démocratie dans la sous-région. Je peux vous citer quelques pays. Quand les gens ont atteint les limites en Mauritanie, on a vu ce qui s’est passé : une révolution. Aujourd’hui, le dialogue politique y est devenu quelque chose d’institutionnel, inscrite dans la Constitution. Le chef de l’Etat, il a l’obligation de recevoir tous les trois mois le chef de l’opposition parlementaire, Ahmed Dada. Et de discuter avec lui des grandes orientations du pays, même s’ils ne sont pas d’accord, ils parlent. Ils se sont parlé. Et il est obligé de recevoir l’opposition, chaque fois que cette dernière en fait la demande. Donc, c’est important. Le dialogue politique est institutionnalisé au Niger. Il y a une commission pour le dialogue politique national. Aujourd’hui au Togo, en Côte-d’ivoire, partout, il y a l’amorce d’une désescalade, et il y a un dialogue politique pour essayer de trouver des consensus forts pour que le pays continue à marcher.
Mais le Sénégal n’est pas parmi ces pays que vous citez… Le Sénégal, quand même, a pendant longtemps été un modèle, une référence qui a accumulé une expérience en matière de démocratie qu’il est extrêmement difficile de trouver ailleurs en Afrique. Avoir un député au Palais-Bourbon en 1848 ; siéger au Palais-Bourbon pratiquement sans discontinuité, de 1898 jusqu’en 1948, c’est une expérience inédite en Afrique. Et même l’expérience du parti unique, c’est pratiquement une parenthèse dans notre vie. Or, aujourd’hui, force est de constater qu’on a un parti-Etat, unique, très fortement dominant, pour utiliser le terme de Diamba Wa Diamba. Donc, de ce point de vue, quand même, il y a une régression nette de la démocratie sénégalaise. Il faut quand même qu’on se reprenne, tous. Les Assises nationales, pour nous, c’est une nécessité. Je parle à titre personnel, au nom de la Raddho. Si aujourd’hui, des gens nous invitent pour nous dire : « On réfléchit sur le Sénégal. On fait des propositions pour le Sénégal », si c’est l’opposition, je dis, par principe, on y va, on les écoute. On fait notre contribution de la façon la plus honnête, en essayant, dans la place que l’on occupe, de garder au maximum notre âme d’organisation de société civile totalement indépendante. Demain, si Wade nous invite, et il nous a souvent invités à des Assises sur l’Afrique, s’il y a des initiatives de cette nature et que nous trouvions bonnes, qu’on se dise : « Ecoutez, voilà ». Mais, nous, on ne s’engage pas dans quelque opération visant disons à l’insurrection ou autre chose. Tanor nous a expliqué très clairement qu’il ne s’agit pas d’une Conférence nationale souveraine, mais tout simplement d’Assises nationales qui feront des propositions qui seront soumises à l’Etat. Et c’est à l’Etat d’accepter ou non. Donc, je pense que ça peut toujours être profitable pour le Sénégal, qu’il y ait des gens qui réfléchissent et qui fassent des propositions.
Quelle appréciation faites-vous sur la contre-campagne déclenchée par la Cap21 dans le dessein de contrecarrer les initiatives du « Front Siggil Sénégal » ? Bon, vous savez, ça, c’est le niveau politicien qu’il faut analyser. Il est évident que le « Front Siggil Sénégal », n’étant pas à l’Assemblée nationale, doit trouver des modalités, des stratégies et des méthodes pour continuer à exister. Et d’autres, de contrecarrer pour dire : « Ecoutez, c’est inopportun, allez à l’Assemblée nationale ». Ça, c’est vraiment dans le cadre des relations conflictuelles, normales en démocratie. Seulement, il faut quand même se dire, aujourd’hui, que les choses sont tellement sérieuses, que toutes les pratiques et logiques partisanes jusqu’au-boutistes, on doit les mettre de côté et trouver un minimum de consensus pour aller au dialogue politique. Je pense que, vraiment, on a dépassé le seuil des calculs politiques de bas étage. Aujourd’hui, les gens en ont assez. Il faut aller à l’essentiel : le dialogue politique. Et il faut que le président de la République le comprenne. Il ne s’agit pas de la survie de son parti ou de son régime, il s’agit tout simplement de la survie du Sénégal.
Ne pensez-vous pas que la Société civile est en faillite ? La Société civile n’est pas en faillite, elle fait ce qu’elle peut. Vous savez, la Société civile, elle est ce que l’Etat en fait. Vous avez des organisations, comme la Raddho, qui ont le statut consultatif à la Commission africaine des droits de l’Homme. La situation dans laquelle vivent certaines organisations ou la société civile, ça dépend de la société de manière globale, ça dépend de la manière dont les organisations sont considérées par l’Etat, par les institutions et par les Sénégalais. De mon point de vue, la plupart des organisations de la Société civile remplissent plus ou moins leur mission, en relation avec, bien entendu, les moyens. Maintenant, nous, nous n’avons aucun moyen de contrainte sur les acteurs politiques. Tout ce que nous faisons, c’est une saisine de l’opinion pour dire : « Il faut s’asseoir, il faut discuter ». Et quand nous avons une situation où nous sommes dans une fin de cycle, si les gens n’analysent pas et ne comprennent pas que nous sommes dans une fin de cycle et qu’il faut renégocier autre chose, il est évident que nous allons être dans une espèce de perturbation, et tout le monde va en subir les conséquences. Il est évident que, comme le disent certains psychologues, dans notre pays, nous avons besoin d’un bon « Ndëp ».
Quelles les raisons profondes qui font que la Raddho n’a pas observé les élections sénatoriales ? Elles n’avaient aucun enjeu. Quand les 65% des sénateurs sont nommés comme des gouverneurs, des préfets, des Directeurs nationaux par l’Exécutif, mais ça pose problème. Est-ce que le Sénat qu’on a fait partie de l’Exécutif ou du Législatif ? C’est quel pouvoir, le Sénat ? Mais ça, c’est un grand problème. Je me demande d’ailleurs comment la loi sur le Sénat a pu passer franchement, sans que le Conseil constitutionnel ne déclare cette loi inconstitutionnelle. Ce Sénat pose sérieusement des problèmes.
Est-ce à dire que c’est une institution de trop ? Il est évident que la manière dont on a institué ce Sénat, non seulement, c’est une institution de trop, mais, en réalité, on va essayer de recaser des politiciens qui n’ont pas pu être ministres, qui n’ont pas pu aller à l’Assemblée nationale, qui n’ont pu être nulle part ailleurs. Et ça, c’est un problème, et des charges supplémentaires totalement inutiles pour les populations et pour le Sénégal. Surtout dans le contexte de crise économique et sociale extrêmement aiguë dans laquelle nous sommes.
Pourtant, le président de ce Sénat va assurer l’intérim, en cas de vacance du poste de président de la République... Ecoutez, le problème du Sénat, il faut aujourd’hui essayer de le comparer un peu avec l’article 35. Nous l’avons dit, c’est-à-dire cette espèce de contrôle de la succession. Je pense que c’est légitime qu’un président de la République se soucie de sa succession. Il n’y a aucun président de la République responsable qui ne se soucie de sa succession. D’ailleurs, si vous ne le faites pas, ça aboutit à la situation de la Rdc, comme du temps de Mobutu, ou en Côte-d’ivoire, comme du temps de Houphouët-Boigny, quand vous vous laissez dans le flou artistique. Mais, il faut que cette situation se règle de façon démocratique. C’est extrêmement important qu’on laisse le peuple choisir, de la façon la plus démocratique, celui qui va présider aux destinées de ce peuple. Maintenant, je dis que si vous contrôlez totalement un Sénat, mais il est évident que, en réalité, vous vous donnez à la fois les moyens politiques et institutionnels de contrôler entièrement la succession. Et ça, cela pose encore des problèmes au plan démocratique.
Mais, qu’est-ce qui explique le fait qu’on ne vous ait pas entendu sur le débat de la succession du président Wade ? Est-ce que ce débat se pose réellement ?
C’est le président Wade qui a été le premier à poser ce débat... Bien entendu, c’est le deuxième mandat. Il a droit, en principe, avec la non-rétroactivité, à la possibilité de se représenter. Tout ça existe, mais aujourd’hui, compte tenu des contraintes biologiques qui sont réelles, qui sont là, c’est vrai, c’est lui-même qui a ouvert le débat sur sa succession, en écartant certains et en faisant l’éloge d’autres. Il est évident, même si ce n’était pas son intention, que les gens sont obligés d’interpréter, parce que dans le contexte politique, il n’y a pas de sens perdu, il n’y a pas d’information perdue. Donc, tout est interprétable dans ce contexte-là. Maintenant, pour ne pas m’étendre là-dessus, à notre avis, c’est au peuple de choisir ses dirigeants, c’est au peuple de choisir ses leaders.
On prête également à Me Wade l’intention de vouloir se faire succéder par son fils ? Je pense que, si c’est effectivement vrai, je crois que ce serait un précédent extrêmement dangereux. Je renvoie tout simplement à des situations très concrètes : le Togo, où effectivement on a mis en pratique ce phénomène. Le coût pour la démocratie, le coût pour les institutions et le coût humain, a été extrêmement lourd au Togo. Un autre exemple, c’est la Rdc : Kabila-père, Kabila-fils. En Rdc, c’est un peu la politique de l’autruche, rien n’est réglé. Les soldats de Mobutu, ils sont au Congo Brazza, super-entraînés, c’est de très bons soldats, c’est les troupes de Memba. Memba, on sait comment il a quitté le pays, après un conflit assez meurtrier, à la suite d’élections. Je peux également vous donner un exemple concret : c’est les Tontons macoutes en Haïti. Je pense que cette question mérite même l’élaboration d’une norme pour tous les Sénégalais. Qu’ils disent tout simplement que le fils du président n’est pas candidat à la présidence de la République. Les gens pensent, effectivement, que ce n’est pas démocratique de dire que le fils du président ne doit pas être candidat ; mais si, c’est démocratique. C’est pour éviter l’installation d’une dynastie. On sait ce qui s’est passé en Inde, ce qui se passe au Canada, avec les problèmes dynastiques. Donc, il faut créer une norme pour le Sénégal, pour verrouiller, pour demain. Donc, pour les problèmes de dynastie, les problèmes de la restauration de la monarchie. Vous savez, en 1789, les Sénégalais sont venus présenter ce cahier de doléances. Donc, nous avons assisté nous-mêmes à la chute de la monarchie. Donc, il ne faut pas restaurer la monarchie. Maintenant, tout ça, ce sont des présomptions, ce sont des présomptions, des interprétations, car, à ma connaissance, je n’ai jamais entendu Karim Wade dire qu’il était candidat à la présidence de la République. C’est vrai, il y a un mouvement politique : la « Génération du concret ». Il a le droit d’avoir un mouvement politique, c’est tout à fait normal. Mais, nous disons que si c’est pour construire sa légitimité pour être candidat demain, pourquoi pas ? Parce que Bush, son papa a été président, mais il n’a pas succédé à son père, il s’est lui-même construit sa propre légitimité. A Karim de faire cela. Je pense que ça permettra aux Sénégalais d’être tranquilles, aux hommes politiques d’être tranquilles et à lui-même d’être tranquille.
Ne pensez-vous qu’il est temps que Karim Wade jette le masque s’il ambitionne vraiment de succéder à son père, surtout que sa « Génération du concret » est assimilée à une nébuleuse ? Moi, franchement, je ne les (ndlr : les animateurs de la Génération du concret) connais pas très bien. Tout ce que j’en sais, c’est ce que j’en lis dans la presse et ce que j’entends dans la presse parlée. Maintenant, ils ont les droits d’avoir une ambition politique, d’avoir un candidat ; s’ils ont un candidat autre que Karim Wade, je dis même pourquoi pas. Ça, c’est leur problème. On est en démocratie, il faut l’accepter. Le problème, c’est en fait d’éviter des expériences qui ont été malheureuses ailleurs et d’éviter effectivement la création d’une dynastie ou d’une monarchie au Sénégal. Je pense que le Sénégal, après tout son parcours démocratique, ne mérite pas cela. Qu’on en parle, je pense même que c’est déjà trop.
Après avoir accusé son ancien sherpa, Idrissa Seck, d’avoir détourné des sommes colossales, le président Wade s’apprête à le faire revenir au Pds. Que vous inspire un tel état de fait ? Partagez-vous l’avis de ceux qui estiment qu’il faut des préalables avant toute forme de retrouvailles entre ces deux hommes ? Vous savez, Wade est imprévisible, surtout dans le domaine de la politique politicienne. Quand vous regardez la configuration de son gouvernement ou de ses groupes de soutien, comme disait Dias, ça n’a rien à voir avec le Pds originel, de la même manière qu’il y a eu beaucoup de ses fils qui l’ont renié, et qui sont à ses côtés. Il me semble que c’est un peu la même logique. Que Wade le fasse, moi, ça ne m’étonne nullement. Il faut voir Wade avec Serigne Diop, la création du Pds/R, Wade avec Ousmane Ngom, la création du Parti libéral sénégalais. De la même manière, avec Rewmi, on a l’impression effectivement qu’au Pds, on a une idéologie tout à fait particulière. Maintenant, il ne faut pas non plus lui reprocher de réunir sa famille politique. Politiquement, il a les raisons de le faire. Maintenant, c’est aux autres familles politiques de se réunir, de s’entendre comme Wade le fait. On ne peut pas demander à Wade de ne pas créer les situations du maintien de son régime au pouvoir après lui. Senghor l’a fait, d’autres le feront.
Mais c’est la manière de s’y prendre qui lui est opposée Ce qu’on peut reprocher, c’est l’instrumentalisation de la Justice, les règlements de comptes politiques en utilisant la Justice comme levier. Jamais, on n’a été aussi loin dans l’instrumentalisation de la Justice pour des questions politiques. Ça, vraiment, il faut en finir. Après les élections présidentielles, le président dit : « Un tel, vous avez fait ça, je vais vous poursuivre ». Il cite Tanor, Moustapha Niasse, Dansokho et Idrissa Seck. Mais, écoutez, dans quelle République est-on ? Wade, c’est le chef de l’Exécutif. Ça, c’est le rôle, à la limite, du procureur de la République de dire : « Je poursuis ou je ne poursuis pas ». Et au lendemain des élections, on attendait un autre discours. Vous savez, moi, j’ai été aux élections au Mali et surtout lors des élections présidentielles, l’opposition a été très dure. Aussi dure dans son discours que l’opposition au Sénégal. Nous avons rencontré, en tant qu’observateurs, le président du Mali, ATT (ndlr : Amadou Toumani Touré). Il nous a dit : « Nous avons une expérience démocratique consensuelle. Je suis pour le dialogue et pour le renouvellement de cette expérience ». Au moment où le discours était le plus dur. Nous l’avons revu après les résultats. Et après les résultats, après avoir écouté l’opposition malienne, nous nous sommes dit qu’on va aller vers une espèce d’insurrection. J’ai toutes mes notes. Ensuite, on repart voir ATT. Que nous dit ATT : « Écoutez, je tiens à cette expérience ». Vous savez, nous avons pris des initiatives là-bas avec la Société civile malienne pour dire : « Écoutez, c’est le moment de faire alerte, de prendre toutes les voix fortes et de leur dire de faire en sorte que les gens dialoguent et qu’ils avancent. Faites-le vite ». Les gens l’ont fait. Si vous avez vu, l’opposition malienne n’a pas boycotté les élections législatives comme chez nous. Ils ont entendu les voix. Et vous avez suivi l’élection du président de l’Assemblée nationale au Mali, entre Mountaga Tall et Diokounda Traoré ? Suspense. Beaucoup de suspense. On discute. Une élection, franchement, à l’intérieur de l’Hémicycle. Même si c’est interne, même si c’est la coalition présidentielle, franchement, je dis chapeau. Mountaga qui sort, qui félicite son homologue et qui dit que l’élection est terminée, on continue à travailler ensemble. Quand j’ai regardé ça, j’ai dit : « Tiens, nous sommes en train d’être dépassés, ne serait-ce que par le comportement des hommes politiques ». C’est important.
Est-ce illustratif de notre recul démocratique ? Je dis que ça ne veut pas dire que le Sénégal est arriéré. Non. Le Sénégal a accumulé une expérience telle, contient de telles ressources humaines. Et par la qualité des hommes politiques qu’on a, au pouvoir comme dans l’opposition, je me dis que si on fait un saut qualitatif, ça peut être un saut véritablement qualitatif. Mais il faut que les gens soient modestes, c’est extrêmement important d’avoir cette humilité. Il y a un problème de stabilité politique qui se pose dans notre pays, depuis quelque temps. La crise s’aggrave, le secteur de l’éducation pose problème, les prix augmentent, les problèmes d’énergie, ceux de l’agriculture, etc. tout cela fait que nous avons besoin d’un minimum de consensus pour faire face aux difficultés à venir. Vous savez, Senghor a été élu en 1968 en février. Mais il a été totalement surpris par mai 1968, au point qu’il a failli démissionner. Ca veut dire que les changements qu’il peut y avoir, si effectivement le contexte économique est mauvais, sont tels qu’il vaut mieux anticiper que d’être surpris par les événements. Donc, anticiper c’est quoi ? C’est tout simplement s’asseoir, c’est discuter, identifier les difficultés qui nous sont communes, qui sont communes à l’ensemble des Sénégalais, leur trouver vraiment une solution commune. Il faut avoir une vision commune de la démarche, pour ces questions essentielles que sont les questions des institutions, surtout judiciaires. Parce que, vraiment dans ce pays, il faut le reconnaître, la justice est malade.
Vous siégez au niveau du Comité de surveillance de l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique. Pensez-vous que tout est transparent au sein de cette structure ? Je pense aujourd’hui que c’est aux responsables au plus haut niveau, Baldé, Karim, de faire les comptes, de faire un audit de manière à édifier quand même les Sénégalais sur la transparence de la gestion. Et également de mettre à l’aise l’ensemble des membres du Comité de surveillance. Qu’on puisse dire : écoutez tout est nickel. Mais aussi de se mettre à l’aise eux-mêmes et de crédibiliser leur mouvement politique, la « Génération du concret ». Je pense que tout l’avenir de la « Génération du concret » dépend de la transparence de cette gestion. Je crois qu’ils en ont pleinement conscience.
Il y a également le rapport du Syndicat des architectes du Sénégal qui décèle des dysfonctionnements dans les travaux de la Corniche. Et cela n’a pas plu aux membres de l’Anoci qui ont même menacé de porter plainte. Que pensez-vous de cela ? Nous, nous disons qu’on est en démocratie et quand il y a un projet de cette nature, avec tous les enjeux financiers et politiques qu’il comporte, il est évident que ça ne peut pas susciter une indifférence totale, surtout de la part de certains secteurs comme les architectes. Qu’ils examinent le chantier, qu’ils fassent un rapport, de mon point de vue, sur le principe même, c’est une très bonne chose. Qu’ils portent des critiques et si on estime effectivement que ces critiques sont pertinentes, je pense que tout ce qu’on peut faire, c’est en prendre acte et rectifier. Maintenant, s’il y a des déclarations qui sont fantaisistes ou sur lesquelles on n’est pas d’accord, mais on réplique. Je pense que c’est comme ça, par les discussions, par le débat démocratique que nous pouvons avancer. De mon point de vue, ce n’est pas le fait d’aller au tribunal ou de crier, je pense, qu’il faut traiter la question. Il faut la traiter avec beaucoup de sérénité, de lucidité et de compréhension.
L’Apix qui est passée société anonyme est considérée comme un gros scandale. Sur la question, nous n’avons pas entendu la Raddho. C’est-à-dire que vous pouvez ne pas avoir une lecture immédiate, une analyse immédiate. Quand même on a besoin de comprendre, d’avoir toutes les informations pour avoir une position qui soit une position objective. Mais nous sommes en train de faire les investigations.
Et quelle lecture faites-vous de l’« agencisation » des activités de l’Etat ? C’est sûr que ça affaiblit l’Etat, ça affaiblit l’administration centrale. Je pense que c’est un phénomène qui provient beaucoup plus du Canada que de la France. Parce que, de plus en plus, nous voyons les Africains importer certains outils de management du Canada. Maintenant, il est évident que du point de vue surtout des modes de financement, des modes de décaissement, des modes de gestion, il y a beaucoup de choses qui échappent à l’administration centrale. Le fait de créer des Directions nationales, cela peut être une bureaucratie très lourde. Les lourdeurs de la bureaucratie en Afrique, ce n’est pas une abstraction, c’est une véritable réalité. Je pense qu’il faut procéder au diagnostic de nos institutions, voir qu’est-ce qui fonctionne, qu’est-ce qui ne fonctionne pas, quel est le mal, quel est le traitement approprié qu’il faut appliquer. Je pense que cela permettrait d’avoir le minimum de consensus, au moins sur les institutions de la République de façon globale.
Après le Cncr, c’est Caritas qui tire la sonnette d’alarme en parlant de famine. Avez-vous les mêmes craintes que ces deux structures ? Bien sûr. Vous savez, quand vous êtes à Dakar déjà, avec le coût de la vie, je ne parle même pas des gens qui ne sont pas riches, mais aujourd’hui le cadre moyen, face à toutes les charges : eau, électricité, scolarité, téléphone, a du mal à faire vivre décemment sa famille. A fortiori dans les villages avec quand même cette campagne agricole qu’on peut qualifier de pas très bonne pour être tout à fait modéré. La campagne n’a pas été bonne, les paysans n’ont pas de secours, il y a eu beaucoup de problèmes. Et je pense que ça fait partie des talons d’Achille du gouvernement libéral, surtout que la gestion du secteur agricole est une gestion catastrophique. Si Caritas, qui est une organisation extrêmement sérieuse, appuie sur la sonnette d’alarme, c’est quelque chose qu’il faut prendre très au sérieux et trouver les moyens d’anticiper, de voler au secours de ces populations.
Fait singulier, les saisies de drogue en très grande quantité se multiplient, n’inquiètent-elles pas la Raddho et pourquoi en est-on arrivé à ce résultat ? Aujourd’hui, le Sénégal est en passe de devenir un pays de transit pour la drogue dure, je veux dire même le blanchiment. A un moment donné, c’était la Côte d’Ivoire avec le conflit, on se demande même s’il n’y a pas eu un déplacement de zone. On sait effectivement qu’au Nigeria et en Gambie, c’est développé, mais au Sénégal, le phénomène est devenu extrêmement inquiétant. Parce que la drogue enrichit très vite, c’est un milieu où la corruption est hyper développée. Les gens ont des moyens colossaux et il est évident que certains cadres et certaines élites politiques ont souvent besoin de moyens. Si les gens ne font pas attention et rectifient le tir, ça va gangrener la société. Moi, j’ai vécu les élections en Haïti, où la drogue permet de financer des partis politiques, de financer également des leaders politiques. Ça, c’est une société qui est à l’état de déliquescence du point de vue des valeurs, du point de vue économique et du point de vue politique. Si on ne fait pas attention, on va essayer de vivre la situation du sauve-qui-peut.
Est-ce que ce n’est pas son corollaire de blanchiment d’argent qui explique cette subite poussée de richesses dans le pays ? En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’on blanchit ici aujourd’hui et c’est clair. Quand vous considérez un pays qui n’a pas de pétrole, qui n’a pas d’argent qui tire le diable par la queue, vous regardez à côté le nombre de bâtiments que les gens construisent, le nombre de chantiers qu’il y a aujourd’hui au Sénégal, c’est tout à fait légitime que les gens s’interrogent. Même dans certains secteurs du sport (rires), il paraît qu’effectivement on blanchit, je ne veux rien dire. Il faut extrêmement faire attention, tout ça, c’est un peu les prémices de la déliquescence de l’Etat, de l’affaiblissement de l’Etat.
Comment expliquez-vous le fait que le Pacte républicain auquel vous teniez tant ait été un flop ?
Il y a eu beaucoup d’enjeux, beaucoup de manœuvres avec les élections présidentielles. Sur le contenu du Pacte, pratiquement, tous les acteurs étaient d’accord et y avaient travaillé. Tous, quand nous les avions réunis à Savana. Et les gens avaient des représentants dans le comité de suivi du Pacte républicain. Nous avons fait ensemble les marabouts, pour voir. Mais, en même temps, j’ai l’impression que les partis politiques ne voulaient également pas se laisser ligoter par ce Pacte, ni le pouvoir, ni d’ailleurs l’opposition. Pendant une certaine période, avant les élections, je pense que Wade a été ouvert au dialogue. Mais bon, les gens de son entourage, chaque fois qu’on s’était dit : « Tiens, bon maintenant, on peut espérer avoir le dialogue politique », ce sont des problèmes puérils qui tombent sur la tête de Jean-Paul Dias, ce sont des problèmes puérils qui tombent sur la tête de son fils. Il a dit que c’était un phénomène unique dans l’histoire politique du Sénégal. Mais, c’est vrai. C’est-à-dire comment peut-on faire des maladresses de cette nature dans ce pays ? Donc, je pense qu’il y a une responsabilité qui incombe au pouvoir d’avoir fait en sorte que le dialogue politique n’ait pas eu lieu. Mais, le résultat, il est là : parti-Etat, unique, dominant. Donc, ça nous renvoie aux années 60 et 70. Vous savez, après la malheureuse expérience du bicéphalisme, après ce qu’on appelle le coup d’Etat de 62, Senghor s’est taillé une Constitution impériale. Une véritable Constitution impériale où il était pratiquement un monarque républicain, où il avait pratiquement tous les pouvoirs. Et c’était une Constitution qui ressemblait beaucoup plus à la Constitution américaine, très présidentialiste, qu’à la Constitution française. Parce qu’il n’y avait pas de Premier ministre à l’époque. Et même que Senghor avait adopté les quatre ans renouvelables. Donc, il aurait dû partir depuis longtemps ; il est resté presque vingt ans. Et je pense que celui qui, parmi les hommes politiques, a la culture senghorienne la plus ancrée, parce qu’étant de la génération de Senghor, c’est Abdoulaye Wade. Abdoulaye Wade réincarne Senghor, alors que Senghor a préparé le dépérissement du Senghorisme petit à petit. Et Abdou Diouf a pratiquement achevé le dépérissement du Senghorisme, il faut lui en rendre gré. Et c’est ça qui nous a menés vers l’Alternance. Maintenant, vraiment, c’est le Senghorisme qui revient sous une autre forme, je dirais même avec beaucoup de grossièretés. Quand même, avec la finesse intellectuelle de Senghor, qui est bourré de culture, cela fait quand même qu’il y a une sacrée différence entre ce régime et celui-là.
Pourquoi le pouvoir vous en veut-il maintenant ? Est-ce que le pouvoir m’en veut ? Moi j’ai beaucoup réfléchi. Je me suis dit : « Nous, en réalité, on joue une espèce de rôle de baromètre. De baromètre, ici pour le Sénégal et également pour la plupart des pays en Afrique. On nous prend très au sérieux, au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine. On nous prend très au sérieux, au niveau de la Cedeao. Surtout sur les mécanismes de prévention des conflits, quand la Raddho sort un communiqué de presse, vraiment les gens suivent. Et souvent les gens réagissent. Donc, quand effectivement on dit qu’on va casser le baromètre, ça veut dire en réalité que les gens ont perdu quelque part de leur lucidité. La Raddho est une grande organisation, au plan africain. Je pense qu’il ne faut pas l’attaquer comme on l’attaque, surtout sur des bases qui ne sont pas très consistantes. Parce que, quand même, dans le domaine de la construction de la paix, nous avons beaucoup fait. Et je peux dire que, pour une fois, on a une reconnaissance de l’Etat qui nous demande même de jouer un rôle dans le domaine du désarmement. Ça, c’est dans les accords de paix. Donc, aujourd’hui, on vient nous faire des petits problèmes, au point même de susciter une conférence de presse où l’on nous attaque. Vous savez, tout ça nous fait marrer, parce que vraiment, ce n’est pas ça qui va nous ébranler. Ça je vous l’assure. Je pense qu’il faut vraiment manquer de lucidité pour dire que, nous, nous mettons le feu. Au contraire, nous passons tout notre temps à jouer les sapeurs-pompiers. Et je vous assure qu’à un moment donné, ça nous a porté préjudice.
Aussi, le président Wade vous reproche souvent d’être des politiciens encagoulés. Est-ce le cas ? Bon, vous savez, si je fais de la politique, je n’ai pas de raison de me cacher. J’ai fait de la politique, j’ai fait dans la clandestinité. Depuis que j’étais au lycée, j’ai participé aux débats dans les Mepai (ndlr : Mouvement des élèves et étudiants du Parti africain de l’indépendance). Même au Mepai, je n’étais pas quelqu’un de tout à fait soumis, je participais aux débats intellectuels, on me traitait de trotskiste et tout. C’est comme ça, j’ai été à la Ligue démocratique, là-bas aussi, je n’ai pas été quelqu’un de docile, j’ai toujours été un intellectuel, j’ai assumé mes responsabilités, j’ai été critique. Donc je suis sorti, je suis dans les Ong et je travaille sur les Ong. Et nous avons des termes de référence, ce sont des instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux, relatifs aux droits humains. Nous assumons, comme on dit, la surveillance de ces différents instruments et la mise en œuvre de ces instruments. Donc nous assumons aussi la promotion de ces instruments, c’est ça que nous faisons. Quand c’est violé, on dit que c’est violé. Maintenant, dans le domaine du dialogue politique, c’est beaucoup plus compliqué. Mais nous le faisons, dans le cadre de la construction de la paix, la prévention des conflits. Car cela fait aussi partie du travail des organisations pour les droits humains.
Le président Wade avait menacé de faire voter une loi pour plus de transparence dans la comptabilité des Ong. Est-ce à dire que les chantres de la bonne gouvernance que vous êtes ne sont pas orthodoxes dans la gestion ? Rires (…) Non, mais écoutez, quand vous faites de la gestion, le problème de fond, c’est d’être transparent. Savoir ce que vous avez dépensé et ne pas faire, comme on dit, de détournements de fonds (rires). C’est ça l’essentiel, et de se faire auditer. Et nous nous faisons auditer régulièrement, à la Raddho. Je vous dis encore une chose : si vous vous amusez en tant que Ong crédible à jouer avec l’argent des bailleurs, mais vous disparaissez. Si une Ong comme la Raddho est là depuis 1990 et continue à avoir la confiance des partenaires, ça veut dire effectivement qu’au plan de la gestion, on se débrouille. Je ne veux pas dire aussi qu’il n’y a pas de problème. Nous avons des problèmes parce que, de plus en plus, les gens accordent sur le plan institutionnel de moins en moins de financement. Les salaires et les charges ont de moins en moins de financement, surtout les charges locatives. Donc, à partir du moment où les gens vous donnent un ordinateur, que vous avez un programme et que le patron du programme est payé, on estime que c’est tout. Alors ça devient de plus en plus dur pour les organisations du Sud, et beaucoup commencent à disparaître.
Mais, d’aucuns disent que les Ong ne sont qu’un moyen facile de se faire de l’argent. En tout cas, ce n’est pas notre cas, personnellement. Parce que nous, depuis le mois de mars, nous n’avons pas de salaire. Moi, je n’ai pas de salaire à l’université, je me débrouille. Je n’ai pas de voiture. Pourtant, nous avons une compétence qu’on peut vendre au plan international très facilement. Je pense qu’il faut faire la part des choses, car il y a beaucoup d’Ong qui travaillent ici, qui sont tout le temps sur le terrain, qui produisent des résultats. Et les gens sont loin de rouler sur l’or, comme on le prétend.
L’APRES WADE VU PAR LE PR BATHILY
« Le tribut sera très lourd à payer »
dimanche 9 septembre 2007, par Nettali /
NETTALI - Le Professeur Abdoulaye Bathily, leader de la Ligue démocratique, mouvement pour le parti du travail (Ld-Mpt) estime que la dynamique dans laquelle les autorités de l’alternance sont engagées va à l’encontre des intérêts du Sénégal. Sur les ondes de Sud-Fm dans l’émission « Objections », il fustige ce qu’il assimile à une dilapidation des biens de notre pays et déclare que les sénégalais vont payer, un très lourd tribut des années Wade.
Bathily estime que la situation est grave « parce que ce qui paraît dans les journaux n’est rien par rapport à ce qui se dit en comité restreint entre investisseurs... ». En effet, déclare le leader de la Ld-Mpt, « aujourd’hui, nous sommes à un déficit budgétaire de près de 6%. Cela veut dire que nous sommes plus en mesure de financer un projet ». Selon Bathily, « le budget n’est qu’indicatif. On est revenu presque 15 ans en arrière du point de vue de l’histoire économique. C’est une régression ». Les caisses sont non seulement vides mais des dettes ont été « accumulées » alors qu’en 2000, « les fondements de l’économie étaient solides (…), les équilibres macro-économiques avaient été réalisés après des décennies d’ajustement très dures », dit-il.
Cette situation nouvelle se manifeste par « une rupture de financements de ses engagements. Les salaires ne suivent plus comme c’est le cas à l’Université de Dakar où les enseignants ont du mal à percevoir leurs salaires. Les vacataires, et d’autres secteurs aussi sont concernés. L’Etat fait des emprunts obligataires. Et cela ne suffit pas. Ils envisagent de vendre le patrimoine immobilier et foncier à vil prix. Ils envisagent de s’endetter à tout vents sur le marché financier ». Bathily qui se dit convaincu que « ce régime va finir bientôt » en évoquant « des indicateurs qui montrent que c’est terminé » pense dans le même sens que la situation est « tellement désastreuse » qu’ « il nous faudra un consensus fort pour surmonter ce qui va en résulter parce qu’il faudra faire des sacrifices ». Le chef de file de la Ld-Mpt, est d’avis que « le prix sera très lourd à payer ».
Analysant toujours l’économie sénégalaise, le Professeur Abdoulaye Bathily évoque la récente attribution de la troisième licence de téléphonie à Sudatel et les critiques qui ont accompagné cette opération. « Il n y a pas que Wireless, d’autres opérateurs se sont plaints et qui se sont même retirés parce que les conditions étaient troubles. Il y a certainement des dessous qui seront un jour révélés. »
« Notre pays est pointé du doigt comme étant le pays des dessous de table »
Bathily dénonce les options stratégiques du pouvoir qui n’a pas associé le secteur privé national dans l’attribution de la licence. « Il est paradoxal qu’on veuille développer le Sénégal et que parallèlement, on ne fasse rien pour développer le secteur privé national. Le secret de la révolution économique dans les pays d’Asie, ce n’est pas autre chose que l’implication effective des opérateurs économiques nationaux. C’est une obligation qu’ils se sont imposés. Vous ne pouvez pas aller investir en Chine, en Malaisie ou dans tous ces pays qu’on appelle les Tigres d’Asie, si vous n’impliquez pas les opérateurs économiques nationaux. On vous dit toujours que tel pourcentage doit être réservé en partenariat avec les nationaux quelque que soit le niveau d’investissement ». Selon le Jallarbiste en chef, « c’est comme cela qu’un pays se développe. Car c’est en créant des richesses, une classe moyenne dans le secteur des services etc. Malheureusement, ici on raisonne en terme de pourcentage à avoir sous la table et on ne pense pas aux intérêts nationaux ».
Le chef de file de la Ld estime que pour la troisième licence de téléphonie, « un gouvernement sérieux au service d’un pays qui a une vision stratégique de développement d’un pays comme le Sénégal devrait dire : « dans l’attribution par exemple de cette nouvelle licence, je vends 50%, l’Etat exerce sa souveraineté en gardant 10 ou 15% ». Et parce que « c’est un secteur extrêmement rentable, qui rapporte des bénéfices énormes », on aurait pu y associer les opérateurs privés nationaux au lieu de laisser tout cela à des étrangers. Car cela peut permettre aux opérateurs privés nationaux de « s’insérer dans le tissu économique mondial » et « c’est de l’emploi pour le pays ». Pour Bathily, « l’argument de la faiblesse de tient pas. On doit les renforcer car c’est à travers des opportunités comme cela qu’on augmente la surface financière des entrepreneurs locaux. C’est cela la globalisation. Aujourd’hui, l’Union européenne travaille pour les européens, les Etats-Unis pour les américains, les asiatiques pour eux. C’est ce que font tous les gouvernement du monde. Ce gouvernement n’est pas libéral. C’est un régime d’affairiste. Le libéralisme, c’est le développement du capital. Ce que le gouvernement est en train de faire, c’est de la cleptocratie », estime Bathily qui ajoute que « ces huit dernières années ont été des années de dépossession de la nation sénégalaise de tout qu’elle a comme biens dans le secteur productif, tout s’est effondré. L’agriculture, la pêche, le tourisme, le système sanitaire, l’école. Ce qui nous reste, ce sont les grandes entreprises nationales et on est train de les brander », regrette-t-il.
Qualifiant la gestion des marchés publics sénégalais d’ « affaire préoccupante » au moment où « notre pays est pointé du doigt comme étant le pays des dessous de table par excellence, Bathily explique que les vraies décisions, à l’image de l’octroi de la troisième licence de téléphonie à Sudatel, sont prises ailleurs. En effet, dit-il, « je l’ai dit il y a trois ans. Il n y a plus de gouvernement au Sénégal dans le sens où l’on entend ce terme. J’ai dit qu’il y a un comité qui, dans l’obscurité prend toutes les décisions. Le Premier ministre, les ministres, c’est juste pour amuser la galerie, faire des discours, prendre des salaires et aller à des cérémonies. Mais les vraies décisions sont aujourd’hui prises ailleurs ». Le chef de file de la Ldpmt en veut pour preuve l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique (Anoci). « Une agence qui est chargée de l’organisation d’une conférence a maintenant sa main dans toutes les affaires de l’Etat. Chaque fois qu’il y a des scandales financiers quelque part (Ics, Sonacos, Senelec etc), on dit que c’est tel responsable de l’Anoci qui a le dossier ou qui est en train de le régler. Et les gens ne se gênent même pas de le dire publiquement ». Conséquence, « lorsque vous allez à l’étranger, en Afrique et dans le monde dès que vos dites que vous sénégalais, les gens vous approchent pour vous demander : « mais qu’est ce qui se passe au Sénégal ? ». Bathily estime que la situation est grave « parce que ce qui paraît dans les journaux n’est rien par rapport à ce qui se dit en comité restreint entre investisseurs...
PAR DEMBA NDIAYE - SOURCE : africanglobalnews.com
« Refondation », « Génération du concret »… : Trêve de bavardages
jeudi 19 juillet 2007, par Nettali /
Au moment où l’hivernage s’installe, le monde paysan crie son désarroi et réclame la distribution urgente des semences. Et jusque dans les hameaux les plus reculés du pays, l’augmentation brutale et anarchique des produits de première nécessité plonge les « goorgoorlu » (le petit peuple) dans une grande inquiétude quant aux lendemains. Le monde enseignement est toujours plongé dans une zone de turbulences avec le mouvement d’humeur des correcteurs qui réclament leurs avances. Le football, sport roi, est en crise avec un championnat qui va à vau- l’eau. La Casamance est toujours une région d’insécurité avec son lot de trafics en tous genres, comme l’affaire des camions gambiens chargés de bois, qui a obscurci le ciel des relations entre nos deux pays…
Au lieu de s’attaquer à ces problèmes-là, on assiste au théâtre burlesque, indigne d’un pays qui se veut émergent avec des bavardages politiques de grand-places autour d’une guerre immonde de succession d’un homme qui vient d’être élu et qui, jusqu’à nouvel ordre (puisque dans nos pays le peuple n’a pas le droit de connaître l’état de santé de ses dirigeants), se porte encore bien au regard de ses nombreux voyages. Et ces bavardages politiques et cette guerre de succession et de positionnement, opposent paradoxalement différents camps au sein du parti libéral au pouvoir. Les vautours tournoient comme s’il y avait une dépouille à se partager.
Pourquoi nous installe-t-on dans une atmosphère de fin règne. Avec toutes ces grandes manœuvres qui se déroulent sous terre. Comme des vers de terre dans la carcasse vivante d’une bête blessée. On parle de « refonder » le Pds, d’ériger un « parti présidentiel » qui absorberait tous les partis de la mouvance présidentielle, sur fond de suspicions et de menaces d’ex -communication si les « souteneurs » du président et l’armée vacillante de la Cap 21 ne se mettent pas au garde-à-vous, la main levée haut ( salut d’Hitler) s’ils ne se fondent pas dans le moule qui se prépare.
A ces cris de singes affamés, on entend d’autres sirènes à la musique aigue, qui nous casse les oreilles avec un slogan que les parrains supposés ou ouvertement désignés comme tels, auraient pu se passer, tellement il est impropre, non signifiant et, d’une certaine manière, insultante et offensante pour d’autres sénégalais tous aussi concrets, capables, travailleurs, courageux et, eux, sont tellement concrets qu’ils n’ont pas eu besoin de finances publiques pour réussir. En travaillant « concrètement ».
Cette « génération du concret » dont le porte étendard serait, dit-on, Karim Wade, qui rêverait d’un destin présidentiel (du reste pourquoi pas ?) envisage de « noyauter » le pays et le parti de son père.
Peut-être le dit-il dans le secret à ses amis. Mais peut-être aussi, qu’on lui prête un peu trop de choses à ce garçon. Mais, jusqu’à présent, ni lui, ni son compère, Abdoulaye Baldé, n’a pipé mot publiquement.
Dans un tel contexte, les rumeurs enflent et bruissent de toutes parts. Elles poussent comme des herbes folles. Installant le Sénégal dans un climat de bavardages et de bouillages politiques qui empêche le pays de faire face aux vrais problèmes. La fameuse demande sociale, dont on nous dit que le président en fera l’axe central de son quinquennat. Ca commence mal.
Demba NDIAYE - A lire : africanglobalnews.com
Entre la rhétorique et le concret, les Sénégalais choisiront
Jamais, sans doute, dans l’histoire du Sénégal, une Génération de jeunes sénégalais nourrie au slogan et à l’esprit du concret n’a marqué à ce point notre pays en suscitant autant de débat et de passion au niveau de la presse, mais aussi en ouvrant des chantiers gigantesques sur le front intérieur du pays avec la même maestria qu’elle est en train d’ouvrir le Sénégal à d’autres investisseurs traditionnellement exclus de la ronde des bailleurs de fonds du Sénégal.
L’histoire du Sénégal retiendra dans quelques années que le Sénégal s’est sauvé en s’inspirant et en se nourrissant de ce concept du concret.
Adepte du réel, la Génération du concret s’est, en effet, attachée à montrer la voie à une caste politique jusque-là abonnée à la rhétorique et aux grands débats sans aucune ligne directrice tout en se plaçant aux avant-postes des combats et ainsi imposer une nouvelle conception de la citoyenneté.
Permettre à chaque Sénégalais d’être libre de se rendre où il veut, en toute sécurité, susciter et développer le besoin du Sénégal chez les étrangers, telle est la nouvelle mission historique de la «Génération du concret». Elle le fait dans le concret, en ouvrant des chantiers, en reconstruisant le Sénégal et en le transformant en pays émergent. Elle le fait à sa manière et à son style tout en élégance : de l’audace et du concret, encore de l’audace et du concret, toujours de l’audace et du concret.
C’est là une leçon à tous ceux qui s’imaginent pouvoir résister à tous les bouleversements du monde du haut de leurs certitudes subjectives, incapables de voir la réalité en face, englués dans une conception archaïque de la politique, obnubilés par les manipulations d’appareil. Ils se trompent d’époque et de peuple. Personne ne les suivra. Entre la rhétorique, la politique politicienne et le concret, les Sénégalais savent où se trouvent leurs intérêts.
Face aux prodigieux bouleversements des économies qui ont entraîné dans tous les grands pays des adaptions radicales, la «Génération du concret» ne s’est pas dérobée à son devoir. Notre pays qui a découvert, après le 19 mars 2000 qu’il était à la traîne dans de larges domaines, est en train de recoller à la marche du monde pour retrouver son rang. Il suffit de circuler dans Dakar pour comprendre que nous sommes là, témoins de grands moments de reconquête, surtout pour une génération de Sénégalais, la mienne, qui n’a jamais eu la chance de voir de façon palpable, d’aussi grands chantiers malgré tous les discours et la littérature servis jusque-là par les anciens tenants du pouvoir.
Il est donc normal que nous collions à ces aînés intermédiaires qui nous montrent la voie et nous donnent à voir l’exemple même de ce qu’il faut faire : construire tous ensemble avec des idées innovantes.
Construisons, là est notre avenir. Là est notre destin. Là est surtout notre chance de ne pas tomber en marge d’un monde qui, de toutes les façons, peut se construire sans nous. Refusons d’offrir la régression comme perspectives.
Nous avons aussi le droit d’être heureux dans notre pays, de circuler dans de grands boulevards, sous des tunnels, d’accueillir des hôtes de marques dans des complexes hôteliers conformes aux normes internationales. Nous avons aussi le droit de ne plus s’émerveiller devant d’autres aéroports, parce que nous avons l’aéroport Blaise Diagne. Nous avons le droit de s’ouvrir à d’autres investisseurs plus compréhensifs parce que plus humains, plus ouverts, parce que comprenant nos défis pour les avoir connus, il y a quelques années. C’est une chance historique à saisir.
Yatma DIAO - Directeur du Crédit municipal de Dakar - Délégué général du C.L.D. de Dakar –
Mohamadou MBODJI, coordonnateur du forum civil : ‘Il n’y a pas de lisibilité dans la conduite des affaires publiques depuis l’alternance’
Coordonnateur du Forum civil, Mouhamadou Mbodji a fait de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. Avec le franc parler qui le caractérise, il n’hésite pas à dire tout haut ce qu’il pense sur les questions de l’heure. Lorsque nous l’avons contacté, hier, il s’est prononcé sur la conduite des affaires publiques, notamment sur l’attribution de la troisième licence de téléphonie, la déclaration de politique générale du Premier ministre prévu lundi, et la cession des actions de l’Etat dans certaines entreprises à des privés étrangers.
La conviction de Mouhamadou Mbodji, coordonnateur du Forum Civil est que l’orthodoxie, en matière de politique économique, est foulée au pied par ceux-là qui sont chargés de l’exécuter. ‘Il n’y a plus de lisibilité dans la conduite des affaires publiques depuis l’alternance. C’est de l’improvisation’, a-t-il déploré, d’emblée. ‘Moi je vois que les politiques économiques et administratives continuent d’être guidées par l’opacité et le déficit d’information’, ajoute-t-il. Le coordonnateur du Forum civil en veut pour preuve, l’attribution récente de la troisième licence de téléphonie mobile à Sudatel pour 100 milliards de francs et qui continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive. ‘Dans l’attribution de la licence globale à Sudatel, on a un problème de principe. On se demande pourquoi l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) a fait un appel d’offres restreint, car il y a dans le monde assez de fournisseurs qui ont des compétences dans le domaine. C’est une démarche discriminatoire et exclusive. On voudrait savoir : est-ce que c’est un choix politique pour des raisons sécuritaires ou idéologiques ?’, s’interroge Mohamadou Mbodji. Pour le coordonnateur du Forum civil, l’Artp a l’obligation de donner les critères et les raisons qui l’ont amenée à faire un appel d’offres restreint. ‘Ce qui serait grave, c’est que les raisons soient exogènes à l’Agence de régulation des télécommunications et des postes’, dit-il. Constatant, au passage, que l’Artp, n’a mis en évidence que la dimension financière en laissant de côté le ‘soubassement technique’. Cependant, pour Mouhamadou Mbodji, cela relève d’une autre histoire. ‘On peut gesticuler sur les références techniques, mais cela, on ne s’en rendra compte qu’avec le temps’, concède M. Mbodji. En attendant, il est d’avis que, au regard des enjeux financiers énormes que l’Artp est appelé à arbitrer, il urge de réviser son statut. ‘Aujourd’hui, quand on fait de la régulation, on doit être très autonome. Cela, pour éviter les soupçons de manipulation de toute part’, fait-il remarquer. Or l’Artp, de par la loi qui organise son fonctionnement, est ‘dans le champ réglementaire du président de la République qui peut avoir un ascendant sur les gens qu’il nomme lui-même’ , selon Mouhamadou Mbodji. Ainsi il propose que l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) prenne leçon sur le Conseil national de l’audiovisuel (Cnra) ou sur la Commission électorale nationale autonome (Cena).
S’agissant de la cession par l’Etat du Sénégal d’une partie des actions qu’il détenait dans certaines entreprises comme la Sonatel ou la Société africaine de raffinage (Sar) à des étrangers, Mouhamadou Mbodji déplore, d’abord et avant tout, que l’Etat n’ait pas communiqué sur ce domaine depuis belle lurette. Avant de se demander les raisons qui motivent l’Etat à vouloir vendre subitement des actions qu’ils détenait au sein de la Sonatel (27 %) et de la Sar(57 %). ‘Est-ce qu’il y a une crise financière au sommet de l’Etat ? Ou bien l’Etat n’arrive-t-il plus à boucler son budget pour terminer les grands travaux financés sur ressources propres ? Il faut qu’on nous dise’, exige-t-il. ‘J’espère que Aguibou Soumaré, lors de sa déclaration de politique générale, ne va pas esquiver ces questions essentielles qui préoccupent les Sénégalais. La Déclaration de politique générale doit se focaliser sur pourquoi l’Etat est en train de vendre ses actions et où ira l’argent. Nous pensons qu’il faut répondre à toutes ses questions’, questionne-t-il. A ce propos toujours, Mouhamadou Mbodji n’est pas loin de penser que pour l’argent tiré de la vente de la troisième licence de télécommunication, ‘il faut une lois de finances rectificative pour le verser au trésor et affecter ses ressources à des programmes’.
Toujours à propos du désengagement probable de l’Etat de certaines entreprises, Mouhamadou Mbodji, au nom du Forum civil, plaide pour ‘une préférence nationale’. ‘Quand l’Etat se retire de certaines entreprises, on doit privilégier le secteur privé national. Malheureusement, le secteur privé est marginalisé depuis l’alternance’, constate le coordonnateur du Forum civil. Avant de marteler : ‘on ne peut développer le Sénégal en excluant les nationaux. Les stratégies d’attrait des investissements directs étrangers doivent intégrer la promotion des nationaux’.
Sur la question des voitures de fonction offertes aux ministres, le coordonnateur du Forum civil exprime son opposition. Parce que ‘les biens publics appartiennent à toute la nation et le président de la République n’est pas habilité par les textes à les céder’.
Mamadou SARR